L’accouchement physique : un processus psychique

L’accouchement physique : un processus psychique

Si l’expérience d’avoir rêvé, porté, senti les mouvements d’un enfant participe à la construction d’un « devenir mère », la femme ne devient pas, à proprement parler, mère immédiatement après la naissance de son enfant [1]. Des processus de réorganisation psychique et sociologique viennent conforter et confirmer ce nouveau statut et permettent de l’endosser complètement.

La naissance et ses définitions

Selon le sens commun, la naissance est le commencement d’une vie en dehors de l’organisme maternel, donc le début de la vie de l’enfant comme un être unique et autonome. Pour la femme qui enfante pour la première fois, cela signifie le point de départ d’une nouvelle existence. Aussi, la naissance met fondamentalement en action au moins deux protagonistes : l’enfant et sa mère. Selon Jean-Marie Delassus, médecin en périnatalité, naissance veut dire « déplacement, transvasement, changement de monde » [2]. Ces termes indiquent pleinement la transformation à laquelle sont confrontées les parturientes et leur bébé. Un processus d’arrachement est à l’œuvre lors de la naissance : l’entrée dans la parentalité suppose de facto des réaménagements psychiques, identitaires qui viendront répondre aux besoins de son enfant et obligeront ainsi à se repositionner vis-à-vis de son conjoint, de son entourage et en particulier auprès de ses propres parents. [3] Pour Catherine Bergeret-Amselek, psychanalyste, la naissance correspond à une double ouverture. « La dilatation du col de l’utérus pour laisser passer le bébé et une longue dilatation psychique pour laisser notre enfance qui s’échappe» [4]. Une dissociation entre accouchement physique et accouchement psychique est nécessaire pour comprendre le phénomène du « devenir mère ». Tout au long de sa grossesse, la femme se prépare physiquement à l’accouchement via les transformations de son corps. En parallèle, la femme et/ou le couple, selon les situations familiales, se prépare(ent) psychologiquement à accueillir leur enfant : elle/ils va/vont préparer la chambre, choisir un prénom, imaginer ce bébé… Ce versant psychologique est d’ailleurs pris en considération dans les cours de préparation à la naissance et à la parentalité. Ces cours, proposés à toutes les femmes enceintes, sont en outre des moyens de dépistage, d’accompagnement et d’information.

Cependant, certaines préparations comme l’haptonomie qui cherchent à établir, avant la naissance, un lien affectif et corporel entre la mère et l’enfant ou encore la sophrologie s’intéressent plus particulièrement à ce versant psychologique. Force est de constater à travers nos expériences vécues lors de nos études, que cette période « autour de la naissance » est souvent le lieu où se déroule un bouleversement considérable dans la vie d’une femme. Lyliane Nemet Pier, une psychologue, compare cet « autour de la naissance » à une zone de turbulence que l’on traverse en avion : « on est un peu secoué, on a peur, on perd ses repères, on doute, on ne sait pas ce qui va se passer ni comment cela va se passer » [3]. La femme durant sa grossesse, son accouchement, voire encore dans le post partum, par manque de repères concrets sur la réalité en devenir, est inscrite dans une situation de chaos des plus déconcertantes. Pour autant, ce bouleversement psychosomatique lui permet de s’interroger, de comprendre et, enfin, d’endosser pleinement son nouveau statut de mère.

La notion de « maternalité »

La notion de « maternalité » a été introduite en France en 1961 par Paul-Claude Racamier, psychiatre et psychanalyste. Issue de l’anglais motherhood, elle se construit sur la base des mots « maternel », « maternité » et « natalité ». Elle qualifie tous les processus psychologiques affectifs liés au désir et à la réalisation de la maternité qui se développent et s’intègrent chez la femme. En traduisant l’ensemble des séquences du « devenir mère », la « maternalité » concerne autant les transformations corporelles que psychiques. Du seul fait de provoquer un changement de statut, « devenir mère » entraîne inévitablement un questionnement sur ses propres origines, sur la différence des générations ou encore sur la mort. La personnalité remaniée prend, de la sorte, une forme nouvelle.

La « maternalité » est une phase où le fonctionnement psychique s’approche normalement – mais réversiblement – d’une modalité psychotique. Du reste, il faut comprendre cette modalité non pas comme un groupement de signes cliniques, mais plus précisément comme une réorganisation du moi et de la personnalité. A ce moment, le moi se départit, le sens de l’identité personnelle devient fluctuant et fragile, les relations d’objet se font sur un mode régressif. Le temps du post-partum apparait alors comme une crise identitaire, un repositionnement du soi assimilable à celui de l’adolescence.

En effet, nous observons plusieurs éléments faisant écho à cette période :
– Des mouvements hormonaux importants ;
– Une vaste remise en question de soi, de ses relations ;
– Un jeu d’identification principalement à sa mère ou à une autre figure maternante ainsi qu’à un groupe social ;
– De grandes variations des états du moi, des représentations de soi, de son contenu ;
– De nouvelles positions relationnelles ainsi que des réalisations concrètes socialement importantes.

Comme le précise Monique Bydlowsky, psychologue et psychanalyste : « Alors qu’à l’adolescence l’enjeu est de renoncer à l’enfance pour aborder l’âge adulte, au cours de la première maternité, l’enjeu est de changer de génération, de façon flagrante et irréversible. » [6] En effet, après son accouchement, la femme passe du statut d’enfant de sa mère à celui de mère de son enfant. Ces moments de crise identitaire peuvent être plus ou moins difficiles mais révèlent toujours à la mère une partie de ce qu’elle est.

Pour Catherine Bergeret Amselek, « l’accouchement contient en condensé, pourrait-on dire, toute la maternalité qui se met en acte, qui se dramatise à travers le corps » [7]. C’est pourquoi, pour la femme, ce moment est vraiment un passage capital dans la construction de sa nouvelle fonction de mère et dans les transformations de sa personnalité. La parturiente rejoindrait un état émotionnel rappelant celui qui aurait été le sien lorsqu’elle était bébé. Il s’agit de la réminiscence [6]. De fait, à travers la naissance de son enfant, la femme peut se replonger dans son enfance. En s’identifiant profondément à son enfant, elle devient capable d’en comprendre les moindres signaux, pourtant souvent inintelligibles pour un grand nombre d’intervenants extérieurs.

En acceptant ainsi cet état émotionnel, la femme devient complètement dépendante du bébé : une situation parfois inimaginable pour beaucoup de jeunes femmes modernes, indépendantes. Pour s’abandonner, régresser et comprendre psychiquement et sensoriellement son bébé, la femme, surtout si elle devient mère pour la première fois, doit pouvoir bénéficier d’une enveloppe sociale et familiale maternante.

Paul-Claude Racamier ajoute que « les soutiens que la future ou nouvelle mère reçoit de son entourage contribuent fortement à renforcer en elle sa bonne image de mère et à faire pencher la balance dans le sens de l’intégration » [5]. C’est dans ce contexte que Daniel Stern, pédopsychiatre, évoque la notion de constellation maternelle.

La constellation maternelle

La constellation maternelle s’organise autour de trois types de préoccupations et de trois discours :
– celui de la mère avec sa propre mère en tant qu’enfant de cette mère ;
– celui d’elle-même en tant que mère ;
– celui d’elle-même avec son bébé,

Cette typologie constitue une nouvelle « triade psychique ».

La femme, dès le moment de la naissance, axe ses comportements, ses intérêts sur le bébé, sur sa survie et son développement psychoaffectif. Ce changement de préoccupation entraine invariablement la mise en place d’un réseau de soutien appelé « matrice de soutien ». La nouvelle mère redoutera un échec dans la relation, une incapacité à faire face aux besoins de son enfant. La primipare va tout d’abord s’entourer de sa propre mère ou d’une autre figure maternelle, qui, le plus souvent, devient objet d’identification. En s’imposant comme modèle positif, la «nouvelle » mère percevra alors différemment ses relations avec sa mère et cherchera à ses côtés conseils et soutien. En outre, dans certains contextes particuliers où l’histoire personnelle, le passé, la relation antérieure avec la mère aurait pu être difficile ou conflictuelle, il est probable d’observer un rejet de cette dernière qui se conclut bien souvent par une recherche d’indépendance.

Les relations conjugales et familiales sont également à réorganiser complètement. Il est assurément nécessaire de rechercher un nouvel équilibre. Le père se place ainsi comme tiers dans la dyade « mère-enfant ». En permettant à la séparation des deux êtres de s’effectuer, il octroie à l’enfant les moyens de se développer en tant qu’individu unique. Le conjoint représente aussi la protection physique vis-à-vis de l’extérieur. Il est en ce sens d’un réel soutien psychologique. A ce stade, « le mari sera plus vécu comme père du bébé que comme époux et partenaire ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I: Pour une revue de la littérature
I- L’accouchement physique : un processus psychique
1.1 La naissance et ses définitions
1.2 La notion de « maternalité »
1.3 La constellation maternelle
1.4 La « préoccupation maternelle primaire »
1.5 Un état de vulnérabilité
II- Socio-anthropologie de l’accouchement
2.1 Le rite de passage
2.1.1 Le concept
2.1.2 Le schéma
2.1.3 Les rites de la grossesse et de l’accouchement
2.2 La douleur
2.3 La fonction sociale
2.3.1 Le renouvellement des générations
2.3.2 La communauté des mères
III-La construction du discours
3.1 Se souvenir
3.1.1 Les récits mythologiques
3.1.2 La nativité du Christ
3.1.3 L’accouchement dans la littérature du XIXe
3.2 Raconter par tradition
3.3 Comprendre un vécu
3.4 Ecouter
PARTIE II: Présentation de la démarche
I- Présentation de l’étude
1.1 Objectif de l’étude
1.2 Méthodologie
1.2.1 Outils
1.2.2 Méthode de constitution du panel
1.2.3 Population
1.2.4 Période
1.2.5 Lieu
1.3 Déroulement des entretiens
II- Présentation des différentes personnes rencontrées
2.1 Primipares
2.2.1 Madame A
2.1.2 Madame B
2.1.3 Madame C
2.1.4 Madame D
2.1.5 Madame E
2.2 Multipares
2.2.1 Madame F
2.2.2 Madame G
2.2.3 Madame H
2.2.4 Madame I
2.2.5 Madame J
2.2.6 Madame K
PARTIE III: Réflexion évaluative
I- Critique de l’étude
1.1 Points faibles
1.2 Points forts
II- La composition du récit
2.1 Naissance égal bonheur
2.2 Les thèmes
2.2.1 La durée
2.2.2 La douleur et la péridurale
2.2.3 Les autres thèmes : pertes des eaux, déclenchement, protagonistes, etc
2.3 Ce qu’on ne raconte pas
2.3.1 Pour ne pas faire peur
2.3.2 Parce que le vécu est bon
2.3.3 Les détails et l’intimité
2.4 Les faits marquants
2.5 Les émotions et sentiments
2.5.1 La joie
2.5.2 Le soulagement
2.5.3 La peur, l’angoisse
III-Transformations sociales
3.1 La relation avec le conjoint
3.1.1 Le conjoint comme soutien
3.1.2 Les nouvelles relations
3.1.3 L’arrivée d’une fille dans le couple
3.2 Les représentations sociales
3.2.1 Chez les grandes multipares
3.2.2 Changement de regard
3.2.3 Reconnaissance sociale
3.3 L’illustration de la préoccupation maternelle primaire
3.3.1 Notion de responsabilité
3.3.2 Le bébé d’abord
3.3.3 Un sentiment de protection
3.4 L’accueil par la fratrie
IV- La tradition du récit
4.1 Une histoire de femme
4.1.1 La relation mère fille
4.1.2 Les autres femmes
4.1.3 Les figures masculines
4.2 La transmission orale
4.2.1 La place de la société
4.2.2 Identification au discours des autres
4.3 Le récit comme un rite
4.3.1 Pourquoi raconter son accouchement ?
4.3.2 La construction de la fonction maternelle
4.3.3 L’absence de récit
4.3.4 Le mythe
4.4 La fonction symbolique de la sage-femme
4.4.1 La médiation
4.4.2 La reconnaissance
4.4.3 L’accompagnement
CONCLUSION
Bibliographie
Annexe

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