L’adolescence et le réseau social
L’adolescence comme période de transition et de développement de l’identité
L’adolescence fait partie des grandes étapes du développement chez l’humain. Les auteurs s’entendent généralement pour la situer entre 12 et 18 ans (Bee & Boyd, 2001; Cloutier & Drapeau, 2008). Elle se caractérise par des changements physiologiques, psychologiques, cognitifs et sociaux (Claes, 2003).
L’adolescence est une période de transition caractérisée par l’induction de transformations essentielles conduisant l’enfant vers la maturité, ce qui permet finalement tous les comportements essentiels de l’adulte. Ces transformations demandent une capacité d’adaptation aux changements qui sera également utile dans de nombreux autres contextes tout au long de la vie des individus (Claes, 2003; Koepke & Denissen, 2012). Selon Cloutier et Drapeau (2008), la plupart des adolescents, soit de 85% à 90%, disposent d’une capacité d’adaptation suffisante afin d’affronter adéquatement les transformations developpementales qu’impliquent cette étape de vie. Un petit nombre d’adolescents pourra toutefois vivre des difficultés majeures durant cette période et pourra, entre autre, s’engager dans des comportements socialement déviants ou adopter des comportements représentant des dangers physiques ou psychologiques (Cloutier, 1996) .
De plus, l’adolescence est une étape développementale d’importance particulière. Cela relève du fait que les individus développent, pendant cette période, leur identité propre (Gonet, 1992; Keperlman, Pittman, Saint-Eloi Cadely, Tuggle, Harrel-Levy, & Adler-Baeder, 2012; Meeus, van de Schoot, Keijers, & Branje, 2012). C’est à cette période qu’ils peuvent mettre une distance entre ce que leur famille leur a transmis, par exemple des valeurs et des opinions, pour élaborer une conception personnelle d’euxmêmes et de leur environnement (Sandhu, Singh, Tung, & Kundra, 2012).
Le réseau social de l’adolescent : les personnes impliquées, leurs rôles et leur importance
Le réseau social de l’adolescent se compose de plusieurs individus. Cependant, l’importance relative de chaque personne dans ce réseau, selon la perspective de l’adolescent, est variable. Les individus importants, ou les personnes significatives du réseau social, peuvent être quelqu’un de la famille ou de l’extérieur de la famille , quelqu’un du même âge ou d’un groupe d’âge différent, quelqu’un du même sexe ou du sexe opposé (Caldwell, 1997).
Selon les stades de développement, l’importance relative des personnes dites significatives tend à se modifier. Par exemple, la période de l’enfance est caractérisée par une très grande importance des membres de la famille immédiate (les parents) alors que l’adolescence est une période d’ouverture progressive vers l’extérieur de l’univers familial où les pairs prennent de plus en plus d’importance (Claes, 2003). Voici une description des principales personnes du réseau social de l’adolescent selon les études consultées dans le cadre de cet essai, soit les parents, les pairs et les adultes de confiance autre que les parents.
Les parents : relation de soutien et d’encadrement
Des changements majeurs ont lieu dans la relation parent-enfant pendant l’adolescence (Claes, 2003). Pour Delhaye, Kempenaers, Burton, Goossens, & Linkowski (2011), l’adolescent tente à ce moment de « redéfinir la relation qu’il entretient avec ses parents ». Cependant, les parents demeurent les adultes les plus importants durant cette période et conservent ainsi une influence certaine, notamment en ce qui concerne le choix des valeurs morales et la prise de décisions qui ont une portée à long terme (Ackard, Neumark-Sztainer, Story, & Perry, 2006; Cloutier & Drapeau, 2008). Les comportements académiques et sociaux sont aussi influencés par les parents (Masten, Juvonen, & Spatzier, 2009).
Par ailleurs, les pratiques parentales influencent la capacité d’adaptation des adolescents (Roche & Leventhal, 2009). En effet, les parents qui se décrivent comme «compétents» sont associés à un bon niveau d’adaptation chez les adolescents (Steca, Bassi, Vittoro Caprara, & Délie Fave, 2011). Les parents ont également un rôle protecteur en ce qui concerne les comportements à risque émis par leurs adolescents (Boyce Rodgers & McGuire, 2012), notamment en connaissant les activités de leurs adolescents mais également en se montrant chaleureux et ouverts à leur endroit (Desbiens, Bowen, & Allard, 2011; Molina et al.5 2012; Walther et al., 2012).
Dans le réseau social intrafamilial, les adolescents, garçons comme filles, rapportent généralement se sentir plus proches et plus à l’aise de se confier à leur mère qu’à leur père (Ackard, Neumark-Sztainer, Story, & Perry, 2006; Kelly et al., 2011). C’est aussi avec la mère qu’ils passent le plus de temps et qu’ils ont le plus de conflits (Claes, 2003). Dans le cas d’adolescentes, la proximité de la relation mère-adolescentes a un effet protecteur supplémentaire en ce qui concerne les comportements à risque (Kelly et al., 2011). Dans le cas d’adolescents, le support maternel préserve le sentiment de compétence sociale malgré des amitiés décrites par l’adolescent comme de « mauvaise qualité » (Rubin, Dwyer, Kim, Burgess, Booth-LaForce, & Rose-Krasnor, 2004). Par ailleurs, l’engagement paternel augmente dans les sociétés occidentales et le père est également un personne importante dans le développement de l’enfant (Dumont & Paquette, 2008). Le rôle du père diffère cependant de celui de la mère, la relation avec le père reposant davantage sur la stimulation, l’ouverture sur le monde, la socialisation, l’affirmation de soi (Paquette, 2004a), ainsi que sur le développement de l’autonomie (Allen, Porter, McFerland, McElhaney, & Marsh, 2007). De plus, le support paternel diminue le rejet et la victimisation par les pairs (Rubin et al., 2004). Paquette (2004b) ajoute qu’une relation père-enfant de bonne qualité favorise l’exploration et permet d’apprendre à l’enfant à avoir confiance en ses capacités. Dans le cas des garçons, pendant l’enfance et l’adolescence, le père aide spécialement à gérer l’agressivité d’une manière socialement acceptable en limitant les comportements agressifs envers autrui (Paquette, 2004b).
Par ailleurs, certains moyens de communication modernes aident à assurer un contact entre les adolescents et les parents (Ribak, 2009). Toujours selon ce dernier auteur, l’utilisation du téléphone cellulaire, par exemple, rend possible à la fois une certaine distance, mais également une proximité intergénérationnelle. Ceci permet à l’adolescent de développer son autonomie tout en permettant aux parents d’assurer une surveillance de leur adolescent.
Les pairs : beaucoup plus qu’une relation d’amitié
Selon Claes (2003), les adolescents accordent beaucoup d’importance aux relations d’amitié. Bien qu’elles débutent généralement par une certaine sélection, ce sont les affinités entre les personnes qui permettent la stabilité et la durée de l’amitié (Claes, 2003). La sélection des pairs se fait souvent en fonction d’expériences passées semblables (Mason, Mennis, & Schmidt, 2011) et ce sont les nouvelles expériences partagées qui renforcent ensuite le lien (Claes, 2003). La relation d’amitié est caractérisée par l’intimité, la réciprocité et la loyauté et a entre autre comme fonction de favoriser l’autonomie, la construction de l’identité et de permettre les contacts avec le sexe opposé (Claes, 2003). De plus, les amitiés que les adolescents jugent de bonne qualité favorisent le développement de l’estime de soi, de bonnes compétences sociales ainsi qu’un faible taux de problèmes psychopathologiques de type internalise (Rubin et al., 2004).
Les amitiés peuvent être des facteurs de protection contre la pratique d’activités à risque pouvant engendrer des comportements problématiques (Maxwell, 2002) mais peuvent également encourager l’initiation ou le maintien de comportements déviants (Prinstein, Brechwald, & Cohen, 2011). Plusieurs éléments modifient l’influence d’un ami sur un adolescent, dont l’appréciation des autres jeunes de cet ami (Allen, Chango, Szwedo, Schad, & Marston, 2012) et son sexe (Maxwell, 2002). Plus précisément, les filles sont généralement plus influençables face à leurs pairs masculins que les garçons face aux pairs féminins, notamment en ce qui concerne la consommation d’alcool (Kelly et al., 2011).
Le degré avec lequel se manifeste l’influence des pairs sur un adolescent n’est pas le seul élément social distinctif selon le sexe à l’adolescence. Alors que les adolescentes recherchent davantage la proximité et l’intimité (Buskirk-Cohen, 2008) et qu’elles le font plus tôt dans leur développement, les adolescents de leur côté cherchent des compagnons avec qui faire des activités selon des intérêts communs (Claes, 2003). Ainsi, les adolescents tendent à préférer des activités physiques et jouer en plus grands groupes bien qu’ils ont souvent moins d’amis proches que les adolescentes (Rose, 2007). Les filles ont souvent plus de relations d’amitié puisqu’elles sont plus habiles à créer et à maintenir ce type de relation (Rose, 2007). Ces distinctions sont généralement observées chez les adolescents et adolescentes sans égard aux situations adverses qu’ils peuvent avoir vécues.
Par ailleurs, les garçons comme les filles préfèrent les amis de même sexe, à l’adolescence mais aussi tout au long de la vie (Claes, 2003; Rose, 2007). Cette préférence pour les amis de même sexe demeure, et ce malgré la place grandissante accordée aux amis de sexe opposé (Claes, 2003).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Partiel : L’adolescent et le réseau social
L’adolescence comme période de transition et de développement de
l’identité
Le réseau social de l’adolescent : les personnes impliquées, leurs rôles
et leur importance
Les parents : relation de soutien et d’encadrement
Les pairs : beaucoup plus qu’une relation d’amitié
Les autres adultes de confiance : des modèles dans une relation
de soutien
Partie 2 : La maltraitance
Facteurs de risque de la maltraitance
Facteurs de protection contre la maltraitance
La dénonciation de la maltraitance
La maltraitance chez l’adolescent : caractéristiques spécifiques
La maltraitance et le stress post-traumatique
Partie 3 : La toxicomanie et la consommation abusive : une brève
définition
Facteurs favorisant la consommation de psychotropes
L’influence des pairs et la consommation de psychotropes
Facteurs protégeant de la consommation de psychotropes
Partie 4 : Impacts de la maltraitance physique et sexuelle sur l’abus de
substances psychotropes et le réseau social de l’adolescent : état
actuel de la question
Questions de recherche
Méthode
Participants et contexte de recrutement
Instruments de mesure utilisés
Informations générales concernant l’échantillon : le Questionnaire
sociodémographique
La mesure concernant l’importance relative des personnes de
l’environnement social : le Questionnaire de Perception de
l’Environnement des Personnes (PEP)
La mesure concernant la consommation de substances psychotropes :
laDEP-ADO
La mesure concernant la psychopathie et la détresse : le SCL-90-R …
Déroulement de la phase expérimentale
Méthodes d’analyse
Formation d’un groupe comparatif
Analyses statistiques
Résultats
Caractéristiques sociodémographiques des participants du groupe
expérimental avec problème de consommation
Caractéristiques sociodémographiques des individus des trois groupes
comparatifs
Groupe comparatif principal
Groupe sans consommation : score de consommation de 0 à la
DEP-ADO
Groupe à faible consommation : score de consommation de 1 à 6 à
laDEP-ADO
Groupe à consommation moyenne : score de consommation de 7 à
12 à la DEP-ADO
L’âge des adolescents dans les groupes comparatifs
Résultats concernant première question de recherche
Résultats pour le père
Résultats pour la mère
Résultats pour l’ami de même sexe
Résultats concernant la seconde question de recherche
Résultats concernant la troisième question de recherche
Discussion
Rappel des questions de recherche
Les adolescents en traitement d’abus de substances
L’investissement auprès du père
L’investissement auprès de la mère
L’investissement auprès des parents
L’investissement auprès des pairs : l’ami de même sexe
Les types de maltraitance
Impact de la violence sexuelle sur les relations avec les pairs
Classification des participants selon le type de maltraitance
rapportée
Le vécu de maltraitance chez les adolescents en traitement d’abus de
substances
L’ami de sexe opposé
Prévalence de maltraitance dans l’échantillon
Raisons pouvant expliquer ce haut taux de maltraitance dans le
présent essai
Brève synthèse générale
Forces et limites de l’essai
Aspects positifs
Principales limites
Moment de l’occurrence de la maltraitance
Autres informations pertinente sur les gestes de maltraitance
Recherches à venir
Conclusion
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