Le système immunitaire défend l’intégrité de l’organisme face aux infections et aux maladies. Son activation repose en partie sur la détection d’éléments étrangers, ou inconnus, provenant de microorganismes ou de la dérégulation de l’organisme. La réponse immunitaire est composée d’une réponse innée et d’une réponse adaptative. La première, préexistante, est activée par des éléments du non-soi. Les senseurs impliqués reconnaissent des éléments partagés par des classes entières de pathogènes, et déclenchent une réponse à large spectre. L’immunité adaptative en revanche est hautement spécifique. Elle est initiée par la réponse innée, et nécessite un temps de maturation pour sa mise en place initiale.La notion d’immunité évolue constamment afin d’intégrer les nouveaux concepts découverts. Les différents modèles reposent sur le principe central que la détection d’un pathogène initie une réponse conduisant à la destruction du pathogène. Un événement important pour le déclenchement de la réponse immunitaire est donc la détection de motifs moléculaires présents sur les pathogènes (pathogen associated molecular patterns, PAMP) (Medzhitov et Janeway 2000). Cette détection est orchestrée par des récepteurs reconnaissant ces motifs (pattern recognition receptor, PRR) (Medzhitov et Janeway 2000). Les motifs détectés sont partagés par de nombreux pathogènes et conservés évolutivement, ce qui rend les PRR efficaces et capables de détecter de très larges gammes de dangers potentiels. La quarantaine de PRR connus se trouvent dans diverses localisations, notamment la membrane cytoplasmique, le cytosol ou des compartiments spécialisés (Rabeony et al. 2015). Ils reconnaissent des molécules différentes, qui peuvent être des lipides, des protéines, des acides nucléiques ou des glucides. Les PRR sont finement régulés, ce qui évite une activation inappropriée du système immunitaire qui serait néfaste pour l’organisme.
L’activation du système immunitaire
Le modèle initial d’activation du système immunitaire est appelé « soi/non-soi », et met en opposition le soi, qui est toléré, avec le non-soi, qui est attaqué et détruit (Burnet et Fenner 1951; Burnet 1969). Cette théorie est basée sur une reconnaissance hautement spécifique et unique de chaque pathogène par ce qui est aujourd’hui appelé l’immunité adaptative. Suite à la découverte de la possibilité pour des cellules du soi non spécifiques de pathogènes en particulier, de reconnaître les pathogènes, ce qui n’était pas prévu par le modèle soi/non-soi, Charles Janeway propose le modèle du non-soi infectieux (Janeway 1989). Ce nouveau modèle fait intervenir les PRR, encodés dans la lignée germinale. Au lieu d’être spécifiques d’un seul pathogène, les PRR détectent les PAMP qui sont partagés par de nombreuses classes de pathogènes. Dans ce modèle, les PAMP sont des marqueurs de non-soi, permettant l’activation du système immunitaire contre les antigènes associés aux PAMP. Ce modèle présente des lacunes, et ne peut expliquer à lui seul l’absence de réponse à la flore commensale (qui exprime pourtant des PAMP), ni l’auto-immunité dirigée contre des cellules du soi. Polly Matzinger propose un nouveau modèle dans lequel elle inclut la notion de danger (Matzinger 1994). Le système immunitaire serait alors capable de distinguer le dangereux du bénin, au moyen de la détection de pathogènes ou de signaux de danger spécifiques produits par les cellules et tissus endommagés. Ce modèle donne une place importante au tissu sain qui joue alors un rôle clef dans la tolérance aux protéines du soi. Ce modèle est complémenté par les motifs moléculaires associés aux dégâts (damage-associated molecular pattern, DAMP) (Seong et Matzinger 2004). Cela élargit le modèle dans le sens où non seulement il existe des signaux spécifiquement produits lors de stress, mais toute molécule anormalement présente, non-fonctionnelle ou dénaturée constitue un DAMP susceptible de stimuler le système immunitaire de la même façon que les PAMP. L’activation du système immunitaire inné par un PAMP ou DAMP permet la production d’un second signal (l’antigène étant le premier signal) nécessaire au déclenchement de la réponse immunitaire adaptative. Il est maintenant théorisé que le système immunitaire serait avant tout capable de détecter des changements et de s’adapter en cas d’exposition prolongée à certains antigènes (Pradeu, Jaeger et Vivier 2013; Eberl 2016; Pradeu et Vivier 2016). De nombreux mécanismes de contrôle à l’échelle intracellulaire comme intercellulaire ont aussi été décrits, permettant de moduler, voire d’inhiber la réponse immunitaire à l’échelle de la cellule ou du tissu en fonction du contexte. L’équilibre entre la tolérance et la perturbation est maintenant au cœur des modèles utilisés pour décrire la tolérance vis-à-vis des bactéries commensales ou des tumeurs. Le contrôle de cet équilibre permettrait de mieux combattre les cancers ou, à l’opposé, de mieux contrôler les pathologies auto immunes. Une des perturbations les plus étudiées dans le cadre de la stimulation du système immunitaire reste la détection des PAMP par les PRR.
Les motifs moléculaires présents sur les pathogènes
Les PAMP sont considérés comme des marqueurs d’infection. Ces motifs moléculaires du non-soi sont des composants essentiels des pathogènes, ce qui les rend stables dans le temps malgré la pression de sélection négative exercée par le système immunitaire de l’hôte. Les PAMP ont aussi la particularité d’être partagés par de nombreux organismes, et donc un unique récepteur peut détecter divers pathogènes. Les PAMP permettent l’activation des cellules présentatrices d’antigènes, responsables de l’initiation de la réponse immunitaire adaptative. Les grandes familles de PAMP connues sont décrites dans la Figure 1. On retrouve des molécules absentes des cellules hôtes, comme le peptidoglycane ou le lipopolysaccharide (LPS), mais aussi des molécules naturellement présentes dans les cellules hôtes, comme l’acide désoxyribonucléique (ADN) ou l’ARN. Cependant, seules certaines formes d’ARN sont détectées, comme l’ARNdb, normalement absent des cellules. La compartimentalisation, c’està-dire le fait que les molécules (dont les PRR) et systèmes fonctionnels soient séparés par des membranes au sein des cellules eucaryotes, permet aussi d’éviter la détection de motifs du soi. Ainsi, l’ADN nucléaire n’est pas détecté par les senseurs cytosoliques d’ADN, et l’ADN détecté sera nécessairement le marqueur d’une infection ou d’un stress cellulaire.
Les autres motifs moléculaires détectés
Les PAMP sont supposément spécifiques des pathogènes infectieux, or ces motifs sont partagés avec d’autre organismes non-pathogéniques, tels que les bactéries commensales. Même si le terme « motif moléculaire associé aux microbes » (microbes-associated molecular pattern, MAMP) permet de rester neutre quant à la nocivité du microorganisme (Didierlaurent, Simonet et Sirard 2005), c’est le terme PAMP qui reste le plus utilisé, de manière souvent abusive. Il arrive aussi qu’en l’absence d’infection, des motifs moléculaires déclenchant l’activation des PRR soient présents, comme cela a été décrit précédemment sous le terme de DAMP. Il peut s’agir de résidus de cellules nécrotiques, d’acides nucléiques, voire de molécules immunostimulatrices spécifiques à l’organisme (ex. : Hsp70, hyaluron). Les DAMP sont des marqueurs de stress cellulaire. Ils induisent aussi une réponse immunitaire, qui peut être dommageable pour l’organisme et pourrait être responsable des maladies auto-immunes.
Les récepteurs intracellulaires détectant les motifs moléculaires
Les PRR regroupent les protéines responsables de la détection des PAMP et des DAMP. Les premiers PRR ont été identifiés dans les plantes et les drosophiles (Song et al. 1995; Lemaitre et al. 1996). Il s’agit, comme précisé plus haut, de récepteurs encodés dans la lignée germinale et donc immuables au cours de la vie de l’organisme. Ces détecteurs ont une séquence fixe assurant la reconnaissance de certains motifs prédéfinis. En fonction du PRR impliqué, la réponse initiée suite à la reconnaissance de DAMP/PAMP varie. Ainsi les PRR activés par la présence anormale d’acides nucléiques dans la cellule, souvent attribuable à une infection virale, initient une réponse antivirale avec la production d’interféron (IFN) de type 1. De plus, de nombreux types cellulaires, dont les cellules immunitaires, expriment de multiples types de PRR, pouvant entraîner des réponses cellulaires différentes. L’activation d’un PRR induit une maturation des cellules immunitaires et l’initiation d’une réponse immunitaire adaptative.
Les PRR sont répartis en différents groupes, selon leurs similitudes et leur localisation. Parmi les PRR cellulaires, on retrouve classiquement le groupe des récepteurs de lectine de type C (C-type lectin receptors, CLR) et des TLR qui sont ancrés dans les membranes. Le groupe des PRR cytoplasmiques regroupe les RLR, ou récepteurs de type RIG-I (retinoic acid-inducible gene I) (RIG-I-like receptors, RLR), les NLR ou récepteurs de type NOD (nucleotide-binding oligomerization domain) (NOD-like receptors, NLR) ainsi que d’autres senseurs d’ADN cytosolique (voir la Figure 3) comme AIM2 (absent in melanoma 2) ou cGAS (cyclic guanosine monophosphate (GMP)-adenosine monophosphate (AMP) synthase).
Les récepteurs de lectines de type C
Les CLR sont des récepteurs possédant un domaine de détection des glucides (carbohydrate recognition domains, CRD). Certains CLR ne reconnaissent pas de glucides mais présentent tout de même des domaines similaires (Zelensky et Gready 2005). Les CLR peuvent être regroupés en trois classes selon qu’ils induisent une signalisation médiée par un domaine activateur ITAM (immunoreceptor tyrosine based activation motif), par un inhibiteur ITIM (immunoreceptor tyrosine-based inhibition motif) ou autre. Les motifs ITAM induisent l’activation des voies de signalisation NF-κB (nuclear factor binding near the κ light-chain gene in B cells) et MAPK (mitogen-activated protein kinases), conduisant à la production de cytokines pro-inflammatoires et à l’activation du système immunitaire (Hoving, Wilson et Brown 2014).
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Table des matières
Introduction
5.1 L’activation du système immunitaire
5.1.1 Les motifs moléculaires déclenchant une réponse immunitaire
5.1.2 Les récepteurs intracellulaires détectant les motifs moléculaires
5.2 Le récepteur de type Toll 3
5.2.1 La découverte de TLR3
5.2.2 La structure de TLR3
5.2.3 Les modifications post-traductionnelles de TLR3
5.2.4 La localisation cellulaire de TLR3 et son trafic
5.2.5 La cascade de signalisation initiée par TLR3
5.2.6 La régulation de l’activité de TLR3
5.2.7 L’impact de la signalisation par TLR3
5.3 Le récepteur d’aryl-hydrocarbone
5.3.1 Les mécanismes d’activation d’AhR
5.3.2 Les ligands d’AhR
5.3.3 L’impact de la signalisation par AhR
Hypothèse de travail et objectifs
6.1 Hypothèse de travail
6.2 Objectifs
Article et résultats
Discussion
8.1 Le modèle expérimental utilisé
8.1.1 Le principe d’un crible génétique
8.1.2 Les avantages des cribles génétiques par CRISPR/Cas9
8.1.3 Les défauts inhérents aux cribles génétiques CRISPR/Cas9
8.1.4 Le choix de la lignée cellulaire
8.1.5 Le choix de la bibliothèque d’ARNg
8.2 Les protéines requises pour la voie de signalisation de TLR3
8.2.1 Les protéines issues du crible jouant un rôle dans la voie TLR3-NF-κB
8.2.2 Le choix des candidats à valider
8.3 La validation des candidats
8.3.1 La réalisation d’un test sur 80 lignées
8.3.2 Les protéines AhR, DLX1 et SOD1 sont des membres de la voie TLR3
8.4 Résumé et conclusion
Bibliographie
Conclusion
Table des Figures
Table des Tableaux
Annexe