La voix de la Palestine en Allemagne: une institution diplomatique muette parle à un gouvernement sourd ?

Deux pays traumatisés par le passé : l’Allemagne et  »le peuple déicide, ou la victime maximale’

L’Allemagne et Israël établirent des relations diplomatiques normalisées le 12 mai 1965, sous l’égide du Premier ministre israélien de l’époque, Evi Eshkol, et du Chancelier Ludwig Erhard , tandis que le premier échange d’ambassadeurs se déroula le 24 août 1965. Inge Deutschkron rapporte que  »[j]amais durant toute sa carrière Erhard n’avait eu une si bonne presse qu’après sa décision de reconnaître Israël » . Et pourtant, à l’avènement des relations diplomatiques germano-israéliennes, l’ombre de la Shoah planait toujours au-dessus des diplomaties allemande et israélienne. Plus de soixante ans après l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, le génocide des juifs européens reste bien présent dans toutes les mémoires et pèse toujours indéniablement sur les relations bilatérales entre l’Allemagne et Israël, vu par les Allemands comme  »le peuple-remords ».
En Allemagne, la mémoire de l’Holocauste reste un thème très sensible, et les évocations du passé de l’Allemagne nazie contribuent à faire rejaillir de la mémoire collective un sujet douloureux, qui peut être facilement instrumentalisé lorsqu’il est utilisé à des fins  » d’attirer l’attention, de placer le débat sur le plan émotionnel et de rehausser le niveau des scandales  » , comme l’explique la Aleida Assmann, professeur à l’Université de Constance. La très forte sensibilité du thème de l’Holocauste en Allemagne fut à nouveau bien visible lors de la visite d’Angela Merkel du 20 août 2013 sur le site de l’ancien camp de concentration de Dachau, en Bavière, qui avait suscité une levée de boucliers de la part de l’opposition au gouvernement allemand. Celle-ci avait en effet qualifié la visite d’inopportune, à quelques semaines du prochain scrutin législatif de septembre.
Pour Renate Künast, la co-présidente du parti des Verts au Bundestag, une telle visite a tout lieu d’être  »de mauvais goût » si elle se déroule au cours d’une campagne électorale, comme ce fut le cas, et risque d’être instrumentalisée. C’était la première fois qu’un Chancelier allemand se rendait en visite de commémoration dans la ville de Dachau.
Le geste de la Chancelière est donc très fort, dans un pays où le sentiment de devoir de mémoire des Allemands face à l’Holocauste est très présent, jusqu’à faire partie de l’identité même du peuple allemand, d’après l’historien Hans Mommsen.
Si le devoir de responsabilité des jeunes générations d’Allemands envers Israël est un héritage du passé, la culpabilité du peuple allemand n’a, à l’inverse, pas lieu d’être transmise de génération en génération. La responsabilité allemande envers Israël ne doit pas être confondue avec la culpabilité pour les crimes commis dans le passé, d’après l’historien Ian Kershaw :  »Naturellement, les jeunes générations ne doivent pas se voir reprocher aucune faute à l’encontre des crimes commis par les générations précédentes. Mais responsabilité ne signifie pas la même chose que faute. La mort des criminels ne veut pas dire que la responsabilité disparaît. En tant que membre d’une nation avec un passé commun, nous sommes tous contraints de prendre notre partie de la responsabilité de ce que notre nation a fait dans le passé. »
De la même manière que survivra en Allemagne le poids du passé, le traumatisme de la Shoah en Israël se maintient de génération en génération. Le cas de l’État hébreu a cependant ceci de spécifique qu’il s’agit d’un État  »qui n’existait même pas encore à l’époque où l’événement constitutif de sa mémoire collective eût lieu, et dont on peut dire qu’une majorité des protagonistes de cet événement ne sont pas ensuite devenus des éléments de celui-ci. Il s’agit d’un État qui a été fondé sur un territoire qui n’a rien à voir avec le terrain où s’est produit l’indicible ; mais qui a pourtant constitué cet événement indicible en moment constitutif de son identité, et l’a édifié en raison d’être de son existence  » . C’est là la spécificité d’Israël, dont la politique est très fortement marquée par la pensée prédominante pour la sécurité d’État. Cette préoccupation est si présente, au sein de la classe dirigeante israélienne, qu’elle représente pour Moshe Zuckermann  » un véritable besoin fondamental […] – on veut en effet vivre en sécurité  » . La préoccupation constante pour la sécurité d’Israël est à imputer au traumatisme vécu par la communauté juive pendant la Seconde Guerre mondiale.

Israël – Allemagne : une  »relation particulière » à la neutralité impossible

Du point de vue israélien, les relations germano-israéliennes sont  »unique[s] » et s’apparentent à  »a newfound friendship » . C’est ce qu’a affirmé Benyamin Netanyahou dans un entretien accordé au journal allemand Welt am Sonntag, le 22 avril 2012. Pour le Premier ministre israélien,  »the relationship between Israel and Germany has always been tremendously powerful because of the greatest crime committed in history but also the greatest attempt to learn from the past and create a different future » . Quel est l’impact de cette relation bilatérale particulière sur les prises de position officielles allemandes ? Nous verrons comment s’expriment les responsables politiques allemands sur cette relation particulière.

La rhétorique gouvernementale allemande : un soutien indéfectible à l’État d’Israël

Trois discours sur les relations germano-israéliennes seront ici analysés. Le discours à la Knesset à Jérusalem le 18 mars 2008 , celui du 28 novembre 2012 à Berlin à l’occasion de la remise du prix Heinz-Galinski , et celui du 1er décembre 2012 à Berlin ont tous trois été prononcés par la plus haute représentante allemande, la Chancelière Angela Merkel. Pourtant, ces trois discours font référence à des contextes politiques et historiques différents. Tout d’abord, l e discours d’Angela Merkel devant la Knesset est historique, en cela qu’il s’agit de la première fois qu’un dirigeant politique allemand s’exprime à la tribune de la Knesset devant les membres du Parlement israélien réunis. La chancelière allemande s’était rendue en Israël à l’occasion de la mise en place de la première consultation intergouvernementale entre les ministres allemands et israéliens.La Chancelière avait commencé sa visite en Israël par le mémorial de la Shoah à Jérusalem, Yad Vashem . Le discours du 28 novembre 2012 a été prononcé lors de la remise du prix Galinski reçu par la Chancelière. Ce prix, décerné annuellement, récompense une personnalité  »qui s’engage pour la compréhension entre la communauté juive et le reste de la société, ainsi que pour les relations entre l’Allemagne et Israël » . Angela Merkel fut récompensée  »pour ses convictions et son engagement pour la construction et le maintien de la vie culturelle juive dans la société, ainsi que pour son soutien public à Israël  » . Heinz Galinski était un survivant de l’Holocauste, qui devint ensuite le président de la Communauté juive de Berlin de 1949 à 1992.
Le discours du 1er décembre, quant à lui, a été prononcé cinq jours avant la tenue de la quatrième consultation gouvernementale germano-israélienne qui existe depuis 2008 , et de la venue à Berlin du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et de plusieurs membres de son cabinet. Nous verrons que, malgré les différences apparentes de ces trois discours, tous trois présentent un
argumentaire semblable à l’égard de la politique allemande envers Israël, et évoquent des références historiques similaires.
Le contexte autour du discours historique d’Angela Merkel devant la Knesset est donc exceptionnel ; la séance fut, à cet effet, minutieusement préparée. Le fait que la Chancelière se soit exprimée dans sa langue maternelle, l’allemand, au sein d’une institution politique israélienne, est particulièrement notable . Cette langue, associée à celle des nazis, eut donc un écho particulier au sein de la Knesset. La Chancelière se garda bien d’omettre de préciser que le fait qu’elle s’exprime dans sa langue maternelle ne constituait en aucun cas une atteinte à la mémoire du passé, mais qu’elle en a bien reçu préalablement l’autorisation des autorités compétentes. Elle commence en effet son discours en remerciant chacun des membres de son auditoire de lui permettre de s’exprimer à la Knesset, et qui plus est dans la langue de Goethe.

L’impossible critique d’Israël

Le débat sur l’antisémitisme associé à la critique des politiques israéliennes fut relancé outreRhin en avril 2012, lors de la publication du poème de l’intellectuel allemand Günter Grass,  »Ce qui doit être dit » . Le prix Nobel de littérature 1999,  »compagnon de route » du parti des sociauxdémocrates de la SPD ,fut vivement critiqué pour avoir publié ce poème, dans lequel il dit vouloir briser le silence qui règne en Allemagne autour de la critique à Israël, et de l’impossibilité en tant qu’Allemand de prendre parti contre les politiques israéliennes, notamment contre la colonisation de la Cisjordanie, pourtant illégale selon le droit international. C’est en cela qu’il dénonce l’  » hypocrisie de l’Occident » , qui se refuse à condamner les atteintes au droit international commises par Israël à l’encontre du peuple palestinien dans cette  » région occupée » . Tout au long du poème est évoqué, en filigrane et à demi-mots, le poids de la culpabilité de l’Allemagne vis-à-vis d’Israël, héritage de la Seconde Guerre mondiale :  »Mais pourquoi me suis-je tu jusqu’ici ? parce que je pensais que mon origine, entachée d’une tare à tout jamais ineffaçable, m’interdit de suspecter de ce fait, comme d’une vérité avérée, le pays d’Israël, auquel je suis lié et veux rester lié. »
Günter Grass évoque donc le lien indéfectible qui lie les Allemands à l’État d’Israël, et qui les empêche d’adopter toute posture critique vis-à-vis de l’État hébreu. L’auteur parle ainsi à deux reprises du  »crime » dont son  »pays » a été le théâtre, que l’on comprend comme étant celui de l’Holocauste. Les Allemands, d’après l’auteur, sont les complices de ce crime, et en ressentent donc une culpabilité dont ils restent aujourd’hui encore prisonniers.
Mais malgré ses mots mesurés, la condamnation de Günter Grass fit l’unanimité en Allemagne. D’après le Premier Conseiller de l’Ambassade d’Allemagne en Oman, Monsieur Erich Schmid, la critique de Günter Grass à l’encontre d’Israël est considérée en Allemagne comme  »dépassant les limites » . Le titre du poème seul,  » Ce qui doit être dit », en allemand  »Was gesagt werden muss », explique Monsieur Schmid, est une expression souvent utilisée par les mouvements d’extrême-droite,  »afin de générer des propos hostiles aux étrangers »  , et présente donc une rhétorique très connotée qui expliquerait en partie la volée de bois vert reçue par le prix Nobel de littérature à la publication de son poème. Le débat autour du poème de Günter Grass,  » qui ne pourrait avoir lieu qu’en Allemagne, à cause de l’histoire » , est donc placé inévitablement sur un plan historique, et est mis irrémédiablement en parallèle avec l’Holocauste. Ce qui explique également la condamnation unanime du poème de Günter Grass est le fait que celui-ci fut membre du commandode SS, les Schutzstaffel, dans sa jeunesse, passé qu’il a tupendant de longues années. Pour Monsieur Erich Schmid,  »par-là même, il n’a pas l’autorité morale nécessaire pour s’exprimer de manière critique sur ce thème »  . En Allemagne, aucune personnalité ne s’est risqué à approuver les propos de Günter Grass, à l’instar de Sigmar Gabriel, le président du parti de la SPD dont Günter Grass est le sympathisant. Sigmar Gabriel avait malgré tout  » refusé de condamner l’écrivain et avait précisé qu’il était toujours un compagnon de route du parti » .
La prudence, voire l’impossibilité des critiques envers Israël, qui est l’apanage des observateurs allemands, s’explique notamment par la crainte contractée par le peuple allemand d’être accusé d’antisémitisme lorsque celui-ci s’exprime sur les politiques israéliennes. Exprimer son opinion, si celle-ci va à l’encontre des politiques d’Israël, est considérée automatiquement comme une preuve d’antisémitisme , ce que veut à tout prix éviter l’Allemagne. La République Fédérale d’Allemagne ne souhaite pas se voir reprocher un acte d’antisémitisme par la communauté internationale, son sentiment de culpabilité vis-à-vis du peuple juif étant toujours vif depuis la Seconde Guerre mondiale. Or, ce que l’Allemagne veut absolument éviter est pourtant possible,  »surtout parce qu’il y a justement encore beaucoup d’antisémites en Allemagne  » , d’après le Premier Conseiller de l’Ambassade d’Allemagne à Mascate, Monsieur Erich Schmid.  »Un antisémitisme subliminal » est d’après lui toujours présent en Allemagne ; en effet,  »ce n’est pas comme si un nouveau peuple allemand était apparu en 1945 » . Un rapport sur l’antisémitisme du gouvernement allemand de 2011 donne en effet raison à ce propos.
D’après un autre rapport présenté devant le Bundestag en octobre 2012, 20% des Allemands seraient antisémites , d’où la prudence extrême des dirigeants allemands envers toute condamnation, même partielle, des politiques israéliennes. De plus, les représentants politiques israéliens s’étaient vivement émus de la remarque prononcée par Angela Merkel en conférence de presse le 6 décembre 2012 à Berlin, dans le cadre de la rencontre intergouvernementale entre Allemands et Israéliens. La Chancelière allemande avait prudemment avancé à propos du projet de colonisation de la zone E1 en Cisjordanie par les colons israéliens que le Premier ministre israélien et elle-même  »haveagreed to disagree over construction in the E1 area » . Et de préciser :  »Israel has a different opinion, and it is a sovereign state, we can only express our opinion  » . Sans même parler de la colonisation illégale d’une région occupée, et encore moins d’atteintes au droit international commises par Israël, Angela Merkel s’était donc risqué à exprimer son désaccord avec les politiques israéliennes de colonisation. Malgré la retenue du propos, l’émoi fut grand en Israël. Pour Monsieur Erich Schmid, cette incompréhension des Israéliens face à la remarque quelque peu critique d’un dirigeant allemand envers la politique gouvernementale israélienne s’explique, ici encore, par le contexte historique particulier qui lie l’Allemagne à la communauté juive. Il ajoute qu’à l’inverse,  »François Hollande, Nicolas Sarkozy ou David Cameron n’auraient eu aucun problème à le formuler ainsi ».
Pour le journaliste Jakob Augstein, le fait de se faire immanquablement reprocher d’être antisémite lors de chacune des remarques dirigées contre les politiques de la puissance colonisatrice israélienne  »est utilisé de manière inflationniste. Et il est mal utilisé  » . Or cette utilisation perpétuelle de l’argument de l’antisémitisme relève d’  »intérêts et de valeurs politiques » , et non d’intérêts et de valeurs humanistes. Cette technique vise à  »pousser les Hommes à se taire » , à force de les  »diaboliser, de manière à jeter le discrédit sur leur façon de penser  » . Une utilisation politique permanente de l’argument de l’antisémitisme est dommageable et est une  »catastrophe » pour les Droits de l’Homme, puisque celui-ci, à force d’être utilisé de manière irréfléchie, perd de sa force et de sa valeur, si bien que  » tout ceci est utilisé par les véritables antisémites – et porte préjudice à Israël » . Jakob Augstein s’est lui-même vu accusé d’antisémitisme en septembre 2012 après avoir pris position contre certaines des politiques israéliennes dans le journal Der Spiegel Online. Les propos du journaliste sur  » l’utilisation inflationniste » de l’argument de l’antisémitisme a été classé à la neuvième place de la liste des  »dix insultes antisémites/anti-israéliennes » publiée chaque année depuis 2010 par le Simon Wiesenthal Center (SWC), une organisation non-gouvernementale existant depuis 1977 et basée à Los Angeles. Il est intéressant de noter que les insultes répertoriées dans cette liste ne sont aucunement différenciées selon leur caractère antisémites ou anti-israéliennes, mais que ces deux caractéristiques sont au contraire mises sur un même plan, confondant ainsi peuple juif et Israël, et antisémitisme et activisme politique contre la colonisation israélienne en Palestine. Le rabbin américain Abraham Cooper, président du Simon Wiesenthal Center, explique comme suit les raisons de la publication de cette liste annuelle.

L’influence israélienne sur les relations diplomatiques germano-palestiniennes

Au regard de la relation particulière qui s’est établie entre la République Fédérale d’Allemagne et l’État hébreu, de quel ordre sont les relations germano-palestiniennes qui ont pu se développer malgré le poids de l’histoire porté par l’Allemagne vis-à-vis de la communauté juive et d’Israël ?

Les relations germano-palestiniennes : une  »expérience de la diplomatie qui n’est pas classique »

Berlin est, pour un diplomate palestinien, une destination qui promet une expérience de la diplomatie particulière. Être en poste à Berlin signifie irrémédiablement se voir confronté au passé et donc au sentiment de responsabilité de l’Allemagne envers Israël. Il est en effet impossible de passer outre cette thématique qui influence grandement la politique étrangère allemande au ProcheOrient. Son Excellence Monsieur Abdel Shafi, qui fut en poste à la représentation diplomatique de Palestine en Allemagne d’août 2010 au 2 août 2013, ainsi que Son Excellence Monsieur Al Fahoum qui l’a précédé de 2005 à 2010, ont tous deux témoigné de cette impression d’effectuer une expérience diplomatique particulière lors de leur mission dans la capitale de la République Fédérale d’Allemagne. Son Excellence Monsieur Al Fahoum parle de sa mission à Berlin comme d’une  »expérience enrichissante, exceptionnelle » , tandis que son successeur explique que  »la situation en Allemagne est unique à cause de l’histoire » . Les deux diplomates ayant effectué ou bien effectuent actuellement une autre expérience en tant qu’Ambassadeur dans un pays européen, l’un en Suède et l’autre en France, ils s’accordent tous deux à dire que leur expérience allemande fut différente de ces deux autres postes européens. Son Excellence Monsieur Abdel Shafi, qui fut Délégué général de Palestine à Stockholm de février 2006 à juillet 2010 avant d’arriver à Berlin.
Il poursuit en mettant en exergue la différence de considération à l’égard d’Israël, vu comme  »un État très agressif, qui porte continuellement atteinte aux Droits de l’Homme » . Or, ce déni des Droits humains fondamentaux est très mal considéré en Suède, où  » la question des Droits de l’Homme, dans les pays scandinaves en général, mais tout particulièrement en Suède, joue un grand rôle » . Cela explique que le gouvernement suédois, ainsi que la majorité de l’opinion publique en Suède, ont  »davantage de compréhension pour notre position [palestinienne] que l’Allemagne ».
De même, pour l’ancien Délégué général de Palestine en Allemagne, aujourd’hui à la tête de la Mission de Palestine en France en tant qu’Ambassadeur, les relations entre la Palestine et l’Allemagne sont différentes de celles de la Palestine avec la France, qui  » marche[nt] très bien » et qui bénéficient d’une  »implication directe, positive et concrète »  de la diplomatie française.
D’après le diplomate palestinien, cette différence de traitement entre l’Allemagne et la France s’explique par la variable historique. Alors que, du côté allemand,  » le complexe de la Seconde Guerre mondiale est toujours dominant, toujours présent » et que les hauts responsables allemands  »se cachent derrière cette histoire » , la France a ouvert une nouvelle page de ses relations avec la Palestine dès les années 1980.

La diplomatie du portefeuille : l’aide au développement de la Palestine – et d’Israël ?

L’Allemagne apporte une aide financière régulière à la Palestine, qui s’est vu multipliée et renforcée à partir de 1995 , après la signature des Accords d’Oslo de 1993, et en soutien à la mise en application de ceux-ci. La République Fédérale d’Allemagne contribue à l’aide financière apportée par la communauté internationale à la Palestine par deux biais principaux : d’une part, l’Allemagne contribue de manière autonome à la mise en place de projets humanitaires et de développement en Palestine ; d’autre part, du fait que l’Allemagne est l’un des contributeurs les plus plus importants au budget européen, Berlin participe donc au développement de la Palestine au travers de l’aide apportée par l’Union européenne de par ses instruments de solidarité internationale, qui s’élevait en 2011 à 459 millions d’euros. L’Allemagne contribue ainsi directement aux projets européens de développement de la Palestine à hauteur de 20% environ du budget total européen, soit l’équivalent de 74 millions d’euros en 2012 . Au total, l’aide attribuée en 2012 à la Palestine par l’Allemagne s’élevait à 150 millions d’euros . De par ses différentes contributions financières,  »l’Allemagne compte parmi les plus grands donateurs bilatéraux pour la construction d’infrastructures, pour l’amélioration de l’éducation, pour des programmes d’emploi et pour la mise en place d’une économie durable dans les Territoires palestiniens ».
L’Allemagne participe également de manière indirecte au développement de la Palestine par le biais d’autres organisations internationales, comme les Nations unies tout d’abord, à travers son programme de l’UNRWA , mais aussi la Croix rouge internationale et la Banque mondiale, à hauteur de 15,3 millions d’euros en 2012 . Cette contribution financière est supervisée par le ministère de la coopération et du développement économique. Dirk Niebel est actuellement à la tête de ce ministère.
Les projets mis en œuvre en Palestine sont apparentés à différents secteurs. Ainsi, en 2012, 46 millions d’euros du budget total allemand en matière d’aide financière à la Palestine concernaient directement des projets de coopération au développement ; 15 millions d’euros furent alloués à l’aide humanitaire, 8,3 millions d’euros à la prévention des crises, et enfin 4,8 millions d’euros à des
projets culturels et d’éducation . Les domaines privilégiés de développement en Palestine concernent l’eau, le développement économique, l’éducation, la bonne gouvernance, et enfin la sécurité, notamment avec la formation d’unités de police.
L’objectif de garantie de la sécurité israélienne à travers l’aide financière allemande en Palestine explique également de fait la position d’Israël à l’égard de cette aide financière allemande en direction de la Palestine. L’aide financière allemande arrive en effet en Palestine  » avec le soutien total du gouvernement israélien » . Monsieur Erich Schmid, Premier Conseiller de l’Ambassade d’Allemagne en Oman, explique ainsi qu’Israël ne critique en rien cette aide financière attribuée par l’Allemagne à la Palestine, puisque l’État hébreu y trouve également son intérêt . En contribuant à l’établissement d’un État palestinien viable, l’Allemagne permet à la Palestine d’offrir de meilleures conditions de vie à ses habitants,  »afin que les gens puissent mener une vie normale, de manière à ce qu’ils ne soient pas obligés de se tourner vers le terrorisme. » . Israël en gagnerait donc en sécurité. De par l’aide au développement en Cisjordanie, l’Allemagne, ainsi que d’autres organisations de la communauté internationale, préviennent l’étouffement économique des Palestiniens vivant sous l’occupation israélienne ; de même dans la bande de Gaza, où l’aide humanitaire permet à ses habitants de survivre malgré les restrictions très strictes de l’approvisionnement en marchandises établies par le blocus de l’armée israélienne à Gaza. L’aide financière apportée par l’Allemagne à Gaza va en priorité à  » l’amélioration de la situation de l’approvisionnement et des infrastructures, surtout en ce qui concerne l’approvisionnement en eau et la gestion des eaux usées » . L’Allemagne concentre également une partie de ses efforts afin de rendre possible les exportations de Gaza, visant  »à permettre un repos de l’économie locale » . L’Allemagne entend ainsi offrir des perspectives de futur aux Palestiniens autres que l’Intifada ou les attentats terroristes.

Le peuple palestinien, ou la  »victime minimale » ?

Le 29 novembre 1947, l’Occident n’eut d’autre choix, d’après Bruno Guigue, que de voter pour la reconnaissance du plan de partage de la Palestine de l’ONU lors du vote à l’Assemblée générale ; sinon,  »l’Occident se fût montré deux fois coupable : pour avoir laissé commettre le génocide, et pour tenter de se soustraire au devoir de réparation. Sa conscience, il l’eût alourdie d’un lourd fardeau : en montrant son impassibilité devant le sort des victimes, après avoir démontré sa complaisance envers les bourreaux » . En comparaison de la problématique liée à la communauté juive après guerre, le problème du peuple palestinien apparaissait donc comme secondaire ; dès lors,  »ce peuple spolié pour le repos des consciences européennes […] ne put […] prétendre qu’au rôle de victime minimale » . Le peuple palestinien est-il, ainsi que l’affirme Bruno Guigue, la  »victime minimale » aux yeux des Occidentaux, dont l’injustice de la privation des terres ancestrales était malgré tout moindre que celle qu’aurait vécue le peuple juif, victime d’un génocide, si on lui avait en plus refusé la possibilité de s’installer en autonomie sur un territoire qui plus est restreint ? Une évolution de la position allemande est-elle malgré tout envisageable ?

Des limites de la passivité allemande ?

Le droit à la sécurité d’Israël est élevé en Allemagne au rang de raison d’État. Ce droit n’est pas contesté par les partis d’opposition, la question faisant consensus au sein des différents partis représentés au Bundestag, le Parlement allemand, à Berlin. Ainsi, trois députés élus de différents partis ont tous trois corédigés en 2001 un document sur la politique proche-orientale allemande, dans lequel ils expliquent.

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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 :Le poids de la culpabilité allemande face à la Shoah, marqueur indépassable de la politique allemande au Proche-Orient ?
CHAPITRE 1 : De l’Accord de réparation de 1952 aux relations diplomatiques germanoisraéliennes normalisées: l’ombre de la Shoah
1. L’établissement de relations diplomatiques entre Israël et l’Allemagne:  »une affaire de sentiments et d’émotion »
2. Deux pays traumatisés par le passé: l’Allemagneet  »le peuple déicide, ou la victime maximale »
CHAPITRE 2 : Israël-Allemagne: une  »relation particulière » à la neutralité impossible
1. La rhétorique gouvernementale allemande: un soutien indéfectible à l’Etat d’Israël
2. L’impossible critique d’Israël
PARTIE 2 : La voix de la Palestine en Allemagne: une institution diplomatique muette parle à un gouvernement sourd ?
CHAPITRE 1 : L’influence israélienne sur les relations diplomatiques germanopalestiniennes
1. Les relations germano-palestiniennes: une  »expérience de la diplomatie qui n’est pas classique »
2. La diplomatie du portefeuille: l’aide au développement de la Palestine – et d’Israël ?
CHAPITRE 2 : Le peuple palestinien, ou la  »victime minimale »
1. Des limites de la passivité allemande ?
2. Le vote de l’Allemagne pour l’admission de la Palestine à l’Unesco en 2011 puis à l’Assemblée générale de l’ONU en 2012
Conclusion : Un éternel devoir de réparation ? Perspectives pour le futur
Bibliographie
Table des annexes
Annexes.
Citations originales en langue allemande

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