L’adoption d’enfants plus âgés
PROBLEMATIQUE
Chaque année un nombre important d’adoptions internationales est réalisé dans le monde dont plusieurs par des parents Canadiens et Québécois (Chicoine, Chicoine, Germain, 1998). Au Québec, une personne désirant réaliser une adoption internationale, peut le faire seule ou par l’intermédiaire d’un organisme agréé par le Secrétariat à l’Adoption Internationale (SAI) (SAI, 2011). Les adoptions internationales se font en majorité (95%) par l’entremise des neuf organismes accrédités par le Secrétariat à l’adoption internationale (SAI) et ce dans 22 pays différents, les autres (5%) sont soient réalisées par le biais d’agences privées (liens de parenté) ou tout simplement sans l’aide d’organismes agréés (SAI, 2011).
Le nombre annuel d’adoptions internationales réalisées par des Québécois a cependant diminué depuis quelques années, il passé de près de 1000 dans le milieu des années 90 à 339 en 2011. Ainsi, pour l’année 2000, le SAI a dénombré 697 adoptions d’enfants venant de 41 pays différents, alors qu’en 2008, ce nombre a chuté à 400 et à 339 en 2011. Cette baisse est due entre autres, à la fermeture de certains pays, et ce malgré la réouverture de certains autres, aux différentes exigences demandées par rapport aux adoptants et au suivi, etc. Toutefois, le- visage global de l’adoption internationale reste sensiblement le même en ce qui concerne les caractéristiques des enfants adoptés. La plupart d’entre eux viennent d’Asie (70,5 %), principalement de la Chine (32 %), 19,2 % viennent des Amériques, notamment de la Colombie et 5,6 % sont originaires d’Europe, principalement de l’Europe de l’Est (Ukraine, Kazakhstan). Pour sa part, l’Afrique représente 4,7 % des adoptions internationales (SAI, 2011). Une chose se fait toutefois sentir et devient de plus en plus importante malgré la diminution du nombre d’adoptions par années : l’âge grandissant des enfants adoptés. En 2004, la moyenne d’âge des enfants adoptés était de 22,8 mois, en 2008 elle est passée à 32,1 et à 38,0 mois en 2010 (SAI, 2011).
Sur l’ensemble des adoptions, plus du quart se feront tardivement, c’est-à-dire lorsque l’enfant aura plus de deux ans lors de son arrivée dans sa nouvelle famille. Pour 31,6 % des adoptions, les enfants auront plus de 24 mois et pour 21,5 %, ils auront plus de 36 mois (SAI, 2011). Le fait que le nombre d’adoption d’enfants de plus de deux ans représente près du tiers des adoptions réalisées au Québec laisse présager que les besoins des parents réalisant ce type d’adoption doivent, eux-aussi, subir des changements. L’adoption consiste en une nouvelle façon de construire la famille. Il s’agit d’un mode de filiation spécifique qui a pour but de créer des rapports juridiques entre l’adoptant et l’adopté qui sont les mêmes que ceux d’une filiation par le sang (Gore, 2001). L’adoption n’est pas une modalité de protection temporaire, mais plutôt l’assurance qu’on donne à un enfant d’avoir une famille permanente (Gore, 2001). Selon Ouellette (1996), l’adoption se traduit par un acte juridique qui établit entre l’adoptant et l’adopté des relations de droits analogues à celles qui résultent de la paternité ou de la maternité et de la filiation.
L’adoption d’enfants plus âgés
Que ce soit pour l’adoption internationale ou nationale, les préoccupations des chercheurs pour l’adoption d’enfants plus âgés sont assez récentes. Vers la fin des années 80, la première étude sur ce genre d’adoption a été réalisée au Québec (Vanier & Oxman- Martinez, 1989). Il s’agissait d’une étude portant sur l’adoption tardive d’enfants domiciliés au Québec et au Canada. Ainsi, très peu d’études portent sur l’adoption tardive internationale tant au Canada qu’à l’internationale (Ouellette & Méthot, 2000; Ozoux Teffaine, 1987; St-Antoine, 2001). L’une des problématiques rencontrées lorsqu’il s’agit de parler d’adoption tardive consiste tout d’abord à définir l’âge des enfants lors de l’adoption afin de pouvoir parler d’adoption tardive ou d’adoption d’enfants plus âgées («older children» dans la littérature anglaise).
En ce qui concerne l’âge, certains auteurs considèrent que l’adoption tardive a lieu lorsque l’enfant est adopté à 6 mois (Hoksbergen & al. 1987) tandis que d’autres estiment qu’il faut qu’il ait plus de 5 ans (Kadushin, 1970). Bien des auteurs s’entendent, toutefois, pour dire que trois ans est l’âge le plus déterminant pour parler d’adoption tardive (Ouellette & Belleau, 1999; Terre des Hommes, 1992; Maury, 1991). C’est surtout à cet âge que les risques sont les plus élevés d’avoir vécu des expériences négatives ou de nombreux placements ou des abus (Wattier & Frydman, 1985; Hoksbergen & al., 1987; Maugan & Pickles, 1990; Beal, 1993; Choulot & Brodier, 1993; Harper, 1994; Balland & al., 1995).
Étant donné que les auteurs ne s’entendent pas tous pour définir un âge précis pour parler d’adoption tardive, nous parlerons plutôt d’adoption d’enfants plus âgés. Tout d’abord, les enfants de l’adoption tardive font aussi partie de ce qu’on appelle aux États- Unis, les enfants ayant des besoins spéciaux (Groze, 1996; Oliver, 2000; Reilly, 2003). Parmi les enfants ayant des besoins spéciaux, se retrouvent ceux provenant de minorités raciales ou ethniques, des membres de la même fratrie et/ou les enfants ayant des problèmes d’ordre émotionnel, développemental, comportemental et/ou médical (Groze, 1996; Oliver, 2000). La définition correspondant le plus à ce que nous tentons de démontrer dans la présente étude est celle de Mullin & Johnson (1999, p. 590), affirment pour leur part que les enfants adoptés ayant des besoins spéciaux sont généralement considérés comme étant des enfants ayant vécu des abus physiques ou sexuels ou de la négligence sévère ou ayant des carences physiques ou émotionnelles. Ce sont des enfants âgés d’un an ou plus, ou des enfants membres d’une fratrie et placés dans la même famille adoptive.
Les acteurs de l’adoption d’enfants plus âgés
Lorsqu’une famille prend la décision d’adopter, dans la grande majorité des cas ce sera pour adopter un jeune bébé. Ainsi, la plupart des parents se prépareront à adopter un petit être nécessitant les besoins de base que sont d’être nourri, changé, cajolé, logé et être en sécurité. Toutefois, lorsqu’il est question d’adopter un enfant plus âgé, les besoins de cet enfant seront différents de ceux d’un bébé. Tout d’abord, ces enfants auront déjà un vécu, une personnalité, des goûts, un caractère bien à eux qui seront complètement différents des demandes d’un petit bébé (Maskew, 2001). Les parents seront alors confrontés à ces nouvelles réalités qui ne sont pas nécessairement celles auxquelles ils s’attendaient. Pour les parents, lorsqu’il est question d’adoption d’enfants plus âgés, cette décision n’est pas nécessairement leur premier choix et demande souvent une plus grande réflexion.
D’ailleurs, la plupart des auteurs s’entendent pour dire que ce type d’adoption n’est pas facile et demande plus d’accompagnement de la part des spécialistes (Jean & Dixon, 1995; Ouellette & Méthot, 2000; Morin, 2003; Chicoine, Germain & Lemieux, 2003; Lemieux, 2004). Bien que la décision d’adopter un enfant plus âgé puisse être prise dès le commencement des démarches d’adoption, certains ne la considéreront qu’après avoir d’abord songé à adopter un jeune bébé. Pour ceux qui ont pris la décision d’adopter un enfant plus âgé, deux motivations sont mentionnées par Ouellette et Méthot (2000), soit celle qui suppose que l’adoption d’un enfant plus âgé sera moins exigeante ou plus favorable pour la vie familiale, ou celle qui se rapporte aux bénéfices de l’enfant lui-même.
Chez ceux qui croient que l’adoption sera moins exigeantej se retrouvent les parents ayant déjà eu des enfants ou ayant déjà adopté un poupon et qui ne souhaitent pas retourner au temps des couches et des biberons. Il y a aussi les parents qui désirent avoir un enfant avec qui ils pourront avoir des interactions directes (activités, marches et autres). Certains autres adoptants ne considèrent pas avoir des conditions de travail assez souples pour être en mesure de s’occuper d’un nourrisson et/ou prendre un congé parental. D’autres parlent plus de la différence d’âge entre les enfants déjà présents dans la famille et l’enfant adoptif, alors que certains désirent que la différence d’âge avec l’enfant et eux-mêmes ne soit pas trop grande (Ouellette & Méthot, 2000). Pour ceux qui se rapportent aux bénéfices de l’enfant lui-même, les convictions sont quelque peu différentes. Par exemple, les parents qui ont déjà eu des enfants ont précédemment fait l’expérience de s’occuper d’un nourrisson et souhaitent donner une chance à un enfant plus vieux, « moins désirable » aux yeux des autres adoptants (Ouellette & Méthot, 2000).
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Table des matières
Remerciements
INTRODUCTION
PROBLÉMATIQUE
2.1 L’adoption d’enfants plus âgés
2.2 Les acteurs de l’adoption d’enfants plus âgés .
2.3 Le processus adoptif.
RECENSION DES ÉCRITS
3.1 L’adoption internationale en général ,
3.2 L’adoption d’enfants plus âgés
3.2.1 État de santé des enfants
3.3 Problèmes de comportement et de développement des enfants plus âgés
3.4 Institutionnalisation et abandon
3.4.1 Problèmes d’attachement
3.5 Les parents adoptant des enfants plus âgés
3.6 Pré-adoption : facteurs de risque et de protection
3.7 Motivations
3.8 Attentes parentales
3.9 Information et préparation à l’adoption
3.10 Besoins des parents lors de la post-adoption
3.11 Soutien familial et adaptation face au stress
3.12 Changements dans le système familial
3.13 Niveau de satisfaction parentale
3.14 Conclusion
3.15 Limites des études existantes
CADRE THÉORIQUE
4.1 La théorie du système familial
4.2 Le cycle de vie de la famille adoptive
4.3 Modèle du stress et du coping en adoption
4.3.1 L’évaluation primaire ou le stress perçu
4.3.2 L’évaluation secondaire ou le contrôle perçu
4.4 Modèle du stress et du coping des parents adoptifs
MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
5.1 But et objectifs de la présente étude
5.2 Type d’étude
5.3 Stratégie de collecte des données: l’entrevue de recherche
5.4 Population à l’étude et échantillon
5.4.1 Mode de recrutement et déroulement des entrevues
5.5 Caractéristiques des répondants
5.6 Instruments de collecte de données et thèmes d’entrevue
5.7 Analyse des résultats
5.7.1 Préparation du matériel
5.7.2 Préanalyse
5.7.3 Exploitation du matériel d’entrevues (codification)
5.7.4 Analyse et interprétation des résultats
5.8 Considérations éthiques
RÉSULTATS
6.1 Caractéristiques sociodémographiques des familles rencontrées et récits
6.1.1 Caractéristiques sociodémographiques des parents au moment de la collecte de données
6.1.2 La présence d’enfants biologiques ou adoptés lors des entrevues
6.1.3 Caractéristiques sociodémographiques des parents au moment de l’adoption de leur enfant plus âgé
6.1.4 Caractéristiques sociodémographiques et état de santé des enfants adoptés lors de la collecte de données
6.1.5 Caractéristiques sociodémographiques des enfants adoptés et perception de l’état de santé au moment de leur adoption
6.1.6 Récit d’adoption pour chaque famille
6.2 Période pré-adoption
6.2.1 Motivations à l’adoption internationale
6.2.2 Motivations pour adopter un enfant plus âgé
6.2.3 Attentes parentales
6.2.4 Préparation à l’adoption
6.2.5 Soutien social et réseau pré-adoption
6.3 Arrivée de l’enfant dans la famille (contexte de l’adoption)
6.3.1 Accueil de l’enfant et arrivée au Québec
6.3.2 Premiers événements marquants et défis
6.3.3 Réactions des parents face aux premiers défis et problèmes rencontrés
6.4 Écarts entre les attentes des parents face à l’adoption et la réalité vécue
6.5 Défis et surprises de l’adoption au cours des années
6.5.1 Défis au niveau des périodes de transition
6.5.2 Stratégies d’adaptation utilisées par les parents lorsque surviennent les défis
6.6 Facteurs facilitant ou non l’adoption : forces et outils des répondants
6.7 Souhaits et recommandations des familles
6.7.1 Des services adaptés
6.7.2 Une préparation plus complète et mieux adaptée
6.7.3 Plus d’informations et d’outils sur des problématiques spécifiques
6.7.4 La présence d’un réseau de soutien
6.7.5 Un suivi post-adoption même lorsque tout va bien
DISCUSSION
7.1 Prendre la décision d’adopter un enfant plus âgé : attentes face à l’adoption
7.1.1 Motivations et attentes des parents
7.1.2 Écarts perçus par les parents entre les attentes et la réalité, et préparation à l’adoption
7.2 Arrivée de l’enfant dans la famille : défis et difficultés vécus versus stratégies d’adaptation
7.2.1 Impacts des défis et difficultés des premiers mois sur l’adaptation des parents à leurs nouveaux rôles
7.2.2 Stratégies d’adaptation utilisées par les parents
7.2.3 Besoins des parents lors de l’arrivée de l’enfant
7.2.4 Impacts des défis et difficultés lors des périodes de transitions sur l’adaptation des parents à leurs rôles
7.3 Besoins des parents à plus long terme et satisfaction parentale
7.4 Forces et limites de l’étude
7.5 Implication pour les recherches futures
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE A : Fiches signalétiques
ANNEXE B : Guide d’entrevue
ANNEXE C : Renseignements relatifs à l’étude et formulaire de consentement
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