Contexte
Le thème qui va être développé pour cette étude émerge d’un questionnement en rapport avec des reportages documentaires, des cours médicaux d’ergothérapie lors de la formation et d’une expérience de stage. En effet, les caractéristiques de la schizophrénie, les difficultés dans la vie quotidienne, l’image de la société et les difficultés de participation sociale sont des notions qui interrogent. Les personnes atteintes d’une schizophrénie sont-ils dans une acceptation de leur maladie ? Quels moyens existent-ils pour réintégrer ces personnes dans une vie sociale ? Comment se déroule le suivi de ces personnes après leur hospitalisation complète ? Les personnes ont-elles toutes les chances de se réintégrer dans la société hors institution ? Quel rôle joue la société autour de ce public ? La population générale est-elle suffisamment informée de la maladie ?
Selon l’Inserm, la schizophrénie touche environ 1% de la population mondiale dont 600 000 en France (1). La maladie est classée en tant que psychose dans le DSM-IV (2). Elle débute entre 15-30 ans et c’est une pathologie évolutive (3). La schizophrénie se montre complexe, elle se présente sous différentes formes et se manifeste par de nombreux symptômes hétérogènes et évoluant (4). Les symptômes les plus invalidants sont le retrait social et les difficultés cognitives dont la cognition sociale (1). Cette maladie m‘interpelle d’autant plus car la société est peu informée et les personnes atteintes d’une schizophrénie semblent peu acceptées et reconnues par la population (5). Selon l’HAS, les premières manifestations de la maladie se font chez les hommes. La maladie présente des symptômes négatifs, positifs et dissociatifs, ceux-ci amènent la maladie vers un handicap social important (6). L’HAS met en place de nombreuses recommandations pour la prise en soin des personnes atteintes d’une schizophrénie (7). Malgré cela, la maladie présente un réel problème pour ces personnes en terme de participation sociale. En effet, elles sont en restriction de participation notamment dans leurs activités et dans leurs relations sociales (8). Or, ces personnes sont stigmatisées du fait de leur maladie, de la méconnaissance et de la crainte de la population générale (9).
Différentes méthodes existent pour accompagner les personnes atteintes d’une schizophrénie et l’une d’elle se nomme la réhabilitation psychosociale. Elle facilite la participation des personnes vivant avec une schizophrénie au sein de la société et dans leurs activités (10). Il semble intéressant de savoir quelles sont les méthodes de l’ergothérapeute pour la prise en soin des personnes atteintes d’une schizophrénie et quelles sont les effets sur leur vie quotidienne.
Les ergothérapeutes évaluent les capacités de la personne, travaillent autour de thérapies non médicamenteuses et mettent en place des activités en prenant en compte l’environnement de la personne. Ils interviennent de plus en plus dans la participation sociale de celle-ci (11). D’après le référentiel d’activités et de compétences, ces professionnels ont toute leur place dans l’accompagnement des personnes vivant avec une schizophrénie: « activité 2 : réalisation de soins d’activités à visée de rééducation, réadaptation, réinsertion et réhabilitation sociale », « compétence 2 : concevoir et conduire un projet d’intervention en ergothérapie et d’aménagement de l’environnement », « compétence 3 : mettre en œuvre des activités de soins, de rééducation, de réadaptation, de réinsertion et de réhabilitation psychosociale », enfin, « compétence 6 : conduire une relation dans un contexte d’intervention en ergothérapie » (12).
Explication terminologique
Les termes de ce thème sont : la schizophrénie, la réhabilitation psycho-sociale, la participation sociale et l’ergothérapie.
L’Inserm nous définit la schizophrénie comme une psychose d’évolution chronique qui comprend plusieurs symptômes. La maladie se manifeste par des symptômes très variables d’un sujet à un autre, ils peuvent être positifs, négatifs, dissociatifs avec des troubles neurocognitifs et de la cognition sociale (1). S’agissant des symptômes dissociatifs, ils se manifestent par des troubles du cours de la pensée, du langage, de l’affectivité et psychomoteurs. Les symptômes positifs, eux, se traduisent par des hallucinations, des idées délirantes et une désorganisation du langage et du comportement. Enfin, les symptômes négatifs sont un émoussement des affects, une alogie, une anhédonie, un apragmatisme, un trouble de la volition, un désintérêt, une apathie et un retrait social (17). C’est une psychose qui amène à une perte de contact avec la réalité, celle-ci impacte la vie de la personne notamment sa vie sociale (4). Les symptômes provoquent un retentissement sur la capacité d’interaction de l’individu avec autrui et de son environnement. De plus, ils impactent sur leur participation à la vie en société et diminue leur autonomie. Enfin, une personne souffrant d’une schizophrénie présente un accès restreint à la vie émotionnelle et familiale, des difficultés dans les relations interpersonnelles et une diminution de sa qualité de vie (15). Tous ces troubles influent sur la vie quotidienne de ces personnes, leur insertion au sein de la société et leur participation sociale.
Selon Fougeyrollas (philosophe, sociologue et anthropologue), la participation sociale se définit comme « une situation qui correspond à la pleine réalisation des habitudes de vie résultants de l’interaction entre les facteurs personnels (déficiences, incapacités et autres caractéristiques personnelles) et environnementaux (facilitateurs et obstacles) » (18). D’autre part, en ergothérapie selon Kielhofner G. (Docteur en ergothérapie et scientifique social), c’est une « occupation humaine qui se présente comme la réalisation d’activités de la vie quotidienne, du travail et des loisirs d’une personne, dans un espace temps délimité, un environnement physique précis et un contexte culturel et social spécifique, la participation est un fondement de l’ergothérapie et s’appuie sur l’activité » (18). De part ces informations, nous comprenons que les personnes vivant avec une schizophrénie possèdent une faible participation à la vie sociale.
Selon l’ANFE , l’ergothérapie est une profession qui a pour objectif de : « Maintenir, restaurer et permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. (…) l’ergothérapeute prévient, réduit ou supprime les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement, le thérapeute est l’intermédiaire entre les besoins d’adaptation de la personne et les exigences de la vie quotidienne en société. (…) Il guidera les personnes vers l’identification de leurs difficultés, la récupération optimale de leurs capacités fonctionnelles physique et psychiques, l’adaptation à leurs limites et à leur potentiel, ainsi que vers le réinvestissement de leurs activités et rôles sociaux antérieurs. (…) Il favorise la participation de la personne dans son milieu de vie, préconise les aides (…). Il peut permettre de prévenir un problème ou d’en réduire les effets, il participe à la promotion de la santé, la prévention ou l’enseignement concernant les populations à risque de perte d’autonomie. » .
En santé mentale selon l’ordre des ergothérapeutes du Québec, l’ergothérapeute «améliore la capacité à établir des relations satisfaisantes avec autrui, augmente les capacités d’adaptation sociale, développe et restaure l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne, développe les ressources personnelles et les intérêts de la personne, permet la connaissance et l’acceptation des limites de la personne puis améliore la confiance en soi et l’expression des sentiments » (20). Enfin, selon l’ordre Canadien des ergothérapeutes, c’est : « l’art et la science de faciliter la participation à la vie quotidienne, et ce, à travers l’occupation ; l’habilitation des gens à effectuer les occupations qui favorisent la santé et le bien-être : et la promotion d’une société juste et n’excluant personne afin que tous puissent participer de leur plein potentiel aux activités quotidiennes de la vie » (18). Ces définitions se montrent pertinentes car elles mettent en lumière la profession de l’ergothérapie en santé mentale dans sa complexité et considère l’individu dans sa globalité.
Enfin, pour conclure sur les définitions terminologiques, la réhabilitation psychosociale propose un accompagnement pluridisciplinaire pour répondre aux besoins des personnes vivant avec une schizophrénie qui possède une stabilisation de la maladie. Elle permet d’augmenter les chances et les possibilités de participation sociale mais également de favoriser le rétablissement. Selon l’OMS , la réhabilitation psychosociale se définit comme « un processus complet permettant aux personnes présentant une déficience, une incapacité ou un handicap dus à un trouble mental d’atteindre un degré optimal d’autonomie au sein de la communauté. Elle consiste à la fois à améliorer les compétences individuelles et à modifier l’environnement. » (21,22). La réhabilitation psychosociale selon Farkas M. (chercheuse en réhabilitation psychosociale) est définie comme « la somme des actions à développer pour optimiser les capacités persistantes d’un sujet malade et atténuer les difficultés résultant de conduites déficitaires ou anormales. Son but est d’améliorer le fonctionnement de la personne de façon à ce qu’elle puisse avoir du succès et de la satisfaction dans le milieu de son choix avec le moins d’intervention professionnelle possible » (23). Selon Cnann : « Elle met l’accent sur l’intégrité et les forces de l’individu plutôt que sur sa maladie et propose une approche globale incluant la réadaptation au travail, le logement, les loisirs sociaux, l’éducation et l’adaptation personnelle » (24). Le processus de la réhabilitation psychosociale permet d’améliorer les capacités de la personne atteinte d’une schizophrénie comme par exemple les fonctions cognitives, l’estime de soi, la responsabilisation et la confiance en soi. Il permet également d’augmenter les relations avec autrui et de transférer les capacités dans la vie quotidienne pour favoriser la participation sociale des personnes vivant avec une schizophrénie. Ces définitions nous amènent donc à nous intéresser sur le rôle de l’ergothérapeute auprès des personnes atteintes d’une schizophrénie concernant la réhabilitation psychosociale. En effet, cela semble important dans la favorisation de la participation sociale. Il sera également intéressant de voir quels autres moyens peuvent exister.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Contexte
1.2 Thème général
1.2.1 Champs disciplinaires
1.2.2 Explication terminologique
1.3 Résonance
1.3.1 Utilité sociale
1.3.2 Enjeux
1.4 Revue de littérature
1.4.1 Méthodologie
1.4.2 Analyse critique
1.4.3 Synthèse
1.5 Problématique pratique
1.6 L’enquête exploratoire
1.6.1 Méthodologie pour construire l’enquête exploratoire
1.6.2 Résultats de l’enquête exploratoire
1.6.3 Analyse critique de l’enquête exploratoire
1.7 Question initiale de recherche
1.8 Cadre de référence
1.9 Question et objet de recherche
2 Matériel et méthode
2.1 Méthodologie pour construire le dispositif de recherche
2.2 Choix de la population cible
2.3 Choix de l’outil de recueil de données
2.4 Construction de l’outil
2.5 Biais de l’outil
2.6 Test de faisabilité et validité de l’outil
2.7 Déroulement de l’enquête
2.8 Choix des outils de traitement et analyse des données
3 Résultats
3.1 Analyse descriptive
3.2 Analyse thématique
3.2.1 La naissance d’une relation entre l’ergothérapeute et la personne
3.2.2 La représentation de la motivation par l’ergothérapeute dans la schizophrénie
3.2.3 Vers une favorisation de la relation et de la motivation chez la personne
3.2.4 L’ergothérapeute : sa posture et ses valeurs
4 Discussion des données
4.1 Interprétation des résultats
4.2 Discussion des résultats et critique du dispositif de recherche
4.3 Apports, intérêts et limites des résultats pour la pratique professionnelle
4.4 Propositions et transférabilité pour la pratique professionnelle
4.5 Perspectives de recherche et ouverture
Bibliographie
Annexes