L’action publique locale dans les métropoles

Depuis les années 1990, les débats et les ouvrages sur le gouvernement des villes et la gouvernance métropolitaine se sont multipliés dans le contexte de la montée en puissance (ou du retour) des villes. En revanche, peu de publications ont été réalisées sur les institutions infra-métropolitaines et les textes sur la conduite de l’action publique au sein de ces organisations politico-administratives sont rares. Paris en est un bon exemple : on s’est beaucoup intéressé récemment à la gouvernance du Grand Paris, mais par contraste, le thème de l’action publique dans les arrondissements parisiens, ainsi que celui des rapports entre les mairies d’arrondissement et la mairie centrale de Paris, ont été à peine abordés dans la littérature scientiique . Pourtant, l’émergence de l’agglomération ou de la métropole n’efface pas les territoires traditionnels de l’action publique. L’afirmation de ces nouveaux territoires métropolitains donne, au contraire, un nouveau soufle aux niveaux territoriaux considérés comme obsolètes (commune, département, région) (Béhar, 2000).

Ce travail vise ainsi à apporter une contribution à la compréhension de l’action publique des entités composant la métropole. Il s’agit en quelque sorte de prendre le contrepied des travaux sur les « nouvelles régulations » dans les « nouveaux territoires » et de nous pencher sur ce qui se passe dans les métropoles à partir des territoires politico-administratifs actuels des grandes villes. Cette recherche a été formulée à partir de deux champs de rélexion, qui se sont développés avec la décentralisation et le renouveau de la question métropolitaine : le premier sur l’action publique locale et le second sur le gouvernement urbain . L’étude des territoires locaux traditionnels présents dans la métropole se situe à l’intersection de ces deux champs de recherche. Ces derniers, et la littérature qui en est issue, ont constitué des outils dans la réalisation de notre recherche et des termes de référence pour notre analyse, mais il n’ont pas été utilisés comme des théories à l’origine de nos hypothèses de recherche.

La métropole contemporaine : entre métropolisation et décentralisation 

Métropole et métropolisation sont devenues des notions clés des études urbaines. Si le concept de métropole est ancien, celui de métropolisation a été introduit au milieu des années 1980 pour caractériser le rôle, perçu alors comme nouveau, des villes dans les processus de mondialisation. Le terme de métropolisation décrit les dynamiques qui façonnent les métropoles contemporaines : si l’urbanisation a caractérisé la société industrielle, la métropolisation caractérise celle de l’information (Castells, 1998 ; Bassand, 1997 ; Bassand, 2007). Cependant, la métropolisation, bien qu’elle renvoie à des dynamiques complexes sortant du schéma centre périphérie, ne rend pas obsolètes les autres manifestations du fait urbain, tels que l’urbanisation. Elle s’y rajoute (Bassand, Joye & Leresche, 1995 : 1).

Selon l’échelle qui est prise en compte, la métropolisation revêt des dimensions différentes. Aux échelles mondiale et nationale, la métropolisation se déinit comme le renforcement du poids des grandes agglomérations qui concentrent de plus en plus les personnes, les capitaux, les biens matériels et immatériels (Lévy & Lussault, 2003). Les premiers travaux sur la métropolisation ont été développés à partir d’une approche économique, qui décrit la métropolisation comme un phénomène de ré agglomération visible de la production dans certains espaces (Benko & Lipietz, 1992) capables d’attirer des entreprises, de développer des équipements de qualité, de former une main d’œuvre qualiiée et de s’internationaliser. A l’échelle régionale, la métropolisation implique l’intégration dans l’aire de fonctionnement des grandes agglomérations de villes et de villages de plus en plus éloignés. Gottmann (1961) avait déjà théorisé cette dynamique en inventant le terme de mégalopole pour décrire la région urbanisée allant de Boston à Washington. Ascher (1995 ; 2001) a proposé une autre théorie de ce phénomène autour des concepts de « métapole » et de « métapolisation ». La métapolisation est le résultat du double processus de métropolisation et de formation d’un nouveau type de territoire urbain, la métapole (Ascher, 2001 : 59), déinie comme « l’ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d’une métropole. Une métapole constitue généralement un bassin d’emploi, d’habitat et d’activités » (Ascher, 1995 : 34). Cette déinition dépasse celle de la métropole comme unité géographique et spatiale, puisqu’elle permet d’intégrer des zones urbaines éloignées géographiquement mais proches en termes de temps de déplacement, par exemple

Les métropoles latino-américaines : le choix de Mexico et Lima 

L’Amérique latine est l’une des aires géographiques les plus urbaines du monde. Des villes précolombiennes comme Teotihuacán aux villes de la colonisation espagnole, jusqu’aux mégalopoles d’aujourd’hui, la ville est au cœur de l’organisation spatiale, économique et politique des pays latino-américains. En 2005, 388 des 520 millions de latino-américains vivaient en ville, ce qui représente 76% de la population . Ce taux d’urbanisation est proche de ceux des pays du Nord et largement au dessus de la moyenne mondiale (48%). Certains pays comme l’Argentine, l’Uruguay, le Venezuela et le Chili ont des taux qui oscillent autour des 90% de population urbaine, tandis que d’autres pays ont une population rurale encore importante, comme les pays d’Amérique centrale. Dans l’entre deux, se situent les pays qui approchent de la moyenne latino-américaine et notamment le Mexique, avec 75% d’urbains, et le Pérou, avec 72%.

Archétypes de la croissance urbaine et de la macrocéphalie dans les années 1980, les métropoles latino-américaines sont des cas d’étude intéressants pour analyser l’action publique locale dans la métropole. Elles sont traversées par des processus de métropolisation et de décentralisation et très fragmentées. La notion de fragmentation est d’ailleurs apparue très tôt en Amérique latine . Cette fragmentation est diverse et elle est également politique. Le phénomène de démocratisation, qui a débuté dans les années 1980 dans la région et qui s’est accéléré dans les années 1990-2000, a contribué à la diversiication des acteurs politiques dans les villes.

Parmi les villes latino-américaines, notre choix s’est porté sur deux métropoles : Mexico et Lima. Toutes deux chefs-lieux des vice-royautés espagnoles à l’époque coloniale, c’est au cours du XXème siècle qu’elles ont connu une croissance démographique et spatiale rapide et chaotique dans le cadre du processus de métropolisation nationale en Amérique latine (Monnet, 2001). Celle-ci correspond à l’époque de l’industrialisation des pays de la région, de la consolidation du marché national et de l’Etat-nation. Le Mexique et le Pérou ont une structure urbaine macrocéphale, avec une ville-capitale qui concentre population et activités, loin devant les autres villes du pays. Mexico et Lima rassemblent, en effet, une part importante de la population nationale, puisque la population de l’agglomération de Mexico représente environ 20% de la population mexicaine et celle de Lima, 30% de la population péruvienne.

Symbole de la mégalopole dans les années 1980, Mexico a été considérée comme la plus grande ville du monde ; celle de tous les maux urbains : concentration démographique, congestion de la circulation, pollution, fracture sociale, corruption, violence… Mexico a été l’archétype de la « ville-monstre » après avoir été un archétype de la ville moderne (Monnet, 2000a: 53). Lima est une métropole plus discrète sur la scène internationale, mais elle est considérée comme l’une des plus grandes villes d’Amérique latine. Stigmatisée elle aussi pour ses problèmes urbains, elle a été qualiiée de Lima, l’horrible, titre d’un ouvrage de Sebastián Salazar Bondy (1964), devenu un classique de la littérature péruvienne. Aujourd’hui, Mexico et Lima sont deux métropoles politiquement fragmentées, sans réels mécanismes de coordination métropolitaine, et dont la fragmentation s’ampliie avec l’expansion territoriale, voire même des sécessions. Une multitude de gouvernements locaux aux statuts différenciés se partagent le pouvoir dans la métropole. Mexico et Lima sont ainsi de bons cas d’étude pour interroger et comprendre comment fonctionne l’action publique locale et quels types d’interactions et de circulations peuvent se développer en l’absence d’institutions métropolitaines. Avec une histoire et un développement urbain similaire, l’étude de ces deux métropoles se fera sur le mode de la comparaison.

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Table des matières

Introduction
PARTIE I : La fragmentation de l’action publique dans les métropoles de Mexico et Lima
Chapitre 1. Comparer les actions publiques locales
1. La déinition du cadre de l’étude : du centre historique à la métropole
2. Le parti-pris d’une approche inductive : une recherche guidée par le terrain
3. La mise en place de l’enquête de terrain
4. Une méthodologie empirique et qualitative
Chapitre 2. Mexico et Lima : les contextes de la fragmentation et de l’inter-territorialité
1. De la métropole fordiste à la métropole fragmentée
2. La fragmentation politico-administrative et le déi de l’inter-territorialité
3. La décentralisation et le renforcement du multi-niveau
4. La démocratisation des institutions locales
Chapitre 3. Le commerce de rue à Mexico et Lima : une gestion locale sans cadre métropolitain de régulation
1. Brève histoire du commerce de rue : un phénomène urbain ancien
2. Les changements de paradigmes du commerce de rue à partir des années 1980
3. Le commerce de rue : de quoi parle-t-on exactement ?
4. Des actions publiques locales sans cadre métropolitain de régulation
PARTIE II : Les centres historiques, territoires préférentiels de l’action des gouvernements régionaux
Chapitre 4. Consensus patrimonial et politiques de régulation du commerce de rue dans les centres historiques (années 1990)
1. Le commerce de rue dans les centres historiques au début des années 1990
2. Le consensus sur le patrimoine comme référentiel privilégié de l’action publique dans les centres historiques
3. Le « programme d’amélioration du commerce populaire » à Mexico
4. Le programme de relocalisation des vendeurs de rue du centre historique de Lima
Chapitre 5. Entre continuité et innovation : les politiques de régulation du commerce de rue dans les centres historiques (années 2000)
1. Le commerce de rue dans les centres historiques de Mexico et Lima (1997-2008)
2. Nouveau parti, nouveaux modes d’action ? La politique du PRD dans le centre historique de Mexico
3. Du contrôle des rues à la mise en œuvre d’un programme pour les vendeurs autorisés a Lima
Chapitre 6. Les centres historiques : vitrines et laboratoires des actions des gouvernements régionaux
1. L’enjeu de l’action publique dans les centres historiques
2. Des politiques vitrines de la « gouvernabilité »
3. Des laboratoires de l’action publique
4. Des expérimentations en dehors des centres historiques ?
PARTIE III: Les territoires municipaux, théâtres de la pluralité des actions publiques locales et de leurs interactions
Chapitre 7. La pluralité des actions publiques municipales dans la métropole
1. Le commerce de rue en dehors des centres historiques
2. L’action publique municipale à Mexico : les politiques de relocalisation des vendeurs de rue
3. Lima : entre action et inertie, le rôle des acteurs privés dans l’action publique locale
Chapitre 8. L’autonomie municipale à l’épreuve de la situation d’interdépendance métropolitaine
1. De l’importance des effets d’externalité
2. Le rôle des temporalités dans les interactions entre les actions publiques locales
3. Les circulations des actions publiques dans la métropole depuis les centres historiques
Conclusion générale
Annexes

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