UNE PLUVIMETRIE IRREGULIERE MAIS AU ROLE STRATEGIQUE
Le Sénégal a un climat de type tropical. Comme tous les climats soudano-sahéliens, il est caractérisé par une variabilité spatio-temporelle de ses précipitations annuelles. Cette variabilité a des incidences sur les autres composantes de l’écosystème pastoral, à travers la fluctuation des nappes, l’évolution de la production primaire et l’exploitation des mares.
UN CLIMAT DE TYPE TROPICAL
Au Sénégal, le climat est déterminé par la circulation de l’atmosphère au niveau des hautes pressions tropicales et la position géographique par rapport à la mer. Les balancements latitudinaux de l’équateur météorologique conditionnent les flux d’air ainsi que les types de temps qui en résultent. Ainsi, en hiver boréal de l’hémisphère nord, le Front Inter-Tropical (FIT) permet l’installation de deux types de temps sur le pays du fait de l’anticyclone des Açores et de la cellule maghrébine : un alizé maritime frais et humide et un alizé continental saharien, très sec, brumeux, aux amplitudes thermiques élevées. Tous deux sont inaptes à donner des précipitations (Leroux M cité par Sy, 1996).
Par contre en été boréal, une cellule dépressionnaire se met en place au centre du Sahara à la faveur du réchauffement au niveau de cet hémisphère. L’anticyclone de Sainte-Hélène et le FIT en profitent pour remonter vers le nord. Du fait de son trajet maritime et de sa direction sud/ouest, cet alizé est chargé d’humidité. Les perturbations issues de ces flux de mousson peuvent se manifester sous différentes formes : lignes de grains (qui apportent plus de 80% des précipitations), perturbations cycloniques, convection locale, entre autres (Sagna et al, 2000). La saison pluvieuse dure trois à cinq mois. L’essentiel des précipitations (70%) est concentré entre août et septembre ; mais c’est la variabilité inter-annuelle du nombre de ligne de grains qui imprime à la zone sa vulnérabilité pluviométrique.
Les caractéristiques du climat font apparaître une diminution, mais aussi une grande variabilité latitudinale des précipitations du sud vers le nord. D’ailleurs, ce glissement récent des isohyètes vers le sud a été confirmé par plusieurs auteurs (Le Borgne, 1988 et 1990), (Sow, 1988) et (Sagna, 1997).
L’isohyète 200 mm qui se situait au nord du fleuve Sénégal est actuellement à la latitude de Podor ; alors que les isohyètes 500 et 1 500 mm sont remplacées respectivement par celles 300 et 1 200 mm; soit un recul de 100 à 150 km entre les périodes 1931-1960 et 1961-1990. Plusieurs paramètres expliquent la variabilité spatio-temporelle des pluies : le potentiel hygrométrique de la masse d’air, sa température, son circuit, entre autres. Ces variations interannuelles peuvent parfois se traduire par une succession de phases ou années peu pluvieuses à celles très pluvieuses. Par exemple, la pluviométrie de l’année 1983 est caractéristique d’un climat sahélien, alors que celle 1950 est de type soudanien (Sagna, 1998).
Pour le premier groupe comme pour le second, les variabilités inter-annuelles peuvent être très accentuées. A la station de Podor la pluviométrie moyenne annuelle a varié de 65 à 793mm respectivement pour les années 1984 et 1955. Il en est de même à l’échelle mensuelle.
IMPACTS DE LA FAIBLESSE ET DE L’IRREGULARITE DE LA PLUVIOMETRIE
L’accès gratuit à l’eau de mare (de cinq à sept mois selon les années) permet l’allégement de la charge financière liée à l’eau des forages et l’exploitation optimale des ressources fourragères.
En fonction de l’importance de la quantité d’eau tombée, une partie s’infiltre vers les nappes. Elle peut être utilisée par la végétation ou remonter en surface par capillarité. La partie qui ruisselle contribue à l’alimentation des mares. En année déficitaire, le niveau de remplissage de ces mares est faible, particulièrement dans les zones sablonneuses. Alors, les mouvements de transhumance sont, de ce fait, précipités. En outre, la dégradation des conditions pluviométriques contribue pour une large part à la restriction des points d’eau traditionnels (puisards notamment), à la descente du front des nappes. Or ces points d’eau jouent un rôle important dans la répartition spatiale de la charge pastorale.
L’insuffisance des quantités de pluies tombées sur la zone au cours de ces trois dernières décennies a aussi entraîné, entre autres conséquences, la diminution globale de la productivité des pâturages, une recrudescence de la mobilité et une surexploitation de certaines zones périphériques des points d’eau de grandes capacités de charge. Lake et al (2000) concluent qu’il y a une forte corrélation entre la variabilité inter-annuelle des précipitations et celle de la biomasse annuelle. Déjà, Lake (1982) estimait que la steppisation du Sénégal septentrional était le résultat d’une péjoration exceptionnelle et brutale des conditions pluviométriques et des actions anthropiques qui en ont découlées.
Ces variabilités constituent une limite à la production primaire (Barral et al, 1983). Elles sont aussi responsables de la sélection intervenue dans la composition floristique récente des parcours. Déjà, Boudet (1987) faisait état d’une régression des espèces à affinité soudanienne (Sterculia setigera, Commiphora africana, etc.) et d’une progression d’espèces xérophiles (Balanites aegyptiaca, Guiera senegalensis , etc.), malgré leur forte exploitation par la population pastorale. En outre, Grouzis (1995) indiquait que Balanites aegyptiaca était l’une des rares espèces adaptées aux variabilités climatiques de cette région.
Les pluies précoces sont inefficaces ; tardives elles contribuent à la moisissure de la paille ou niomre. C’est le cas de cette année (janvier 2002) avec les pluies hors saison. Les incidences de ces pluies sur la production pastorale ne sont pas encore évaluées, mais peuvent être lourdes de conséquences.
LA MARE DANS L’EXPLOITATION DES POTENTIALITES PASTORALES
TYPOLOGIE LOCALE DE LA NOTION DE MARE
LAROUSSE, (1993) définit la « mare » comme étant une petite étendue d’eau dormante. Georges, (1974) lie l’existence de cette étendue d’eau à la présence d’un réseau fluvial ou marin. Cette observation peut être pertinente dans la zone sylvopastorale, dans la mesure où cette région est parcourue par un réseau de vallées fossiles. Cependant, d’autres explications sont avancées pour justifier la naissance d’une mare ; c’est notamment l’effondrement, suite au pourrissement d’un gros arbre tel que Adansonia digitata ou d’une termitière. Des animaux, tels que le sanglier ou le lamantin sont identifiés comme acteurs dans la mise en place de certaines mares dans le ranch de Dolly (Ka, comm. pers.).
La diversité dans le processus de mise en place des mares et le contexte environnemental de leur localisation expliquent le choix de la typologie qu’en font les exploitants. Pour eux, le critère le plus déterminant dans la classification des mares est la dimension. Ainsi, nous avons :
– le fetere (pl : pete), qui est une toute petite mare, une flaque d’eau. Dans le Ferlo, il se localise sur les dalles ou leur encaissement ;
– le beelel par contre est un diminutif de weendu.
– le weendu, très étendu, contient de l’eau 3 à 4 mois après l’arrêt des pluies en général ;
– le lummbol est en général plus vaste, mais peu profond. Il est entouré d’arbres. Dans des zones agricoles colonisées par les Sereer comme Thieul, l’expression mbel est utilisée pour désigner le lumbol ou le beelel.
D’autres expressions sont aussi usitées pour désigner des plans d’eau plus ou moins semblables ; il s’agit de «luggere» ou mare d’étendue moyenne, profonde et entourée d’un bosquet, de «baltirgol» ou ruisseau temporaire, de «caadngol» ou ruisseau (BA, 1986). Toutes ces mares ont la particularité d’être alimentées par des eaux de ruissellement. Cependant, Grosmaire, (1957) estime que le remplissage des mares peut aussi se faire par le fond et les franges de bordure. Généralement, elles sont de forme circulaire, mais elles se présentent sous forme de chapelets le long de vallées fossiles ou leurs méandres.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : APPROCHE METHODOLOGIQUE
CHAPITRE I : CHOIX DES THEMES ET VARIABLES A COLLECTER
CHAPITRE II : OUTILS DE COLLECTE DE DONNEES
CHAPITRE III : DEROULEMENT DES ENQUETES
DEUXIEME PARTIE : LA ZSP, UN ECOSYSTEME PASTORAL EN MUTATION
CHAPITRE I : UNE PLUVIMETRIE IRREGULIERE MAIS AU ROLE STRATEGIQUE
CHAPITRE II : DES PARCOURS SOUMIS AUX ALEAS D’UNE PLUVIOMETRIE IRREGULIERE
CHAPITRE III : UN IMPORTANT POTENTIEL EN EAU SOUTERRAINNE
CHAPITRE IV : UN RESEAU HYDROGRAPHIQUE ASSEZ DENSE
CHAPITRE V : LES PEUL, UNE POPULATION MOBILE
TROIXIEME PARTIE : UNE MOBILITE PASTORALE DE PLUS EN PLUS COMPLEXE
CHAPITRE I: MOBILITE PASTORALE ET GESTION TRADITIONNELLE DE L’ESPACE
CHAPITRE II : TENDANCES ACTUELLES DE LA MOBILITE PASTORALE EN ZSP
CHAPITRE III: DES MUTATIONS DANS LA MOBILITE PASTORALE EN ZSP
QUARTIEME PARTIE : DES ELEMENTS D’AMENAGEMENT ET DE GESTION
CHAPITRE I : GERER AUTREMENT LES FORAGES PASTORAUX
CHAPITRE II : DE LA PERTINENCE DE L’AMENAGEMENT DES MARES
CHAPITRE III : UNE AUTRE DISTRIBUTION SPATIALE DES RESSOURCES EN EAU
CHAPITRE IV : MIEUX RESPONSABILISER LES ACTEURS
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES PHOTOS