Le « milieu » du ferroviaire
Présentation de la SNCF
Notre travail de thèse a été réalisé à la SNCF. Créée en 1938, cette entreprise est spécialisée dans le transport de voyageurs et de marchandises. Aujourd’hui, le groupe est constitué de 240000 salariés, couvre 120 pays dans le monde et transporte 2 milliards de voyageurs chaque année (Site internet de la SNCF, 2015).
Récemment, l’entreprise a subi de profondes modifications organisationnelles avec la réunification de RFF (Réseau Ferré de France) et SNCF. Depuis 2015, la SNCF est désormais devenue un groupe public ferroviaire divisé en trois Epic (Etablissements Publics à Caractère Industriel et Commercial). L’Epic SNCF « assure des fonctions mutualisées exercées au bénéfice de l’ensemble du Groupe public ferroviaire et la conduite des relations sociales au niveau du Groupe Public Ferroviaire » (Site intranet de la SNCF, 2015). Il pilote les deux autres Epic, à savoir l’Epic Réseau qui prend en charge la gestion et la maintenance du réseau ferré français et l’Epic Mobilités qui assure des missions de service de transport public de personnes et de transport de marchandises.
Nous présenterons toutefois l’organisation de la SNCF avant ce changement, puisqu’elle prévalait lors de la réalisation de nos travaux. Avant le rapprochement de RFF, la SNCF articulait ses diverses activités autour de Branches et de Domaines différents. Les cinq branches prennent en charge respectivement la gestion de l’infrastructure (Infra) ; le transport de voyageurs au niveau régional et urbain (Proximités) ; le transport de voyageurs sur de longues distances et à grande vitesse (Voyages) ; le transport de marchandises (Géodis) et l’aménagement et le développement des gares et des connexions intermodales (Gares & Connexions). Les différents Domaines correspondent, dans une certaine mesure, aux différentes missions permettant la circulation des trains. Il existe par exemple le domaine de la Traction qui a en charge la conduite des trains, le domaine du Matériel qui a en charge le développement et la réparation du matériel (trains, etc.), etc.
Enfin, cette organisation se décline en trois niveaux d’actions (Poley, 2015). Le niveau national est constitué du Comité Exécutif qui définit la politique et les orientations stratégiques de l’entreprise et les fonctions transverses (par exemple le service Finances, le service Communication, les Ressources Humaines, etc.). Le niveau régional reçoit et diffuse les décisions nationales à travers les vingt-trois directions régionales. Le niveau local est constitué de plus de deux cents établissements qui sont les organes de production de l’entreprise. En d’autres termes, chaque région pilote des Etablissements qui réalisent des missions commanditées par les Branches & Domaines.
Description du métier d’agent d’escale et de service commercial en gare
Un métier de services
Les rapports entre l’analyse du travail et les métiers du ferroviaire sont anciens (Blatter, 2004). Ils trouvent leurs origines dans les travaux de J-M. Lahy, fréquemment associés à ceux de S. Pacaud (1948). Aujourd’hui encore, les liens entre l’analyse du travail et le chemin de fer français restent prononcés. Nous trouvons par exemple dans la littérature de nombreux travaux portant sur les conducteurs ou sur les contrôleurs (Faïta & Clot, 1996 ; Faïta, 1997 ; Yvon, 2003 ; Fernandez, 2003, 2004 ; Kostulski & Clot, 2007).
Notre intervention porte sur le métier d’agent d’escale et de service commercial en gare que nous retrouvons dans la catégorie des emplois de service . Les métiers de la relation de service ont fortement évolué ces dernières années en raison de la redécouverte du client par les organisations (Bobillier-Chaumon, Dubois & Retour, 2010). Sa satisfaction, l’anticipation de ses besoins, et l’exigence d’une proximité plus importante sont devenus des critères essentiels, faisant des relations de services une référence obligée dans les organisations publiques et privées. Différents types de situations de service sont répertoriés (Cerf & Falzon, 2005) : l’accueil et l’orientation, les services à distance, le conseil et l’accompagnement, les médiations et les interventions sociales, les soins et services aux personnes et la vente et les interactions commerciales.
Des diversités dans le métier d’agent d’escale et de service commercial en gare
Le métier d’agent d’escale et de service commercial en gare est particulièrement difficile à décrire. En effet, la région PXY – qui nous a accueillie – travaille à la fois avec la branche Voyages (la « grande ligne ») et avec la branche Proximités (les trains régionaux et d’Ile de France). Ces deux branches ne prescrivent pas totalement les mêmes missions aux agents d’escale et de service commercial en gare . Le dénominateur commun de ce métier est la mission d’accueil, d’orientation, d’informations et de renseignements dans les situations normales et perturbées. La différence majeure est la vente que l’agent commercial réalise sur Transilien et non sur Voyages.
Les agents commerciaux de la ligne X
Sur Transilien, l’agent exerce dans une gare dite de banlieue parisienne. Nous avons travaillé sur plusieurs gares (que nous intitulerons A, B, C et D) d’une même ligne de RER, la ligne que nous nommerons X. En fonction de la typologie de la gare, l’agent peut travailler seul, à deux ou en équipe. Il remplit des missions différentes selon les horaires de travail. Il peut faire de l’accueil en gare, mais aussi de la vente, de l’après-vente et de la sauvegarde de recettes. Il fait également de la gestion de site, de l’information aux voyageurs (sur les conditions de voyages, les services à disposition et sur le trafic en situation normale ou perturbée). Certaines de ses missions contribuent à la ponctualité (présence sur le quai en heures de pointe pour éviter les blocages de portes par exemple), d’autres à la sécurité en gare, ou bien encore au service commercial (vente, après-vente, renseignements clients, etc.). Une mission spécifique mérite d’être précisée, nommée par l’entreprise « l’humanisation». Elle a pour vocation de renforcer le sentiment de sécurité des voyageurs. Cette mission d’accueil commence à 18h et se termine aux alentours d’1h45, heure de fermeture de la gare. Elle est réalisée par deux agents accompagnés d’un maître-chien ou d’un agent de sécurité. L’agent veille par sa présence en gare à « humaniser » celle-ci, à rendre la gare plus sure pour le client et à le renseigner si besoin.
Les agents commerciaux de la gare Y
Du côté de la branche Voyages, l’agent fait de l’accueil, de la gestion de site, de l’informations aux voyageurs (sur les conditions de voyages, sur les services, sur le trafic en situation normale ou perturbée) et veille à la sécurité-sûreté des clients. Plus précisément dans la grande gare parisienne que nous nommerons Y et dans laquelle porte une partie de notre intervention, l’agent peut être dédié à l’accueil de plusieurs façons . Il peut faire de l’accueil dit « itinérant » : il circule en gare pour répondre au plus près aux besoins des clients, « en allant vers eux », « à leur rencontre ». Il peut également aider le chef de service au départ du train. Mais il peut aussi « faire de l’accueil » dans un kiosque ou un bureau dit « bureau d’accueil » : il est alors dans une « loge » et répond aux sollicitations des clients, «de sa place » pourrions-nous dire. Au Bureau d’Accueil, d’autres missions sont prescrites comme la prise en charge de publics dits « sensibles » (personnes à mobilité réduite, les groupes, etc.), la sous-traitance de missions commerciales comme les services de livraison des bagages et la gestion de situations perturbées (réservation de taxis, d’hôtels, etc.). Certains agents dits « de réserve » peuvent être formés et habilités à faire de l’accueil « sur place » ou en itinérance.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : INTERVENTION ET CADRE DE RECHERCHE
1 LE « MILIEU » DU FERROVIAIRE
1.1 Présentation de la SNCF
1.2 Description du métier d’agent d’escale et de service commercial en gare
2 INTERVENTION REALISEE A LA SNCF
2.1 Construction de la commande : développer le métier
2.2 Repères sur la méthodologie développementale déployée
2.3 Résumé et calendrier de l’intervention
2.4 L’activité d’observation : la place de l’intervenante, premier objet d’analyse ?
2.5 Les autoconfrontations : l’intervenante, une « chef », une « collègue », un « porte-parole » ?
2.6 L’instance de « pilotage » : la place de(s) expert(s) ?
2.7 Développement de l’intervention avec l’introduction de l’encadrement intermédiaire
3 RESULTATS DE L’INTERVENTION ET CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
3.1 Résultats de l’intervention : une pensée sur le métier « en développement »
3.2 Construction de la problématique de recherche : quelles places occupées ?
3.3 De la « valse des places » à l’activité transférentielle : un objet de recherche possible ?
DEUXIEME PARTIE : RESSOURCES THEORIQUES, DU TRANSFERT A L’ACTIVITE TRANSFERENTIELLE
1 LA PLACE DU TRANSFERT DANS LA CURE PSYCHANALYTIQUE
1.1 Définition du transfert
1.2 Le transfert : un report de « personnages »
1.3 Le transfert est une « répétition sans répétition »
1.4 Contre-transfert et transfert : un rapport « vivant » ?
1.5 Le transfert, faire varier « sa personne » ou « l’objet » ?
1.6 Transfert(s) sur la méthode
2 LE TRANSFERT « AU-DELA DU TRANSFERT » : QUELLES RESSOURCES ?
2.1 Circulation du transfert dans l’institution : la contribution de la psychothérapie institutionnelle
2.2 Le contre-transfert comme méthode de recherche : l’apport de Devereux
2.3 Le déplacement du transfert dans l’intervention psychosociale : la proposition originale de Giust-Desprairies
3 L’ACTIVITE TRANSFERENTIELLE DANS L’INTERVENTION EN CLINIQUE DE L’ACTIVITE : UNE RESSOURCE « EN PLUS » ?
3.1 L’activité et ses conflits dans le dispositif méthodologique
3.2 L’activité transférentielle dans le dispositif méthodologique
3.3 Nos hypothèses de recherche
TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES DONNEES ET RESULTATS
1 CONSTRUCTION DU DISPOSITIF D’ANALYSE DES MATERIAUX : REPERER L’ACTIVITE TRANSFERENTIELLE ET SES EFFETS
1.1 Sélection des matériaux et construction du dispositif pour tester nos hypothèses
1.2 La place de l’autre dans le dialogue : quelques points de repères
1.3 Repérer l’activité transférentielle
1.4 Grille d’analyse multimodale : le faisceau d’indices
2 AUTOCONFRONTATION CROISEE N°1 : LE PLACEMENT SUR LE QUAI
2.1 Présentation de la séquence
2.2 Analyse de la séquence retenue : « Je vais te piéger (…) je vais t’aider »
2.3 Synthèse sur le placement
3 AUTOCONFRONTATION CROISEE N°2 : LA POSITION DE LA SIGNALISATION EN GARE
3.1 Présentation de la séquence
3.2 Analyse de la séquence retenue : « ce sera à discuter, faut voir »
3.3 Synthèse sur la signalétique
4 SYNTHESE DE L’ANALYSE DES MATERIAUX
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION ET PERSPECTIVES
1 DEVELOPPEMENT DE L’ACTIVITE TRANSFERENTIELLE : « UN TRANSFERT SUR LA METHODE » ?
2 « TRANSFERT SUR LA METHODE » EN COMITE DE PILOTAGE
3 LE CLINICIEN, UN « AGENT DE LIAISON » ?
4 LE CONFLIT AU SERVICE DU « DEVENIR PSYCHIQUE »
5 L’ACTIVITE TRANSFERENTIELLE, UN INSTRUMENT DE L’ACTION AU SERVICE DE LA CONNAISSANCE ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE