LA VIOLENCE POLITIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS HUMAINS
LA VIOLENCE POLITIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS HUMAINS
La violence comme instrument politique et partisan
La campagne de violences lancée par le régime et pilotée par les securocrats et le JOC en 2008 a observé certaines pratiques relativement rigoureuses dans l’exécution des violations sur le terrain. À la lumière des facteurs et des incidents exposés à la section précédente, la présente section vise à fournir un aperçu d’ensemble des pratiques formant les violations récurrentes et massives des droits humains et la manière dont le régime zimbabwéen s’en sert sur les plans partisans et idéologiques.
Aperçu des actes de violence
Un certain nombre de pratiques et de façons de faire sont récurrentes dans la commission de violations massives des droits humains au Zimbabwe, tel que brièvement évoqué plus haut. En effet, les actes de violence semblent de façon générale obéir à certains schémas particuliers. Imbriqués au contexte électoral, politique et idéologique dans lequel la crise violente de 2008 a lieu, les violations des droits humains à grande échelle prennent la forme d’exécutions arbitraires, d’enlèvements et surtout, de passages à tabac et de torture, généralement accompagnés de pillages.Les cas de torture et de passages à tabac sont les plus fréquents et font le plus de victimes – plus de 5000 ont été rapportées par Human Rights Watch pendant l’automne et l’hiver austral 2008447. Également, il semble y avoir une certaine gradation dans le type de violations commises en fonction du statut de la victime. Les hauts-placés, organisateurs influents et militants « très visibles » du MDC – qui jouent un rôle fondamental dans le succès électoral du parti − ont été largement plus à risque d’être kidnappés et/ou assassinés Les séances forcées de « rééducation » nocturnes pungwes, les passages à tabac, les pillages et l’intimidation ont plutôt visé les populations sympathiques au MDC (ou soupçonnées de le soutenir)449 alors que les cas de torture, accompagnés souvent de pillages et de violence à l’encontre de proches ont plutôt affecté les sympathisants et membres peu ou moins influents du MDCDe manière générale, un grand nombre de violations ont été exécutées selon un mode opératoire semblable. Que ce soit des enlèvements, des passages à tabac, des pillages, des vols ou des destructions de propriétés, dans la quasi-totalité des localités touchées par la violence, les actes ont été commis de nuit par des bandes pro Zanu-PF dont la composition est variable, allant de quelques individus à plus de 100 personnes451. Tel qu’exposé à la section précédente, également, la campagne de violence baptisée opération Makavhoterapapi a été placée sous le commandement du JOC et de plusieurs centaines d’officiers supérieurs de l’armée, qui ont dirigé et incité les violences. Même si le régime Mugabe tente le plus possible de minimiser son implication directe dans les violences en se « cachant » derrière les vétérans de guerre et les groupes de jeunes du parti, l’implication étatique va régulièrement en 2008 au-delà de la simple complaisance ou de l’assistance logistique En effet, Human Rights Watch rapporte :
Although Human Rights Watch cannot link the JOC directly to specific acts of violence, our interviews of more than 20 victims and eyewitnesses from separate incidents named at least 10 senior ranking police, prison and army officers who report to the heads of the JOC as inciting or participating in abuses. Their participation could not have occurred without the knowledge and acquiescence, if not direct participation, of the JOC.
Par ailleurs, Michael Bratton et Eldred Masunungure rapportent qu’en plus du déploiement d’environ 200 hauts-gradés de l’armée pour superviser l’opération Makavhoterapapi, le JOC a divisé le pays en dix commandements militaires provinciaux bénéficiant chacun de financement étatique afin de mener à bien (et de manière efficace) la campagne de violence456. Human Rights Watch a par ailleurs été en mesure de documenter que les bases de milices composées de jeunes du parti et de vétérans de guerre dans la province du Manicaland étaient directement approvisionnées en fonds, carburant, véhicules et nourriture par l’armée en plus de répondre aux ordres de la chaîne de commandement militaire.
Tel qu’évoqué plus haut, la violence en 2008 a notamment eu pour but de complètement déstabiliser le MDC. C’est la raison pour laquelle des organisateurs hauts placés ainsi que des candidats élus (ou même défaits) et leurs proches ont été les plus visés par les enlèvements suivis de torture et/ou d’exécution arbitraires Rien qu’en mai 2008, au moins 5 incidents séparés ont été signalés à Human Rights Watch où des membres du MDC ou leurs proches ont été pris en embuscade par des vétérans, des agents du CIO ou des militaires Le modus operandi est pratiquement toujours le même, et le restera par ailleurs tout au long des épisodes de violence de 2008 :
Victims of the abductions informed Human Rights Watch that they were taken to military bases or “war veteran” bases and camps where suspected ZANU-PF supporters, “war veterans” and soldiers beat and tortured them, including by mutilation. Other victims reported that the perpetrators would take them into the bush or deep into the hills and mountains of the countryside, and beat and torture them before leaving them for dead.
En juillet, c’est plus d’une centaine de partisans, militants et organisateurs du MDC dont l’assassinat fut confirmé, dont des élus et leurs familles. Si certains ont survécu à ces attaques et ont pu trouver des secours après avoir été laissé pour morts, presque toutes les victimes dont les corps ont été retrouvés présentaient des signes de torture, dont des mutilations génitales ou encore des organes tels que la langue ou les yeux coupés. Quant à elles, les bases (ou camps) servant aux pungwes ont fait le plus grand nombre de victimes – plusieurs milliers – et ont visés les sympathisants et les électeurs de l’opposition.
Une distinction doit être opérée entre les bases de torture et les pungwes. Les bases de torture ont été établies un peu partout dans le pays, au niveau local en utilisant des écoles, des campements militaires ou de police, ou encore des granges et des bâtiments confisqués tels des country clubs465. C’est essentiellement dans le même type d’endroit, voire souvent aux mêmes endroits, que les pungwes ont lieu. Néanmoins, les camps de torture ne visent pas exactement les mêmes victimes : « The camps are used to beat and torture victims to punish for voting for the MDC, to extract information from the victims on the whereabouts of other MDC activists and supporters, and finally to force victims to denounce the MDC and swear allegiance to ZANU-PF »466. Très fréquemment, ces cas de torture ont répété le même mode opératoire à chaque fois. Les victimes ont dans de très nombreux cas été battues avec des bâtons, des chaînes ou des crosses de fusil sur les jambes, le dos et surtout les fesses, arrachant la peau et la chair, alors qu’ils étaient immobilisés à plat ventre.Une grande partie des victimes enlevées pour être torturées en raison de leur appartenance au MDC en milieu rural ont par ailleurs été pillées, leur maison ou leur hutte brûlée et le cas échéant, leurs récoltes et leur bétail volés ou simplement massacrés468.
Les séances de rééducation, ou pungwes, sont différentes dans la mesure où elles visent à intimider les populations et les forcer à prêter allégeance à la Zanu-PF, souvent très brutalement, mais pas à obtenir des informations comme l’identité de membres du MDC et leur rôle dans le parti afin de les traquer469. Human Rights Watch rapporte :
The sole purpose of these meetings has been to coerce the population into voting for ZANU-PF and denouncing the MDC through beatings and torture. Villagers have informed Human Rights Watch that the meetings take place on a daily basis with ZANU-PF and its allies visiting areas and villages in the provinces where they believe they suffered significant losses to the MDC or where they won by very narrow margins. The posting of results outside polling stations has enabled the party to target these areas with little difficulty. Victims told Human Rights Watch that people are forced to chant ZANU-PF slogans and swear allegiance to the party at the meetings.
Les violences se sont par ailleurs étendues en 2008 aux groupes perçus comme trop proches ou complices de l’opposition. Notamment, les enseignants, mobilisés par le processus électoral en tant qu’agents électoraux indépendants dans les bureaux de vote ainsi que des agents de la ZEC et des scrutateurs ont été ciblés et battus dans le cadre de l’opération Makavhoterapapi, suivant généralement les mêmes façons d’opérer que ce qui a été présenté ci-haut. Une nouvelle vague d’expropriations a par ailleurs visé un certain nombre de propriétaires terriens blancs, exactement comme en 2000. Au moins 130 propriétés474, dont des aires de conservation pour les espèces menacées, des réserves naturelles biologiques et bien entendu, des fermes commerciales, ont été envahies, pillées et leurs occupants expulsés par la force475. Bien que comme en 2000, les vétérans de guerre ont été à l’avant-plan des violences, ce sont les groupes de jeunes de la Zanu-PF (Zanu-PF Youths) qui auraient toutefois été les auteurs directs du plus grand nombre de violations – 45% − entre avril et juin 2008, selon les chiffres du Centre for the Study of Violence and Reconciliation (CSVR)476. Les vétérans de guerre viennent quant à eux au deuxième rang, et se voient attribuer la responsabilité de 21% des cas de violences477, suivis des partisans de Robert Mugabe (17%), de l’armée (9%), de la police (7%), du CIO (2%) et enfin du MDC, qui serait responsable de moins de 1% des violations
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Table des matières
RÉSUMÉ
ABSTRACT
TABLE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
REMERCIEMENTS
1. INTRODUCTION ET MÉTHODOLOGIE
1.1 Introduction
1.2 Méthodologie
2. MISE EN CONTEXTE ET CARACTÉRISATION DE LA VIOLENCE (CHAPITRE 1)
2.1 Mise en contexte de la violence politique et de la crise au Zimbabwe
2.1.1 Facteurs internes et externes menant au référendum de février 2000
2.1.2 L’alliance du pouvoir avec les vétérans de guerre
2.1.3 Récurrence et institutionnalisation de la violence depuis 2000
2.2 Catégorisation de la situation au Zimbabwe
2.2.1 Qualification de la situation au Zimbabwe en droit
2.2.2 Catégorisation en science politique de la situation au Zimbabwe
2.3 Les interprétations concurrentes de la crise zimbabwéenne de Freeman
2.3.1 La première interprétation – la « poursuite du projet révolutionnaire » − et l’idéologie du régime Mugabe
2.3.2 La seconde interprétation − la réaction autoritaire du régime
2.3.3 Les droits humains et le paradoxe de la légitimation du régime
3.1 Portrait des élections de 2008
3.1.1 Les candidats
3.1.2 Les résultats des élections « harmonisées » du 29 mars 2008
3.2 Facteurs explicatifs de la violence
3.2.1 Facteurs partisans
3.2.2 Facteurs institutionnels
4. LA VIOLENCE POLITIQUE ET LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS HUMAINS (CHAPITRE 3)
4.1 La violence comme instrument politique et partisan
4.2 La violence politique au Zimbabwe en droit international des droits humains
4.2.1 Atteintes au droit à la vie
4.2.2 Atteintes au droit à la liberté et à la sécurité de sa personne
4.2.3 Atteintes à la prohibition de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
5. LA SIGNATURE DU GLOBAL POLITICAL AGREEMENT (GPA) ET LE GOVERNMENT OF NATIONAL UNITY (GNU), 2008-2013
5.1 Le GPA : Les pressions internationales, Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai
5.1.1 Les réactions internationales à la « victoire » de Robert Mugabe
5.1.2 L’influence des pressions extérieures sur le contenu du Global Political Agreement
5.2 Le Government of National Unity et la mobilisation de la violence
5.2.1 Structures de pouvoir du GNU et capacité limitée de Tsvangirai à limiter les violences
5.2.2 Dynamiques du pouvoir au sein du gouvernement d’unité nationale (GNU)
5.2.3 Glissement des tactiques de la Zanu-PF vers des réseaux informels parallèles à l’État.
5.3 Actes de violence sous le GNU
5.3.1 Violations documentées du droit international des droits humains
5.3.2 Variation des violences sous le GNU : les données ACLED
6. CONCLUSION
7. BIBLIOGRAPHIE THÉMATIQUE
8. ANNEXES .
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