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Les troubles de l’oralité alimentaire
Les troubles de l’oralité alimentaire dans la littérature
Au cours de son développement, l’enfant peut présenter des difficultés à s’alimenter, allant d’une absence de comportement spontané d’alimentation à un refus total de se nourrir (Thibault, 2007). Les principales plaintes recueillies par les pédiatres sont des petits appétits, des refus alimentaires, des nausées au moment des repas, des troubles praxiques (au niveau de la succion, de la déglutition et de la mastication) et des phobies alimentaires (Abadie, 2004). Ces troubles de l’oralité alimentaire concerneraient 25 à 50% des nourrissons tout-venant (Cascales et al., 2014).
On retrouve différents termes dans la littérature pour évoquer les troubles de l’oralité alimentaire (TOA). On parle notamment des troubles alimentaires pédiatriques (TAP), qui sont traduits dans la littérature anglaise par « pediatric feeding disorders », ou « oral feeding disorders ». Catherine Thibault (2007) parle également de dysoralité, qu’elle définit comme « l’ensemble des difficultés de l’alimentation par voie orale. » Enfin, Catherine Senez (2015) propose le syndrome de dysoralité sensorielle, qui serait « une hyper-réactivité des organes du goût et de l’odorat ». Ce trouble concernerait 25% des enfants tout-venant et 50 à 80% des enfants et adultes présentant un polyhandicap.
Dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) de 2016, le trouble de l’oralité alimentaire est classé dans la restriction ou l’évitement de l’ingestion d’aliments. Il est décrit comme « un manque d’intérêt manifeste pour l’alimentation ou la nourriture ; préoccupation concernant un dégoût pour le fait de manger, qui se manifeste par une incapacité persistante à atteindre les besoins nutritionnels et/ou énergétiques appropriés ».
L’origine du trouble de l’oralité alimentaire est propre à chaque enfant et à son histoire vis-à-vis de la sphère orale. Cette dernière a pu être malmenée dès la naissance suite à des chirurgies et des soins médicaux lourds : sonde naso-gastrique, trachéotomie, intubation (Guillerme, 2014). Dans ces conditions, le nourrisson n’a pas pu investir de manière positive sa bouche, marquée par un événement traumatisant. Le trouble de l’oralité alimentaire peut aussi s’inscrire dans une autre pathologie plus large telle qu’un syndrome, une maladie métabolique, une infirmité motrice cérébrale, un polyhandicap (Guillerme, 2014). Volkert et Vaz (2010) estiment que 70% des individus présentant un trouble du spectre de l’autisme auraient une sélectivité alimentaire. De plus, 40 à 70% des enfants prématurés présentent des difficultés alimentaires (Thibault, 2007). D’autres causes organiques encore sont relayées par la littérature : reflux gastro-œsophagien, hypersensibilité orale, troubles de la succion et la déglutition avec des fausses routes (Guillerme, 2014). Enfin, un environnement psychoaffectif peu sécure peut être la cause d’un trouble de l’oralité alimentaire : longues hospitalisations, carences affectives, dépression maternelle, état de sidération des parents à l’annonce de la maladie de leur enfant (Guillerme, 2014).
Une classification des troubles de l’oralité alimentaire
Les causes du trouble de l’oralité alimentaire sont ainsi très variées. Cependant, elles sont généralement classées dans la littérature en grandes catégories. Nous allons ici développer la classification proposée par Guillon-Invernizzi, Lecoufle et Lesecq-Lambre (2020). Ces orthophonistes distinguent trois catégories de signes à repérer lors du bilan, permettant de poser un diagnostic spécifique. L’enfant peut présenter des signes des différentes catégories.
Signes d’ordre oro-moteur
L’enfant peut présenter un déficit fonctionnel au niveau de la coordination entre sa succion, sa déglutition et sa respiration. Des troubles du tonus chez l’enfant (hypertonie ou hypotonie) peuvent également être à l’origine de difficultés alimentaires au moment de la mise en bouche ou sur les différents temps de la déglutition. Les auteurs observent aussi un possible trouble des praxies bucco-faciales à la cuillère, avec une persistance des mouvements de succion. Le passage aux morceaux peut mettre en difficulté l’enfant qui ne sait pas comment mastiquer et/ou entraîner un haut-le-cœur. Un trouble de la déglutition peut également être associé au trouble alimentaire pédiatrique.
Signes d’ordre sensoriel
Certains enfants peuvent présenter une hyper-réactivité sensorielle, c’est-à-dire une surréaction à certains stimuli, s’exprimant à travers des comportements d’aversion orale, faciale et corporelle. A l’inverse, d’autres enfants ont une hypo-réactivité sensorielle, ils sont à la recherche de plus grandes stimulations. Parfois ce comportement s’accompagne de mises en bouche excessives, les enfants ont besoin de « se remplir la bouche » dans un but de recherche sensorielle.
Signes d’ordre psycho-socio-comportemental
Une sélectivité alimentaire importante et une néophobie alimentaire persistante dans le temps sont des signes d’alertes pouvant mettre en évidence un trouble de l’oralité alimentaire. Certains événements antérieurs sont aussi parfois à l’origine du TOA : alimentation artificielle, fausses routes. Ces mauvaises expériences vis-à-vis de l’alimentation ont entraîné un investissement douloureux de la sphère bucco-faciale. Enfin, il est important d’observer quelles sont les stratégies environnementales, humaines et matérielles mises en place lors des repas. En effet, l’environnement dans lequel évolue l’enfant joue un rôle important mais ne peut pas être cependant l’unique cause du TOA.
Impact du trouble de l’oralité alimentaire…
Sur la santé de l’enfant
Le trouble de l’oralité alimentaire impacte le développement de l’enfant, différemment selon son degré de gravité. Le TOA peut en effet avoir une répercussion sur la prise de poids dans un premier temps, puis sur la courbe staturale dans un deuxième temps (Abadie, 2004). Le TOA peut entraîner une perte de poids voire une malnutrition (Cascales et al., 2012).
Le développement de la parole peut également être perturbé, par manque de praxies à travers la mastication des aliments notamment. L’enfant avec TOA peut présenter par exemple un trouble articulatoire avec l’impossibilité de produire les phonèmes occlusifs postérieurs « c » et « g » par peur de déclencher l’hyper-nauséeux (Senez, 2004).
Dans la vie quotidienne
Le trouble de l’oralité alimentaire peut également s’accompagner d’une hyper-sensitivité corporelle et sensorielle (Leblanc et al., 2012). Elle est définie comme une réceptivité excessive d’un ou plusieurs organes sensoriels : la vue, le toucher, l’ouïe, l’odorat, le goût, le système vestibulaire et la proprioception. Les sollicitations extérieures sont alors perçues comme agressantes et entraînent des réponses excessives de l’enfant. En ce qui concerne le toucher, l’enfant peut avoir besoin de se laver les mains très régulièrement, ne pas supporter le toucher de certaines textures, pouvant aller jusqu’à un écœurement. Les activités quotidiennes sont irritatives voire insupportables : prendre une douche, être pris dans les bras, marcher dans le sable… Ces réactions négatives sont majorées d’autant plus lorsqu’elles touchent la sphère orale : lavage du visage, brossage des dents, caresses dans le cou (Guillerme, 2014). Enfin elles déclenchent des défenses comportementales comme de la colère, des pleurs, de l’évitement, qui sont difficilement gérables pour les parents (Leblanc et al., 2012).
Dans la relation parents-enfant
Le rôle nourricier de la mère, et des parents plus largement, est mis à rude épreuve lorsque l’enfant présente un trouble de l’oralité alimentaire. Abadie (2004) évoque l’alimentation comme un « élément très fondateur du lien mère-enfant ». Le refus de manger, les difficultés à s’alimenter de l’enfant mettent à mal les parents, qui se sentent démunis et non compétents dans leur fonction nourricière (Levavasseur, 2017). Les parents sont également anxieux vis-à-vis de la prise de poids de leur enfant, qui ralentie voire diminue (Guillerme, 2014).
Les repas ne sont pas des temps d’échange et de plaisir. Ils sont laborieux, longs, générateurs de stress pour les parents mais aussi pour l’enfant. Les parents peuvent mettre en place des stratégies, notamment pour tenter de détourner l’attention de leur enfant, en mettant la télé pendant le repas par exemple (Guillerme, 2014). Les parents s’adaptent en proposant uniquement les aliments appréciés par l’enfant, ce qui restreint les expériences alimentaires. Enfin, il existe un risque important de forçage alimentaire (Cascales et Olives, 2012) ainsi que la mise en place de punitions (Levavasseur, 2017).
LA PRISE EN SOIN DU TROUBLE DE L’ORALITÉ ALIMENTAIRE
Les approches théoriques dans la prise en soin
Les approches dans la prise en soin du trouble de l’oralité alimentaire associent désormais l’aspect comportemental à l’aspect sensoriel. Une approche purement comportementale vise à modifier un comportement inadapté en renforçant les bons comportements. Les renforçateurs positifs utilisés peuvent être des renforcements sociaux ou peuvent s’appuyer sur l’utilisation des jouets préférés de l’enfant, ou encore la télévision, pour l’inciter à manger de nouveaux aliments difficiles (Overland, 2011). Certains aliments très appréciés par l’enfant sont également utilisés comme renforçateurs alimentaires. Mais cette approche ne prend pas en compte les difficultés oro-motrices et sensorielles. Par exemple, l’enfant peut accepter de goûter un aliment grâce au renforçateur positif, mais va avoir des difficultés pour l’ingérer. L’enfant engramme une expérience négative et va appréhender la prochaine prise alimentaire de cet aliment. A l’inverse, une approche uniquement sensorielle basée sur la désensibilisation sensorielle ne va pas non plus travailler les praxies nécessaires à l’ingestion des aliments. Il s’avère donc essentiel dans la prise en soin proposée d’allier l’approche comportementale à une approche sensorielle, tout en proposant un travail en amont sur le développement oro-moteur à l’enfant (Overland, 2011).
Nous décrivons par la suite les approches que nous avons relevées dans la littérature, qui peuvent être combinées selon les besoins propres à chaque patient.
L’approche décrite par Véronique Leblanc et Marie Ruffier-Bourdet
L’action de manger ne se limite pas à la seule ingestion d’aliments. C’est un processus bien plus complexe qui est mis en jeu, faisant appel à tous les sens : « Quand je mange, je regarde, j’entends, je sens, je touche, je goûte… » (Leblanc et Ruffier-Bourdet, 2009). Ces auteurs établissent de grandes étapes à franchir avant de pouvoir mettre un aliment en bouche. Elles évoquent chez certains patients avec TOA une hypersensitivité tactile qu’il faut réduire progressivement en respectant différents stades. Ainsi, elles proposent un ordre des textures alimentaires et non alimentaires à présenter à l’enfant pour lever son appréhension tactile (figure 2). Ce travail du toucher s’accompagne de sollicitations corporelles avec des massages et des jeux vibratoires. Leblanc et Ruffier-Bourdet insistent sur l’importance de la désensibilisation du corps, à réaliser avant même de s’approcher de la sphère orale de l’enfant : « Avant d’être bien dans sa bouche, l’enfant doit être bien dans son corps ».
Comme pour la désensibilisation tactile, le travail de la sphère orale se réalise par étapes. Les auteurs préconisent ainsi de débuter par des pressions sur le visage (front, nez, joues, menton), puis elles invitent l’enfant à explorer sa bouche seule en faisant des bruits de bouche, des activités de souffle. Plus tard, lorsque l’enfant l’accepte, l’orthophoniste peut débuter des pressions intra-buccales, sur les gencives, puis sur la langue et le palais. L’enfant peut alors plus facilement appréhender la cuillère dans la bouche.
Le food chaining
Le food chaining est une approche visant la modification comportementale de l’enfant face à de nouveaux aliments, tout en prenant en compte son profil sensoriel. Cette méthode permet d’augmenter le panel alimentaire de l’enfant en lui proposant un programme personnalisé (Fishbein et al., 2006). Ce dernier est créé par toute une équipe pluridisciplinaire : orthophoniste, ergothérapeute, médecin, diététicien, psychologue. Le diététicien établit avec les parents et l’enfant la liste des aliments acceptés et tend à inclure de nouveaux aliments grâce au chaînage des aliments. Pour ce faire, le thérapeute part d’un aliment apprécié par le patient, et va faire varier les caractéristiques sensorielles, c’est-à-dire le goût et la texture, de façon progressive, afin d’atteindre un nouvel aliment cible. Puis l’orthophoniste propose un accompagnement parental à la famille. En effet, il donne les clés aux parents pour reprendre à la maison ces chaînages alimentaires, afin de se (ré)approprier leur rôle nourricier (Fraker et Walbert, 2011).
L’approche SOS
L’approche SOS (Sequential Oral Sensory Approach to Feeding) est une méthode visant l’augmentation du panel alimentaire par le jeu, et à terme l’augmentation des quantités ingérées. Elle est menée en équipe pluridisciplinaire : orthophoniste, ergothérapeute, psychologue, diététicien, pédiatre. Dans cette approche, l’enfant apprivoise en 6 étapes un nouvel aliment : tolérer la présence de l’aliment en le regardant, interagir avec, le sentir, le toucher, le goûter et enfin le manger (Toomey et Ross, 2011) (figure 3). Le programme se déroule sur 12 semaines, en séances individuelles ou en groupe (Benson et al., 2013). Les enfants développent également leurs capacités bucco-motrices, afin de mieux appréhender la présence d’un aliment dans leur bouche (Toomey et Ross, 2011).
Messy Play Therapy
L’approche Messy Play Therapy, ou la thérapie par le jeu, a pour principe de désensibiliser l’enfant aux odeurs et aux matières non alimentaires puis alimentaires. Elle permet à l’enfant de se familiariser avec de nouvelles textures lors d’activités ludiques, sans être jamais poussé à goûter (Chiatto et al., 2018). Le programme débute par la désensibilisation tactile, en respectant un ordre précis des matières, comme dans les principes de Leblanc et Ruffier-Bourdet (2009). Les dernières expériences portent sur des textures mélangées, et l’enfant est invité à « se salir » pour ne plus appréhender ces textures (Chiatto et al., 2018). L’objectif final est que l’enfant se lèche les doigts lorsqu’il patouille avec ses mains des matières alimentaires (Chiatto et al., 2018). L’enfant est encouragé tout le long de ses explorations par un « thérapeute par le jeu », ainsi que par sa famille.
The Fun with Food Programme
The Fun with Food Programme vise la diversification alimentaire ainsi que la hausse des apports caloriques pour les enfants avec trouble de l’oralité alimentaire. Le programme est mené par une équipe pluridisciplinaire. Cette dernière accompagne l’enfant dans le développement de ses compétences oro-motrices mais également sensorielles. Le suivi proposé est intensif et est réalisé en groupe. Enfin les parents font partie intégrante de la prise en soin, en étant formés sur des notions d’alimentation (Marks, 2008).
Les professionnels dans la prise en soin du trouble de l’oralité alimentaire
Comme vu précédemment, la prise en soin du trouble de l’oralité alimentaire n’est pas uniquement du ressort de l’orthophoniste. Elle implique d’autres professionnels : psychomotriciens, ergothérapeutes, psychologues, diététiciens, kinésithérapeutes, médecins, puéricultrices (Bellis et al., 2009). Le lien entre les différents professionnels qui entourent l’enfant et sa famille est primordial, afin de transmettre un discours unifié (Barbier, 2014). Le travail doit être transdisciplinaire, c’est-à-dire les uns avec les autres.
La prise en soin orthophonique
En orthophonie, la prise en soin peut se dérouler en cabinet libéral mais également en structure de soin. La prise en soin a pour grand principe de permettre à l’enfant de (ré)-investir sa zone orale, en la transformant en lieu d’exploration et de plaisir (Guillerme, 2014). Suite au bilan, l’orthophoniste va cibler les difficultés propres à l’enfant et « intervenir autour de l’oralité dans toutes ses dimensions, qu’elles soient alimentaires, sensorielles, relationnelles, verbales, cognitives ou gnoso-praxiques » (Leneveu, 2021).
L’intervention orthophonique se doit d’être la plus précoce possible. En effet, si l’enfant réitère de nombreuses expériences négatives au moment des repas, son cerveau intègre peu à peu que l’alimentation est source de souffrance (Levavasseur, 2017). Plus l’enfant grandit, plus il est difficile de déconstruire son appréhension et ses comportements de défense vis-à-vis de la nourriture. Une prise en soin est dite « précoce » lorsqu’elle est réalisée entre les 0 et 3 ans de l’enfant. La présence des parents en séance est ainsi primordiale, pour faire le prolongement au domicile (Cousin, 2010). L’importance de l’accompagnement parental dans la prise en soin du TOA sera développée dans la troisième partie. Enfin, la prise en soin du TOA peut se réaliser en séances individuelles ou en groupe. Dans le cadre de ce mémoire, nous allons développer la prise en soin en groupe.
La prise en soin en groupe
Différentes formes de groupe peuvent être imaginées pour la prise en soin du TOA : groupe d’enfants, groupe de parents, ou groupe avec dyade parent-enfant. Dans le cadre de ce mémoire, le groupe est conçu de dyades parent-enfant. Le groupe est un espace d’explorations à la fois sensorielles, alimentaires mais aussi plus largement de la sphère oro-faciale. Selon Coquet (2013), le groupe « procure à chaque participant un cadre structurant et protecteur à l’intérieur duquel il va se donner la permission de vivre une expérience positive ». Les enfants tentent de nouvelles explorations, par imitation des autres et grâce à l’effet de groupe.
La prise en soin en groupe permet de ne pas se focaliser uniquement sur les difficultés d’un enfant, car selon les activités proposées il sera parfois à l’aise et compétent, et parfois plus gêné. Les parents sont invités à participer activement au groupe, et s’enrichissent des échanges qu’ils ont avec les autres parents (Barbier, 2004), se sentant aussi moins seuls face au TOA de leur enfant. Enfin le groupe propose de nouvelles clés et des idées à explorer avec leur enfant. Les parents sont les premiers experts de leur enfant et ils se saisissent des approches qui leur semblent les plus appropriées (Barbier, 2004).
L’ACCOMPAGNEMENT PARENTAL AU CŒUR DE LA PRISE EN SOIN DU TROUBLE DE L’ORALITÉ ALIMENTAIRE
Guidance, accompagnement et partenariat familial
Différents termes existent dans la littérature pour décrire la collaboration que les professionnels peuvent entretenir avec les familles. Dans une revue de littérature, Perichon et Gonnot (2021) proposent une nouvelle classification des différentes appellations. En premier lieu, il existe la guidance parentale, où le professionnel de santé entretient une relation verticale et asymétrique avec les parents, car il prodigue des conseils et des savoirs-être, tout en fixant lui-même les objectifs de l’enfant. Bo (citée dans de Place, 2018) parle d’un accompagnement de niveau I, où l’orthophoniste a uniquement un rôle d’information.
Perichon et Gonnot (2021) définissent ensuite l’accompagnement parental, où la relation parent-professionnel est dite « horizontale symétrique ». En effet, les parents sont sollicités dans la prise en soin et sont invités à reproduire dans le quotidien les techniques vues en séance, afin de de développer leurs compétences parentales.
Enfin, le partenariat parental est « un processus collaboratif, dynamique et intégratif reposant sur une relation de confiance réciproque » (Perichon et Gonnot, 2021). Les objectifs propres à l’enfant sont établis conjointement entre les parents et le professionnel. Le partenariat parental a pour but d’améliorer la qualité de vie du patient mais également de son entourage, qui se sent alors compétent. Pour Bo (citée par de Place, 2018), l’accompagnement de type III se réalise uniquement en présence des parents, sans l’enfant. Le parent devient alors le principal acteur dans la prise en soin de son enfant. Le rôle de l’orthophoniste est d’évaluer quelle approche (guidance, accompagnement ou partenariat parental) sera la plus adaptée aux besoins et aux attentes de la famille (Perichon et Gonnot, 2021).
L’accompagnement parental en orthophonie
Nous allons ici développer l’accompagnement parental en orthophonie dans la prise en soin du TOA. En premier lieu, l’orthophoniste a un rôle d’écoute auprès des familles. Il accompagne les parents dans leur deuil de l’enfant « idéal », en changeant leur regard par la mise en avant de ses qualités et de ses progrès (de Place, 2018). L’orthophoniste écoute aussi les parents car ce sont eux qui vont exprimer au mieux les besoins de leur enfant (Leneveu, 2021). Au fil des séances, l’orthophoniste découvre les habitudes et la culture familiale, qu’il devra prendre en compte dans ce qu’il propose aux familles pour être en adéquation avec leur quotidien (Leneveu, 2021). La question du positionnement du professionnel vis-à-vis des parents est également essentielle. Barbier (2004), souligne ainsi que « le but de l’accompagnement parental n’est pas de « guider » chaque pas des parents mais bien de les accompagner sur le chemin qu’ils décident de prendre en les informant, en les incitant à chercher et à trouver des solutions par eux-mêmes ». Les parents possèdent déjà des solutions pour leur enfant, que l’orthophoniste va venir valoriser, soutenir, améliorer.
En soutien des initiatives parentales, l’orthophoniste peut proposer de mettre en place des « routines sensorielles écologiques au sein du quotidien familial » (Levavasseur, 2017). Les activités journalières telles que le bain, le brossage de dents, le change, sont déjà des moments où le parent peut activer de façon positive la sensorialité de son enfant, en faisant des massages par exemple (Barbier, 2004). Afin de quantifier et de valoriser les progrès, les parents peuvent remplir un tableau à chaque fois que l’enfant réussit une activité (Levavasseur, 2017). Dans tous les cas, ce qui est proposé à la famille doit prendre sens pour elle.
Enfin, l’orthophoniste tente d’instaurer un cadre sécurisant pour l’enfant et sa famille. Son objectif est de « favoriser et d’enrichir la relation parents/enfant » (Thibault, 2015). Leneveu (2021) parle de « co-thérapie », un espace où chaque acteur (re)prend confiance. Les parents, rassurés dans ce qu’ils proposent à leur enfant, se sentent plus compétents.
Vers un sentiment de compétence parentale
L’accompagnement parental agit comme « un révélateur des compétences parentales » (de Place, 2018). L’orthophoniste vise à terme l’autonomie des parents dans la gestion du TOA, en ne créant pas une forme de dépendance à la prise en soin (de Place, 2018). Pour autant, les parents ne doivent pas devenir des professionnels, des thérapeutes auprès de leur enfant (Cousin, 2010).
A travers l’accompagnement parental, l’orthophoniste souhaite augmenter le sentiment de compétence parentale. Ce concept correspond « à la perception de ses capacités à être un bon parent pour son enfant et à la satisfaction d’assumer ce rôle » (Zebdi et al., 2018). Ce sentiment de compétence parentale, appelée aussi « estime de soi parentale » est donc un ressenti pleinement subjectif que le parent a vis-à-vis de ses capacités. Plus le parent partage des expériences positives avec son enfant, plus son sentiment de compétence parentale augmente. Dans son article, Zebdi et al. (2018) expliquent que le parent est satisfait de la prise en soin lorsqu’il se sent sollicité par le professionnel pour intervenir auprès de son enfant. Cela illustre bien le fait que plus le parent est investi dans le soin et joue un rôle primordial, plus il augmente son sentiment de compétence. Un cercle vertueux s’installe au sein de la famille : le parent, valorisé dans l’accompagnement parental, est engagé dans la prise en soin, s’ajuste au mieux aux besoins de son enfant, entretient avec lui des interactions de qualité, ce qui joue sur le bien-être de toute la famille.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. LE TROUBLE DE L’ORALITÉ ALIMENTAIRE
1.1. Qu’est-ce que l’oralité ?
1.2. Le développement de l’oralité alimentaire
1.2.1. L’oralité primaire
1.2.2. L’oralité secondaire
1.3. Les troubles de l’oralité alimentaire
1.3.1. Les troubles de l’oralité alimentaire dans la littérature
1.3.2. Une classification des troubles de l’oralité alimentaire
1.4. Impact du trouble de l’oralité alimentaire…
1.4.1. Sur la santé de l’enfant
1.4.2. Dans la vie quotidienne
1.4.3. Dans la relation parents-enfant
2. LA PRISE EN SOIN DU TROUBLE DE L’ORALITÉ ALIMENTAIRE
2.1. Les approches théoriques dans la prise en soin
2.1.1. L’approche décrite par Véronique Leblanc et Marie Ruffier-Bourdet
2.1.2. Le food chaining
2.1.3. L’approche SOS
2.1.4. Messy Play Therapy
2.1.5. The Fun with Food Programme
2.2. Les professionnels dans la prise en soin du trouble de l’oralité alimentaire.17
2.3. La prise en soin orthophonique
2.4. La prise en soin en groupe
3. L’ACCOMPAGNEMENT PARENTAL AU CŒUR DE LA PRISE EN SOIN DU TROUBLE DE L’ORALITÉ ALIMENTAIRE
3.1. Guidance, accompagnement et partenariat familial
3.2. L’accompagnement parental en orthophonie
3.3. Vers un sentiment de compétence parentale
PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET HYPOTHESES
METHODOLOGIE
1. PARTICIPANTS
1.1. Critères d’inclusion et d’exclusion
1.2. Présentation des enfants
2. MATÉRIEL
2.1. Le bilan d’oralité alimentaire
2.2. Le panel alimentaire
2.3. Le questionnaire aux parents
3. PROCÉDURE
3.1. Chronologie de la procédure
3.2. Contenu des séances du groupe oralité
4. ANALYSE DES DONNÉES
RÉSULTATS
1. OBSERVATIONS CLINIQUES
2. LE PANEL ALIMENTAIRE
3. LE QUESTIONNAIRE AUX PARENTS
DISCUSSION
1. RAPPEL DU CADRE THÉORIQUE ET OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
2. VALIDATION DES HYPOTHÈSES
3. LIMITES DE L’ÉTUDE
3.1. Critiques de la population
3.2. Critique du matériel
3.3. Critique de la procédure
3.4. Critique des résultats
4. INTÉRÊTS DE L’ÉTUDE
5. PERSPECTIVES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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