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Importance de la zoochorie
Les milieux prairiaux abritent une diversité importante d’espèces végétales (concentration d’espèces rares et/ou menacées) mais sont en train de disparaitre à cause de la fragmentation de l’espace. Le déclin actuellement observé de la diversité végétale dans de nombreux habitats semi-naturels est en partie attribuable à la perte historique de la dispersion par le bétail. En outre, le pâturage et la culture intensifs et les modifications anthropiques (labourage, amélioration, etc) dans ces milieux jouent également un rôle. De plus, avec l’abandon des terres par le bétail et l’homme, la plupart des sites ont perdu une grande partie de leur qualité écologique (Kuiters et Huiskes, 2010). La prédominance de quelques espèces et l’empiétement des broussailles sont devenus des problèmes sérieux. En plus de la perte de biodiversité, d’importantes fonctions écosystémiques des prairies telles que la rétention d’eau et le stockage de carbone ont été endommagées par l’agriculture intensive, ce qui peut entraîner une eutrophisation sévère des écosystèmes proches (Mann et Tischew, 2010). Cette dégradation s’aggrave par le fait que de nombreuses espèces végétales n’ont pas de banque de semences persistante à long terme, dans le sol, nécessaire pour la régénération pionnière d’un milieu perturbé. Le retour d’espèces végétales après une disparition locale n’est alors pas aisé. En outre, la fragmentation des espaces prairiaux peut réduire les opportunités de dispersion, isolant ainsi les milieux et réduisant les échanges génétiques. En conséquence, certaines espèces peuvent disparaître localement en raison des problèmes de reproduction découlant de l’isolement de l’habitat.
La restauration des prairies semi-naturelles en Europe ne peut donc pas reposer uniquement sur la régénération via la banque de graines. Par conséquent, des plans de restauration pour rétablir les prairies riches en espèces sur les anciennes terres sont nécessaires en favorisant la zoochorie pour augmenter la banque de graines de ces milieux et favoriser les échanges génétiques. La dispersion des graines sur de longues distances est devenue un problème important dans la gestion de la nature, en particulier dans les paysages fragmentés. Comme la plupart des milieux ouverts sont petits, fragmentés et isolés dans des terres agricoles gérées intensivement, la dispersion des espèces végétales est considérée comme l’un des principaux obstacles à leur restauration. La dispersion des graines à grande distance par les grands herbivores pourrait offrir une solution à ce problème. En effet, ils agissent comme vecteurs de dispersion de nombreuses plantes herbacées et graminées par endozoochorie. L’importance de ces vecteurs varie grandement selon l’habitat et le type d’herbivore. La réintroduction du pâturage traditionnel (troupeaux migrateurs) pourrait aussi améliorer la dispersion des graines. Les attributs de la plante, de l’animal et du paysage doivent être intégrés pour étudier les schémas de dispersion sur le terrain. Cependant, les données de terrain sur l’endozoochorie dans les milieux ouverts sont encore assez rares.
Les animaux ont le potentiel de déplacer des graines sur de grandes distances. Antérieurement, en Europe et en Amérique du Nord, les graines étaient probablement déplacées par les grands ongulés, mais aussi par les lagomorphes (lièvres, rongeurs, etc), comme l’Auroch sauvage (Bos taurus primigenius) et le Cerf élaphe (Cervus elaphus) en Europe, l’Orignal (Alces alces) ou le bison (Bison bison bison) (Middleton et al. 2006). Aujourd’hui, les animaux de pâturage (bétails) sont d’importants propagateurs de graines, mais la réduction du mouvement du bétail à travers le paysage a également entraîné une réduction des graines dispersées de cette manière. Les oiseaux peuvent contribuer à contrer l’isolement et aider à la restauration. D’autres vecteurs de dispersion tels que les vêtements et les véhicules à moteur peuvent également transporter les graines de nombreuses espèces. En Europe, l’homme a un énorme potentiel de dispersion des graines dans les milieux ouverts en termes de graines et d’espèces. Il ne faut pas négliger le potentiel de la vie moderne et de l’agriculture (Kuiters et Huiskes, 2010).
Les graines présentes dans ces milieux doivent avoir une résistance aux dommages chimiques et mécaniques. En effet, la capacité de dispersion des graines endozoochores est proportionnelle à la taille du corps de l’animal. Les grands herbivores devraient avoir le plus grand impact sur la dispersion des graines. Par comparaison avec les petits herbivores, ils consomment beaucoup de nourriture, consomment de grandes quantités de graines de plantes et causent moins de dommages mécaniques lors de la mastication et de la rumination. Cependant, les dommages chimiques peuvent être plus importants lors du passage dans le tube digestif en raison du temps de rétention plus long. Selon la taille de l’animal, le temps de rétention des graines dans les voies digestives de l’animal varie d’un à plusieurs jours, ce qui permet la dispersion des graines sur de longues distances. Les espèces avec de petites graines et/ou des graines qui sont considérées comme relativement persistantes sont généralement sur-représentées dans les excréments de la faune locale. Une plus petite taille de graines implique un temps de rétention plus court pendant la digestion, ce qui augmente le taux de survie et donc le succès de la dispersion des graines endozoochores (Kuiters et Huiskes, 2010).
La zoochorie et la restauration
Un certain nombre de programmes a été mis au point pour restaurer les divers habitats prairiaux, bien que l’efficacité des mesures varie considérablement. Par exemple, les prairies humides, riches en espèces dans les plaines d’inondation, sont au centre de la politique européenne de conservation de la nature (Conseil Européen 1992) (Mann et Tischew, 2010). Cependant, depuis les années 1970, de vastes zones de prairies dans les plaines inondables ont été améliorées, labourées et utilisées pour la culture intensive. Ces tendances ont été observées dans de nombreuses régions d’Europe (Allemagne). Depuis les années 1970, une série de restauration a eu lieu au niveau de l’Europe avec l’enlèvement d’arbustes et d’arbres, la tonte, la réintroduction du pâturage extensif, le transfert de foin riche en espèces, etc (Mann et Tischew, 2010).
Les programmes s’orientent autour de 3 processus : le potentiel de dispersion, le potentiel de germination et enfin l’action d’ajouter ou de retirer une espèce animale.
Potentiel de dispersion : En termes de dispersion de graines, la zoochorie est-elle vraiment efficace ?
Des études menées dans différentes régions du monde soulignent l’importance générale de la dispersion par zoochorie (Bonn et Poschlod, 1998, Cain et al., 2000) et ont également été discutées (Van Oudtshoorn et Van Rooyen, 1999). En Mongolie, au sein du parc national de Godi Gurvan Saykhan, cette thématique a été abordée en comparant la dispersion anémochore et hydrochore à la dispersion zoochore. Au final, ces recherches montrent que l’épizoochorie a un grand potentiel de dispersion et, par conséquence d’échange génétique entre les populations mais que l’endozoochorie semble plus rare (Bläb et al., 2010). De plus, l’étude réalisée en Belgique, a démontré la contribution des grands herbivores dans la dispersion des graines entre les habitats isolés. L’épizoochorie a été étudiée en brossant des graines de la fourrure de 201 grands herbivores domestiqués (bovins Galloway, ânes et chevaux). Au total, 6385 graines provenant de 75 espèces ont germé (Couvreur et al., 2004). D’autre part, il est important de noter que l’anémochorie et l’hydrochorie sont encore moins susceptibles de contribuer à la dispersion sur des grandes distances (Bläb et al., 2010).
En ce qui concerne l’épizoochorie, peu d’études ont porté sur ces facteurs d’influence malgré le fait que l’épizoochorie soit largement reconnue comme un mécanisme efficace de dispersion des graines sur de longues distances. L’un des aspects clés de l’épizoochorie est l’interaction adhésive entre les graines et les fourrures. Les travaux ont permis de tester la capacité d’attachement et de détachement de 3 plantes (Agrimonia eupatoria L., Geum rivale L. et Triglochin palustre L.) communes aux espaces semi-naturels, dans la fourrure de daims (Dama dama) et de bovins (Bos taurus). Les résultats indiquent que la capacité de dispersion des graines ne différait pas entre les deux espèces animales étudiées. Toutefois, la rétention des graines dans la fourrure varie entre les espèces végétales, entre les différentes positions sur l’animal, et entre différentes espèces animales. La taille, le nombre et l’emplacement des diaspores sur l’animal, influent sur leur durée de tolérance et de conservation (Kiviniemi, 1996). Une étude, portant également sur ce sujet, a mesuré les scores d’adhésivité de 66 espèces sur les fourrures de sept mammifères. Les fourrures profondes avec des poils longs, rugueux et ondulés sont les plus adaptées à l’adhérence des graines. Les graines avec des appendices adhésifs spécialisés présentent des scores d’adhésivité plus élevés que les graines avec des appendices non spécialisés ou sans appendices, leur potentiel de dispersion est donc plus élevé (Couvreur et al., 2007). Bien que la morphologie des graines permette de prédire l’adhésivité des graines, les types de graines les moins adhérents ont souvent des scores d’adhésivité relativement élevés. Par conséquent, il est probable que presque toutes les espèces sont, dans une certaine mesure, capables de se disperser (Couvreur et al., 2004).
Grace aux caractéristiques de sa fourrure (laine dense, bouclée et grasse) et en comparaison aux autres animaux (Agnew & Flux, 1970, Sorensen, 1986, Luftensteiner, 1982, Tomich et al., 1968), le mouton est probablement l’agent le plus efficace en termes de dispersion de graines et de diaspores (Shmida et Ellner 1983, 1892, Ridley 1930, Lousley 1961, Liddle et Elgar 1984, Probst 1949, Ryves 1974, Milton et al. 1990). Des études expérimentales sur la dispersion des plantes sur les moutons ont été menées. Plusieurs facteurs susceptibles d’influencer l’attachement et le détachement des diaspores ont été étudiés, ainsi que la distribution des diaspores sur les différentes parties du corps d’un mouton. Les effets des différents modes de locomotion des moutons sur la dispersion ont été examinés. L’étude Allemande (Jura de Schwabische) a évalué le temps de rétention des diaspores. Pour cela, des expériences ont été réalisées sur deux moutons apprivoisés. Après 16 examens, plus de 8500 diaspores de 85 espèces de plantes vasculaires ont été trouvées sur un seul mouton (Fischer et al., 1996). De même, une étude en Afrique australe sur des toisons de mouton tondues a été effectuée. Toutes les diaspores vues dans la laine ont été recueillies et ont ensuite été triées, identifiées et comptées. C’est au moins 54 espèces qui ont été collectées (Milton et al., 1990). Pour finir, l’étude française, réalisée au sein du parc naturel régional du Luberon et traitant du rôle des ovins dans le transport de graines d’espèces messicoles, renforce ce propos.
Les graines ont été échantillonnées dans la toison d’un animal resté présent au minimum deux heures par jour dans les chaumes et après 3 jours de présence dans la même parcelle. 218 graines appartenant à 16 espèces ont été récoltées (Dutoit et al., 2003). Les densités de graines les plus élevées et la plus grande diversité d’espèces ont été trouvées dans la zone des épaules (Milton et al., 1990), du poitrail et du cou des moutons (Fischer et al., 1996). La hauteur de la présentation des diaspores, la structure superficielle des diaspores et la locomotion des moutons sont les facteurs déterminants du transport des diaspores dans la laine.
Quelques études évoquent la dispersion par endozoochorie. Pour cela, des échantillons de fumier provenant de l’espèce animale sont collectés et analysés. Les graines sont identifiées à partir de la germination (par la méthode d’émergence des semis) des plantules. La composition des espèces qui en résulte, est comparée à la végétation sur pied (pool d’espèces locales). Les travaux effectués en Belgique et aux Pays-Bas ont permis de déterminer le potentiel des moutons à agir en tant qu’agents de dispersion des plantes via endozoochorie dans les prairies calcaires (Kuiters et Huiskes, 2010). 72 espèces végétales provenant de 23 familles de plantes ont été recueillies et ont des graines viables. Les moutons sont donc potentiellement des disséminateurs importants d’espèces végétales, bien que les plus petites graines aient été relativement abondantes (Kuiters et Huiskes, 2010). L’étude menée dans le Sahara septentrional algérien, sur la dissémination des graines dans les excréments du dromadaire, montre sa participation à la dispersion. Tout comme le mouton, le dromadaire joue un grand rôle dans la dissémination des graines, tant sur le plan quantitatif que qualitatif et en dépit de sa grande capacité à bien digérer les parois y compris la lignine. Les excréments dans lesquels les graines sont entreposées et dispersées dans l’environnement offrent des conditions favorables à la préservation et la germination des graines. Par ce biais, le dromadaire contribue à préserver son environnement et son rôle dans la dispersion des graines par endozoochorie souligne son importance écologique dans les milieux désertiques (Trabelsi et al., 2012). Les autres herbivores (bétail domestique, cervidés, …) peuvent également agir comme vecteurs de dispersion en ingérant délibérément ou accidentellement des fruits mûrs. Leur rôle dans la dispersion des plantes via l’endozoochorie a été traité dans les zones arides d’Afrique du Sud. Après 28 jours, 97% des semis avaient émergé. Sur les 29 échantillons de bouse, au total 909 plants ont germé. Les espèces dispersées ressemblent à la composition spécifique de la végétation sur pied dans les parcelles. Les résultats montrent que le bétail domestique facilite la dispersion des taxons caractéristiques. La forte abondance de jeunes plants indique une importance relativement élevée de l’endozoochorie pour la dispersion de certaines espèces (Haarmeyer et al., 2009).
En conséquence, la dispersion à longue distance semble être plus efficace avec la zoochorie, et plus particulièrement l’epizoochorie, qu’avec le vent ou l’eau. Le transport passif par attachement à la fourrure ou à la laine couvre de très longues distances de dispersion en fonction de la durée de l’attachement, du mouvement et de la vitesse de l’animal. Il est possible que les herbivores soient l’un des principaux vecteurs de mouvement des graines en ce qui concerne la gestion de la restauration (Poschlod et al., 1995, Poschlod, 1996). Cependant, les différentes méthodes excluent, la plupart du temps, l’impact du comportement animal (toilettage) et des facteurs environnementaux. Les moutons domestiques sont de bons disséminateurs des diaspores. Les toisons de mouton sont susceptibles de transporter beaucoup plus de graines que les poils droits des ongulés sauvages ou que la fourrure fréquemment entretenue des petits mammifères indigènes. Par endozoochorie, les différentes espèces animales ont un fort potentiel de dispersion des graines à longue distance pour un large spectre d’espèces végétales, provenant de diverses familles de plantes. Cette dispersion est facilitée par les troupeaux qui permettent aux espèces végétales de combler les lacunes dans l’espace et le temps. De plus, la dispersion par endozoochorie contribue à la germination des plantes contrairement à l’épizoochorie.
Potentiel de germination : la zoochorie impacte-t-elle la germination des graines ?
La zoochorie a souvent été proposée comme un vecteur important qui peut aider à surmonter la limitation de la dispersion des plantes dans les paysages fragmentés. Afin d’évaluer l’impact de la faune sur les espèces végétales, le potentiel de germination des graines doit être connu. L’effet du piétinement des moutons sur l’émergence des plantules et la survie d’espèces menacées ont été étudiés en Allemagne. Des moutons avec des graines étaient présents sur trois parcelles de sable pendant 24 h. Le détachement des graines, l’intensité du piétinement et l’ombre des graines ont été mesurés. L’émergence et la survie des plantules ont été enregistrées sur une période de 8 mois. Le piétinement des moutons a provoqué l’enfouissement de grandes quantités de graines. En l’absence de vecteurs de piétinement, les graines de grande taille et/ou de forme irrégulière sont moins faciles à assimiler par le sol que les graines petites et/ou rondes. L’enfouissement des graines par le piétinement a affecté positivement l’émergence des semis et un taux plus élevé de mortalité a été trouvé pour les espèces des parcelles non piétinées. Une courte visite de moutons passant de zones de référence à des sites de restauration isolés peut aboutir à l’établissement d’espèces cibles grâce à un apport élevé de semences et à la création de sites sûrs par le piétinement. (Wessels-de Wit et Schwabe, 2010)
La capacité des graines à germer après ingestion par un animal est importante pour la dynamique des populations de certaines espèces végétales et significative pour l’évolution des interactions plant-animal. Des études méditerranéennes, sur les frugivores, montrent que ceux-ci contribuent à l’hétérogénéité des caractéristiques de germination au sein des populations/communautés végétales, chaque espèce de frugivore ayant un effet particulier sur les graines consommées. Ces études avaient pour objectif de déterminer comment la germination des graines était affectée par le passage dans les viscères de leurs principaux disséminateurs (Traveset et al., 2001) et portaient également sur les différents mécanismes par lesquels la germination des graines est modifiée après ingestion par les frugivores. Ces travaux ont examiné les effets de différents vertébrés (espèces d’oiseaux, mammifères non-volants, chauves-souris, reptiles, poissons) sur la germination des espèces végétales. Des animaux captifs ont été utilisés pour obtenir des graines ingérées et comparer leur vitesse et leur pourcentage final de germination. La vitesse de germination des graines a changé chez toutes les espèces après le traitement des intestins (Traveset et al., 2001). Les disséminateurs de graines influent aussi le pourcentage de germination (Traveset, 1998). Malgré les différences morphologiques et physiologiques des voies digestives, les différents groupes d’animaux testés ont des effets similaires sur la germination des graines, bien que les mammifères non-volants tendent à influencer la germination un peu plus souvent que les autres groupes. Le temps de rétention des graines dans le tube digestif des disséminateurs est un facteur qui influence la germination et aide à expliquer la variation des réponses des graines observées parmi les espèces végétales, et même au sein d’une même espèce (Traveset, 1998). Le passage des graines dans le tube digestif accélère la germination des espèces étudiées (Traveset et al., 2008).
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Table des matières
Avertissement
Remerciements
Sommaire
Introduction
Qu’est-ce que la restauration ?
Qu’est-ce que la zoochorie ?
I. Les écosystèmes herbacés
Importance de la zoochorie
La zoochorie et la restauration
II. Les écosystèmes forestiers
Importance de la zoochorie
La zoochorie et la restauration
Discussion
Les milieux prairiaux
Les milieux forestiers
Conclusion
Lexique
Bibliographie
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