L’addiction au protoxyde d’azote

Propriรฉtรฉs mรฉdicales

Propriรฉtรฉs anesthรฉsiques et utilisation en anesthรฉsie

Le protoxyde dโ€™azote entraรฎne une dรฉpression du systรจme nerveux central (SNC). Ilprรฉsente des propriรฉtรฉs anesthรฉsiantes, c’est-ร -dire qu’il entraรฎne une perte rรฉversible de la conscience (aussi appelรฉe narcose) associรฉe ร  une abolition ou une diminution des rรฉflexes et un relรขchement musculaire. L’anesthรฉsie est associรฉe ร  une perte de la sensibilitรฉ ร  la douleur (analgรฉsie), ร  une dรฉpression respiratoire et ร  des perturbations cardiovasculaires. L’anesthรฉsie est dรฉcoupรฉe en trois grandes phases : l’induction, l’entretien de l’anesthรฉsie et le rรฉveil.
Le protoxyde dโ€™azoteentraรฎne un faible relรขchement musculaire. Ilest considรฉrรฉ comme un agent anesthรฉsique ร  faible pouvoir anesthรฉsique. En anesthรฉsiologie, la puissance des agents volatils est dรฉfinie par la concentration alvรฉolaire minimale (CAM ou MACen anglais). La CAM dรฉsigne la concentration dans l’alvรฉole pulmonaire permettant de prรฉvenir les mouvements lors de l’incision chirurgicale chez 50 % des patients. La CAM du protoxyde d’azote est de 105 % chez l’Homme. Il ne peut pas seul induire une profondeur d’anesthรฉsie suffisante pour effectuer un acte chirurgical. Il est donc toujours utilisรฉ en combinaison avec d’autres agents anesthรฉsiques, c’est un adjuvant de l’anesthรฉsie.
Le protoxyde d’azote entraรฎne ce que l’on appelle l’effet ยซ second gaz ยป. En phase d’induction, comme le protoxyde d’azote a une diffusion sanguine rapide, il augmente la concentration alvรฉolaire des autres gaz administrรฉs simultanรฉment, en particulier les halogรฉnรฉs et l’oxygรจne.
Il permet une induction de l’anesthรฉsie plus rapidement. Il accรฉlรจre aussi le rรฉveil par le mรฉcanisme inverse, en accรฉlรฉrant la diminution des concentrations en halogรฉnรฉs (15).
Le protoxyde d’azote permet aussi de diminuer les consommations des anesthรฉsiques volatils et injectables pour obtenir le mรชme effet. Ces diminutions sont d’environ 30 % pour les halogรฉnรฉs et d’environ 25 % pour le propofol, un agent anesthรฉsique injectable. Il permet ainsi de rรฉduire le coรปt financier des opรฉrations.
Le protoxyde d’azote a longtemps รฉtรฉ considรฉrรฉ comme un facteur pouvant rรฉduire le risque de mรฉmorisation peropรฉratoire. La mรฉmorisation peropรฉratoire dรฉsigne le souvenir d’รฉvรฉnements survenus pendant la pรฉriode opรฉratoire, souvent sous la forme d’impressions sensorielles, en gรฉnรฉral des sons ou des paroles prononcรฉes. Elle est le rรฉsultat d’une anesthรฉsie de profondeur insuffisante. Aujourd’hui, la diminution de ce risque est controversรฉe (15).
Lโ€™hyperalgรฉsie est dรฉfinie comme une douleur amplifiรฉe anormalement suite ร  un stimulus douloureux. Des รฉtudes ont rapportรฉ un phรฉnomรจne dโ€™hyperalgรฉsie post-opรฉratoire suite ร  des opรฉrations sous anesthรฉsie gรฉnรฉrale chez lโ€™animal. Des observations similaires ont รฉtรฉ rapportรฉes chez lโ€™Homme. Le rรฉcepteur NMDA (N-mรฉthyl-D-aspartate) aurait un rรดle essentiel dans ce phรฉnomรจne et les mรฉdicaments opioรฏdes seraient responsables du dรฉveloppement de cet effet. Le protoxyde d’azote a un effet anti-hyperalgรฉsique qui est intรฉressant lors de son utilisation comme adjuvant de l’anesthรฉsie.

Propriรฉtรฉs analgรฉsiques

En 1937, Seevers et alpublient la premiรจre รฉtude qui dรฉmontre l’effet anti-nociceptif du protoxyde d’azote en montrant une รฉlรฉvation dose dรฉpendante du seuil de la douleur (16).
Le protoxyde d’azote prรฉsente des propriรฉtรฉs analgรฉsiques, c’est-ร -dire qu’il prรฉvient ou diminue la sensation de douleur. Il rรฉduit en effet le seuil de perception de diffรฉrents stimuli douloureux. Les propriรฉtรฉs analgรฉsiques du protoxyde d’azote sont concentrations dรฉpendantes. Elles dรฉmarrent avec une concentration de 10 % en protoxyde d’azote. Au-delร  d’une concentration de 40 %, les propriรฉtรฉs hypnotiques sont prรฉdominantes et il est difficile d’รฉvaluer ses propriรฉtรฉs analgรฉsiques propres. Une concentration de 20 % de protoxyde d’azote serait รฉquivalent ร  15 mg de morphine en sous-cutanรฉe (17).
Une des principales caractรฉristiques du protoxyde d’azote est qu’il a une action analgรฉsique rapide. On considรจre quโ€™aprรจs trois minutes dโ€™inhalation, lโ€™effet analgรฉsique est obtenu pour effectuer un acte douloureux. Et en quelques minutes aprรจs l’inhalation, le niveau d’analgรฉsie retourne ร  l’รฉtat normal. Son faible pouvoir anesthรฉsique permet de prรฉserver un รฉtat d’รฉveil chez les patients lorsqu’il est utilisรฉ pour ses propriรฉtรฉs analgรฉsiques.

Propriรฉtรฉs anxiolytique, analgรฉsiques et la sรฉdation consciente

La sรฉdation consciente est une technique trรจs utilisรฉe dans le domaine de l’odontologie (18, 19). Elle permet d’obtenir un รฉtat de dรฉpression du SNC, d’oรน le terme de sรฉdation, tout en maintenant les rรฉflexes de protection des voies aรฉriennes du patient. On parle de sรฉdation qui est consciente car le patient est conscient et peut rรฉpondre ร  des ordres. Les caractรฉristiques retrouvรฉes sont : une conscience du patient, une respiration normale, des mouvements oculaires normaux, une participation du patient, une dรฉpression du SNC, une augmentation du seuil de la douleur, une perte de la notion du temps. L’objectif de la sรฉdation consciente est le contrรดle de l’anxiรฉtรฉ du patient. Le protoxyde d’azote est l’agent idรฉal de la sรฉdation consciente, grรขce ร  l’association de ses propriรฉtรฉs anesthรฉsiques faibles et de ses propriรฉtรฉs analgรฉsiques et anxiolytiques. Dans le cadre de cette technique, les concentrations de protoxyde d’azote utilisรฉes varient de 20 ร  50 %. Les concentrations de protoxyde d’azote sont titrรฉes en fonction du patient jusqu’ร  l’effet dรฉsirรฉ. Le praticien commence en gรฉnรฉral avec une concentration en protoxyde d’azote de 20 % puis augmente de 10 % toutes les minutes jusqu’ร  l’effet dรฉsirรฉ.
Les avantages de la sรฉdation consciente en odontologie sont multiples. La rรฉduction de l’anxiรฉtรฉ du patient ร  consulter peut contribuer ร  un accรจs prรฉcoce aux soins dentaires, permettant ainsi des actions de prรฉvention et de dรฉpistage. L’accรจs prรฉcoce aux soins induits aussi des soins moins invasifs, moins longs et donc moins coรปteux. Les propriรฉtรฉs pharmacocinรฉtiques du protoxyde d’azote prรฉsentent aussi des avantages, avec une rapiditรฉ d’action et un temps de rรฉcupรฉration court.

Mรฉcanisme d’action

Le systรจme opiacรฉ et action analgรฉsique

Prรฉsentation du systรจme opiacรฉ

La dรฉcouverte du systรจme opioรฏde endogรจne ou systรจme opiacรฉ dans les annรฉes 1970 a permis l’รฉmergence des premiรจres hypothรจses quant au mรฉcanisme d’action du protoxyde d’azote. De multiples รฉtudes montrent que le protoxyde d’azote utiliserait le systรจme opioรฏde endogรจne pour son activitรฉ analgรฉsique.
Le systรจme opioรฏde endogรจne contrรดle de nombreuses rรฉponses de l’organisme dont la perception de la douleur ou la nociception. Ce systรจme est constituรฉ de trois types de rรฉcepteurs aux opiacรฉs ou rรฉcepteurs opioรฏdes (les rรฉcepteurs ฮผ, les rรฉcepteurs ฮด et les rรฉcepteurs ฮบ) et de peptides opioรฏdes endogรจnes (enkรฉphalines, endorphines, dynorphines).
Des molรฉcules exogรจnes peuvent se lier aux rรฉcepteurs opioรฏdes et activer ce systรจme, dont la plus cรฉlรจbre est la morphine. Les rรฉcepteurs opioรฏdes appartiennent ร  la famille des rรฉcepteurs couplรฉs aux protรฉines G (RCPG) de type Gi/Go. Les RCPG sont des rรฉcepteurs transmembranaires composรฉs de sept domaines trans-membranaires. Ces rรฉcepteurs permettent dโ€™activer une protรฉine G qui module ensuite lโ€™activitรฉ dโ€™une enzyme ou dโ€™un canal ionique.
Les RCPG de type Gi/Go conduisent ร  une inhibition de lโ€™adรฉnylate cyclase.
Concernant les peptides opioรฏdes endogรจnes, il existe trois prรฉcurseurs de ces peptides : la pro-opiomรฉlanocortine (POMC), la pro-enkรฉphaline et la pro-dynorphine. Ces trois prรฉcurseurs vont se cliver en : ฮฒ-endorphines, met- et leu-enkรฉphaline, et dynorphines et nรฉoendorphines respectivement. Les ฮฒ-endorphines auront une activitรฉ prรฉfรฉrentielle avec les rรฉcepteurs ฮผ, les met et leu-enkรฉphalines auront une activitรฉ prรฉfรฉrentielle avec les rรฉcepteurs ฮด, tandis que les dynorphines et nรฉoendorphines auront une activitรฉ prรฉfรฉrentiellement sur les rรฉcepteurs ฮบ.

Activitรฉ du protoxyde d’azote sur les rรฉcepteurs opioรฏdes

Une des premiรจres observations d’une intervention du systรจme opioรฏde endogรจne dans l’effet analgรฉsique du protoxyde d’azote est que l’administration d’antagonistes opioรฏdes peut attรฉnuer cet effet analgรฉsique. Un antagoniste est une substance qui bloque un rรฉcepteur en se fixant sur un de ses sites d’action. L’agoniste du rรฉcepteur ne peut alors plus exercer son effet.
Les principaux antagonistes des rรฉcepteurs opioรฏdes sont la naloxone et la naltrexone. La naloxone et la naltrexone sont des antagonistes des rรฉcepteurs ฮผ, ฮดet ฮบ. Chez les animaux, on ne parle pas dโ€™effet analgรฉsique dโ€™une substance, car les animaux ne peuvent pas exprimer une rรฉduction de la sensation de douleur, on parle plutรดt dโ€™effet anti-nociceptif.
En 1976, une expรฉrienceremarque que l’injection de naloxone chez le rat et la souris rรฉduit fortement les effets anti-nociceptifs du protoxyde d’azote (20). Durant cette expรฉrience, les concentrations nรฉcessaires pour attรฉnuer l’effet anti-nociceptif sont รฉlevรฉes par rapport aux concentrations nรฉcessaires pour contrer l’effet anti-nociceptif de la morphine. D’autres รฉtudes confirment ces observations chez la souris et le rat Wistar (21, 22, 23). Une autre รฉtude chez la souris a montrรฉ que la naloxone et la naltrexone attรฉnuent l’activitรฉ locomotrice induite par le protoxyde d’azote (24). En 1979, une รฉtude chez l’Homme montre que l’administration de naloxone inverse partiellement l’effet analgรฉsique du protoxyde d’azote (25). En 1980, l’application d’une douleur expรฉrimentale aiguรซ chez l’Homme associรฉe ร  de la naloxone ร  faible dose a diminuรฉ significativement l’analgรฉsie au protoxyde d’azote (26). Une autre รฉtude montre qu’ร  faible dose, la naloxone peut attรฉnuer l’analgรฉsie au protoxyde d’azote sur une douleur chronique chez l’Homme (27).

Phรฉnomรจne de tolรฉrance et traitement de la dรฉpendance aux opioรฏdes

La tolรฉrance est dรฉfinie comme la diminution de la rรฉponse aux effets d’un mรฉdicament ou d’une substance utilisรฉs de faรงon rรฉpรฉtรฉe. Une tolรฉrance aiguรซ aux effets analgรฉsiques du protoxyde d’azote peut รชtre produite chez certains animaux. Une รฉtude a montrรฉ une diminution de la densitรฉ des rรฉcepteurs aux opioรฏdes dans le tronc cรฉrรฉbral du rat aprรจs 18 heures d’exposition ร  75-80 % de protoxyde d’azote, mettant ainsi en relation le phรฉnomรจne de tolรฉrance et l’implication du systรจme opioรฏde dans l’effet analgรฉsique du protoxyde d’azote (62). Ce phรฉnomรจne de tolรฉrance a aussi pu รชtre expรฉrimentรฉ chez l’Homme. Une รฉtude remarque que l’analgรฉsie produite par le protoxyde d’azote pendant une stimulation dentaire douloureuse diminue aprรจs plusieurs administrations, avec des administrations qui sont espacรฉes de 10 minutes seulement, provoquant ainsi une tolรฉrance aiguรซ (63). Il serait cependant possible que le mรฉcanisme d’action pour lesย  propriรฉtรฉs analgรฉsiques du protoxyde d’azote soit diffรฉrent en fonction des souches animales รฉtudiรฉes, car le phรฉnomรจne de tolรฉrance aux effets analgรฉsiques n’est pas observรฉ chez toutes les espรจces animales.
Une tolรฉrance croisรฉe est observรฉe entre le protoxyde d’azote et la morphine. En effet, l’analgรฉsie normalement produite par le protoxyde d’azote est rรฉduite suite ร  la mise en place d’une tolรฉrance ร  la morphine (64). Ceci impliquerait donc que l’analgรฉsie produite par le protoxyde d’azote empreinte les mรชmes voies nociceptives que l’analgรฉsie produite par le morphine, donc le systรจme opioรฏde. Cette tolรฉrance ne semble pas rรฉciproque cependant. Les rats ayant une tolรฉrance au protoxyde d’azote ne sont pas tolรฉrants aux effets analgรฉsiques dela morphine (65).
Une รฉtude affirme que la naloxone peut prรฉcipiter un รฉtat de sevrage de type opioรฏde chez la souris aprรจs une exposition ร  70 % de protoxyde d’azote pendant 30 minutes (66). Lโ€™รฉtude indique mรชme que le sevrage au protoxyde d’azote peut รชtre attรฉnuรฉ par l’administration de la morphine. Une autre รฉtude ne retrouve pas d’augmentation de l’intensitรฉ du syndrome de sevrage induit par l’arrรชt du protoxyde d’azote suite ร  l’administration de naloxone ou de naltrexone (67).
Enfin, le protoxyde d’azote a รฉtรฉ utilisรฉ en thรฉrapeutique dans des รฉtats d’addiction ร  des substances opioรฏdes. Ainsi, Kripke & Hechtman affirment avoir traitรฉ avec des concentrations analgรฉsiques de protoxyde d’azote avec succรจs un cas de dรฉpendance ร  la pentazocine, un analgรฉsique opioรฏde (68). Gillman & Lichtigfeld affirment avoir traitรฉ deux cas de dรฉpendance aux opioรฏdes en utilisant aussi des concentrations analgรฉsiques de protoxyde d’azote (69).

Antagonisme des rรฉcepteurs NMDA et action anesthรฉsique

Les mรฉdicaments anesthรฉsiques exercent leur action anesthรฉsique en diminuant la production excitatrice ou en augmentant les signaux inhibiteurs dans le SNC, entraรฎnant ainsi une perte nette d’activation neuronale. Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur au sein du SNC. Le glutamate se lie ร  deux grandes classes de rรฉcepteurs : les rรฉcepteurs mรฉtabotropiques du glutamate qui sont des RCPG, et les rรฉcepteurs canaux du glutamate (ou rรฉcepteurs ionotropiques du glutamate). Les rรฉcepteurs canaux du glutamate prรฉsentent un canal ionique permรฉable aux cations (Na+ (sodium), K+ (potassium) et Ca2+ (calcium)). Il existe trois types de rรฉcepteurs ionotropiques du glutamate : les rรฉcepteurs NMDA (ou N-mรฉthyl D-asparte) et les rรฉcepteurs non-NMDA qui regroupent les rรฉcepteurs AMPA (acide 2-amino-3-(5-mรฉthyl-3-hydroxy-1,2-oxazol-4-yl)propanoรฏque) et les rรฉcepteurs kaรฏnate. La particularitรฉ des rรฉcepteurs NMDA est qu’ils peuvent รชtre activรฉs ร  la fois par le glutamate mais aussi par la glycine, un autre neurotransmetteur excitateur mais prรฉsent en moindre quantitรฉ que le glutamate. Les rรฉcepteurs ionotropiques du glutamate sont composรฉs de quatre sous-unitรฉs, ce sont des tรฉtramรจres. Les quatre sous-unitรฉs de ces rรฉcepteurs sont regroupรฉes autour d’un pore central, constituant le canal ionique. Les rรฉcepteurs NMDA et les rรฉcepteurs AMPA sont principalement des rรฉcepteurs post-synaptiques, alors que lesrรฉcepteurs kaรฏnate sont plus souvent localisรฉs au niveau prรฉ-synaptique.
Le protoxyde d’azote inhibe les sous-unitรฉs NR1A et NR2A du rรฉcepteur NMDA dans les ovocytes de Xenopus, un genre dโ€™amphibiens (70). Chez le nรฉmatode, Caenorhabditis elegans, les effets d’incoordination locomoteurs produits par le protoxyde d’azote sont rรฉduits si le nรฉmatode prรฉsente une mutation de perte de fonction du gรจnenmr-1qui code pour un rรฉcepteur au glutamate de type NMDA (71). Chez C. elegans, les rรฉcepteurs NMDA sont nรฉcessaires pour produire les effets comportementaux du protoxyde d’azote. ร‰videmment, on ne peut pas traduire directement les rรฉsultats obtenus chez le nรฉmatode ร  l’Homme, mais les rรฉcepteurs NMDA prรฉsentent une structure hautement conservรฉe par le biais de phylums ce qui permet une certaine comparaison. Dans les neurones de l’hippocampe du rat, les rรฉcepteurs NMDA sont inhibรฉs de maniรจre non compรฉtitive par le protoxyde d’azote (72). Le protoxyde d’azote inhibe aussi l’augmentation de dopamine striatale produite par les rรฉcepteurs NMDA chez le rat (73). Chez la souris, le knock-out du gรจne de la sous-unitรฉ ฮต1 du rรฉcepteur NMDA n’a pas affectรฉ l’action anesthรฉsique du sรฉvoflurane, un agent anesthรฉsique volatil utilisรฉ pour l’induction et l’entretien de l’anesthรฉsie gรฉnรฉrale. Mais chez ces souris, l’action du protoxyde d’azote de diminuer la concentration alvรฉolaire minimale en sรฉvofluranea รฉtรฉ altรฉrรฉe (74).
Les diffรฉrentes รฉtudes semblent donc mettre en รฉvidence un antagonisme du protoxyde d’azote vis ร  vis des rรฉcepteurs NMDA. De plus, tout comme les autres molรฉcules antagonistes des rรฉcepteurs NMDA, selon des รฉtudes expรฉrimentales, le protoxyde d’azote exerce un effet neurotoxique dรฉpendant de l’รขge et cet effet neurotoxique est attรฉnuรฉ par des molรฉcules quiย facilitent le courant GABAergique (74, 75). Enfin, il est suggรฉrรฉ dans la littรฉrature que les propriรฉtรฉs pharmacologiques communes de la kรฉtamine et du protoxyde d’azote, ร  savoir les propriรฉtรฉs anesthรฉsiques dissociatives, pourraient sous-tendre un mรฉcanisme d’action commun passant par l’antagonisme des rรฉcepteurs NMDA, car la kรฉtamine est un antagoniste des rรฉcepteurs NMDA.
Le protoxyde d’azote aurait aussi une action sur les rรฉcepteurs non NMDA. En effet, une รฉtude montre que le protoxyde d’azote produit une faible inhibition des rรฉcepteurs AMPA dans les neurones de l’hippocampe du rat (72). Une autre รฉtude montre aussi une inhibition des rรฉcepteurs AMPA mais aussi des rรฉcepteurs kaรฏnate dans les ovocytes de Xenopus (70). Cette antagoniste des rรฉcepteurs non NMDA serait moins important que celui des rรฉcepteurs NMDA.

Carence en vitamine B12

La vitamine B12, aussi appelรฉe cyanocobalamine, est une molรฉcule complexe dont la structure entiรจre ne fut dรฉcouverte qu’au dรฉbut des annรฉes 1960. C’est une vitamine hydrosoluble. Sa structure comprend un noyau corinne contenant un atome de cobalt essentiel pour son activitรฉ. La structure de la vitamine B12 est similaire ร  la structure tรฉtrapyrrolique de l’hรจme mais avec un atome de cobalt plutรดt que de fer en son centre. Notre organisme est incapable de synthรฉtiser la vitamine B12, elle provient uniquement de l’apport alimentaire. On retrouve la vitamine B12 dans les produits d’origine animale, comme la viande, le poisson, les ล“ufs et le lait. Les apports journaliers recommandรฉs pour un adulte sont de 2,5 ยตg par jour.
Ces apports sont largement couverts chez la majoritรฉ de la population. On estime que la population europรฉenne ingรจre entre 5 et 30 ยตg de vitamine B12 par jour, sur ces apports 1 ร  5 ยตg de vitamine B12 seront effectivement absorbรฉs par lโ€™organisme (79). Mais une carence en vitamine B12 est observรฉe chez les personnes ne consommant aucun aliment d’origine animale, pour lesquels une supplรฉmentation en vitamine B12 est alors essentielle. La carence en vitamine B12 est aussi observรฉe chez les patients dรฉnutris, et en France en particulier chez le sujet รขgรฉ dรฉnutri. La vitamine B12 est stockรฉe dans notre organisme, essentiellement dans le foie. On estime qu’environ 2 ร  10 mg de vitamine B12 est stockรฉe, en tout, dans le corps, ce qui รฉquivaut ร  plusieurs annรฉes de stockage, environ 4 ans, avant qu’une carence n’apparaisse.
La vitamine B12 alimentaire se retrouve sous forme de complexe protรฉique : le complexe transcobalamine-cobalamine. Aprรจs absorption gastro-intestinale, le complexe est dรฉgradรฉ, libรฉrant la cobalamine sous la forme cobalamine II, qui est alors convertie en une forme active : la mรฉthylcobalamine. La mรฉthylcobalamine agit comme coenzyme de la mรฉthionine synthรฉtase (ou methionine synthase en anglais) qui intervient dans la conversion deย l’homocystรฉine en mรฉthionine par un processus de mรฉthylation (voir Figure 4). Le protoxyde d’azote agit en oxydant de faรงon irrรฉversible l’ion cobalt de la cobalamine. L’ion cobalt est oxydรฉ de l’รฉtat (+)1 ร  l’รฉtat (+)3 de faรงon irrรฉversible. La cobalamine n’est donc plus sous sa forme active, ce qui empรชche la production de mรฉthionine et entraรฎne l’accumulation d’homocystรฉine dans l’organisme. Il n’y a donc plus de conversion de mรฉthionine en Sadรฉnosylmรฉthionine qui est nรฉcessaire pour la mรฉthylation des phospholipides de la gaine de myรฉline, entraรฎnant une myรฉlinisation dรฉfectueuse de la gaine de myรฉline. La mรฉthylmalonylCoA mutase utilise aussi la cobalamine comme coenzyme pour la conversion de la mรฉthylmalonyl-CoA en succinyl-CoA. Le succinyl-CoAintervient dans le mรฉtabolisme des acidesย  gras et comme intermรฉdiaire dans le cycle de Krebs. Des acides gras anormaux sontย alors incorporรฉs dans la gaine de myรฉline. Les diffรฉrentes anomalies retrouvรฉes au niveau de la gaine de myรฉline entraรฎnent des troubles neurologiques tels que des picotements ou des fourmillements au niveau des extrรฉmitรฉs. Les troubles neurologiques observรฉs avec le protoxyde d’azote et en lien avec la vitamine B12 seront d’avantage dรฉveloppรฉs dans la deuxiรจme partie : usage rรฉcrรฉatif du protoxyde d’azote.
La mรฉthionine synthรฉtase intervient aussi dans la rรฉgรฉnรฉration du tรฉtrahydrofolate ร  partir du mรฉthyl-tรฉtrahydrofolate (voir Figure 4). Le tรฉtrahydrofolate est essentiel pour la synthรจse de novo de l’ADN (acide dรฉsoxyribonuclรฉique), en particulier la biosynthรจse des purines ou du dTMP (acide dรฉsoxythymidylique). Ce dรฉfaut dans la synthรจse de l’ADN engendre des anรฉmies macrocytaires mรฉgaloblastiques. En effet, la vitamine B12 est essentielle ร  laย multiplication cellulaire, or la moelle osseuse est un tissu ร  renouvellement rapide. Le dรฉfaut dans la synthรจse de l’ADN perturbe les divisions cellulaires des รฉrythroblastes. Cette carence en vitamine B12 est caractรฉrisรฉe par le prรฉsence d’รฉrythroblastes de grande taille appelรฉs mรฉgaloblastes. Des รฉtudes proposent l’utilisation prophylactique d’acide folique pour prรฉvenir les changements mรฉgaloblastiques dans la moelle รฉpiniรจre lors d’anesthรฉsies.

Usage rรฉcrรฉatif

ร‰pidรฉmiologie

Depuis sa dรฉcouverte, le protoxyde d’azote a toujours รฉtรฉ utilisรฉ ร  des fins rรฉcrรฉatives, mรชme avant son utilisation mรฉdicale. Au XIXรจme siรจcle, en Angleterre, Humphry DAVY organise des ยซ laughing parties ยป (ยซ fรชtes oรน l’on ritยป en franรงais) oรน il administre le gaz ร  ses invitรฉs de la haute sociรฉtรฉ britannique (94). Le gaz est aussi rapidement utilisรฉ comme divertissement populaire dans les foires oรน l’on administre le gaz ร  des volontaires durant le milieu du XIXรจme siรจcle. Avec son utilisation largement rรฉpandue en mรฉdecine depuis plusieurs siรจcles, il semblerait que les professionnels mรฉdicaux et dentaires dรฉtournent depuis longtemps ce gaz. Il existe cependant peu de donnรฉes sur ce dรฉtournement. Une รฉtude amรฉricaine rapporte en 1979 que 20 % des รฉtudiants amรฉricains en mรฉdecine et dentaire utilisent le protoxyde d’azote dans un usage rรฉcrรฉatif (95).

La situation en France

En France, le dispositif TREND (Tendances Rรฉcentes et Nouvelles Drogues) de l’OFDT (Observatoire Franรงais des Drogues et Toxicomanies) pratique une veille concernant l’รฉmergence de nouvelles drogues ainsi que sur les tendances dans le champs des drogues.
Cette veille a pour but de limiter le temps entre la survenue de nouvelles tendances et leur prise en compte par les pouvoirs publics. D’aprรจs le dispositif TREND, il y a une รฉmergence d’un usage dรฉtournรฉ du protoxyde d’azote depuis 1999 en France, et ce, de faรงon discontinue (96). L’usage est d’abord repรฉrรฉ dans des mouvements festifs alternatifs tels que les free parties ou les tecknivals (97). Les free parties sont des rรฉunions festives organisรฉes par des bรฉnรฉvoles et durant lesquelles sont diffusรฉes des musiques รฉlectroniques. Le tecknival peut รชtre dรฉfini comme un rassemblement de plusieurs free parties et qui se dรฉroule sur plusieurs jours. Lors de ces rassemblements, de nombreuses drogues circulent : cannabis, LSD (diรฉthyllysergamide), psilocybes, cocaรฏne, kรฉtamine, amphรฉtamines etc…

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Table des matiรจres
Introduction
Partie 1 : Usage mรฉdical du protoxyde d’azote
I. Propriรฉtรฉs physico-chimiques du protoxyde d’azote
II. Propriรฉtรฉs pharmacocinรฉtique et pharmacodynamique
III. Histoire du protoxyde d’azote
IV. Rรฉglementation en France
A. Identification et stockage des bouteilles
B. Mode dโ€™administration du MEOPA
C. Exposition professionnelle
V. Propriรฉtรฉs mรฉdicales
A. Propriรฉtรฉs anesthรฉsiques et utilisation en anesthรฉsie
B. Propriรฉtรฉs analgรฉsiques
C. Propriรฉtรฉs anxiolytique, analgรฉsiques et la sรฉdation consciente
VI. Mรฉcanisme d’action
A. Le systรจme opiacรฉ et action analgรฉsique
a. Prรฉsentation du systรจme opiacรฉ
b. Activitรฉ du protoxyde d’azote sur les rรฉcepteurs opioรฏdes
c. Libรฉration de peptides opioรฏdes endogรจnes
d. Les voies nociceptives supra-spinal et infra-spinal impliquรฉes
e. Phรฉnomรจne de tolรฉrance et traitement de la dรฉpendance aux opioรฏdes
B. Antagonisme des rรฉcepteurs NMDA et action anesthรฉsique
C. Altรฉration de la fonction des rรฉcepteurs GABA-A et effet anxiolytique
D. Autres hypothรจses
VII. Effets indรฉsirables
A. Carence en vitamine B12
B. Complications cardiovasculaires
C. Nausรฉes et vomissements postopรฉratoires
D. Effets sur la reproduction
E. Diffusion au sein des cavitรฉs
VIII. Interactions mรฉdicamenteuses
IX. Contre-indications
X. Sรฉcuritรฉ dโ€™utilisation du protoxyde dโ€™azote
Partie 2 : Usage rรฉcrรฉatif
I. ร‰pidรฉmiologie
A. La situation en France
B. La situation au niveau de la Normandie
C. La situation au niveau mondial
II. Moyens d’acquisition et rรฉglementation
A. Les diffรฉrents conditionnements du protoxyde d’azote et leurs rรฉglementations
a. Les cartouches pour siphon ร  chantilly
b. Les bonbonnes
c. Les ballons prรฉ-remplis
d. Les aรฉrosols d’air sec
e. Industrie automobile
B. Trafic de protoxyde d’azote
III. Techniques pour l’inhalation
A. L’utilisation d’un cracker ou d’un siphon ร  chantilly et d’un ballon
B. Autres interfaces utilisรฉes
IV. Les effets recherchรฉs
V. Les effets non recherchรฉs ร  court terme et leur prise en charge
A. Traumatismes
B. Pneumothorax et pneumomรฉdiastin
C. La conduite automobile
D. Contaminations
E. Dรฉcรจs
VI. Les effets non recherchรฉs ร  long terme et leurs prises en charge
A. Effets neurotoxiques
B. Troubles cognitifs
C. Effets psychiatriques
D. Effets hรฉmatologiques
E. Effets cardiovasculaires
F. Effets cutanรฉs
VII. Observation concernant les effets graves rapportรฉs par le Centre d’Addictovigilance de Caen sur les rรฉgions Normandie et Bretagne
VIII. Rรฉduction des risques et des dommages
Partie 3 : L’addiction au protoxyde d’azote
I. Dรฉfinition d’une addiction
A. Diagnostic d’une addiction
B. Les trois รฉtapes de la transition vers l’addiction
C. Les facteurs de l’addiction
a. Facteurs de risque liรฉs aux produits
b. Facteurs de risque individuels de vulnรฉrabilitรฉ
c. Facteurs de risque environnementaux
D. Le renforcement
E. La dรฉpendance
F. Le circuit de la rรฉcompense
a. La dopamine
G. Interaction du systรจme opioรฏdergique avec le circuit de la rรฉcompense
H. L’implication du systรจme sรฉrotoninergique dans l’addiction
I. Autres neurotransmetteurs interagissant avec le circuit de la rรฉcompense
J. L’allostasie hรฉdonique
II. Les preuves du potentiel addictif du protoxyde d’azote
A. Conclusion des รฉtudes prรฉ-cliniques sur le potentiel addictif du protoxyde d’azote
a. Les รฉtudes d’auto-administration
b. Les รฉtudes de prรฉfรฉrence/aversion de place conditionnรฉe
c. Les รฉtudes de dรฉpendance physique
B. Impact du protoxyde d’azote sur le circuit de la rรฉcompense
C. Impact du protoxyde d’azote sur le circuit du stress
D. Observations chez l’Homme
a. La tolรฉrance
b. Perte de contrรดle sur la quantitรฉ et le temps dรฉdiรฉ ร  la consommation
c. Propriรฉtรฉs renforรงantes
d. Rechute et craving
e. Syndrome de sevrage
f. Les facteurs de risques individuels de vulnรฉrabilitรฉ
g. Diagnostic d’addiction chez l’Homme
Conclusion

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