Quelle intégration des adhérentes de province ?
Malgré cet échec des filiales de l‟AFJ en région, Renée David continua à chercher à ouvrir l‟association au niveau national. En novembre 1995, elle mit en place et présida une commission de liaison avec les adhérentes de province. Mais dès avril 1996, devant le peu de travail de cette commission, elle fut élargie aux relations avec les adhérentes de l‟étranger et alors présidée par Heleen Waalwijk. Les adhérentes de province furent en effet peu nombreuses, ne représentant que 4% en 1986 et n‟étant qu‟une quinzaine à rejoindre l‟AFJ entre mai 1990 et décembre 1999. Certaines d‟entre elles réussirent, malgré la distance, à être des membres très actives dans l‟association. C‟est le cas de Michèle Dussaut-Delorme, qui en 1995.
Autre exemple de forte implication d‟adhérentes de province : Sylvie Debras journaliste à Besançon. Signe de sa grande implication au sein de l‟AFJ, son nom est cité 21 fois dans les 40 bulletins suivant son adhésion en juin 1996. Elle rejoignit l‟AFJ alors qu‟elle venait de terminer son mémoire de DEA des sciences du langage intitulé « Presse écrite, la voix des femmes au chapitre. » Ses connaissances sur le sujet des femmes et des médias furent mises à contribution par l‟association qui lui permit de réaliser plusieurs interventions sur ce thème. Ainsi elle participa, entre autre, au quinzième anniversaire de l‟AFJ, le 9 et 10 octobre 1996, en intervenant lors d‟une table ronde sur l‟image des femmes dans les médias au côté d‟une autre adhérente, Monique Trancart. Elle réalisa également une intervention en novembre 1997 lors de la remise du Prix AFJ de la Presse sur le thème des médias vus par les femmes. En 1997, à la demande du service du Droit des Femmes, l‟AFJ présida un groupe de travail d‟associations sur les femmes et les médias. C‟est alors Sylvie Debras qui fut en charge de coordonner ce dossier ce qui lui permis, au nom de l‟AFJ, d‟effectuer plusieurs interventions sur ce thème par exemple lors d‟une réunion organisée par l‟UNESCO au Caire en décembre 1997 ou auprès du Service des droits des femmes. Sylvie Debras réalisa de nombreuses interventions sur le thème des femmes et des médias au nom de l‟AFJ et fut membre du jury du Prix AFJ de la publicité la moins sexiste en 1998.
En tant que spécialiste des questions travaillées par l‟association, elle fit partie des auteurs de l‟ouvrage publié par l‟AFJ en 2000, Dîtes-le avec des femmes : le sexisme ordinaire dans les médias. Son implication fut croissante et à partir de mars 1998, elle rentra au conseil d‟administration de l‟AFJ. Mais Sylvie Debras ne se contenta pas d‟apporter à l‟association ses connaissances universitaires, elle réussit à sortir l‟AFJ de Paris le temps d‟une rencontre entre adhérentes en organisant un week-end convivial dans le Jura en janvier 1999.
Sylvie Debras réitéra une délocalisation ponctuelle de l‟AFJ en mai 1999 en se proposant « de loger les adhérentes journalistes qui voudraient couvrir le procès des „„négligences médicales‟‟ jugées en correctionnelle à Besançon suite à un accouchement tragique. »Impossible de savoir dans quelles mesures cette invitation fut suivie car il n‟est fait aucun retour de cet évènement dans les bulletins suivants. Mais ces deux exemples d‟adhérentes de province très actives au sein de l‟AFJ, Michèle Dussaut-Delorme et Sylvie Debras, restent des exceptions. Dans la plupart des cas, les membres non parisiennes étaient beaucoup moins présentes au sein de l‟association. L‟adhésion depuis la province nécessitait de pouvoir se rendre régulièrement à Paris car l‟ensemble des réunions de l‟AFJ s‟y déroulaient. Avoir une situation géographique éloignée de la capitale rendait donc difficile toute implication. Ainsi suite à son déménagement en province en décembre 1995, Marie-Pierre Corvellec préféra démissionner de son poste de trésorière.
Les différentes initiatives en province
Si l‟AFJ ne réussit pas à créer de véritables antennes en province, elle étendit considérablement son champ d‟actions en intervenant en dehors de la capitale. Il ne s‟agissait pas d‟actions créées par l‟AFJ mais plutôt d‟invitations à des interventions lors de conférences ou de colloques. Une adhérente, souvent membre du bureau avec des responsabilités importantes au sein de l‟association, se rendait alors à l‟évènement auquel elle participait au nom de l‟AFJ.
Cette implication dans des activités ayant lieu en province démontre la motivation de l‟association à élargir son cadre d‟intervention. L‟AFJ était reconnue en tant qu‟experte de la place des femmes dans les médias. Le bulletin numéro 1, réalisé neuf mois après la création de l‟association, mentionnait déjà cette sollicitation : « Nous commençons à recevoir des demandes d‟interventions (carrefours, conférences, animations de groupe), pour des cycles „„Connaissance de la Presse‟‟ dans diverses associations. »Le bulletin numéro 125 reflète bien les différentes formes que pouvaient revêtir les interventions des afjistes en province.
Les journalistes étrangères adhérentes
L‟association comptait dans ses rangs des femmes journalistes étrangères. Elles furent quatorze à rejoindre l‟AFJ entre 1987 et 1999.
Ce tableau nous permet de dissocier deux périodes de fortes adhésions de femmes journalistes étrangères. La première correspond à l‟année 1987 et est le résultat d‟une politique d‟ouverture sur l‟extérieur menée par Florence Montreynaud. En domiciliant l‟association à la Maison de l‟Europe, elle inscrivit les questionnements et les engagements de l‟AFJ clairement dans une dimension internationale :
« L‟évolution des médias dans le monde nous concerne : constitution de multinationales multi-médias, technologies nouvelles, transformation des conditions de travail. Observatrices et actrices, nous nous demandons : qu‟est-ce qui change pour les journalistes ? Et pour les femmes ? »
À la fin de l‟année 1986, Florence Montreynaud modifia les statuts de l‟association pour autoriser l‟adhésion des journalistes européennes et ouvrit les rencontres mensuelles aux correspondantes des journaux étrangers. Une invitation fut alors envoyée à tous les membres de l‟Association de la presse étrangère qui furent poussés à adhérer à l‟AFJ afin « d‟élargir l‟association (et [ses] horizons), en envisageant des projets internationaux. »
La deuxième période de forte adhésion de journalistes étrangères correspond aux années 1995 et 1996 et est le résultat de plusieurs facteurs. Tout d‟abord cela peut s‟expliquer par la tenue de la quatrième Conférence Mondiale sur les femmes qui s‟était déroulée à Pékin en 1995 et à laquelle, comme nous allons le voir, l‟AFJ fut très active. De plus Virginie Barré (présidente de février 1995 à avril 1997) eut une politique tournée vers l‟international en mettant en place une commission relations internationales présidée par Monique Perrot-Lanaud et en encourageant l‟aide à l‟adhésion de journalistes étrangères : « Pour soutenir l‟adhésion d‟une femme journaliste réfugiée en France, envoyer un chèque de 100F à l‟ordre de l‟AFJ. »Le quinzième anniversaire de l‟AFJ, en 1996, fut l‟occasion de rencontrer les journalistes européennes via une table ronde et un atelier avec les membres du réseau des associations des femmes journalistes européennes :
« Cet atelier de travail […] a été très profitable. Nous avons pu comparer nos situations et statuts. Le constat a été fait que toutes les associations travaillaient à la fois sur l‟égalité professionnelle et sur l‟image des femmes dans les médias. Nous avons décidé de nous envoyer mutuellement des comptes rendus de nos actions et de nos expériences pour mieux se connaitre et surtout profiter des „„bonnes pratiques des unes et des autres‟‟. (Pour plus d‟infos contacter Monique Perrot-Lanaud ou Isabelle Fougère qui s‟occupent des relations internationales de l‟AFJ). »160 Mais bien sûr, comme pour les adhérentes de province, les adhérentes étrangères ne furent que peu impliquées au sein de l‟association et furent considérablement minoritaires.
Le bulletin, outil de compréhension de l’histoire de l’AFJ
Afin de réaliser cette étude sur l‟AFJ, nous avons utilisé comme source principale ses bulletins mensuels envoyés aux adhérentes. Ce chapitre s‟attache à comprendre le fonctionnement de cet outil de communication, avant de se focaliser sur ses rédactrices et de mettre en lumière sa fonction fédératrice auprès des adhérentes.
Fonctionnement des bulletins
L‟analyse du bulletin de l‟association requiert une première approche technique et sémantique. En effet, un arrêt sur les termes utilisés par l‟AFJ pour le désigner s‟impose : bulletin ou lettre, lettre interne ou lettre externe, quelles utilisations pour quelles distinctions ?
‘‘Bulletin’’ ou ‘‘lettre interne’’ ?
Quelles différences existe-t-il entre ces deux vocables, dont le signifié semble très proche, et que l‟on trouve tous deux apposés sur notre corpus de source ? Le premier élément de distinction semble purement diachronique puisque de 1982 à 1987 c‟est le terme „„bulletin‟‟ qui est inscrit sur les documents et que ce n‟est qu‟à partir de janvier 1987 que la dénomination „„lettre‟‟ apparait avec le document n°44.
Le deuxième élément de différenciation entre le bulletin et la lettre réside dans leur contenu. Avec l‟apparition du mot „„lettre‟‟, les informations ne concernant pas directement l‟association y occupent une place plus importante. Mais surtout la mise en page change puisque dans la lettre les articles portant sur l‟actualité sont séparés de ceux concernant la vie de l‟AFJ. Cette orchestration dichotomique du contenu prend toute son ampleur en février 1990, lorsque la lettre n°74 fut rédigée à quatre mains : Monique Perrot-Lanaud s‟occupa de la partie actualités internes tandis que Marie Dupuis rédigea les informations extérieures à l‟association. La rédaction d‟une même lettre par deux adhérentes eut lieu de manière régulière pendant deux années, de 1990 à 1992. A partir de mars 1992, la séparation du contenu interne du contenu externe de la lettre prend une toute autre mesure avec la production de deux documents distincts nommés „„lettre interne‟‟ et „„lettre externe‟‟. Les deux lettres portent le même numéro si bien que la première lettre externe de l‟AFJ fut numérotée 95.
Pour plus de clarté, au cours de notre recherche, nous emploierons le terme de „„bulletin‟‟ dans son sens générique englobant ainsi tous les documents du corpus. Lorsqu‟une distinction devra être soulignée, nous utiliserons alors la dénomination „„lettre interne‟‟ en opposition à celle de „„lettre externe‟‟.
La lettre externe
La lettre externe, dont le format variait de deux à quatre pages, était essentiellement constituée d‟une rubrique „„Agenda‟‟ ou „„Calendrier‟‟ (recensant toutes les manifestations, colloques, expositions à venir) ; d‟une rubrique „„Parutions‟‟ (catalogue des récentes publications en lien essentiellement avec le journalisme ou l‟histoire des femmes) ; et à partir de 1995 d‟une rubrique „„Médias‟‟ qui fut ajoutée afin de renforcer les informations concernant la profession.
L‟association eut quelques difficultés à inciter des adhérentes à rédiger la lettre externe comme le montre bien le nombre constant d‟articles figurant dans les lettres internes pour solliciter des rédactrices : « Pour les lettres internes et externes de novembre (à finir le 24 octobre) il nous faut trois volontaires : deux rédactrices et une expéditrice. Qui se propose ? »161, « Appel aux bonnes volontés. Nous cherchons des volontaires pour écrire les lettres externes (bouclage le 20 de chaque mois, documents fournis) et réaliser les envois (eh oui, encore !). »162
Les rédactrices de la lettre externe devaient récolter les informations à y inscrire auprès de la secrétaire générale ou de la présidente de l‟association. Par exemple pour la rubrique „„Parutions‟‟, il s‟agissait de rapporter les comptes rendus de livres rédigés par Florence Montreynaud, en tant que responsable du Prix Séverine. Les adhérentes pouvaient également communiquer à la rédactrice de la lettre externe des informations extérieures à l‟AFJ qu‟elles souhaitaient voir publiées.
Les rédactrices de la lettre externe se contentaient donc de retranscrire des informations qui leur étaient fournies par des membres aux plus grandes responsabilités. Cette hiérarchisation du travail laissait peu de place à la personnalisation. Toutefois, deux adhérentes réussirent à marquer l‟histoire des lettres externes de l‟AFJ. La première est Marie-Pierre Corvellec, rédactrice de la partie externe de la lettre de décembre 1990 à février 1992, date à laquelle elle reçut les honneurs de l‟association pour son travail : « L‟AG de l‟AFJ de janvier, à l‟unanimité, a adressé ses félicitations chaleureuses à Marie-Pierre Corvellec pour la qualité et la richesse d‟informations de sa contribution mensuelle : la partie „„extérieure‟‟ : les rubriques Nouvelles, Publications et Calendrier de la Lettre de l‟AFJ. »La deuxième est Sophie Sensier qui réalisa la lettre externe N°154 de septembre 1997. Si cette lettre connut un indéniable succès auprès de l‟AFJ ce ne fut pas pour son contenu mais pour sa mise en forme. En effet, Sophie Sensier refondit complètement la maquette de la lettre, qui jusqu‟à cette date restait très sommaire. Cela incita l‟association à la diffuser plus largement notamment aux partenaires de l‟AFJ. Le premier partenaire, mentionné dans les bulletins, à recevoir la partie externe de la lettre fut, en 1991, la revue Les cahiers du féminisme. La lettre externe était également envoyée aux médias avec lesquels l‟association était en relation, ainsi qu‟à titre justificatif, aux organismes qui y étaient mentionnés. À deux reprises, l‟adhésion à la lettre fut ouverte aux personnes civiles non-adhérentes. Ce fut le cas tout d‟abord en 1993, où cette proposition venait en réponse aux difficultés financières rencontrées par l‟association et, à partir de 1997, suite à la nouvelle maquette mise en place par Sophie Sensier.
La lettre interne
La première lettre interne fut rédigée en février 1982. À partir de cette date et jusqu‟en décembre 1999, 181 bulletins mensuels furent envoyés aux adhérentes. Mais notre corpus n‟en contient que 176, cinq bulletins étant absents des archives consultées.
L‟évaluation de la taille de la lettre interne de l‟association doit prendre en compte les changements survenus au cours de son existence. De février 1982 à janvier 1990, période pendant laquelle les bulletins, puis les lettres, furent rédigés par une seule rédactrice, les documents représentent environ trois pages. Lorsqu‟ensuite deux rédactrices officiaient, de février 1990 à février 1992, les lettres étaient en moyenne de quatre pages et demie ce qui s‟explique par le double travail de rédaction. Enfin, de mars 1992 à décembre 1999, le format moyen des lettres redevient proche de celui initial avec les informations externes en moins, soit deux pages et demie.
L‟adhérente responsable de la rédaction de la lettre interne se contentait d‟y reporter « les informations fournies par les responsables des différentes activités et les membres du bureau. »166 Celles-ci lui communiquaient alors leur rapport d‟activités. Les adhérentes qui le souhaitaient pouvaient également y faire inscrire des informations diverses. En tant que moyen pour l‟AFJ de tenir au courant ses adhérentes des activités et de la vie de l‟association, la lettre interne était très codifiée. Ainsi y figuraient systématiquement :
Les noms et coordonnées de la présidente, de la secrétaire, de la trésorière et de chaque responsable de commission
Le lieu, la date et l‟heure de la prochaine réunion mensuelle
Les prochains dîners-rencontres
Les informations relatives à chaque commission de travail
Dans le bulletin n°104 de février 1993, Geneviève Hesse, alors chargée de la rédaction de la lettre interne et cherchant à se faire relever de cette fonction pour quelques mois, estime le temps de travail nécessaire à sa rédaction à une demi journée par mois. Les adhérentes étant des journalistes confirmées cet exercice leur était habituel. Pourtant, tout comme pour la lettre externe, il fut difficile de trouver des rédactrices bénévoles motivées. Ce manque d‟enthousiasme peut s‟expliquer par les différentes situations professionnelles et personnelles des adhérentes qui ne trouvaient pas le temps nécessaire à ce travail. De plus, étant journalistes de métier, cette activité ressemblait peut-être de trop près à leurs travaux quotidiens.
La forme de la lettre interne évolua dans le temps et en fonction de ses rédactrices. Au style dactylographié aéré et formel des premières lettres de l‟AFJ, Florence Montreynaud insuffla un changement radical. Non seulement un passage de la machine à écrire à l‟ordinateur eut lieu, mais les bulletins devinrent aussi de réelles lettres. Le format journal avec ses titres d‟articles disparut et les informations furent placées les unes à la suite des autres avec un tiret pour chacune d‟elles. À partir des années 1995, la lettre interne prit la forme figée que l‟on retrouve jusqu‟en 1999 : une marge apparut à gauche de la première page contenant des informations pratiques (liste des membres du bureau, du CA, des commissions, dates des prochaines réunions et rencontres), des titres furent donnés à chaque article ce qui confère à la lettre interne une allure de journal.
Diffusion des bulletins
Chaque lettre interne et externe devait être validée par la présidente de l‟association pour pouvoir être distribuée. Elle était ensuite remise, avant le 20 du mois, à l‟adhérente chargée de la diffusion des lettres ainsi qu‟à l‟adhérente chargée de l‟envoi des lettres internes aux postulantes de l‟AFJ. Les expéditrices étaient chargées de la photocopie et de la mise sous plis des lettres. La présidente de l‟association leur faisait parvenir la liste des personnes à qui envoyer les bulletins. Les adhérentes responsables de l‟expédition avançaient tous les frais liés à l‟envoi des lettres : photocopies, achats des timbres et des enveloppes. Elles établissaient des notes de frais pour être ensuite remboursées par la trésorière de l‟AFJ. Des consignes étaient passées pour limiter les frais. Le bilan comptable des frais d‟envoi des bulletins de l‟année 1997 est disponible dans le dossier 7AF. En voici une retranscription.
En 1997, l‟association a donc dépensé 9 333,49 F pour la diffusion de onze bulletins (puisqu‟un seul fut réalisé pour la période juillet-août). Nous pouvons tirer plusieurs analyses de ce tableau. Tout d‟abord si la moyenne du coût de diffusion d‟un bulletin revenait à 848 F, le mois de septembre ne souffrit d‟aucune dépense. Nous n‟avons aucune explication concernant la gratuité de ce mois. Il est juste signalé sous le tableau que « septembre n‟a rien coûté, ce qui est exceptionnel ». Est-ce le fruit d‟une subvention, d‟un accord avec un partenaire, ou d‟une adhérente qui a su profiter de matériels à sa disposition ? Cette dernière possibilité peut aussi justifier la gratuité des photocopies en mai et pour l‟été et celle des enveloppes pour le mois de décembre. Ce bilan comptable de la lettre mensuelle nous permet d‟estimer le nombre moyen d‟envois de lettres par mois. Pour cela nous utiliserons l‟indice des dépenses pour les timbres, plus fiable que celui des photocopies (car trop fluctuant d‟un point de vente à l‟autre) et que celui des enveloppes (car l‟association achètait parfois des enveloppes en grosse quantité). Dans le mode d‟emploi de 1997 portant sur l‟envoi des lettres, il est notifié que les adhérentes devaient affranchir les lettres au tarif écopli soit 2,40 F pour moins de 20g soit trois pages recto-verso. En se basant sur ce tarif nous pouvons estimer les quantités de bulletin envoyés en 1997. Après calcul sur l‟année entière, la moyenne annuelle d‟envois par mois en 1997 fut de 210. En sachant que cette année là, le nombre d‟adhérentes s‟élevait à 105 journalistes, cela signifie que l‟AFJ envoyait en moyenne autant de lettres à ses adhérentes qu‟à ses partenaires. L‟association entretenait donc beaucoup de liens à l‟extérieur ce qui s‟explique directement par les objectifs mêmes de sa création qui étaient de réagir face à des problèmes de société concernant la place et l‟image des femmes dans les médias. Le mois de mai est celui qui compte les dépenses en timbres les plus faibles, 405,10 F, soit 168 lettres envoyées. L‟envoi le plus important eut lieu au mois de mars avec 243 lettres diffusées. Cela peut s‟expliquer par les préparatifs liés à la journée de la femme, événement qui constitue une saisonnalité forte pour les mouvements féministes. L‟AFJ, à cette occasion, participa et organisa diverses manifestations, d‟où une volonté de communication plus forte à cette période.
Les rédactrices du bulletin
Une analyse du contenu d‟un document ne peut se faire sans porter un intérêt particulier à son auteur. L‟étude des bulletins de l‟AFJ ne fait pas exception à cette règle car ses rédactrices influencèrent, plus ou moins considérablement, son contenu : style littéraire, type d‟informations, prolixité… Et ce d‟autant plus lorsque celles-ci occupaient des fonctions importantes au sein de l‟association qui leur permettaient de s‟approprier davantage le contenu du bulletin.
Approche des rédactrices dans leur ensemble
Seulement 16 des 176 bulletins du corpus ne font pas mention du nom de leur rédactrice. Il s‟agit notamment des premiers documents relatifs aux années 1982, 1983 et 1984. Les chiffres des analyses qui vont suivre concernent donc uniquement les 160 documents dont l‟auteure est connue. Les difficultés de l‟association à motiver des adhérentes pour la rédaction de la lettre interne, ont eu pour conséquences de monopoliser cette activité entre les mains de quelques personnes. Entre 1985 et décembre 1999, vingt-quatre membres se répartirent la rédaction des 160 lettres. La moitié, soit 80 bulletins, fut rédigée par seulement trois rédactrices : Florence Montreynaud, Monique Perrot-Lanaud et Virginie Barré. Si on ajoute Natacha Henry, Françoise Gailliard, Anne Bauer et Isabelle Fougère, à elles sept, elles confectionnèrent 120 lettres, soit 75 % du corpus. Les 25 % restant, 40 lettres, furent partagés entre dix-sept adhérentes.
Deux tendances diachroniques se détachent très nettement de ce graphique reprenant le nombre de rédactrices se partageant l‟élaboration des bulletins de 1985 à 1999. La première correspond aux débuts de l‟association, de 1985 à 1992. Les rédactrices y sont alors peu nombreuses. En effet Florence Montreynaud rédigea la totalité des lettres lorsqu‟elle fut présidente de janvier 1985 à décembre 1987, soit 35 bulletins. Les bulletins des années 1988 à 1992 furent quant à eux rédigés par au maximum trois rédactrices différentes, sauf en 1991 où l‟ensemble des bulletins fut le fruit du travail de Monique Perrot-Lanaud.
La deuxième période, de 1993 à 1999, est marquée par la volonté de partager les tâches de rédaction : « Comme cela a été expérimenté avec succès ces six derniers mois, après l‟installation de Geneviève [Hesse] à Berlin, la lettre interne sera rédigée par une adhérente différente tous les mois. […] Les volontaires pour les mois suivants sont priées de s‟adresser rapidement à Virginie Barré. »169 À partir de la mise en place de cette politique, chaque année, six rédactrices différentes se répartirent en moyenne la rédaction des lettres. Un planning fut alors mis en place pour que chaque membre de l‟AFJ puisse s‟inscrire pour le mois de son choix. Toutefois, cette répartition idéale des tâches est à nuancer puisque pour la période considérée, une rédactrice principale se détache largement chaque année. Ainsi la secrétaire de l‟association rédigea près de la moitié des bulletins des années 1993, 1994 et 1999 alors que la présidente de l‟AFJ fut largement majoritaire de 1995 à 1998. Ces derniers éléments nous montrent à quel point la fonction des rédactrices au sein de l‟association est un facteur d‟analyse important. En effet si 76 bulletins furent rédigés par les présidentes de l‟AFJ et 75 par d‟autres membres du bureau, seulement 9 le furent par des adhérentes sans fonction. Le détail des fonctions occupées par des rédactrices membres du bureau montre que les secrétaires de l‟association furent, après les présidentes, les plus régulièrement mises à contribution pour cette activité.
Variations du discours : l’empreinte personnelle des rédactrices
En s‟appuyant sur les principes de la sociolinguistique, nous partirons du postulat que « les productions langagières sont influencées par leurs conditions de production » et qu‟elles « émanent d‟acteurs déterminés, assumant des rôles particuliers, engagés dans une situation de communication particulière, ayant des caractéristiques certes singulières, mais aussi des caractéristiques plus générales, propres à un genre qu‟il s‟agit de définir. » Les normes de production des bulletins ayant fait l‟objet de la première partie de ce chapitre, nous nous focaliserons ici sur les variations du discours par le prisme de l‟implication de la rédactrice dans son texte. Pour cela nous analyserons l‟emploi des pronoms personnels sujets. En effet, si le „„nous‟‟ fédérateur semble avoir été la norme, certaines rédactrices utilisèrent d‟autres pronoms personnels sujet.
L‟utilisation du „„je‟‟ fut particulièrement importante chez les deux adhérentes ayant rédigé le plus de lettres : Florence Monreynaud (35 bulletins) et Monique Perrot-Lanaud (28 bulletins). L‟emploi de ce pronom par Florence Montreynaud est le prolongement de sa forte implication au sein de l‟AFJ. Elle s‟adresse donc directement aux membres de l‟AFJ : « Je vous enverrai le compte rendu du débat dès que possible ». L‟emploi du „„je‟‟ est contrebalancé par une utilisation abondante du „„nous‟‟ : « Nous avons étrenné le petit salon-bar […]. Nous avons envisagé de nous y retrouver régulièrement. Il faut que nous réfléchissions aujourd‟hui à l‟avenir de l‟AFJ, notre association. »
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Table des matières
Principaux acronymes
Introduction
PARTIE 1 – L’AFJ : une association féminine parisienne de journalistes
Chapitre 1 : La création de l‟AFJ : se construire et rassembler
Chapitre 2 : Les afjistes
Chapitre 3 : Le bulletin, outil de compréhension de l‟histoire de l‟AFJ
PARTIE 2 – L’AFJ : une association professionnelle féministe au sein d’un large réseau
Chapitre 4 : Quelles actions pour quels engagements ?
Chapitre 5 : Les sociabilités de l‟association
Chapitre 6 : L‟AFJ : une association féministe ? Quel féminisme ?
Conclusion
Index des encadrés
Index des tableaux
Index des graphiques
Table des illustrations
Table des annexes
Sources
Entretiens
Bibliographie
Table des matières
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