L’adolescence: une période vulnérable
Selon Gauthier (1994), l’ adolescence est l’ âge de l’imagination, de l’action et du désir d’indépendance, la consommation peut devenir un attrait particulièrement désirable. Quand on parle de consommation, il est question de l’extraordinaire marché que représente l’adolescence. L’ auteur donne l’exemple d’un sondage effectué en 1989 où il est indiqué que pour les 15-24 ans, le plaisir de consommer est si important que l’achat produit plus de plaisir que l’utilité du produit. Les adolescents constituent une clientèle facile et impressionnable. Selon Natenson (1998), on les exploite sans se préoccuper des répercussions dramatiques que cette consommation excessive aura sur eux. Les modes, qu’elles soient alimentaires, vestimentaires ou sportives pousseront inlassablement les jeunes à consommer s’ils ne veulent pas vivre la marginalisation. La publicité est le vecteur par excellence de cette surconsommation. Comme l’affirme Houssaye (1992), la publicité présente un modèle de valeurs qu’elle impose aux gens. Par conséquent, les objets ne sont plus produits pour répondre aux besoins des gens, mais pour correspondre à leurs désirs. «Les jeunes disposent donc désormais d’une culture commune prolifique : de la musique, des émissions de télévision ou de radio, des magazines, des jeux vidéo, des forums de discussion sur le Net, etc.» (Pasquier, 2005 : 27). Par ailleurs, le domaine des technologies d’informations et de communication (TIC) offre des informations pas toujours très crédibles et qui nécessitent une pensée critique.
Le jeune développe une pensée critique avisée pour ne pas céder à cette pression. La plupart des modèles privilégiés par les jeunes sont créés de toute pièce par une programmation, télévisée ou radiophonique, superficielle et artificielle ne durant que le temps de l’argent rapporté. Or, pour Leroux (2004), nos pulsions, nos désirs et nos images nous emprisonnent et si, comme adultes il est difficile de s’y soustraire, imaginons la difficulté pour un adolescent. Nous pouvons entrevoir que ces modèles proposés par le «star-système» n’ incitent pas les jeunes à prendre une distance critique face à eux. Comme le mentionne Grand’Maison (1999: 200): «Il faut dire que le star-system exalte médiatiquement certaines idoles qui prétendent transcender tout jugement quel qu’il soit, qu’il s’ agisse de valeurs à respecter, de bien ou de mal, de vrai ou de faux».
Le contexte familial des adolescents contemporains
Selon Bee et Boyd (2003), près des deux tiers des parents perçoivent l’adolescence comme l’une des étapes les plus difficiles dans leur rôle parental, autant pour la perte d’autorité que pour les inquiétudes devant les besoins de liberté et d’autonomie revendiqués par les adolescents. Ils estiment qu’ environ 5 à 10 % des familles nord-américaines étudiées subissent une détérioration catastrophique de la qualité de la relation parents-enfants au cours des premières années de l’adolescence. De même, une famille sur 5 est touchée par de sérieux problèmes d’ ordre très divers (Peeters, 2005). Pour Hone et Mercure (1996), la tâche d’élever des adolescents est sans doute plus compliquée que celle d’éduquer des plus jeunes. Néanmoins, de nombreux théoriciens croient que les conflits demeurent nécessaires et même, sains pour le développement normal des adolescents.
Ceux-ci apprennent à se découvrir en tant qu’individus tout en engageant un processus de séparation avec leurs parents. Cependant, d’après des recherches effectuées partout dans le monde, Bee et Boyd (2003) indiquent que les adolescents demeurant intimement attachés à leurs parents le resteront toute leur vie; c’est également toujours auprès de ces derniers qu’ils retrouveront affection et sécurité. En effet, malgré le manque d’autorité de plusieurs parents, ils demeurent, tout de même, la première référence. Les parents choisissent souvent de ne rien faire ou de ne rien dire. Le manque de repères chez les parents provoque un manque de repères chez les enfants. Pourtant, les jeunes souffrent plus d’insécurité que d’un manque de liberté. Pour Grand’Maison (1999 : 109) : «la permissivité totale est la pratique la plus susceptible de livrer l’enfant à une indifférenciation sans repères qui l’empêchera de se structurer. Combien de déprimes, de suicides d’ados sont aujourd’hui vécus dans un univers intérieur indifférencié». Un adolescent confus, perdu, sans repères ni sécurité devient une proie facile pour un système sans scrupules (petite pègre, exploiteurs, dealer, etc.).
L’école: un milieu de vie
Que représente l’école pour l’ adolescent? Le cursus scolaire est entièrement marqué par l’apprentissage social, il doit apprendre à composer avec l’autre ou les autres. Galland (1997) précise que les adolescents vivent un emploi du temps chargé et possèdent peu de temps disponible pour se consacrer à d’autres choses que les activités scolaires, parascolaires et familiales. Or, il est logique de penser que leur vie sociale se passe en majeure partie à l’ école. Sans l’école, les jeunes sont désœuvrés, trouvent le temps long et ont hâte de retrouver leurs activités régulières qui les encadrent et les sécurisent. L’école n’est pas pour la majorité un lieu de réclusion, elle représente plutôt un univers de rencontres et d’apprentissages. Une étude réalisée par Bouchard, St-Amand, Bouchard et Tondreau (1997) rapporte qu’un encadrement plus suivi par les parents entraîne chez l’adolescent une vision plus positive de l’école, un plus grand investissement, un meilleur rendement scolaire et un optimisme quant à l’ avenir professionnel. Si l’école n’ était pas obligatoire, ils y viendraient tout de même. Bien sûr, l’école offre une multitude de programmes estimés ou non par l’adolescent. Certains cours sont plus appréciés que d’autres, habituellement l’enseignement moral fait partie des favoris parce qu’il comporte un arrêt, un espace essentiel pour la réflexion et l’introspection.
La Réforme en enseignement moral
Dans le cadre de la Réforme scolaire, l’éducation en matière d’éthique et de religion connaît à l’heure actuelle un virage historique au Québec, par la mise en place d’un cours particulier à partir de l’automne 2008. En effet, les disciplines de l’ enseignement moral, de l’ enseignement religieux confessionnel et de l’éthique et culture religieuse sont regroupées dans le domaine nommé «développement personnel». D’après le MEQ (2004), les disciplines qui relèvent de ce domaine visent à permettre à l’élève d’accroître son estime de soi, de se responsabiliser face au développement de toutes les dimensions de son être, de se sensibiliser à un ensemble de valeurs de l’ ordre du vivre-ensemble telles que l’engagement, la solidarité, l’égale dignité des personnes, le respect de l’autre et de l’environnement et le développement des compétences qui l’aident à agir et à interagir de manière saine et efficace.
Il est devenu maintenant inapproprié de parler «du développement personnel»; à la lumière d’une nouvelle définition du sujet éthique. Il s’ avère plus approprié de parler du développement «de la personne». En effet, on ne touche pas seulement le développement de l’identité personnelle, mais également le développement du rapport avec la collectivité.
Un domaine qui vise le développement intégral de l’élève. La Réforme de l’éducation pour ses programmes d’enseignement religieux et de morale devrait répondre à cette nécessité pour les jeunes d’aujourd’hui de s’inscrire dans une démarche où la quête de sens, le mieux-être et le mieux-vivre ensemble sont recherchés. L’ancien programme proposait également cette démarche. Les cours d’enseignement moral, d’éthique et de culture religieuse viennent confirmer l’importance de considérer ce domaine comme étant celui du développement de la personne dans toutes ses dimensions. Ils ont, entre autres comme mission, de développer la pensée critique chez les adolescents afin de les doter d’une conscience personnelle et sociale en vue d’un mieux-être et d’un mieux-vivre.
D’ après le MEQ (2004), enseigner le sujet éthique n’est pas exclusif aux enseignants de ce programme. D’une manière ou d’une autre, tout enseignant contribue à l’enseignement du programme éthique. De plus, les approches d’éducation morale donnent aux enseignants des outils précieux pour l’atteinte des compétences transversales (qui sont d’ordre personnel et social, intellectuel, méthodologique, et de la communication personnelle et sociale). Toujours selon le MEQ, le programme d’enseignement moral entretient des liens nombreux et divers avec les autres disciplines.
Éthique et sens moral à l’école
Pourquoi parler de l’éthique et du sens moral à l’école? Tous les intervenants s’accordent sur un point, celui de la conscience sociale. Reboul (1994) parle d’une éducation à l’humanité qui fait l’apologie d’une approche réflexive sur soi-même et sur les autres, cette réflexion repose sur une éthique relationnelle qui est au cœur de l’expérience humaine. Ainsi tous les intervenants ont le souci d’éveiller l’élève à sa prise en charge et à son autonomie. Pour y parvenir, le dialogue éthique est une condition sine qua non à la réussite d’une démarche qui conduit à la prise de décision éthique selon Parent (2006). En effet, comme le fait remarquer De Koninck (2006 : 79): «Toute réflexion éthique doit prendre en compte la montée inéluctable du phénomène d’autodestruction chez les jeunes : la drogue, la violence, le décrochage scolaire etc., sont des réalités et l’école, au même titre que la famille et la société en général, doit viser à éduquer concrètement l’agir des jeunes».
Dans le contexte social actuel, le rôle principal de tout le personnel d’une école, consiste à enseigner l’attitude morale ainsi le jeune apprend à exercer graduellement sa pensée critique. En grande partie, les enseignants ont cette lourde responsabilité. Maintenant en quoi consistent les obligations et les responsabilités des enseignants.
La formation de la pensée critique à l’école
Former à la pensée critique demeure un préalable à toute action éducative. Former l’esprit de quelqu’un signifie développer ses aptitudes intellectuelles afin qu’il puisse défendre ses opinions et convaincre les autres de leur valeur (Paris et Bastarache, 1992).
C’est dans cette optique qu’occupe la pensée critique dans la formation de la personne. Une masse croissante d’informations présentes dans la société demande à être analysée et maîtrisée afin de permettre à l’individu d’exercer son sens du discernement. En effet, un traitement de l’information s’impose. La pensée critique occupe une place importante dans la vie adulte et doit prendre sa source à l’adolescence. Boisvert (1999) affirme que la formation de la pensée critique est essentielle afin de protéger les jeunes contre l’abus des images télévisées ainsi que les propagandes auxquelles ils seront exposés. Le concours de l’école apparaît nécessaire pour combler les lacunes observées chez les élèves sur le plan de la formation de leur pensée critique. Comme l’a dénoncé Sasseville (1999), quand on observe les sociétés dans lesquelles nous vivons et qu’on assiste à la disparition de parties entières de celles-ci (violence, meurtre, guerre, génocide, suicide, faillite, décrochage, séparation, pauvreté, etc.), il ne faudrait pas se surprendre du résultat de nos systèmes d’éducation. Les jeunes passent une grande période de leur vie à l’école. L’école demeure pour une bonne part responsable du développement de la pensée critique. L’un des objectifs principaux selon Guilbert et coll. (1999) demeure non seulement le développement de l’esprit critique chez les élèves, mais vise également la pensée critique des enseignants face à leur pratique et face aux exigences de l’institution scolaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER :PROBLÉMATIQUE
1.1 L’adolescent aujourd’hui
1.2 L’adolescence: une période vulnérable
1.3 Le contexte familial des adolescents contemporains
1.4 Le rôle de l’école
1.4.1 L’école: un milieu de vie
1.4.2 L’enseignement moral à l’école
1.4.3 La Réforme en enseignement moral
1.4.4 Éthique et sens moral à l’école
1.4.5 L’enseignant et l’élève
1.4.6 Le rôle de l’élève en Éthique et culture religieuse
1.4.7 Le rôle de l’enseignant en Éthique et culture religieuse
1.4.8 Les rôles proposés à l’école
1.4.9 La formation de la pensée critique à l’école
1.4.10 Dernières recherches sur la pensée critique
1.5 Problème de recherche
1.6 La question de la recherche
1.7 Objectif de la recherche
CHAPITRE 2 :CADRE DE RÉFÉRENCE
2.1 La pensée critique
2.1.1 Définition de la pensée critique
2.1.2 Indicateurs des progrès de la pensée critique en classe
2.1.3 Préalables en pensée critique: la connaissance et le jugement
2.1.4 Le questionnement
2.2 Le développement cognitif et moral de l’adolescent
2.2.1 La pensée critique dans le développement cognitif de l’adolescent selon Piaget
2.2.2 La pensée critique dans le développement du raisonnement moral selon Kohlberg
2.3 La pensée critique et la démarche du jugement moral proposé par le MEQ
2.4 Synthèse
CHAPITRE 3 :MÉTHODOLOGIE
3.1 Introduction
3.1.1 Le choix de la méthode: Recherche qualitative
3.1.2 La nature de la recherche-action
3.1.3 Notre échantillon comme étude de cas en milieu scolaire
3.2 Déroulement de la recherche
3.2.1 Protocole d’expérimentation
A) Première étape du jugement moral: Voir
a) Savoirs déclaratifs de base: questionnaire
b) Niveau de base du jugement de l’élève
c) Pensée exploratoire
d) Critères d’une religion et critères d’une secte
B) Deuxième étape du jugement moral: Juger
a) Recherche exploratoire: Le questionnement
C) Troisième étape du jugement moral : Décider
a) Le choix: nouveau remue-méninges
b) Évaluations critériées
c) Solutionner la mise en contexte fictive
d) Questionnaire final
e) Autoévaluation
3.3 Précautions éthiques
3.4 Technique de collecte de données
3.5 Méthode d’analyse des données
CHAPITRE 4 :RÉSULTATS ET DISCUSSION DES DONNÉES
4.1 Analyse descriptive des données
4.1.1 Première étape du jugement moral : Voir
A) Questions ouvertes
4.1.2 Niveau de base du jugement de l’élève
A) Mise en contexte fictive 1
B) Pensée exploratoire: remue-méninges et classification du remue-méninge
4.1.3 Critères d’une religion et critères d’une secte
4.1.4 Deuxième étape du jugement moral: JUGER
A) Recherche exploratrice: Outils de recherche
4.1 .5 Troisième étape du jugement moral: DÉCIDER
A) Nouveau remue-méninges
B) Exercice évaluatif
C) Reprise de la mise en contexte fictive 2
D) Questionnaire final
E) Autoévaluation
4.2 Analyse interprétative des résultats
4.2.1 Première séquence: Voir
4.2.2 Deuxième séquence : Juger
4.2.3 Troisième séquence : Décider
4.3 Discussion
4.4 Limites de la recherche
CONCLUSION
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