L’obligation est selon un auteur « le lien de droit entre deux personnes en vertu duquel l’une (le débiteur) doit quelque chose à l’autre (le créancier) » . Dans le patrimoine de chacun d’eux, il existe un aspect passif, la dette pesant sur premier, et un aspect actif, la créance dont le créancier est titulaire . Ce rapport juridique implique des effets de droit à l’égard du débiteur et du créancier de sorte que le créancier peut contraindre le débiteur à exécuter une prestation (traditionnellement de dare, de facere ou de non facere) ayant un caractère légal (obligation légale), judiciaire (obligation délictuelle) ou conventionnel (obligation contractuelle).
Le droit des procédures collectives applicable dans le système juridique français et dans le système juridique OHADA instaure une discipline collective qui modifie les conditions d’exécution de l’obligation du débiteur et par ricochet les conditions de recouvrement de la créance du créancier. Ces modifications concernent notamment l’existence de la créance, le montant de la somme due au créancier et le moment de son exécution.
Les deux premières hypothèses sont consacrées par la loi. D’abord, celle de l’inopposabilité de la créance non déclarée, alors que le créancier est définitivement forclos , ou non admise à la procédure, est consacrée en droit français par l’article L. 622-26 du code de commerce, et par l’article 83 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. Du fait de l’inopposabilité, la créance du créancier défaillant est ignorée de la procédure et donc du débiteur . La règle de la déchéance du terme, constante dans les contrats de prêt, est expressément évoquée dans le code de commerce aux articles L. 622 29 et L. 643-1 et à l’article 76 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. La déchéance du terme permet au créancier d’anticiper le recouvrement de sa créance . Le débiteur doit payer sa dette plutôt que prévu à condition d’avoir été mis en demeure par son créancier .
L’INTANGIBILITE DE L’OBLIGATION DE LA CAUTION IN BONIS
Traditionnellement le droit des procédures collectives observe une forme de neutralité dans la mise en œuvre des sûretés en général , et du cautionnement en particulier. Le législateur ne se prononçait pas jadis sur l’impact des mesures caractéristiques du droit des procédures collectives sur la caution. Cela revenait à admettre l’application des règles du droit commun du cautionnement dès la décision d’ouverture de la procédure. Autrement dit, le silence du législateur favorisait le respect de la volonté des parties au contrat de cautionnement. Ce qui se recommandait des dispositions de l’ancien article 1134 du code civil et de la finalité du cautionnement . L’exécution de la caution aux conditions contractuelles constitue un principe du droit des procédures collectives applicable en France et dans l’espace OHADA ainsi qu’on tentera de le démonter ici. L’obligation de paiement de la caution n’est pas en principe influencée par l’ouverture d’une procédure collective du débiteur. La caution exécute celle-ci telle que contractuellement convenue. Il en résulte une intangibilité de l’engagement de la caution.
Une nuance a été apportée par la loi de 1994 , et par l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif de 2015. Dans une philosophie incitative pour les procédures préventives , et dans une moindre mesure pour le traitement des difficultés de l’entreprise particulièrement en droit OHADA , l’intangibilité de l’obligation de la caution est absolue pour la caution personne morale et relative pour la caution personne physique. Peu importe la nature des mesures arrêtées pour le sauvetage de l’entreprise en difficulté, la caution doit honorer son engagement comme elle s’y est initialement engagée à l’égard du créancier. Ainsi, dans un plan de redressement judiciaire, l’obligation de la caution, personne physique ou personne morale, est maintenue nonobstant l’inopposabilité de la créance non déclarée au débiteur principal. L’obligation de la caution est ainsi liée, non pas au débiteur, mais à l’existence de la dette de ce dernier. Il en est de même en liquidation judiciaire. La forclusion ne s’oppose pas à la poursuite du garant. Le moment du paiement sera celui initialement prévu par les parties, dans les conditions de droit commun, il sera prépondérant au moment de l’ouverture de la procédure et ce malgré les nouveaux délais de paiement accordés au débiteur en difficulté ; le garant ne peut s’en prévaloir, sauf le délai résiduel de l’article L 622-28 pour les garants personnes physiques. L’exécution de l’obligation de la caution se fait dans les conditions initialement convenues entre les parties.
LE MAINTIEN DE L’OBLIGATION DE PAIEMENT DE LA CAUTION
En droit commun, le recouvrement d’une créance inexécutée ou partiellement exécutée implique qu’elle soit non prescrite, certaine, liquide et exigible . La créance réunissant tous ces caractères permet à son titulaire d’exercer les recours nécessaires à son paiement contre le débiteur principal ou ses garants. Ces conditions ne semblent pas être remises en cause dans le cadre des procédures collectives. En revanche, le créancier qui souhaite se faire payer doit remplir une condition supplémentaire caractéristique du droit des procédures collectives : la production ou la déclaration de la créance réclamée. Celle-ci consiste, pour le créancier ou pour « tout préposé ou mandataire de son choix » , dans un délai porté désormais à 60 jours en droit OHADA autant qu’en droit français, à saisir le représentant des créanciers ou le liquidateur pour leur signifier son intention de recouvrer sa créance naturellement dans le cadre de la procédure. L’intérêt d’une telle démarche réside dans la connaissance ou l’évaluation traditionnelle du passif total du débiteur en difficulté. Ce qui, comme le souligne un auteur, « revient à identifier ses véritables créanciers » .
La doctrine présente généralement cette procédure comme une demande en justice, désormais comme un acte conservatoire depuis la réforme de 2014. Son défaut emporte une sanction qui a évolué au fil des législations aussi bien en droit français qu’en droit OHADA. En effet, le défaut de déclaration qui peut résulter essentiellement soit, d’une absence de déclaration, d’une déclaration tardive c’est-à-dire au-delà du délai requis à cet effet, soit d’une décision de non relevé de forclusion , était jadis sanctionné, en droit français, puis en droit OHADA, par l’extinction de la créance non déclarée ou non produite. Autrement dit, le créancier forclos ou négligent perdait sa créance. Cette sanction, récemment encore pratiquée en droit OHADA, a été supprimée par le législateur français lors de la réforme de 2005 .
Désormais, la sanction-extinction a laissé place à la sanction de l’inopposabilité de la créance non déclarée, dont le seul véritable gagnant est le créancier forclos. Celui-ci ne perd plus sa créance non déclarée, simplement il ne peut plus exercer son droit de poursuite à l’encontre du débiteur principal pour le contraindre à lui payer sa créance durant la procédure. La sanction de l’inopposabilité qui s’est substituée à la sanction extinction en droit français depuis 2005 et en droit OHADA dix années plus tard ne fait pas disparaître la créance, elle fait perdre au créancier défaillant le droit de participer aux répartitions et aux dividendes . A travers cette nouvelle sanction, le législateur approuvait la doctrine majoritaire qui avait relevé le caractère sévère et inapproprié de la sanction-extinction . Elle suggère la possibilité pour le créancier de jouir ultérieurement ou dans d’autres conditions de son droit de créance. Il en est ainsi lorsqu’il dispose d’une garantie en générale et d’un cautionnement en particulier.
Pour les législateurs français et OHADA, la caution, qui a garanti la créance du créancier forclos avant l’ouverture de la procédure collective ne peut ni se libérer de son obligation comme jadis, ni refuser de payer le créancier forclos sous prétexte que celui-ci ne peut se prévaloir de sa créance auprès du débiteur lui-même. La caution doit payer le créancier forclos, comme elle s’y était initialement engagée. La nouvelle sanction de l’inopposabilité n’influence pas, comme cela était le cas de l’ancienne sanction, l’existence et l’exécution de son obligation aussi bien en droit français qu’en droit OHADA depuis la réforme de l’AUPC du 10 septembre 2015. En d’autres termes, la créance non déclarée, et à défaut de relevé de forclusion, est opposable à la caution in bonis. Il s’agit du regain du paiement de la créance non déclarée . Ce paiement semble néanmoins limité dans les différentes phases de la procédure .
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE L’affirmation du principe d’exécution de l’obligation de la caution aux conditions conventionnelles
Titre 1. L’intangibilité de l’obligation de la caution in bonis
Chapitre 1. Le maintien de l’obligation de paiement de la caution
Chapitre 2. L’exécution ponctuelle de l’obligation de paiement
Titre 2. La volonté de soustraire la caution personne physique aux poursuites des créanciers
Chapitre 1. La neutralisation des poursuites contre la caution personne physique
Chapitre 2. La protection de certaines cautions durant l’exécution du plan ou du concordat
SECONDE PARTIE La portée du principe d’exécution de l’obligation de la caution
Titre1. L’autonomie du montant de la dette à payer par la caution in bonis
Chapitre 1. Maintien du quantum de la dette cautionnée
Chapitre 2. La variation du montant de la dette à payer par la caution in bonis
Titre 2. Restriction du droit au remboursement de la caution solvens
Chapitre 1. La déliquescence du recours personnel de la caution solvens inhérent à la discipline collective
Chapitre 2. La préservation aléatoire de la créance de remboursement
CONCLUSION GENERALE