L’abord de la sexualité par les sages-femmes en cours de préparation à la naissance et à la parentalité

L’ère de la libération sexuelle 

Bien que la sexualité reste encore un sujet relativement tabou, les femmes sont sexuellement bien plus décomplexées de nos jours. La sexualité est un aspect important de la vie d’une femme, de son identité, et elles s’avèrent beaucoup plus libres dans leur manière de l’aborder. Il y a en effet cette notion novatrice d’une «nouvelle sexualité de la femme moderne » (Mignot et al. 2013). Cette nouvelle vision de la sexualité féminine émerge depuis quelques dizaines d’années ; une sexualité décentrée de notre reproduction, la sexualité pour le plaisir et l’épanouissement personnel (Colson, 2014). En effet, depuis le vote de la loi Neuwirth en 1967 permettant la libéralisation de la contraception, la sexualité n’a plus pour seul but la reproduction, mais aussi l’épanouissement au sein d’un couple, et donc l’épanouissement personnel de la femme. Cela a permis aux femmes de dissocier sexualité procréative et sexualité récréative (Serazin, 2014).

La sexualité propre à la grossesse : synonyme de grands changements 

Mais lors de la grossesse, un grand moment d’instabilité et de solitude s’installe souvent dans la vie sexuelle d’une femme. Parmi toutes les étapes de sa vie, c’est probablement lors de la grossesse que la femme voit le plus son corps changer et sa sexualité s’altérer (Aribi et al. 2012).

Il existe effectivement des modifications physiologiques dirigées par les variations hormonales, pouvant entraîner pour la majorité des femmes enceintes une baisse de la libido et une baisse de la fréquence des rapports avec l’avancement de la grossesse. En effet, selon l’étude de Lobna Aribi (2012), 54% des femmes diminuent leurs activités sexuelles durant leur grossesse. Les modifications physiques entraînent une modification corporelle pouvant altérer l’image de soi et donc le désir, aussi bien de la femme que de l’homme (Aribi et al. 2012). En effet, 87,2% des patientes déclarent que leur sexualité a été modifiée pendant la grossesse (Pietri, 2014). Finalement, des modifications psychiques surviennent lors de la grossesse : c’est une véritable période de bouleversements psychiques qui aura tendance à dévier les envies et les priorités de la future mère. En effet 59,4% des femmes enceintes s’adonnent à la sexualité pour satisfaire leur partenaire (Aribi et al. 2012), 63% d’entre elles ressentent moins de satisfaction par l’acte sexuel par rapport à la période avant la grossesse (Dao et al. 2007) et, celles-ci éprouvent plus le besoin de tendresse et de réassurance (Aribi et al. 2012). Dans le post-partum également, 72,2% des femmes ont avoué avoir repris les rapports sexuels pour satisfaire leurs partenaires, malgré la diminution de leur désir et leur satisfaction personnelle. Cette étude a de plus rapporté que cette période de bouleversement de l’activité sexuelle avait un impact négatif sur la vie du couple chez 38,7% des femmes interrogées (Aribi et al. 2012). D’autres études ont mis en évidence le fait que si cette période de détérioration de la qualité de la vie sexuelle se prolonge, l’entente du couple peut être intensément perturbée ; l’agressivité et l’irritabilité s’installent de façon durable au sein du couple, et la relation entre conjoints finit par se dégrader de manière significative (Clergue 2008 et Dumon 2010). La grossesse est donc une période caractérisée par des changements nonnégligeables tels qu’une possible diminution des rapports sexuels lors du premier trimestre, due à certaines craintes comme la peur de la fausse couche (Tourne 2003), ou aux signes dits « sympathiques » de grossesse entraînant un certain inconfort (Serazin 2014). Une certaine amélioration de la vie sexuelle avec une adaptation de la sexualité et une découverte de nouvelles possibilités survient souvent au second trimestre (Vercoustre 1997 et Tourne 2003). Au troisième trimestre, les femmes décrivent typiquement une période de diminution de l’intérêt sexuel et de l’activité coïtale, notamment due à la peur de faire mal au fœtus, à l’inconfort des positions et aux réajustements sexuels inévitables devant le volume fœto-utérin (Von Sydow 1999).

La période, qui suit le post-partum et qui se caractérise par de nombreux bouleversements, est souvent caractérisée par une diminution franche du désir sexuel (Serazin 2014 et Von Sydow 1999). C’est un moment, dans la vie sexuelle d’une femme, qui suscite beaucoup d’interrogations et qui, par conséquent, nécessite la transmission d’informations afin de rassurer les femmes et les couples (Bailey 1989 et Medico 2006).

L’éducation à la santé sexuelle pendant la grossesse 

C’est ici que l’éducation à la santé sexuelle révèle toute son importance : elle est essentielle et fait partie des obligations professionnelles. Les professionnels de santé, et particulièrement les sages-femmes, ont l’obligation d’informer et de faire de la prévention lors de la grossesse. Les cours de préparation à l’accouchement et à la
parentalité (PNP) sont des moments tout à fait opportuns et privilégiés, pour permettre des échanges réels et constructifs entre les femmes et leurs sages-femmes. Ces sages-femmes, de par leur profession et ses spécificités, ont l’obligation de respecter les objectifs des cours de PNP : « La préparation à la naissance, réalisée en complément de la surveillance médicale de la grossesse, a pour finalité de contribuer à l’amélioration de l’état de santé des femmes enceintes, des accouchées et des nouveau-nés par une approche de santé publique éducative et préventive. Elle fait partie intégrante du suivi médical de grossesse. » (Extrait avenant N°4 à la Convention nationale des sages-femmes). La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en avril 2005 des recommandations sur comment mieux informer les femmes enceintes. Celles-ci citent l’obligation pour les sages-femmes d’« expliquer les modifications physiques, psychologiques liées à la grossesse » et plus spécifiquement, de comprendre et d’expliquer les « changements physiques et affectifs, modifications psychologiques durant la grossesse et adaptation à ces changements » (HAS, 2005).

En ce qui concerne maintenant plus spécifiquement la sexualité, la HAS cite l’obligation professionnelle de parler d’activité sexuelle pendant la grossesse : « Les rapports sexuels n’ont pas d’inconvénients particuliers (grade B). Ils ne doivent pas être déconseillés. » Les sages-femmes ont l’obligation de comprendre et ainsi d’expliquer la sexualité pendant la grossesse à leurs patientes (HAS, 2005).

De plus, d’après Mignot et al. (2003), les sages-femmes sont là pour « conseiller la fonctionnalité sexuelle, pour répondre aux questions des patientes qui ne manquent pas d’émerger dans cette période de grande modification psychique, pour évaluer un symptôme sexuel, mais aussi pour orienter si nécessaire ». On retrouve d’ailleurs dans cette citation les objectifs principaux des cours de PNP: l’écoute, l’invitation à parler, tout en accueillant les émotions, en fournissant des informations permettant la démystification, et en apportant des conseils, afin d’accompagner la femme (Brunet, 2011). Cette opportunité d’échange et de communication constitue un élément essentiel à la vie intime et sexuelle des femmes.

L’information à la sexualité : un réel besoin et manque ressentis par les femmes enceintes

Toutefois, en matière de sexualité, il reste beaucoup de malentendus, de questionnements et d’idées reçues, ce qui explique souvent le nombre croissant de consultations de sexologie. Il existe, de nos jours, un véritable conflit entre les idées reçues, véhiculées par la masse d’informations provenant des médias qui ont tendance à vulgariser la sexualité, et la réalité provenant des expériences vécues et de la vie sexuelles des femmes au quotidien, aboutissant souvent à une certaine frustration (Featherstone 2002, Graydon 2001, Hatton et Trautner 2011). En effet, dans une étude sur le besoin d’information des femmes enceintes au sujet de la sexualité, 96,2% des femmes enceintes utilisaient Internet comme moyen d’obtenir des informations sur la sexualité, mais n’en n’étaient pas satisfaites. 77,5% des patientes ont ensuite déclarées qu’elles préfèreraient que cette discussion se passe en tête à tête avec le professionnel de santé (Pietri, 2014).

Codispoti (1981) a pu déduire que la satisfaction sexuelle ressentie lors de la grossesse était associée à la présence ou non de peurs. Dans cette même lignée de pensée, Gensollen (1980) a souligné qu’il y avait une corrélation entre l’épanouissement sexuel et le niveau d’information fourni et que l’épanouissement se voyait croître avec l’information donnée (Pietri, 2014).

Les femmes ressentent en effet un réel besoin d’information pendant leur grossesse et ont des attentes vis-à-vis des professionnels de santé. Il faut, en effet, noter que lors des entretiens ou lors des cours de PNP, lorsque le professionnel de santé abordait effectivement le sujet de la sexualité avec la patiente, 83,6% ont été satisfaites, à très satisfaites (Pietri, 2014). Toutefois, dans cette même étude, il a été relevé que, selon les patientes, 72,2% des professionnels de santé n’ont pas abordé spontanément le sujet de la sexualité pendant la grossesse (Pietri, 2014). Dans d’autres études, 68% des femmes témoignent clairement ne pas avoir été informées sur la sexualité pendant la grossesse (Malarovicz et al. 2006), et secondairement, 76% des femmes enceintes ont exprimé le souhait d’avoir une information sur la sexualité pendant la grossesse (Brtnicka et al. 2009). Pourtant, une sexualité heureuse et démystifiée est la base d’une bonne santé physique et mentale (Saldmann, 2013) et il a ainsi été trouvé que la qualité de vie sexuelle pourrait refléter le niveau de santé globale de la personne (Moens, 2008).

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Table des matières

Introduction
Conceptualisation et problématisation
Matériel et méthodes
Résultats
Analyse et Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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