L’accompagnement éducatif
LES ADOLESCENT·E·S D’AUJOURD’HUI, QUELS CHANGEMENTS ?
Notre questionnement initial porte sur l’accompagnement des éducateurs et éducatrices auprès d’adolescent·e·s institutionnalisé·e·s. Nous nous sommes donc intéressées au sujet de l’adolescence et plus précisément à l’évolution de l’adolescence à travers les siècles.
L’adolescent·e actuel·le n’est pas identique à celle ou celui d’hier. Même si certaines composantes de l’adolescence restent inchangées – notamment au niveau biologique , la société occidentale actuelle a passablement évolué et a plongé les adolescent·e·s dans une nouvelle réalité composée
d’enjeux propres à l’évolution sociétale.
« On oublie parfois que le phénomène adolescent tel qu’il est vécu dans les sociétés occidentales est le fruit d’une gigantesque évolution sociale et technique. Avoir 16 ans en 1900 ou 2000 n’a effectivement rien de semblable, et s’il n’y avait une réalité biologique qui relie toutes les adolescences, on pourrait facilement concevoir qu’il ne s’agit plus du tout du même phénomène. Pourtant, comme nous le verrons plus loin, certains éléments de l’adolescence paraissent intemporels, et les connaître permet de forger des lignes d’action efficaces sur les plans social et thérapeutique. Mais avant de les comprendre, il importe de rendre à la jeunesse actuelle l’ampleur de sa complexité, en esquissant la toile sur laquelle ces singuliers contemporains tracent leurs exceptions. »
L’IMPORTANCE DU LIEN DANS LA SOCIÉTÉ ACTUELLE
Comme mentionné au chapitre précédent, le monde d’aujourd’hui a basculé dans une normalisation de l’individualisme. Effectivement, comme le mentionne Yves Cusset, Docteur en philosophie, dans notre société occidentale, l’homme est amené à se positionner face à des choix qui, autrefois, faisaient partie des traditions ou de l’héritage culturel : « Dans ce nouveau cadre, l’individu est de moins en moins porté par la tradition et les institutions. Il est appelé, exercice hautement périlleux, à s’inventer lui-même, à choisir son héritage, son identité, ses appartenances et sa morale. De fait, une proportion de plus en plus grande de Français et d’Européens adhèrent à une forme d’individualisme moral qui pourrait s’énoncer ainsi : chacun peut choisir ce qui est bon pour lui à condition que ce choix ne porte pas préjudice à autrui. »
Cependant, Jacques Trémintin (2010), travailleur social français en protection de l’enfant et professionnel de l’aide à l’enfance, relève que l’individualisme est aux antipodes même de la vision du travail social. En effet, dans ce domaine, les éducateurs et éducatrices sont sensibilisé·e·s à des notions et concepts tels que « le vivre avec et faire ensemble » en agissant dans l’instant présent.
Les professionnel·le·s du travail social sont régulièrement amené·e·s à rencontrer des personnes en manque de repères, suite à leur mise à l’écart par la société pour diverses raisons. Pour pallier cette difficulté, les travailleurs sociaux et travailleuses sociales se doivent d’instaurer un lien de confiance entre elles et eux et les bénéficiaires. Ainsi, ces derniers et dernières peuvent se reconstruire et évoluer au côté de l’accompagnant·e, dans un premier temps, puis de manière autonome.
LA SANCTION ÉDUCATIVE ET LA PUNITION
Auparavant, nous avons relevé qu’il semblerait que l’éducation actuelle vise à diminuer les méthodes punitives et à accroître l’approche sanctionnelle. Ces deux termes – sanction et punition– sont couramment employés dans le champ du travail social. Néanmoins, nous émettons l’hypothèse que les professionnel·le·s ne perçoivent pas toujours l’écart qui existe entre ces mots. De plus, nous avions toutes deux des difficultés à expliquer où se trouvait la différence entre la sanction et la punition. Nous avons donc choisi d’explorer les différentes nuances et distinctions présentes entre la sanction et la punition. A travers cela, nous avons découvert que la sanction éducative pouvait revêtir diverses formes et pouvait s’appliquer à différents domaines.
Finalement, nous avons souhaité composer et vous proposer notre propre définition de la sanction et de la punition afin de synthétiser les éléments observés au cours de nos multiples lectures.
QUELLES DISTINCTIONS ENTRE LA SANCTION ÉDUCATIVE ET LA PUNITION ?
Il apparaît que punir, signifiant châtier et venger en latin, a pour but de faire souffrir l’auteur·e de la transgression et de venger la personne ayant souffert de la faute. (Beck, 2013) La sanction, quant à elle, est employée pour mettre en avant la règle transgressée et permettre à l’individu de se responsabiliser. La sanction ne vise pas à faire souffrir l’auteur·e de l’acte mais à la ou le faire grandir. En effet, « la sanction n’est plus envisagée dans une perspective normalisatrice, mais dans le souci de faire comprendre à l’élève que la transgression est une rupture de contrat. »
Malgré ces différentes lectures, nous constatons que les auteur·e·s ont tou·te·s leur propre manière de définir ce que sont la sanction et la punition. Certaines définitions convergent et d’autres divergent les unes par rapport aux autres. Selon Phillipe Beck, formateur en communication non-violente en Suisse Romande, il pourrait exister un avant et un après la punition puisque la relation entre les individus semble être en péril par l’agressivité d’un acte punitif. En effet, l’auteur souligne que « La punition, dans son essence, relève de la violence. Elle en a le caractère immédiat, la propension à l’escalade la mauvaise foi souvent, la mise en danger, voire la destruction du lien entre le « transgresseur » et le « punisseur ». »
LES DOMAINES D’APPLICATION DE LA SANCTION ÉDUCATIVE
Sanctionner peut parfois faire peur à la personne qui sanctionne car l’individu ayant recours à cette méthode peut craindre d’évoluer vers une punition. Néanmoins, Philippe Beck exprime le fait que chaque transgression mérite d’être sanctionnée, lorsque cela est possible. Selon lui, « toute transgression non sanctionnée fonctionne comme une incitation à recommencer – ou à imiter –, voire à tenter quelque chose de plus grave ! »
Il nous semble également important de relever que sanctionner ne signifie pas simplement intervenir lors de transgression. En effet, il est nécessaire de sanctionner positivement un respect de la règle. L’idée est de travailler autour d’encouragements, de félicitations et de sourires. Il n’est cependant pas recommandé d’avoir recours aux récompenses, car cette méthode correspond au principe du « bâton ou de la carotte ». Elle coïncide au contraire absolu de la punition. Cela signifie qu’utiliser un modèle uniquement punitif ou exclusivement basé sur la récompense n’est pas favorable à une éducation .
L’INSTITUTION SERAIT-ELLE UN SYSTÈME QUI GÉNÈRE DE LA VIOLENCE SYMBOLIQUE ?
Roland Coenen affirme que, malgré ce que nous pouvons imaginer mettre en place, toutes les institutions génèrent une forme de violence, car elles ont « une tendance naturelle au conformisme et à la punition » (2011, p. 1) et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, personne ne choisit l’équipe de professionnel·le·s avec qui elle ou il travaille. Il y a de ce fait, naturellement, des personnes avec qui il ou elle aura plus d’atomes crochus que d’autres.
Malgré ce « non-choix », les professionnel·le·s doivent pourtant former une équipe, avec une coalition. Pourtant, leurs valeurs, leur morale, leur histoire professionnelle et personnelle ainsi que leur conception de l’accompagnement éducatif sont sans doute différentes. (Coenen, 2011) Roland Coenen (2011) met le doigt également sur la réalité suivante : il est difficile, pour tout un chacun, d’aimer quelqu’un que l’on n’a pas choisi. Effectivement, plusieurs éléments sont à percevoir notamment autour des placements de jeunes en institution. Souvent, ce sont les responsables des institutions qui mènent les entretiens d’admission et pas l’équipe éducative qui sera amenée à travailler avec la ou le jeune. De plus, il est vrai que les institutions peuvent se voir confrontées à la nécessité de remplir leurs lits pour des questions de rentabilité voire même de réputation. ine. En résumé, comme le relève la définition du Larousse citée plus tôt, la sanction est neutre de par le fait qu’elle est la conséquence d’un respect ou non d’une règle.
|
Table des matières
1.Introduction
2.SANCTION OU PUNITION, QUELLE PLACE AUPRÈS DES JEUNES EN DIFFICULTÉ ?
3.CADRE THÉORIQUE
3.1 L’évolution de l’éducation
3.1.1 L’histoire autour du châtiment corporel et du « pater familias »
3.1.2 Les adolescent·e·s d’aujourd’hui, quels changements ?
3.1.3 L’importance du lien dans la société actuelle
3.2 La sanction éducative et la punition
3.2.1 Quelles distinctions entre la sanction éducative et la punition ?
3.2.2 La sanction éducative sous plusieurs formes
3.2.3 Les domaines d’application de la sanction éducative
3.2.4 Notre définition de la punition et de la sanction
3.3 L’institution, un espace totalitaire qui produit des « incasables » ?
3.3.1 L’aide contrainte : quels risques et quels enjeux ?
3.3.2 L’institution serait-elle un système qui génère de la violence symbolique ?
3.3.3 Qui sont les jeunes dits « incasables » ?
3.4 L’accompagnement éducatif : quels critères à prendre en compte ?
3.4.1 Chez les adolescent·e·s
3.4.2 Chez les professionnel·le·s
4.MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
5.ANALYSE DES DONNÉES
5.1 L’intervention éducative : regards des professionnel·le·s et des jeunes interwievé·e·s sur
la punition et la sanction
5.1.1 Quelles perceptions de la punition ?
5.1.2 Quelles perceptions de la sanction ?
5.2 Le positionnement des interviewé·e·s face aux situations présentées
5.2.1 Quelle importance porter à la gravité de l’acte ?
5.2.2 Quelques propositions des professionnel·le·s pour la gestion de l’écart dans les situations présentées
5.2.3 Quelques remarques des jeunes sur le choix de la méthode éducative des situations présentées
5.3 Divers facteurs influençant le choix du modèle de l’action éducative en lien avec le profil de la ou du jeune
5.3.1 Le facteur de l’âge
5.3.2 Le facteur du genre
5.3.3 La dimension « d’incasabilité »
5.3.4 La question de la problématique centrale de la ou du jeune
5.4 Quelques éléments influençant le choix du modèle de l’action éducative en lien avec les
relations et la posture professionnelle
5.4.1 La notion de collectivité et d’individualité
5.4.2 Le poids de la référence éducative et du lien
6.CONCLUSION
6.1 Retour sur les hypothèses et axes de travail
6.2 Retour sur la question de recherche initiale
6.3 Pistes d’interventions
6.4 Bilan du processus de notre recherche scientifique
6.5 Perspective de recherche future
7.BIBLIOGRAPHIE
8.RÉFÉRENCEMENT DES ENTRETIENS
9.ANNEXES
9.1 Situation A éducateur, éducatrice
9.2 Situation B éducateur, éducatrice
9.3 Situation A jeune
9.4 Situation B jeune
9.5 Grille d’analyse des entretiens
9.6 Formulaire de consentement éclairé pour éducateur et éducatrice
9.7 Formulaire de consentement éclairé pour responsable légal·e
9.8 Formulaire de consentement éclairé pour participant·e mineur·e
Télécharger le rapport complet