L’accessibilité, composante de base de l’économie mondialisée

Au milieu des années 70, 64% des ménages possédait une automobile et près de 20% d’entres eux étaient multi-motorisés. 2002, ou plutôt la réalité actuelle, 80% des ménages français possèdent une automobile , et près d’un tiers d’entre eux disposent de plusieurs véhicules . Ces quelques statistiques suffisent à saisir la domination hégémonique actuelle du véhicule individuel comme moyen de transport, résultat d’une diffusion fulgurante parmi la société. Pour la ville, l’espace urbain, l’adoption massive de la voiture aura marqué un tournant. En effet, l’évolution de l’urbain est toujours motivée par l’évolution des modes de vie. Il va sans dire, que l’arrivée de l’automobile dans les foyers français a été synonyme de liberté de déplacement, d’un potentiel de mobilité décuplé, sans contraintes d’horaires, ni de localisations. Il en est donc résulté, fort logiquement, une demande d’accessibilité jamais rencontrée auparavant qui a complètement bouleversé la physionomie des villes, la pratique qui en était faîte par leurs utilisateurs et leur mode de développement. L’un des meilleurs exemples illustrant la structuration des villes par le véhicule individuel reste Los Angeles, métropole sans limites, pensée à l’échelle de l’automobile. Au sein de cet espace urbain, le piéton a perdu sa place. L’image de la petite dimension, de la proximité, pourtant ciment de la représentation commune de la ville et de l’urbanité ne s’applique plus, faisant par la même occasion disparaître la dimension piétonnière.

Par la suite, cet avènement de la mobilité et de l’accessibilité, comme composante fondamentale des systèmes urbains, contribuera à la réalisation de la mondialisation de l’économie et s’en verra par là même renforcée. Il paraît également indispensable de souligner qu’après avoir été matérielle dans la première partie de son développement, l’accessibilité a rapidement revêtu un caractère immatériel, permettant de dépasser les obstacles physiques rédhibitoires pour arriver à un réseau de liaisons inégalé de par sa densité et sa variété et dont les perspectives de développement apparaissent aujourd’hui illimitées.

L’accessibilité, composante de base de l’économie mondialisée

L’ère du post-fordisme est marquée par une mondialisation, une internationalisation des échanges et intérêts économiques. Cette mondialisation de l’économie a engendré de nouvelles formes d’organisation spatiale de la production et des services. Parcs à thèmes, zones d’activités et autres technopoles, plates formes logistiques, usines nomades sont autant de nouveaux dispositifs liés à la globalisation des marchés et à la production en flux tendus. Ainsi, les firmes tendent à perdre leur ancrage physique. L’entreprise a tendance à se diviser en diverses localisations, choisies selon les avantages qu’elles sont en mesure de fournir aux étapes du parcours de production qui leurs sont attribués. Pour expliciter mes propos, dans le contexte actuel, les firmes ont tendance à ne conserver sur leur site d’implantation historique que les activités de recherche et développement, tributaires de hauts niveaux de qualification sur le marché du travail quand, les unités de production seront délocalisées vers des situations étrangères présentant un marché du travail plus compétitif en termes de niveaux de salaires. On comprend, dans ce cadre là, la nécessité d’une mobilité facilitée et d’une accessibilité optimale des territoires.

La logistique est devenu un pilier de la nouvelle physionomie qu’ont revêtue les activités économiques. En effet il s’agit du moyen par lequel, entre autres, la gestion des production en flux tendus est optimisée, et l’objectif d’économies d’espace et de personnel est sans cesse amélioré. A elle seule, elle suffit à rendre compte des nouvelles logiques de l’économie mondialisée et constitue le révélateur du rôle vital joué par l’accessibilité au sein de celles-ci. Jérémy Rifkin ira jusqu’à affirmer pour définir la nouvelle organisation des échanges économiques que la « propriété est remplacée par l’accès et le marché par le réseau ».

Ainsi, face à cette instabilité spatiale de la nouvelle organisation de l’économie, les collectivités locales, en France, réagissent, dans les années 70-80, par la mise en place de technopôles, mais surtout de zones d’activités communales ou intercommunales, censées garantir la permanence d’activité économiques sur leur territoire. Ces zones d’activités et autres technopôles doivent, par le biais d’une politique volontariste des pouvoirs public, être en mesure de fournir des conditions compétitives pour le déroulement d’activités économiques (équipements, incitations fiscales, économies d’échelles…). Il s’agit là des symptômes du marketing urbain, phénomène généré par cette nécessaire compétitivité des territoire, requise pour attirer les flux de l’économie mondialisée. Ce phénomène n’évoluera par la suite qu’en s’amplifiant. De façon logique, le critère de l’accessibilité s’inscrit de plein pied dans les logiques du marketing urbain. La course à l’accessibilité constitue une des conditions absolues pour les métropoles désireuses de ne pas être exclues des circuits économiques mondiaux. Ainsi, une concentration extrême des réseaux, qu’ils soient matériels ou immatériels, constitue une caractéristique forte de ces villes mondiales, villes globales, città padrone , nœuds majeurs du réseau mondial servant de support aux échanges économiques.

Ainsi, à l’heure actuelle, les réseaux d’infrastructures et, dans une moindre mesure, les réseaux immatériels, ont étendu leur toile sur les territoires de l’économie mondiale, remodelant les espaces, au premier rang desquels les espaces urbains.

L’accessibilité, la mobilité et la production d’un tissu urbain nouveau, en rupture totale avec les principes séculaires de développement des villes : l’urbanisme de secteur

L’urbanisme de secteur : concevoir la ville selon le prisme de la mobilité et de l’accessibilité ; genèse et influences sur la réalité actuelle des périphéries urbaines 

Le modèle de l’urbanisme de secteur voit sa paternité attribuée à Le Corbusier à la suite de sa théorisation du système viaire des 7V. Cependant, sa genèse se révèle plus complexe. En effet, elle prend ses racines dans les expériences des mouvements anti-urbain du début du siècle, qui formaliseront le concept de l’unité de voisinage, et produiront pour la première fois des modèles de villes de faible densité, deux concepts indissociables du modèle de l’urbanisme de secteurs.

En effet, l’expérience des cités jardins, théorisées par Ebenezer Howard dans son manifeste « Tomorrow : a peaceful path to real reform », et mise en application par Raymond Unwin, permettra de développer les premiers modèles d’urbanisation à faible densité.

Outre atlantique, toujours dans le cadre de l’idéologie anti-urbaine du début du siècle, Clarence Perry, proposera par le biais du New York Regional Plan de 1920, de développer « une unité de voisinage, pas seulement comme un objectif pragmatique, mais dans un souci d’ingénierie sociale, visant à donner aux habitants le sens d’une identité attachée à une communauté, à un lieu » . Plus précisément, Perry préconise des unités de population d’environ 5000 habitants, sur un rayon d’un quart de mile, avec une école au centre et des boutiques rejetées aux carrefours. Par la suite Radburn, prototype de cité jardin à l’américaine, sera réalisée par Clarence Stein et Henry Wright. Elle adapte les théories de Howard à l’échelle de la voiture et, de la même manière que Perry, elle se base sur le concept de l’unité de voisinage. Ce type d’organisation urbaine introduit un thème qui sera exploité intensément par les fonctionnalistes : la dissolution du bâti et de la voirie ; thème encore très prégnant dans les périphéries urbaines actuelles.

En outre, une contribution majeure à l’urbanisme de secteurs a été également apporté par le rapport Buchanan, du nom de son auteur : Colin Buchanan. Ce rapport est intervenu en 1963 sous le nom « Traffic and towns », dans le contexte du débat sur la réorganisation du système routier londonien. Ce rapport est en cela important qu’il formulait des méthodes de remodelage des villes en prévision d’une circulation automobile accrue. Il remportera un grand succès et son influence se révèlera notable sur les transformations, que subiront les espaces urbains, liées à leur mise en adéquation aux impératifs de la circulation automobile. Les outils qu’il apporte s’avéreront précieux pour les ingénieurs de trafic européens.

Mais, il n’en relève pas moins que le grand artisan de la naissance de ce nouveau modèle de développement urbain demeure le Corbusier. Dès après-guerre, il en énoncera le principe structurant : les 7 V. Il s’agit d’une hiérarchie de 7 types de voies délimitant, pour certaines d’entres elles, et irriguant, pour les autres, des secteurs. Mais il a fallu attendre l’expérience de la réalisation de Chandigarh par le Corbusier pour assister à la naissance de l’urbanisme de secteurs sous sa formes définitive. En effet, le modèle d’organisation urbaine appliqué à Chandigarh résulte d’une combinaison entre les 7V et les unités de voisinage des idéologiste anti urbains américains du début du siècle. Ce modèle urbanistique renonce à la dimension de l’îlot comme module de base de l’organisation urbaine. La ville se pense à partir du secteur et relève de la juxtaposition de secteurs contenant des morceaux entiers de ville.

Il faut se rendre compte du rôle majeur, essentiel joué par les 7 V dans ce type de modèle urbain. En effet, elles viennent structurer, réguler, constituer la base de l’urbanisme de secteurs. Ce système hiérarchisé des 7 V découle d’une vision prospective de Le Corbusier au sujet du développement de l’automobile et de la nécessaire adaptation que la ville devra opérer en réponse. Il faut vraiment prendre conscience de la contribution visionnaire et fondamentale de le Corbusier qui aura, au travers de l’urbanisme de secteurs, préfiguré le mode d’urbanisation de la ville post-moderne, fruit de l’économie post-fordiste. En effet, il est vraiment très significatif de pouvoir retrouver cette architecture des 7 V dans les périphéries urbaines française et ce mode de développement urbain, résultat de l’ajout de parcs à thèmes, de grands équipements publics ou encore de lotissements, circonscrits par des secteurs juxtaposés, découpés par les voies de communication de gros gabarit. Il faut donc bien se rendre compte que le mode d’urbanisation actuel, à l’œuvre dans nos périphéries urbaines n’est autre qu’une pratique empirique du modèle de l’urbanisme de secteurs corbuséen, qui par ailleurs, relevait d’une pratique planifiée au départ (Chandigarh, les villes nouvelles du grand Londres). David Mangin le résume de façon fort juste en affirmant que « ces périphéries apparaissent comme une adaptation du modèle corbuséen aux terrains de l’économie mixte à la française » .

Les espaces urbains du post-modernisme, la production d’une ville non durable 

Ainsi, il faut bien comprendre que les espaces urbains du post-modernisme sont issus de processus de production en rupture totale avec les modes antérieurs de développement des espaces urbains européens. Dans la comparaison inévitable entre la ville consolidée et ses périphéries, ces dernières apparaissent comme responsables des désordres récents frappant les systèmes urbains. En effet, dans la représentation commune, en exagérant, la périphérie aurait tendance à être assimilée à la « mauvaise ville », tandis que les tissus urbains historiques se verraient attribuer le rôle de bastions de la « belle ville ». Bien entendu, la réalité s’avère plus nuancée. Il n’empêche que les périphéries urbaines se voient tenues pour responsable principal, entre autres, des phénomènes de ségrégation spatiale, de perte de cohésion territoriale, de médiocrité en termes de formes urbaines et de paysage urbain, générant une perte d’urbanité et de la vocation d’espace de socialisation inhérente à l’urbain. De plus elles se retrouvent pointées du doigt pour être le territoire de l’étalement urbain, de la consommation irraisonnée de ressources et de la dilatation spatiale (territoires conçus à mesure d’automobile). La liste est loin d’être exhaustive. Cependant, paradoxalement, on leur reconnaît leur capacité à accueillir la circulation motorisée et de ce fait, à proposer des espaces d’accessibilité maximale.

Nous allons expliciter les mécanismes de l’étalement urbain, point de départ et amplificateur des désordres urbains susnommés. L’étalement urbain prend ses racines dans le développement de la motorisation de la population française. En effet, la diffusion généralisée, au sein de la population française, du véhicule individuel a rendu possible l’essor de la maison individuelle, par ailleurs largement souhaitée, tant par la population urbaine que par les instances gouvernantes du pays.

En effet, l’état a mené une politique volontariste en faveur de l’accession à la propriété sous formes d’incitations fiscales et financières. De plus, la proximité du souvenir idéalisé d’une France rurale a constitué un terreau propice à la diffusion du « désir néovillageois, familial et patrimonial » , qui a pris la forme physique de la maison individuelle, posée au centre de son terrain clôturé. Par ailleurs, cet engouement intervint au moment où commençait à poindre un nouveau phénomène qui prendra le nom de « malaise » des grands ensembles. Il convient d’y voir une relation de causes à effets évidente. Enfin, la moindre importance de l’activité et du mode de vie agricole résultant de la modernisation de l’agriculture française ainsi que le développement de la grande distribution, à partir des années 70, ont également participé au phénomène de l’étalement urbain .

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Table des matières

Introduction
I. Un phénomène majeur permettant d’expliquer l’évolution des modes de vie de la société urbaine et responsable de bien des conséquences néfastes pour l’urbain : la demande accrue d’accessibilité
1. L’accessibilité, composante de base de l’économie mondialisée
2. L’accessibilité, la mobilité et la production d’un tissu urbain nouveau et en rupture totale avec les principes séculaires de développement des villes : l’urbanisme de secteur
3. Tentative de représentation des variations de l’accessibilité au sein des ensembles urbains français (les travaux de l’UMR CITERES de Tours menés sur les agglomérations du grand ouest français)
4. L’accessibilité immatérielle, les réseaux immatériels, dont l’influence sur les
transformations que subissent les villes est non négligeable et, de plus, amenée à se renforcer
II. La notion de centralité, fortement dépendante de l’accessibilité, dépendance accentuée par le contexte socio-économique post-fordiste de mondialisation de l’économie et de mutation des modes de vie
1. La centralité, notion relative, qui, actuellement, bénéficie d’un fort retour en grâce
2. Tentative de typologie des centralités observables au sein des systèmes urbains français
III. Le modèle polycentrique réticulaire, organisation urbaine la plus souhaitable pour pallier aux maux qui frappent les villes et en menacent la pérennité
1. L’avènement du modèle polycentrique réticulaire, en réaction à la « città degli
individualismi »(au sens de Fabiola Fratini)
2. Vers une ville territoire…
IV. Le tramway, symbole de l’urbanisme durable, dont la fonction structurante traduit les choix des pouvoirs publics locaux quant aux types de centralités périphériques à privilégier
1. Le tramway : une solution aux problèmes liés à la mobilité, rencontrés actuellement par l’urbain, plébiscitée par les partisans du développement durable
2. Le rôle structurant du tramway sur l’organisation urbaine ou l’extrême importance
du facteur accessibilité dans la constitution d’un réseau de centralités
3. Le tramway : révélateur de la politique des pouvoirs publics locaux en termes de polycentrisme
V. Etude de cas – Les choix effectifs en matière de polycentrisme, dans le cadre de la mise en place d’un réseau de tramway, dans quatre agglomérations françaises : Nantes, Grenoble, Montpellier et Le Mans
1. Les centralités des centres sédimentés demeurent incontournables
2. Les centralités commerciales périphériques : des tendances divergentes
3. Une hétérogénéité quand à la prise en compte des centralités historiques périphériques
4. La volonté des pouvoirs publics locaux à considérer des espaces, ne présentant pas les caractéristiques d’une centralité, en tant que telle
Conclusions majeures de l’étude de cas
Conclusion

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