La place de l’âge de la retraite en France et à l’étranger
L’âge de départ à la retraite est un paramètre essentiel du système de retraite. En effet, tout comme le taux de cotisation et le niveau relatif des pensions, il fait partie des trois leviers d’action permettant d’établir les réformes du système.
Ainsi, de nombreuses réformes ont impacté l’âge de départ à la retraite depuis la création du système de retraite.
Les différents âges de départ à la retraite
L’âge de départ à la retraite est souvent assimilé à l’âge à partir duquel l’individu devient un retraité. Cependant, notre système de retraite utilise plusieurs notions pour définir l’âge de départ à la retraite, ce qui peut vite porter à confusion.
L’âge effectif de départ à la retraite
L’âge effectif de départ à la retraite est défini comme l’âge auquel l’individu part réellement à la retraite. A partir de cet âge, on peut calculer l’âge moyen de départ à la retraite qui n’est rien d’autre que la moyenne algébrique des différents âges des individus entrant à la retraite. Cet indicateur a l’avantage d’être facilement disponible car il se base sur la population des nouveaux retraités de l’année observée. Il permet ainsi de mesurer assez rapidement l’impact des réformes sur le comport ement individuel de départ à la retraite. Cependant, du fait de sa définition, il est relié au poids de la population des nouveaux retraités à une année donnée.
On peut également mesurer l’âge de départ à la retraite par génération qui correspond à la moyenne algébrique des différents âges des individus entrant à la retraite mais appartenant, cette fois-ci, à la même génération. Cet indicateur est plus pertinent que le précédent car les individus nés pendant la même année évoluent dans le même contexte économique et sont impactés par les mêmes réformes. Il permet ainsi de rendre compte de l’influence d’une réforme sur le départ à la retraite par génération. Par contre, il présente l’inconvénient d’être calculé que pour les anciennes générations car il faut qu’une grande majorité d’individus de la génération soit partie à la retraite. Ce qui engendre un retard entre la mise en application de la réforme et le calcul de l’indicateur.
Pour limiter les inconvénients des deux précédents indicateurs, le Conseil d’orientation des retraites (COR) a créé un nouvel indicateur : l’âge conjoncturel de départ à la retraite. Cet indicateur est défini comme l’âge moyen de départ à la retraite d’une génération fictive dont la proportion de retraités à chaque âge serait identique à la génération correspondant à cet âge.
Dans le calcul de l’âge conjoncturel de départ à la retraite intervient le taux de retraités à chaque âge qui correspond au rapport entre le nombre d’individus d’une génération déjà à la retraite et le nombre d’individus de cette génération ayant validé au moins un trimestre de cotisation.
L’âge légal de départ à la retraite
Trois distinctions peuvent être faites à propos de l’âge légal de départ à la retraite.
L’âge légal minimal
L’âge légal minimal de départ à la retraite correspond à l’âge, fixé par la loi, autorisant les individus à liquider leurs droits de retraite. En prenant sa retraite à cet âge, l’individu n’est pas garanti de percevoir des pensions de retraite complètes. En effet, le montant des pensions dépend de la durée de cotisation de l’individu. Il doit ainsi avoir cotisé pendant un certain temps pour prétendre à une retraite à taux plein. Cependant, l’individu peut faire le choix de partir à la retraite sans avoir respecté la durée de cotisation ouvrant les droits d’accès à une retraite à taux plein. Il sera alors pénalisé par une réduction du montant de ses pensions. Il existe, tout de même, des cas particuliers dans lesquels l’individu peut obtenir une retraite à taux plein sans avoir atteint la durée de cotisation nécessaire (comme par exemple, les personnes ayant une incapacité permanente supérieure à 50 %).
L’âge de départ à la retraite d’office :
L’âge de départ à la retraite d’office correspond à l’âge à partir duquel un employeur peut mettre un salarié à la retraite d’office. Avant cet âge, l’employeur peut lancer une procédure de mise à la retraite d’office sous deux conditions : il faut que le salarié ait atteint l’âge légal d’obtention automatique d’une retraite à taux plein et qu’il donne son accord. En cas de refus, l’employeur pourra effectuer une nouvelle demande au salarié chaque année jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de départ à la retraite d’office.
Lorsque le salarié franchit cet âge, l’employeur n’a plus besoin de son accord. Il doit juste informer le salarié de sa décision par le biais d’un préavis. Toute irrégularité dans la procédure de mise à la retraite d’office transformera la fin du contrat de travail du salarié en licenciement.
Aujourd’hui, l’âge de départ à la retraite d’office est fixé à 70 ans.
Les réformes autour de l’âge de la retraite
De nombreuses réformes ont permis de transformer le système de retraite depuis sa création en 1945 à sa forme actuelle. On peut regrouper ses réformes en deux grands groupes, en fonction de leur objectif principal.
Les réformes jusqu’en 1982 : Vers une amélioration des droits des retraités
Avant 1982, les réformes du système de retraite sont principalement établies dans le but de faire progresser les droits des retraités. Ainsi, on assiste, entre autres choses, à l’élargissement de la protection vieillesse à tous les individus, la création des retraites complémentaires (comme l’AGIRC 1 en 1947, ou encore l’ARRCO 2 en 1961), l’instauration d’un minimum-vieillesse et une amélioration du calcul du montant des pension par le décret de 1972.
L’âge de départ à la retraite est impacté par diverses réformes dont les plus importantes sont :
La loi du 31 décembre 1971, énoncée par Robert Boulin , impose une évolution du taux de remplacement à 60 ans de 20 % à 25 % mais rallonge la durée de cotisation de 30 à 37,5 ans.
– La loi du 3 novembre 1975 supprime la durée minimale de cotisation donnant le droit au versement d’une pension.
– L’ordonnance du 26 mars 1982 permet de diminuer l’âge légal minimal de départ à la retraite de 65 ans à 60 ans.
Les réformes après la fin des années 80 : Des solutions apportées pour protéger la viabilité du système
A la fin des années 80, les perspectives sur la pérennité du système de retraite deviennent de plus en plus inquiétantes à cause des premiers effets du vieillissement de la population et la baisse de la population active soutenue par le chômage et l’entrée de plus en plus tardive des jeunes individus sur le marché du travail.
Ainsi, plusieurs réformes seront appliquées pour tenter un rééquilibrage du système. On peut alors observer la création de deux dispositifs d’épargne salariale (le PERP 1 pour l’épargne individuelle et le PERCO 2 pour l’épargne en entreprise), le rapprochement des régimes spéciaux du régime général.
L’âge de départ à la retraite est également concerné par plusieurs réformes :
– La loi du 22 juillet 1993, énoncée par Edouard Balladur , qui est plus connue pour avoir changé la méthode d’indexation des pensions, a aussi permis d’augmenter la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite au taux plein. Cette durée est ainsi passée de 37,5 ans à 40 ans.
– La réforme des retraites de 2010, mise en place par Eric Woerth, permet d’augmenter progressivement l’âge légal minimal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. L’âge légal qui garantit une retraite au taux plein passe, quant à lui, de 65 à 67 ans. Ces âges s’appliqueront aux individus nés à partir de 1955. La durée de cotisation est également rallongée à 41 ans.
– La loi du 21 décembre 2012 prévoit une accélération dans la mise en place totale de la réforme de 2010 : l’échéance a été avancée à 2017 au lieu de 2018.
– La réforme des retraites de 2014 prévoit plusieurs mesures sur la justice et l’équité devant le système de retraite mais surtout une augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite au taux plein à 43 ans pour les individus nés à partir de 1973.
L’âge de la retraite dans le monde
L’âge de la retraite dans le monde évolue en fonction de l’histoire de chaque pays et de son niveau de développement.
Ainsi, les questions sur la retraite ne sont pas traitées de la même manière dans les pays développés, dans les pays émergents et dans les pays les moins avancés.
Dans les pays développés
Les systèmes de retraites dans les pays développés rencontrent les mêmes problématiques que celui de la France. En effet, le vieillissement de la population et les effets de la crise économique de 2008 ont touché l’ensemble des pays développés mais à des niveaux différents.
Tout comme en France, les réformes, de ces 20 dernières années, ont été mises en œuvre dans le but de résoudre le problème de financement des systèmes de retraite, d’améliorer l’effet de la solidarité dans leurs fonctionnements, de favoriser des régimes complémentaires par capitalisation et de reculer progressivement l’âge de la retraite.
L’exemple des Etats-Unis
Aux Etats-Unis, le système de retraite a été créé en 1935 suite à la crise de 1929. Il s’agit d’un système par répartition dont le caractère redistributif est plus prononcé qu’en France. En effet, il favorise les personnes aux revenus modestes en leur offrant un taux de remplacement plus avantageux que les autres individus aux revenus plus élevés. Ainsi, ce taux de remplacement est de l’ordre de 90% pour les travailleurs ayant un salaire appartenant au quintile le plus bas dans la distribution salariale, alors qu’il est légèrement au-dessus des 20 % pour les individus dont le salaire appartient au quintile le plus élevé. Ce système est constitué d’un unique régime de base , où l e calcul des pensions reste assez proche de la méthode française. Il existe également des régimes complémentaires d’entreprise offrant un éventail assez représentatif des différentes professions. Cependant, les amér icains préfèrent plutôt utiliser l’épargne-retraite individuelle que ces régimes d’entreprise.
Une autre caractéristique est que le financement du système se base uniquement sur les cotisations prélevées sur les salaires, laissant les autres revenus à la disposition du financement des régimes complémentaires ou de l’épargne individuelle. Les cotisations sociales sont équitablement réparties entre l’employeur et le salarié, de l’ordre de 6 % par catégorie de cotisations.
Comme en France, les réformes du système de retraite américain ont eu pour but d’augmenter l’âge moyen effectif de départ à la retraite en soutenant la prolongation de l’activité et en limitant les dispositifs de départs anticipés. A noter que les dispositifs encourageant la poursuite de l’activité sont plutôt efficaces puisque le taux d’emploi des individus de 69 ans est de 40 %.
Aujourd’hui, l’âge légal minimal de départ à la retraite aux Etats-Unis est de 62 ans, qui est constant depuis le début des années 60. L’âge légal d’obtention automatique d’une retraite à taux plein est passé de 65 ans au début des années 60, à 67 ans depuis l’application de la loi de 1983.
Dans les pays émergents
Les systèmes de retraite, au sein des pays émergents, ne sont pas concernés par les mêmes problématiques relevées dans les pays développés. En effet, ayant commencé leur transition démographique à des vitesses différentes selon les pays, les pays émergents ont une population relativement jeune et ne sont donc pas encore touchés par le vieillissement de la population.
Pour ces pays, la question à propos de la retraite découle des conséquences de l’économie informelle. En effet, le développement de cette économie indirecte limite le niveau des revenus obtenus dans le cadre d’une économie formelle et réduit ainsi les sources de financement des systèmes de retraite. Par ailleurs, l’épargne-retraite est peu soutenue par les individus.
Depuis quelques années, les reformes des systèmes de retraite dans les pays émergents ont pour but de lutter contre la pauvreté des personnes âgées et d’assurer la viabilité des systèmes.
L’âge de la retraite, observé d’un point de vue macroéconomique
Le système actuel de retraite fait l’objet de nombreuses critiques. Les débats autour de ses diverses problématiques peuvent être regroupés en deux catégories : ceux provenant d’une approche macro-économique et ceux découlant d’une approche micro-économique.
Les principales préoccupations d’ordre macro-économique sont axées sur la croissance, l’emploi, le vieillissement de la population et le financement du système de retraite.
Retraite et croissance
Beaucoup d’auteurs reprochent au système de retraite actuel d’être dépendant de la croissance économique. En effet, dans le cas d’une croissance faible, le système actuel n’est pas efficace. Par ailleurs, il se montre beaucoup plus dur envers les retraités dans des contextes de bonne croissance. Certains auteurs ont ainsi recherché des alternatives au système de retraite tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Les modèles de croissance contribuent à l’analyse du système de retraite
Le système de retraite peut être étudié à partir d’un modèle de croissance. Ainsi, Hairault et al., en 2000, veulent trouver une relation entre l’âge de départ à la retraite et le système de retraite.
Pour ce faire, ils utilisent un modèle à générations imbriquées dont les pionniers sont Allais (1947), puis Samuelson (1958) et Diamond (1965). Ce modèle est souvent utilisé pour étudier les propriétés du système par répartition.
Nous allons tout d’abord commencer par modéliser le comportement de chacun des acteurs participant à notre économie modélisée.
Les ménages
On peut modéliser la population grâce à un modèle à générations imbriquées. Dans ce modèle, la vie de l’individu est déterminée par deux périodes : l’une nommée « jeunesse »,l’autre appelée « vieillesse ».
Un système de retraite dépendant de la croissance
Dès 1980, les réformes de retraite s’enchaînent afin de soutenir la viabilité du système.
La plus importante a été celle de 1993 car elle modifie la revalorisation des pensions de retraite.
En effet, à partir de 1993, les pensions ne sont plus indexées sur les salaires mais sur les prix.
Dans le cas d’une indexation par les prix, les pensions sont revalorisées par rapport à l’indice des prix à la consommation qui permet ainsi de tenir compte de l’inflation et de garantir le pouvoir d’achat des retraités. Par ailleurs, le salaire annuel moyen prend aussi en compte l’inflation en devenant une moyenne des 25 meilleurs salaires annuels revalorisés. Les salaires annuels revalorisés ne sont rien d’autre que les produits entre les salaires annuels et un coefficient déterminé en fonction de l’évolution des prix. Ces changements permettent de contenir l’évolution des pensions mais rendent plus dépendant le système à la croissance économique.
L’ensemble des projections du Conseil d’orientation des retraites (COR) appuie l’hypothèse de dépendance du système à la croissance. En fonction de la croissance économique à venir, des mécanismes d’ajustement seront à prévoir. En effet, en cas d’un taux de croissance favorable, le solde financier du système de retraite pourra probablement dégager un excédent qu’il faudra redistribuer entre les différents régimes. De même, lorsque le taux de croissance devient défavorable, les ressources du système restent stables alors que les pensions continuent d’augmenter. Ce qui conduira à un besoin de financement où des mécanismes d’ajustement seront nécessaires en vue d’un retour à l’équilibre.
Quelques solutions pour limiter la dépendance du système à la croissance
Dans leur étude, Blanchet, Bozio et Rabaté (2015) proposent trois alternatives
Le système en comptes notionnels
Au sein de ce système, les cotisations de retraite (salariés et employeurs) sont stockées sur un compte individuel attribué au salarié. Les cotisations y sont revalorisées en fonction de l’inflation mais aussi par un taux de rendement garanti par l’Etat équivalent au taux de croissance de la masse salariale. Le système en comptes notionnels resterait un système par répartition où les cotisations récoltées aujourd’hui servent à financer les pensions versées de nos jours. Quand vient le moment de la liquidation des droits de retraite, le capital ainsi constitué est transformé en rente grâce à un coefficient de conversion dépendant de l’espérance de vie de la génération de l’individu et de l’âge de départ à la retraite. Plus l’individu partira tard à la retraite, plus le coefficient sera élevé. En outre, plus l’espérance de vie de la génération de l’individu sera élevée, plus le coefficient sera faible. Dans ce système, les pensions sont revalorisées en fonction du taux de croissance de la masse salariale et par l’inflation. Ainsi, l’individu resterait soumis au même taux de rendement pendant sa vie active que pendant sa retraite.
On pourrait également faire le choix d’une revalorisation des pensions par les prix. Elle permettrait d’obtenir, lors du départ à la retraite, un meilleur taux de remplacement. Cependant, elle diminuerait le pouvoir d’achat des retraités partis plus tôt à la retraite en comparaison avec le pouvoir d’achat des retraités partis à la retraite plus récemment. De plus, les taux de croissance futurs de la masse salariale n’étant pas connus au moment du départ à la retraite, il faut les anticiper grâce à des mécanismes d’anticipation et de correction. La revalorisation des pensions par les prix impliquerait une anticipation à la baisse du taux de croissance de la masse salariale due à l’augmentation des pensions que cette revalorisation par les prix génère.
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Table des matières
Table d’abréviations
Introduction
Chapitre 1 : La place de l’âge de la retraite en France et à l’étranger
Section 1 : Les différents âges de départ à la retraite
A/ L’âge effectif de départ à la retraite
B/ L’âge légal de départ à la retraite
Section 2 : Les réformes autour de l’âge de la retraite
A/ Les réformes jusqu’en 1982 : Vers une amélioration des droits des retraités
B/ Les réformes après la fin des années 80 : Des solutions apportées pour protéger la viabilité
du système
Section 3 : L’âge de la retraite dans le monde
A/ Dans les pays développés
B/ Dans les pays émergents
C/ Dans les pays les moins avancés
Chapitre 2 : L’âge de la retraite, observé d’un point de vue macroéconomique
Section 1 : Retraite et croissance
A/ Les modèles de croissance contribuent à l’analyse du système de retraite
B/ Un système de retraite dépendant de la croissance
C/ Quelques solutions pour limiter la dépendance du système à la croissance
Section 2 : Retraite et emploi
A/ La situation de l’emploi des seniors avant 1993
B/ La situation de l’emploi des seniors après 1993
C/ Point sur l’emploi des seniors en Martinique
Section 3 : Retraite et vieillissement de la population
A/ Le contexte démographique
B/ Incidence du vieillissement sur le système de retraite
C/ Vers un vieillissement actif
Section 4 : Retraite et financement
A/ Le solde financier du système de retraite
B/ Les sources de financement
C/ Les dépenses du système de retraite
Chapitre : 3 : L’âge de la retraite, dans le cadre d’une approche microéconomique
Section 1 : Retraite et demande de travail
A/ Un volume de recherches plutôt faible du point de vue de la demande de travail
B/ Le comportement des entreprises
Section 2 : Retraite et choix individuels en univers certain
A/ Présentation du modèle
B/ Evolution du bien-être social dans le modèle
C/ Cas d’une économie où les salariés choisiraient leur âge optimal de départ à la retraite
Section 3 : Retraite et taxation implicite
A/ Etude comparative de J. Gruber et D. Wise (1998)
B/ Modèle de H. Cremer, J.-M. Lozachmeur et P. Pestieau (2004)
C/ Modèle de B. Sédillot (2000)
Conclusion
Bibliographie
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