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Les annulations d’olympiades
Au cours des 31 éditions de Jeux Olympiques d’été, seulement trois ont été annulées. Il s’agit des trois se déroulant pendant les Guerres Mondiales, c’est-à-dire respectivement 1916, 1940 et 1944. Bien que porteurs d’un message pacifiste, les Jeux n’ont pas réussi à s’imposer face aux tiraillements et à la haine propagés par la guerre. Pourtant, en 1916, le président du CIO Pierre de Coubertin a dû constater l’échec de la mise en place de Jeux dans une telle période.
Non adepte de la politique, Coubertin se retrouvait englué dans une situation assez délicate. L’Allemagne ne faisait pas partie des premiers pays ayant participé aux nouveaux Jeux, et la nation allemande mettait la pression sur Coubertin pour devenir la ville hôte des Jeux en 1916. Il faut savoir que l’intérêt des nations pour l’organisation se fait de plus en plus forte, surtout depuis que les athlètes concourent pour les couleurs de leur pays, chaque victoire devenant une victoire nationale. L’Allemagne érige sa campagne de candidature autour de deux arguments principaux : le fait de ne pas avoir participé aux premiers Jeux, combiné avec le fait que l’Allemagne est l’un des meilleurs représentant de l’Europe sur les valeurs sportives, au même titre que les britanniques.
Coubertin, obligé de suivre la doctrine pacifiste qu’il avait lui-même coécrite, offre en 1912 l’organisation des futurs Jeux de 1916 à l’Allemagne. Il démontre ainsi que l’olympisme prône le pacifisme par le sport. Cette décision fut pourtant lourde de conséquences pour Coubertin, une grande partie des Français éprouve encore une aversion pour les allemands suite aux récents conflits. Cela va fragiliser la position de Coubertin auprès de ses compatriotes tout en renforçant l’intégrité du CIO.
Coubertin est donc pacifiste et audessus des états quand il s’agit de sport, cependant quand la première guerre mondiale se déclenche, il se porte volontaire pour aller au front contre les mêmes allemands à qui il avait tendu la main deux ans plus tôt. Jugé trop âgé, il sera engagé pour la propagande française en période de guerre. Cependant, comme beaucoup de français en 1914, l’ombre de la guerre ne l’effraie pas, il pense que la guerre sera courte, et ne souhaite pas décaler les Jeux de 1916. Il est persuadé que la guerre sera terminée depuis longtemps. Il refusa même des propositions américaines pour le repli des JO, de peur que son évènement universel ne tombe sous le contrôle des Unions chrétiennes de la jeunesse (les YMCA américains). Coubertin est optimiste mais pas naïf, il sait très bien ce que deviendraient les Jeux s’ils perdaient leur indépendance. Par sécurité, il va donc transférer le siège social du CIO en Suisse, et assurer une neutralité du statut des Jeux Olympiques. La crainte d’une Géo-Olympique et Jeux Politiques menace fait qu’on renforce ses défenses, c’est ce que Coubertin assure pendant la première guerre mondiale.
À la fin de la guerre, beaucoup sont convaincus que les Allemands sont dispensés de Jeux. Mais Coubertin ne pouvant aller à l’encontre de ses propres principes, va ruser, prétextant aux allemands qu’ils ne peuvent être conviés en 1920. Puis en 1924 pour les Jeux de Paris, ce sont les autorités françaises qui mettent la pression aux allemands pour les dissuader de venir. Voilà un bel exemple de propagande camouflée : utiliser l’image des Jeux véhiculée par son président, ne surtout pas entacher cette réputation publique pour appuyer un parti, et perdre ainsi l’objectivité qui est une valeur primordiale pour le CIO.
Malheureusement, nous avons déjà pu observer que c’était loin d’être le cas durant le XXème siècle.
En 1940, le Japon devait accueillir les Jeux, mais dû y renoncer suite au déclenchement de la seconde guerre sinojaponaise, l’empire préférant optimiser ses finances dans le conflit. Helsinki devait assurer l’hébergement des Jeux, mais fut attaqué par l’URSS. La Finlande n’a pas eu la capacité, malgré l’appui du CIO, d’assurer avec sécurité cette édition des Jeux. Londres déclinera l’accueil des Jeux de 1944 pour la même raison. Nous en tirons la conclusion que le message de Coubertin n’a pas plus d’effet que cela, et qu’en période tendue, les Jeux ont du mal à se faire une place. Ce sera encore le cas pendant la guerre froide qui engendre son lot de boycotts. Il serait intéressant de voir quel serait le positionnement des nations vis-à-vis des Jeux en cas de conflits de nos jours. Personnellement, je pense que les mêmes schémas se reproduiraient, et l’intérêt économique en de telles périodes serait amoindri. La question de l’image est très épineuse, car on peut imaginer qu’avec les nerfs à vif, des scandales pourraient éclater à tout moment. L’organisation de Jeux Olympiques dans un territoire en guerre me semble donc dangereux et potentiellement préjudiciable pour le pays en question.
Ce qui est intéressant à notifier, est qu’une fois de plus, le CIO attribue les Jeux post-guerre mondiale aux vainqueurs, en l’occurrence Londres en 1948 et Helsinki en 1952. Son prétexte est de réattribuer les Jeux à ceux qui n’ont pu les accueillir pendant la guerre. Le discours n’a pas directement cette tournure, car Tokyo n’a pu les organiser non plus. D’ailleurs, il n’y a pas eu d’élection pour l’attribution des Jeux de 1948. Pour rappel, la mission du CIO est d’assurer le bon déroulement des Jeux, et dans ces périodes post-traumatiques, le Comité ne prend aucun risque. Il est plus facile d’aller du côté des vainqueurs pour ne pas ternir l’image des Jeux.
Pour l’anecdote, s’il n’y a pas eu de scrutin en 1945 pour l’attribution des Jeux de Londres, c’est parce que le CIO est persuadé que dans un climat d’austérité, les Jeux auraient été un échec. Le CIO se projette déjà sur les Jeux de 1952, et choisit Helsinki en Suède, pays exemplaire dans le domaine du sport et de la mentalité, et par conséquent parfait en terme d’image. Le CIO pense alors qu’Helsinki est la ville toute désignée pour relancer les Jeux Olympiques, même en cas d’échec de Londres pour de bonnes olympiades.
Ces décisions récurrentes peuvent nous paraitre logiques de notre point de vue, étant du bon côté de l’histoire. Mais le message de paix et de pacifisme par le sport n’aurait-il pas été plus fort en allouant à des pays vaincus, ou sortant de crises et de controverses, une opportunité de se racheter une image auprès des autres nations ? Pour ce qui est de l’Allemagne, non convié après la première guerre mondiale, ou Tokyo qui ne recevra les Jeux que 20 après la fin de la guerre, la question d’égalité se pose de leur point de vue. Est-ce qu’une gestion trop sécurisée n’est pas un frein à la diffusion des messages emplis d’humanisme ? La non prise de risque de la part du CIO, que ce soit sur l’attribution de la ville hôte, des choix de disciplines sportives ou des sanctions prises à l’encontre des joueurs, s’inscrit dans la logique de neutralité initiée en 1915.
Toutefois, nous pouvons déplorer le fait qu’il n’y ait pas eu de Jeux Olympiques sur le continent africain. Outre les guerres mondiales, une autre controverse a frappé le CIO et a affecté 20 ans de Jeux Olympiques.
Le Comité a pris parti en Afrique du Sud, dénonçant à juste titre le racisme sévissant dans ce pays. Ainsi, le CIO renie une fois de plus ses principes, mais pour une cause juste selon lui… L’effet résultant de cette prise de position est l’exclusion de l’Afrique du Sud de toutes compétitions olympiques. Un nombre assez important de pays africains refuseront de participer aux Jeux Olympiques, ce qui Géo-Olympique et Jeux Politiques explique la relative distance entre le continent africain et les Jeux Olympiques. La réflexion est la même que pour l’Allemagne et le Japon.
Coubertin savait faire le premier pas vers la paix, pourquoi ne le fait-on plus aujourd’hui ?
Enfin, pour comparer avec la coupe du monde de football, second évènement le plus suivi au monde, il a fallu attendre 2010 pour voir la première édition sur le continent africain, en Afrique du Sud justement.
Les jeux de Berlin en 1936, les Jeux de la honte
Pour continuer notre réflexion, nous allons nous arrêter sur un moment important de l’histoire, certainement les Jeux Olympiques les plus célèbres : les jeux de Berlin en 1936.
Déjà citée plusieurs fois, cette olympiade est l’exemple qui décrit le mieux mes propos.
Nous avons vu les limites de la gestion du CIO, le comité est indéniablement frileux vis-à-vis des risques. Une période sombre du CIO explique cela. Entre 1934 et 1945, le CIO est alors sous le contrôle des nazis. Pourtant en 1931, la volonté de tendre la main à l’Allemagne et envoyer un message de paix est forte et dans la continuité de ce que Coubertin a mis en place. C’est l’essence même des Jeux.
Malheureusement, nous savons comment l’histoire va se passer, et cet échec cuisant du CIO est la raison pour laquelle ils ne prennent plus de risques sur le plan géopolitique.
Toutefois, en 1931, ce n’est pas le gouvernement de Weimar qui est au pouvoir et il n’y a aucune crainte à avoir à ce moment-là, l’initiative est même saluée. Tout va changer en 1933, au moment de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Un grand jeu politique se met en place, les interactions avec les Jeux Olympiques sont très fortes. Nous allons tâcher de prendre le point de vue des différents acteurs, et évaluer l’impact de l’image pour ces « Jeux de la Honte ». Nous allons adopter le point de vue du parti nazi, celui du CIO et de Pierre de Coubertin, et enfin celui des Etats-Unis et des autres pays participants.
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Table des matières
INTRODUCTION
CONTEXTUALISATION
L’esprit des Jeux
Le CIO, une institution unique au fonctionnement opaque
LES JEUX, UN OUTIL DE PROPAGANDE
Les Guerres Mondiales, des bouleversements majeurs de l’identité des Jeux
Les annulations d’olympiades
Les jeux de Berlin en 1936, les Jeux de la honte
La Guerre Froide, un contexte géopolitique mouvementé pour un immobilisme du mouvement olympique
La mise en place d’un modèle qui va perdurer
La place des Jeux Olympiques dans les situations de crise
La propagande moderne
LA VITRINE DES JEUX, UNE VISIBILITÉ INTERNATIONALE
L’impact d’une campagne Olympique pour les villes
Les Jeux catalyseurs de croissance, dans quel intérêt ?
Une mise en lumière pour trois semaines, une vitrine à l’échelle mondiale
La gestion de l’après Jeux
Géo-Olympique et Jeux Politiques
Comment les différents protagonistes peuvent-ils tirer le meilleur profit des Jeux ?
L’intérêt du politicien et des pouvoirs politiques
Quels rôles et motivations pour le sportif ?
L’importance du lobbyisme dans les Jeux Olympiques modernes
Conclusion
Ouverture, quel poids pour la transition écologique et l’avenir des Jeux ?
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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