L’ACARIEN DERMANYSSIDE TROPILAELAPS CLAREAE
Durée de la phorésie
Les auteurs s’accordent sur le fait que le passage de T. clareae sur les adultes est court car ces derniers présentent une faible infestation par rapport à celle du couvain (Waghchoure- Camphor et Martin, 2009) : en moyenne 36h d’après Woyke (1987b), 48h d’après Sammataro et al. (2000) et Hosamani et al. (2006), 74h d’après Baker et al. (2005), alors que V. destructor reste entre 4 et 11 jours sur les abeilles adultes (Martin, 1998). Ceci s’explique par le fait que T. clareae ne peut pas s’alimenter sur les abeilles adultes car ses pièces buccales sont courtes et adaptées à la préhension de tissus mous, contrairement à celles des Varroa qui déchirent et lacèrent les tissus comme la cuticule, ce qui lui permet de se nourrir de l’hémolymphe des abeilles adultes (Sammataro et al., 2000). Toutefois, Koeniger et Muzaffar montrent dans une étude de 1988 que la moyenne de survie de T. clareae est nettement plus courte, 5,4h, dans une cage vide sans alimentation que dans une cage où sont présentes uniquement des abeilles adultes : Apis mellifera = 22,3h, Apis cerana = 19,5h, Apis dorsata = 37,8h (Graphique 1). Cette observation peut être expliquée par deux hypothèses : T. clareae participe à la trophallaxie, transfert de nourriture entre abeilles, ou il dépense moins d’énergie à la recherche du couvain en étant sur les abeilles adultes et donc survit plus longtemps. Koeniger et Muzaffar ont également montré que la moyenne de survie est significativement plus élevée sur A. dorsata (valeurs ci-dessus). Ils expliquent ce phénomène par le fait que T. clareae est plus calme sur son hôte naturel, donc dépense moins d’énergie.
La femelle fondatrice de T. clareae
La femelle transportée par les abeilles adultes est appelée femelle fondatrice. Il s’agit d’une femelle fécondée au cours du cycle précédent et qui va être déposée dans le couvain (Photographie 10) à l’occasion du nourrissage des stades larvaires ou de l’operculation des cellules par l’abeille sur laquelle elle se situe (Figure 8). Elle entre dans les cellules le plus souvent juste avant l’operculation, à savoir le 9ème jour après la ponte pour le couvain d’ouvrière et le 10ème jour pour celui de faux-bourdons, mais peut y entrer 1 à 2 jours avant celle-ci, c’est-à-dire 7 à 8 jours après la ponte des futures ouvrières et 8 à 9 jours après la ponte des futurs faux-bourdons (Hosamani et al., 2006 ; Kumar et al., 1993). Elle y dépose 3 à 4 oeufs, avec un jour d’intervalle entre chaque oeuf (Woyke, 1987b). L’épaisseur des femelles varie au cours de leur séjour dans les cellules operculées. Dans les cellules operculées contenant le stade larvaire, près de la moitié des femelles ont une épaisseur de 0,30 mm alors que l’autre moitié mesure entre 0,40 à 0,60 mm. Dans les cellules contenant des prénymphes ou des nymphes d’un jour, les femelles mesurent 0,60 mm. Puis dans les cellules contenant des nymphes de deux jours, la plupart des femelles présentent une faible épaisseur, alors que toutes les femelles sont peu épaisses lorsque les cellules contiennent des nymphes âgées. Les femelles grossissent donc à l’entrée dans les cellules, alors qu’elles se nourrissent du couvain et retrouvent leur épaisseur initiale après la ponte (Woyke, 1987b).
Description
Woyke a fait une description très précise et complète de l’accouplement de T. clareae dans une étude de 1994 au cours de laquelle il a placé deux individus de sexe opposé dans des tubes à essais qu’il a ensuite observés attentivement. D’après lui, il n’y a pas de parade ni de recherche de l’individu de sexe opposé, les individus se rencontrent en réalisant des mouvements aléatoires dans l’espace qui est à leur disposition. Lorsqu’ils se retrouvent face à face, ils se touchent avec leur première paire de pattes. Cette rencontre n’est pas une étape indispensable. Le mâle contourne ensuite la femelle et la chevauche. Il s’accroche à elle à l’aide des tarses de sa première paire de pattes qu’il fixe sur le scutum dorsal de la femelle. Il adopte ensuite un comportement qui semble encourager la femelle à accepter le mâle : il tape le bord antérieur du scutum à l’aide de ses tarses et bouge un tarse puis l’autre. Il reste dans cette position environ une minute puis il commence à explorer avec le tarse d’une des deux pattes antérieures la région se situant entre les hanches II et III de la femelle.
Petit à petit il se déplace latéralement, à gauche ou à droite, jusqu’à passer sur la face ventrale de la femelle (Photographie 11 [1]). Il est alors positionné de sorte que son gnathosoma soit à la hauteur de la moitié de la plaque génitale de la femelle, sa première et sa deuxième paires de pattes sont respectivement situées entre la première et la deuxième et entre la deuxième et la troisième paires de pattes de la femelle (Photographie 11 [2]). Les deux dernières paires de pattes du mâle entourent l’opisthosoma de la femelle. Le mâle se met alors à vibrer et un organe allongé et blanc, que Woyke identifie comme le spermatophore, émerge de son orifice génital. Il l’achemine entre ses pédipalpes et ses chélicères (Krantz et Wernz, 1979 ; Rath et al., 1991) et le fait rentrer dans les gonopores, encore appelés solénostomes, de la femelle à l’aide du spermadactyle. Le mâle reste sur la face ventrale de la femelle environ trois minutes. Il se déplace ensuite un peu latéralement et détache la patte de la deuxième paire opposée au côté de déplacement pour frictionner la partie antérieure de la plaque génitale et la région des gonopores pendant 5 à 20 minutes (Photographie 11 [3, 4, 5]). Il se replace en position médiane, vibre puis se positionne de l’autre côté pour frictionner la femelle avec son autre patte. Woyke suppose que cette procédure vise à stimuler le passage du sperme dans les voies génitales de la femelle. Il se retire ensuite de la femelle. L’accouplement dure de 3 à 42 minutes avec une moyenne de 23 minutes +/- 9 minutes. Les mâles peuvent s’accoupler plusieurs fois de suite avec la même femelle ou une autre. Dans l’étude, le temps entre chaque accouplement est de 3 à 39 minutes. D’après Woyke (1994b), un seul accouplement ne semble donc pas suffire à féconder l’ensemble des oeufs que produira la femelle, contrairement à ce qu’avaient conclu Rath et al. dans leur étude de 1991. Cependant, après un certain nombre d’accouplements, non défini, la femelle fuit les mâles qui tentent de s’approcher d’elle. Même si un mâle réussit à lui monter sur le dos, il ne pourra pas passer sur la face ventrale de la femelle car elle s’accroche au sol à l’aide des ses pattes. Ceci laisse supposer qu’elle a stocké suffisamment de spermatozoïdes pour féconder l’ensemble de ses oeufs. Pour finir, il n’a pas été observé de préférence venant des mâles pour les femelles jeunes ou pour les plus âgées.
Observation directe des colonies
Le seul outil diagnostique utile à la détection de T. clareae dans une ruche est l’observation directe lors des visites sanitaires des ruchers réalisées au cours de l’année. Aucune épreuve sérologique n’existe actuellement (OIE, 2008a) Le parasite peut être visible sur les cadres de couvain et/ou sur les adultes. Comme décrit précédemment (Première partie, chapitre 1, 3.), il s’agit d’un petit acarien, mesurant presque 1 mm de long, brun orangé, allongé qui se déplace très rapidement lorsqu’il est sur le couvain (Sammataro et al., 2000). Sa forme ovale allongée permet de le distinguer de V. destructor. Les signes indirects à rechercher découlent de la pathogénie de l’infestation parasitaire. Certains adultes présentant les déformations morphologiques exposées ci-dessus (ailes atrophiées, abdomen déformé, pattes manquantes) peuvent être vus en train de ramper sur la planche d’envol. Sur celle-ci, des nymphes momifiées d’abeilles peuvent également être présentes suite au comportement de nettoyage des ouvrières qui ont détecté la forte infestation de certaines cellules de couvain. Elles désoperculent alors les cellules pour en retirer les nymphes mortes et éliminer les parasites (AFSSA, 2009).
L’observation du couvain apporte aussi beaucoup d’informations. Les larves mortes suite à l’infestation peuvent faire protrusion dans les cellules operculées (Atwal et Goyal, 1971) (Photographie 16). Lors de la désoperculation de certaines cellules, il est possible de trouver des larves mortes, des nymphes momifiées voire incomplètes car les larves ont des difficultés à se transformer en nymphes (Woyke, 1984). Un couvain en mosaïque est observable lorsque la mortalité des stades immatures est élevée (Woyke, 1984) (Photographie 16). La mortalité peut aller jusqu’à 50% du couvain des larves (Atwal et Goyal, 1971). Le couvain mort peut par ailleurs mener à l’émission d’une odeur fétide, détectable à l’ouverture de la ruche. Les abeilles étant assez sensibles aux odeurs, elles peuvent alors déserter la ruche (Laigo et Morse, 1968). On remarque cependant que le diagnostic différentiel de la tropilaelose n’est pas facile car la plupart des symptômes ne sont pas spécifiques à cette maladie.
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Table des matières
LISTE DES FIGURES
LISTE DES GRAPHIQUES
LISTE DES PHOTOGRAPHIES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ANNEXES
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’ACARIEN DERMANYSSIDE TROPILAELAPS CLAREAE
CHAPITRE 1 L’agent responsable
1.Historique
2.Taxonomie
3.Formes matures et immatures chez T. clareae : description
3.1. Les formes matures
3.1.1. Morphologie générale
3.1.2. La femelle adulte T. clareae
3.1.2.1. Morphologie de la femelle adulte
3.1.2.2. Anatomie externe de la femelle adulte
3.1.2.2.1. Description du gnathosoma
3.1.2.2.2. Description de l’idiosoma
3.1.2.2.2.1. Région dorsale
3.1.2.2.2.2. Région ventrale
3.1.2.3. Anatomie interne de la femelle adulte
3.1.3. Le mâle adulte T. clareae
3.1.3.1. Particularités morphologiques
3.1.3.2. Appareil génital
3.2. Les formes immatures
3.2.1. Le stade larvaire
3.2.2. Le stade nymphal
4.Cycle de T. clareae
4.1. La phase de phorésie
4.1.1. Définition
4.1.2. Cas de T. clareae
4.1.2.1. Zones d’attachement à l’abeille adulte
4.1.2.2. Durée de la phorésie
4.2. La phase de reproduction
4.2.1. Le sexe ratio au sein de la colonie
4.2.2. La femelle fondatrice de T. clareae
4.2.3. Ontogenèse
4.2.3.1. Durée des différents stades de l’ontogenèse
4.2.3.1.1. Les oeufs
4.2.3.1.2. Les larves
4.2.3.1.3. Les protonymphes
4.2.3.1.4. Les deutonymphes
4.2.3.1.5. Les imagos
4.2.3.2. Durée d’un cycle
4.2.4. L’accouplement
4.2.4.1. Localisation
4.2.4.2. Description
5.Répartition géographique
CHAPITRE 2 Un parasite d’Apis mellifera
1.Adaptation au parasitisme
1.1. Adaptation morphologique
1.2. Adaptation du cycle de T. clareae
2.Les hôtes
3.Dynamique de la population parasitaire dans une colonie d’abeilles
3.1. Incidence saisonnière de T. clareae
3.2. Comparaison avec l’incidence de V. destructor
3.2.1. Comparaison de l’incidence saisonnière
3.2.2. Comparaison du parasitisme des adultes et du couvain
4.Pathogénie de T. clareae
4.1. Au niveau de l’individu
4.1.1. Spoliation d’hémolymphe du couvain
4.1.2. Déformations morphologiques externes
4.1.3. Un vecteur d’agents infectieux pour l’abeille
4.1.3.1. Vecteur de virus
4.1.3.2. Vecteur de nuisibles
4.2. Au niveau de la colonie
4.3. Comparaison à la pathogénie de V. destructor
4.3.1. Deux ectoparasites des abeilles
4.3.2. Cohabitation au sein d’une colonie
5.Diagnostic de la tropilaelose
5.1. Observation directe des colonies
5.2. Recherche des T. clareae adultes
5.2.1. Collecte des parasites
5.2.2. Utilisation de langes collants
6.Lutte contre T. clareae
6.1. Traitements chimiques
6.1.1. Efficacité comparée de quatre traitements
6.1.2. Détail de certains traitements
6.1.2.1. Le chlorobenzilate
6.1.2.2. Le tau-fluvalinate
6.1.2.3. Le soufre
6.2. Lutte biotechnologique
6.2.1. Isolement de la reine
6.2.2. Retrait du couvain
6.3. Comportement de résistance de certaines espèces d’abeilles
6.3.1. Cas d’A. dorsata
6.3.2. Cas d’A. cerana
DEUXIEME PARTIE : L’INSECTE COLEOPTERE AETHINA TUMIDA
CHAPITRE 2 L’agent responsable
1.Historique
2.Taxonomie
3.Formes matures et immatures d’A. tumida : description
3.1. Les formes matures
3.1.1. Morphologie générale
3.1.2. Taille
3.1.3. Poids
3.1.4. Maturité sexuelle
3.2. Les formes immatures
3.2.1. Les oeufs
3.2.2. Le stade larvaire
3.2.3. Le stade pupe
4.Le cycle d’A. tumida
4.1. Etapes à l’intérieur de la ruche
4.1.1. L’accouplement
4.1.2. De la ponte à l’éclosion
4.1.2.1. Description
4.1.2.2. Durée du stade
4.1.2.3. Facteurs d’influence
4.1.3. Développement larvaire
4.1.3.1. Description
4.1.3.2. Durée du stade
4.1.3.3. Facteurs d’influence
4.2. Etapes en dehors de la ruche
4.2.1. Migration larvaire
4.2.1.1. Description
4.2.1.2. Distance parcourue
4.2.2. La pupaison
4.2.2.1. Description
4.2.2.2. Durée du stade
4.2.2.3. Facteurs d’influence
4.2.2.3.1. La nourriture
4.2.2.3.2. La température
4.2.2.3.3. Le sol
4.2.2.3.3.1. Humidité du sol
4.2.2.3.3.2. Densité du sol
4.2.2.3.4. Les agents pathogènes
4.3. Le stade adulte
4.3.1. Durée de vie
4.3.2. Facteurs d’influence
4.3.2.1. Température
4.3.2.2. Nourriture
4.4. Durée d’un cycle
4.5. Nombre de cycles
5.Répartition géographique
5.1. En Afrique
5.2. Aux Etats-Unis
5.3. Présence anecdotique
5.3.1. En Australie
5.3.2. En Europe
5.3.3. Au Canada
CHAPITRE 2 Un ravageur des colonies d’Apis mellifera
1.Pathogénie de l’infestation par A. tumida
1.1. Un ravageur
1.1.1. Consommation des produits de la ruche
1.1.1.1. Le miel et le pollen
1.1.1.2. Le couvain
1.1.2. Fermentation du miel et du pollen
1.2. Un vecteur
1.2.1. Loque américaine
1.2.2. Virus du couvain sacciforme
1.3. Impact sur la pollinisation
2.Hôtes
2.1. Hôte occasionnel
2.2. Hôtes principaux
3.Réponses des hôtes à l’infestation par A. tumida
3.1. Agressivité
3.2. Expulsion
3.3. Encapsulation
3.4. Mobilité
4.Réponse du coléoptère aux défenses de son hôte
4.1. Adaptation morphologique
4.2. Adaptations comportementales
4.2.1. Comportement d’évitement
4.2.2. Trophallaxie
4.3. Recrutement
5.Techniques diagnostiques
5.1. Observations
5.2. Utilisation de la PCR
6.Lutte contre A. tumida
6.1. Traitements chimiques
6.1.1. Coumaphos
6.1.2. Perméthrine
6.2. Traitements mécaniques
6.2.1. Modifications de l’entrée des ruches
6.2.2. Piégeage
6.2.2.1. Dans la ruche
6.2.2.1.1. Principe
6.2.2.2. Période de mise en place
6.2.2.3. Pièges en dehors de la ruche
6.2.2.3.1. Principe
6.2.2.3.2. Période de mise en place
6.3. Lutte biologique
6.3.1. Organismes entomopathogènes
6.3.2. Sélection des abeilles
6.4. Préventio
TROISIEME PARTIE : ASPECT REGLEMENTAIRE
1.Evaluation des risques
1.1. En France
1.1.1. Risques liés à T. clareae
1.1.2. Risques liés à A. tumida
1.2. En Europe
2.Communication autour des risques
3.Réglementation
3.1. Réglementation française
3.1.1. Maladies de deuxième catégorie des abeilles
3.1.2. Maladies de première catégorie des abeilles
3.1.2.1. Liste
3.1.2.2. Mesures sanitaires
3.1.2.2.1. Suspicion de maladie de première catégorie
3.1.2.2.2. Confirmation de maladie de première catégorie
3.1.2.2.3. Cas particulier de T. clareae
3.1.2.2.4. Cas particulier d’A. tumida
3.2. Réglementation européenne
3.3. Réglementation internationale
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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