L’accessoire et mode d’analyse (les fonctions et les indices )

En tant que lecteur, nous nous sommes forgé, au fil de nos lectures, une connaissance des règles implicites qui font qu’un roman répondra à certaines de nos attentes. Parmi ces règles conventionnelles, l’une d’elles, souvent commentée, veut que les éléments mentionnés dans le récit aient une incidence sur le plan narratif ou fictionnel. La fonctionnalité narrative et fictionnelle est donc un élément central puisqu’elle guide le lecteur à travers le récit, lui indiquant, par exemple, où regarder ou sur quel détail s’attarder. Dans un roman moins conventionnel, l’auteur peut décider de contrevenir à ces concepts et conceptions. Les attentes du lecteur sont alors déjouées. Il sera interpellé d’une nouvelle façon et devra s’adapter.

Suite à la lecture des principaux romans de Boris Vian, notre curiosité a été piquée par un aspect de son humour, à la fois intéressant et intrigant, qui nous semblait moins conventionnel. Nous avons relevé que certains passages, dans lesquels le style particulier de Vian se déploie, se démarquaient de manière singulière, donnant l’impression d’une non-fonctionnalité et tout à la fois d’un ludisme. Nous avons donc décidé d’organiser notre recherche autour de cet élément particulier de l’écriture vianesque que nous avons nommé Accessoire. L’Accessoire regroupe tous les passages propres à l’écriture de Vian qui se distinguent par une apparente non-fonctionnalité. Cette non-fonctionnalité peut être narrative, c’est-à-dire que les passages concernés ne sont pas essentiels du point de vue de la progression du récit ; elle peut également être fictionnelle, c’est-à-dire que les occurrences accessoires n’affectent pas le fonctionnement ou le déploiement du monde diégétique. Le caractère non fonctionnel de l’Accessoire domine puisque les occurrences sont composées, pour la plupart, du contrepied de conventions narratives et fictionnelles. Cela se traduit par des passages présentant des jeux langagiers ou encore des jeux avec les attentes du lecteur, son savoir ordinaire et sa logique. Le concept d’Accessoire regroupe donc plusieurs aspects de l’écriture de Boris Vian.

DÉFINITION DE L’ACCESSOIRE ET MODE D’ANALYSE 

La problématique de ce mémoire s’organise autour de deux parties majeures, soit la définition de l’Accessoire et son analyse. Cette section a pour objectif de présenter les textes théoriques qui seront à la base de notre recherche. Ceux-ci nous permettront de réunir des éléments caractéristiques de l’écriture de Boris Vian sous le concept d’Accessoire. Nous verrons que Vian détourne certaines conventions poétiques et c’est précisément cette manière de faire qui nous intéresse.

Définition de l’Accessoire

Roland Barthes : les Fonctions et les Indices
Pour fonder notre définition de l’Accessoire sur le plan narratif, nous commencerons par nous inspirer des propositions de Roland Barthes dans «Introduction à l’analyse structurale des récits». Nous intéresse dans cet article la manière dont sont catégorisés les éléments constitutifs du récit. Comme nous le verrons, selon Barthes, plusieurs éléments gravitent autour d’un noyau, qu’il nomme Fonction cardinale. Ces éléments sont de nature complétive et créent une cohésion dans la trame narrative. Nous retrouvons d’abord les Fonctions catalyses. Suivent les indices proprement dits et les informants, regroupés sous l’appellation Indices. Leur nature nous mène à les rapprocher de l’Accessoire, pour lequel nous stipulons qu’il peut être omis tout en étant un élément essentiel de la poétique vianesque : il constitue ainsi un complément au cœur du récit. Nous voulons donc montrer, avec ce parcours dans le texte de Barthes, comment les concepts de Fonctions et d’Indices s’apparentent à notre définition de l’Accessoire, et comment ils en divergent également.

En ce qui concerne la catégorie des Fonctions proprement dites, Barthes propose deux sous-catégories : les fonctions cardinales et les catalyses. Les fonctions cardinales sont qualifiées de noyaux. Elles sont en quelque sorte les points d’ancrage du récit, « de véritables charnières […] les moments de risque du récit» (Barthes, 1981 : 15-16). Lorsque le lecteur est en présence d’un noyau, il peut s’attendre à ce qu’une action débute ou se termine. Barthes donne comme exemple un téléphone qui sonne. Dans ce cas, le lecteur doit prévoir soit qu’un protagoniste décroche, soit qu’il ne décroche pas. D’un autre côté, ce qu’il se passe entre le moment où le téléphone sonne et celui où un protagoniste décroche (ou non) relève de la catalyse. Les catalyses sont de nature complétive. Barthes mentionne que, s’insérant entre les noyaux, « les catalyses disposent des zones de sécurité, des repos, des luxes» (Barthes : 1981 : 16). Et, bien que complétives, elles n’en demeurent pas moins fonctionnelles.

Tout comme les Fonctions, les Indices se divisent en deux sous-catégories : les indices proprement dits et les informants. Barthes qualifie la relation entre les unités narratives formant les Indices et leurs signifiés de paramétrique, c’est-à-dire « dont le second terme, implicite, est continu, extensif à un épisode, un personnage ou une œuvre tout entière» (Barthes, 1981 : 16). Les indices proprement dits renvoient «à un caractère, à un sentiment, à une atmosphère […] à une philosophie» (Barthes, 1981 : 16) ; ils possèdent des signifiés implicites. Quant aux informants, ce sont des données pures, dites immédiatement signifiantes (Barthes, 1981 : 16-17). Ils servent plutôt à identifier, à situer dans le temps et dans l’espace. Il pourra s’agir, par exemple, de l’âge précis d’un personnage. En d’autres termes, l’informant est un opérateur réaliste, il sert à authentifier la réalité, à enraciner la fiction dans le réel (Barthes, 1981 : 17).

Umberto Eco : le monde possible et ses propriétés
Notre investigation sur la question de l’Accessoire par le biais de théories littéraires se poursuit avec Lector in fabula, d’Umberto Eco. Le texte d’Eco nous permettra de comprendre les romans vianesques sur le plan fictionnel, comparativement à la réflexion de Barthes qui traitait plutôt du paramètre narratif. Nous aborderons la question des mondes possibles et celle des propriétés nécessaires, ce qui nous permettra de poser certaines balises, voire d’établir des constantes dans la manière dont s’organisent les mondes vianesques. Cependant, puisque les mondes diégétiques vianesques ne sont pas conventionnels, nous utiliserons certaines notions d’Eco comme contre-exemples.

Analyse de l’Accessoire

Pour définir les modalités de l’analyse de l’Accessoire sur le plan macrotextuel, nous présenterons les réflexions d’Umberto Eco, Raphaël Baroni et Bertrand Gervais, traitant du concept de scénario (ou script). Nous considérons qu’il existe suffisamment d’éléments convergents entre leurs concepts respectifs pour traiter ces derniers, dans notre analyse, de manière globale. Nous estimons que le scénario est important dans l’analyse de l’Accessoire puisque nous posons comme hypothèse de recherche que le scénario vianesque est un lieu privilégié où l’Accessoire se retrouve, s’exprime. Comme nous l’avons exposé dans la définition de l’Accessoire, Vian se plaît à prendre certaines conceptions littéraires à rebrousse-poil. C’est donc sous cet angle que les scénarios seront utilisés. Nous verrons que les scénarios vianesques transgressent les règles de base propres aux scénarios que définissent Eco, Baroni et Gervais. Cette transgression rend possible un jeu avec les attentes du lecteur. Et c’est précisément par ce jeu que se déploie l’Accesssoire.

Umberto Eco : le scénario
Le premier texte qui sera utile à notre recherche sur le plan macrotextuel est, encore une fois, Lector in fabula, d’Umberto Eco. Ce texte est pertinent puisque, dans son ambition d’identifier les composantes de la coopération textuelle, il met en évidence l’importance de la connaissance des actions stéréotypées en utilisant le concept de scénario. Comme nous le verrons, un scénario est une séquence d’actions stéréotypée propre à une situation, comme par exemple Aller au restaurant. Cette notion nous servira dans l’élaboration de notre concept d’Accessoire, car nous pourrons voir l’usage particulier que Vian en fait. En effet, c’est en connaissant la forme originale, conventionnelle, du scénario que nous pourrons répertorier les scénarios vianesques. Dans ces derniers, un jeu avec les attentes du lecteur est présent, car Vian s’amuse avec les scénarios en modifiant leur issue ou en y ajoutant des éléments atypiques. En général, lorsqu’un scénario est perturbé par la venue d’un élément inhabituel, il s’agit d’une diversion créée dans un but narratif. Cependant, chez Vian, lorsqu’un élément inhabituel vient modifier le déroulement d’un scénario, cet imprévu n’est pas utilisé comme un tremplin pour l’intrigue ; au contraire, cet élément se suffit à lui-même, dans le sens où il ne servira pas par principe la progression narrative ou la fabula : il est Accessoire. C’est dans cette perspective que le concept de scénario nous sera utile.

Le concept de scénario entretient une relation directe avec le lecteur. Ce dernier doit mettre du sien pour décoder le texte. Cela fait du scénario un endroit privilégié pour piéger le lecteur, en quelque sorte, puisque l’auteur tente de deviner ses inferences. En d’autres termes, dans le scénario vianesque, la supposée prévisibilité du scénario est mise à profit. C’est à ce moment qu’interviennent les modifications au scénario conventionnel faites dans le but de surprendre le lecteur, de le tromper dans ses attentes.

CONCLUSION

En somme, tout au long de notre recherche, nous avons confirmé la présence de l’Accessoire dans l’écriture vianesque. L’Accessoire est un trait caractéristique de l’écriture de Vian qui se traduit par des jeux langagiers ainsi que par des jeux avec le savoir et la logique du lecteur. H prend forme dans la manière dont Vian fait usage des conceptions littéraires, en les prenant à contrepied .

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Table des matières

INTRODUCTION 
CHAPITRE I : DÉFINITION DE L’ACCESSOIRE ET MODE D’ANALYSE 
1.1 Introduction
1.2 Définition de l’Accessoire
1.2.1 Roland Barthes : les Fonctions et les Indices
1.2.2 Umberto Eco : le monde possible et ses propriétés
1.3 Analyse de l’Accessoire
1.3.1 Umberto Eco : le scénario
1.3.2 Raphaël Baroni : le script
1.3.3 Bertrand Gervais : le script
1.4. Conclusion
CHAPITRE II : LES OBJETS 
2.1 Introduction
2.2 Expressions prises au pied de la lettre
2.3 Vocabulaire technique
2.4 Conclusion
CHAPITRE III : LES PERSONNAGES 
3.1 Introduction
3.2 Les scénarios et scripts
3.2.1 Script d’interaction proprement dit
3.2.2 Script d’usage
3.2.2.1 Issue inattendue du script
3.2.2.2 Modification dans la progression du script
3.2.3 Script personnel
3.3 Le Personnage-objet
3.3.1 Propriétés réificatrices
3.4 Conclusion
CHAPITRE IV : LES ANIMAUX 
4.1 Introduction
4.2 L’attribution de caractéristiques accessoires
4.2.1 Humanisation de l’Animal
4.2.1.1 La parole
4.2.1.2 Attitudes humaines
4.2.2 Réification de l’Animal
4.3 Les caractéristiques accessoires dans les scénarios
Conclusion

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