L’adaptation de l’enseignant à l’élève en situation de dictée à l’adulte
Discours sur les actes
Sens et représentations
Pour la présentation de cette catégorie, nous allons regrouper certaines questions qu’il nous semble judicieux d’associer. Commençons par les remarques générales ainsi que le contexte de classe.
La remarque de l’enseignante C
C’était bien que vous veniez/ parce que j’étais vraiment dédiée comme ça à la dictée à l’adulte // sinon j’aurais été sans cesse //montre qu’il est difficile de mener à bien une dictée à l’adulte sans une organisation adéquate. Ceci est encore plus exact dans notre cas puisqu’il fallait filmer et ne pas avoir trop de bruit autour. Nous constatons que les deux enseignantes ont choisi, comme nous leur avions demandé, des élèves des deux degrés. De plus, elles ont également travaillé avec des profils différents comme des élèves qui ont des difficultés d’apprentissage ou de langage.
Bin j’ai essayé de prendre des 1H et des 2H pour voir si y pouvait y avoir un peu des différences/ et pi aussi des enfants qui ont / qui s’expriment un peu plus librement et un peu mieux et d’autres qui ont peut-être un petit peu plus de peine pour aussi voir ce que ça donnait comme différence/ (Enseignante A).
Finalement, nous observons que de nombreux élèves de l’enseignante A (nous l’entendons clairement lorsqu’ils s’expriment dans la vidéo).
Nous nous sommes également intéressées aux enseignantes en leur demandant si cette activité faisait partie de leur quotidien et si elles se sentaient à l’aise dans cette situation. Nous remarquons alors que la dictée à l’adulte fait partie intégrante de la vie de classe chez les deux enseignantes même si l’enseignante A pratique plutôt cette activité durant le second semestre. Elles se sentent également les deux à l’aise dans cette situation et l’enseignante A a même relevé qu’elle avait effectué la dictée à l’adulte en restant fidèle à ce qu’elle fait d’habitude sans caméra. De plus, l’enseignante C a mentionné qu’il était agréable de faire une dictée à l’adulte sans la gestion de la classe puisque l’une de nous deux donnait la classe. Cela permet ainsi de rester concentré sur l’enfant.
Suite à cette discussion, nous leur avons demandé si elles prenaient des notes générales avant de débuter l’écriture comme le mentionnent les auteurs Canut et Guillou (2017). Nous pouvons observer que nous avons ici deux profils d’enseignantes différents. En effet, l’enseignante A demande oralement aux élèves ce qu’ils ont fait ou dessiné afin d’être sûre que ces derniers raconteront des propos cohérents. En revanche, l’enseignante C estime qu’il n’est pas nécessaire de prendre des notes avant puisqu’elle a en principe participé à l’événement ou à la situation racontée. Elle peut cependant demander à l’élève quelques précisions avant de débuter la dictée à
l’adulte.
Ah non non / j’y vais tout de suite // en général je sais ce qui s’est passé / Les questions suivantes ont été posées uniquement à l’une des deux enseignantes puisqu’elles sont relatives à des situations particulières visionnées dans les vidéos.
Concernant l’enseignante A, nous l’avons interrogé au sujet de la comparaison entre les différentes dictées à l’adulte tout au long de l’année. Nous pouvons relever qu’elle ne compare pas forcément les progrès effectués dans cette situation mais qu’elle s’attarde plutôt au fait qu’ils soient capables de s’autocorriger. Ceci, notons-le tout de même est particulier à son contexte de classe puisque la plupart de ses élèves sont allophones en débutant leur scolarité.[…]
Je pense que je fais plutôt référence au fait que j’ai pas mal d’allophones/ donc je vais plutôt/regarder si ils sont capables / eux-mêmes de s’auto corriger ou de s’améliorer en fait//.
Ensuite, nous avons discuté avec l’enseignante C au sujet de sa position par rapport à l’élève puisqu’elle se tenait à la gauche de l’élève en écrivant la main droite. Nous remarquons alors que l’enseignante C ne prend pas en compte sa position lorsqu’elle fait une dictée à l’adulte.
C’était au bol // En revanche, après discussion, elle a revu sa vision en se rendant compte qu’en fonction du côté, nous gênons la vue de l’élève sur le support écrit.
[…]
Comme ça j’ai pas mon bras qui gêne / et il voit mieux // bonne remarque // ben oui // Suite à cette remarque, lors de l’entretien, elle nous a donc affirmé qu’elle allait y prêter garde dans ses futures dictées à l’adulte.
Différenciation, adaptation à l’élève en difficulté dans cette situation.
Dans cette partie, nous nous intéressons plus particulièrement à la différenciation et donc ce que met en place l’enseignante pour aider chaque élève en respectant son propre rythme et ses besoins.
Tout d’abord nous avons interrogé les enseignantes sur les divers buts concernant la situation de dictée à l’adulte. L’enseignante A donnent trois buts généraux à la dictée à l’adulte. Elle permet de rendre compte des spécificités de l’écrit, à savoir qu’il y a des phrases, des mots et des lettres. De plus, elle cherche à susciter l’intérêt des élèves pour l’écrit et les amène à comprendre que nous ne pouvons pas écrire comme nous parlons. Pour l’enseignante C, cette situation permet de faire les différents liens entre l’oral et l’écrit mais également de faire comprendre aux élèves que nous laissons une trace écrite qui peut être relue.
Après le visionnage des passages vidéo et la discussion avec les deux enseignantes, nous remarquons que même si elles donnent des buts très généraux lorsque nous les questionnons, elles les étayent avec d’autres objectifs sous-jacents. Par exemple, l’enseignante C profite de travailler seul avec l’élève pour individualiser les objectifs. Ainsi, avec l’élève 1C1, elle essaie d’entraîner la prononciation des doubles consonnes non acquises chez lui:Ouais la double consonne parce qu’elle est pas acquise / donc là je suis seule avec / je peux / je peux y aller //.
A contrario, l’enseignante A évoque des objectifs communs à tous les élèves lorsque nous lui demandons pourquoi elle a choisi le dessin comme support :
Enseignante A : Là déjà je voulais qu’y ait l’exercice de mémoire pour se remémorer ce qu’ils avaient fait pendantles vacances / l’exercice oral parce qu’ils l’ont expliqué oralement aux copains / l’exercice de retranscrire ça sur une feuille / plus encore de devoir me le répéter et de le répéter de manière plus ou moins correcte / donc je trouvais que ça englobait pas mal de / pas mal de //.
Interviewer : Compétences
Ainsi, nous constatons que les deux enseignantes ont des buts qui peuvent sembler distincts mais qui peuvent clairement se regrouper puisqu’elles cherchent toutes les deux à faire comprendre que l’oral et l’écrit sont différents. L’enseignante A insiste davantage sur la mémoire et l’importance de revenir à plusieurs reprises sur un événement vécu avant de le raconter à l’écrit (oralement, à un copain, par le dessin et oralement à l’enseignante). Cela permet également, pour l’enseignante A, de chercher à motiver les élèves à s’intéresser à l’écriture.
Par la suite, nous avons demandé aux deux enseignantes de nous décrire ce qu’est un élève en difficulté dans cette situation. Nous constatons que les réponses diffèrent.
En effet, l’enseignante A, qui enseigne dans un contexte avec de nombreux élèves allophones se base plutôt sur ces caractéristiques : l’élève qui peine à faire une phrase complète et structurée mais également l’élève qui ne comprend pas les questions de l’enseignante comme l’élève 2A6 :[…] et pi l’autre difficulté que j’ai eu c’est avec 2A6 // problème de compréhension de français c’est si moi je comprends pas ce qu’elle veut/ ce qu’elle a fait ou ce qu’elle veut me dire/ bin la dictée à l’adulte fonctionne pas vraiment.
Pour l’enseignante C, en revanche, la difficulté principale que rencontre ses élèves se retrouve dans l’organisation de leur pensée lorsqu’elle doit parfois pousser l’élève à parler et à s’exprimer.
[…] et puis tu vois comme avec 1C1 je dois le tirer alors c’est ça que tu veux que j’écrive ? j’écris ça ? mais c’est comme ça au début c’est normal // Cependant, elle pense que cette difficulté est courante chez les élèves qui débute cette activité.
Dans les deux entretiens, nous avons demandé aux enseignantes d’expliquer comment elles différencient. Nous constatons, à travers leurs réponses évasives qu’elles n’y prêtent pas attention. Ainsi, l’enseignante A remarque qu’elle les corrige mais elle ne donne pas d’autres explications. L’enseignante C ne répond pas réellement à la question :
Sur le moment ouais / moi je suis assez bonne sur le moment / mais parce que j’ai l’expérience je pense aussi ç’est un peu c’est normal //.
Elle nous affirme donc qu’elle est capable de le faire sur le moment et pense que cela découle de son expérience professionnelle. Finalement, en évoquant la longueur de la dictée à l’adulte nous pouvons relever que les deux enseignantes s’adaptent dans un premier temps au besoin et envie des élèves. De plus, l’enseignante C décide également de choisir dans certains cas la longueur. Cette dernière s’arrête parfois aussi lorsque la feuille est terminée.
Interprétation et discussion
Après la présentation de nos résultats de recherche, nous allons les analyser et les interpréter. L’objectif principal de notre travail consiste à relever les différentes conduites de la dictée à l’adulte en fonction des enseignantes, de justifier ses apports du point de vue théorique et surtout pratique, et de comprendre les différentes façons de différencier et d’étayer afin d’aider l’élève au mieux. Pour situer ces points voici un bref rappel de notre problématique à laquelle nous allons tenter de répondre : « De quelle manière les enseignants mettent-ils en place la dictée à l’adulte et comment interagissent-ils avec les élèves dans cette situation ? ».
Pour répondre à la question, nous séparons nos résultats en deux grands axes qui concernent les deux éléments essentiels de notre question : la dictée à l’adulte en tant qu’outil et l’adaptation à l’élève.
Partie A : La dictée à l’adulte en tant qu’outil
Tout d’abord nous constatons que la situation de communication utilisée est en adéquation avec la dictée à l’adulte proposée par Canut et Guillou (2017), soit l’écriture d’un texte sur un événement vécu. Ce dernier s’inscrit donc dans le contexte de l’enfant et lui permet ainsi de mettre du sens plus aisément sur ses apprentissages (Auvergne et al., 2011). De plus, le support et l’outil scripteur correspondent à la situation puisqu’elles écrivent avec des stylos ou des feutres sur des feuilles de taille A5 ou A4. En effet, selon les auteurs nommés ci-dessus, il est important d’adapter le support en fonction du nombre d’élèves présents pour l’activité, distinguant à ce propos la situation de dictée à l’adulte individuelle ou en groupe. But de la dictée à l’adulte.
Tout d’abord, nous pouvons relever de nombreuses caractéristiques communes dans la mise en place de la dictée à l’adulte chez les deux enseignantes. Le premier point que nous constatons concerne la conduite générale de la situation. En effet, dans les deux cas, nous n’avons pas donné de consigne précise quant à la forme sociale à utiliser. Toutes les deux nous ont présenté des situations mettant en jeu un élève seul en interaction avec l’enseignante.
De plus, comme l’énonce Auvergne et al. (2011), la dictée à l’adulte vise trois buts essentiels : approfondir les différences entre l’oral et l’écrit, produire un oral écrivable en repérant la segmentation des phrases et construire oralement un texte.
Le premier but, le principal, « approfondir les différences entre l’oral et l’écrit », se retrouve à plusieurs moments dans le discours des deux enseignantes comme le montre ce discours de l’enseignante C : […]
Le lien oral-écrit / ça c’est vraiment le principal objectif qu’ils me voient écrire lentement ce qu’ils disent rapidement/ Ce dernier rejoint les propos de l’enseignante A : […]
Ils doivent adapter aussi un peu leur débit / parce que s’ils vont trop vite / finalement je suis pas capable d’écrire /.
Nous pouvons également relever qu’elles l’appliquent fidèlement dans leur pratique.
En effet, les étayages effectués durant la situation de dictée à l’adulte, comme l’adaptation du débit, la structure de la phrase ou encore les spécificités de l’écrit prouvent le lien qu’elles font constamment entre l’oral et l’écrit.
En revanche, nous constatons que le second but « produire un oral écrivable en repérant la segmentation des phrases » n’est pas énoncé par les deux enseignantes même si l’enseignante C le fait dans la plupart de ses dictées à l’adulte. Par exemple, avec 2C2, elle sépare à plusieurs reprises les syllabes comme avec « l’his-toire des en-fants » (13’25) ou encore « L’en-fant est par-ti pê-cher des poi-ssons » (16’30).
Ceci se retrouve également dans le tableau des étayages où nous remarquons qu’elle étaye régulièrement ses élèves en insistant sur la relation graphème-phonème.
Cependant, l’enseignante A n’évoque pas ce but et ne le met pas en place dans ses situations de dictée à l’adulte. Nous postulons qu’elle ne le fait pas car ce n’est pas encore le moment d’aborder ce thème avec ses élèves qui sont, pour la plupart, allophone. Elle va donc se concentrer sur d’autres objectifs avant de penser à la segmentation des mots.
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Table des matières
Introduction
Partie théorique
Partie A : Autour d’un outil, la dictée à l’adulte
Définition de la dictée à l’adulte et mise en place
Composantes de l’entrée dans l’écrit et dictée à l’adulte
Apprentissage de la dictée à l’adulte et prescriptions
Partie B : L’adaptation de l’enseignant à l’élève en situation de dictée à l’adulte
Définitions et origine de la différenciation
Processus d’acquisition du lire-écrire chez l’élève
Gestes de l’enseignant, gestes de régulation et posture d’étayage
La régulation interactive
L’adaptation de l’enseignant à l’élève en situation de dictée à l’adulte
Question de recherche
Méthodologie
Choix de la méthode
Entretiens d’autoconfrontation croisée
La transcription
Contexte et échantillonnage
Recueil et traitement de données
Présentation des résultats
Partie A : Observation des actes
Partie B : Discours sur les actes
Sens et représentations
Différenciation, adaptation à l’élève en difficulté dans cette situation
Interprétation et discussion
Partie A : La dictée à l’adulte en tant qu’outil
But de la dictée à l’adulte
Phases de la dictée à l’adulte
La dictée à l’adulte et les prescriptions
Conclusion
Partie B : L’interaction avec l’élève
Les rôles de l’enseignant
Les postures
Conclusion
Conclusion
Sources
Annexes
Protocole de l’entretien de l’enseignante A
Protocole de l’entretien de l’enseignante C
Mises en situation d’écriture de l’enseignante A
Mises en situation d’écriture de l’enseignante C
Transcription de l’entretien de l’enseignante A
Transcription de l’entretien de l’enseignante C
Réponses aux questions d’entretien
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