LA VIEILLESSE ELOIGNE DES AFFAIRES
Si le vieillard ne se mêle plus directement des affaires publiques, sa maturité lui permet de prodiguer de bons conseils. Un vieil homme peut encore se livrer à l’activité politique, non pas dans les magistratures ou les activités militaires, mais comme conseiller. Il se hâte de répondre que si les vieillards ne se mêlent plus des affaires qui concernent les jeunes gens, ils en ont de plus graves à conduire. Le gouvernement des États réclame la prudence de la vieillesse ; il faut que tout y soit réglé par de bons conseils. On dit que la mémoire diminue, mais la vieillesse ne réduit pas les facultés intellectuelles, pourvu qu’elles continuent de s’exercer. D’ailleurs, même en dehors des affaires publiques, le vieillard trouve une carrière ouverte devant lui, et qui ne peut jamais lui faire défaut : c’est celle des travaux de l’esprit, de l’agriculture et de l’éducation.
L’activité politique des vieillards
La vieillesse éloigne des affaires, de celles qui ne peuvent se faire que dans la vigueur de l’âge mais « il y en a celles qui soient propres aux vieillards et que la tête dirige, quelle que soit la faiblesse du corps ». A partir de soixante ans, le citoyen romain était libéré de ses obligations civiles et militaires. Les moins riches continuaient leur activité, quant à l’homme public, il pouvait néanmoins poursuivre sa carrière politique ou ses fonctions sociales et conservait, du moins sous la République, une grande influence. Par exemple, au sénat, le premier à parler était l’homme le plus âgé. D’ailleurs, la moyenne d’âge des sénateurs était relativement élevée, puisqu’ils étaient en général d’anciens magistrats, qui avaient donc déjà exercé une fonction politique. Le sénat était aussi l’achèvement d’une longue carrière au service de Rome. On peut également noter que le mot sénateur est formé à partir de la même racine que « senex ». Quant aux sénateurs, ils étaient surnommés « patres », comme si l’autorité des pères des plus importantes familles s’appliquaient aussi à la cité toute entière. Ce sont d’ailleurs les chefs des cent familles les plus influentes de Rome que, selon la légende, Romulus choisit pour former le conseil du roi .
Lorsque le système monarchique romain prit fin en 509 av. J.-C., le sénat devint le conseil consultatif des deux consuls. Placé sous l’autorité de ces derniers, il exerçait une influence considérable et ses avis suscitaient un grand respect. Le sénat se réunissait dans la curie située sur le Forum, au cœur même de la ville. Son autorité religieuse était régulièrement confirmée par les augures qu’il faisait consulter à chacune de ses sessions. Dès le IIIe siècle av. J.-C., les armées romaines avaient gravé sur leurs insignes la devise SPQR, Senatus Populusque Romanus, qui attestait sa fonction symbolique pour tout l’État romain. N’étant plus soumis à l’autorité des consuls à la fin du IIe siècle, le sénat acquit des pouvoirs nouveaux à la fois en matière législative (procédure du senatusconsulte, proposition et vote de lois), et religieuse. Pour réfuter le premier grief, Cicéron montre par des exemples, par des affirmations, l’activité politique des vieillards : « Fabius Maximus ne faisait donc rien, non plus que PaulEmile votre père, Scipion, et le beau-père de mon fils, cet excellent citoyen ? Et les autres vieillards, les Fabricius, les Curius, les Coruncanius, quand ils soutenaient la république de leurs conseils et de leur autorité, ils ne faisaient donc rien ? Appius Claudius était vieux, et de plus aveugle ; cependant, lorsque l’opinion du sénat s’’inclinait à faire la paix et à conclure un traité de paix avec Pyrrhus, il n’hésita pas à dire ce qu’Ennius exprime ainsi : « Qu’entends-je ? Quelle erreur, quelle fatalité a fait devant un roi plier votre fierté? ».
Fabius Quintus Maximus Verrucosus (v. 275-203 av. J.-C.), était un homme politique et un général romain, petit-fils de Fabius Maximus Rullianus. Consul en 233 av. J.-C., censeur en -230, puis à nouveau consul à quatre reprises en -228, -215, -214 et -209, il fut ambassadeur à Carthage en -218, avant d’être acclamé dictateur à Rome en -217. Il harcela sans relâche les flancs de l’armée d’Hannibal et, évitant tout combat décisif avec l’envahisseur carthaginois, donna à Rome le temps de reprendre des forces, tactique qui lui valut le surnom de Cunctator (le Temporisateur). Néanmoins, les Romains ne suivirent pas ses conseils et, en -216, le désastre de Cannes confirma la justesse de ses prévisions. Au cours de son cinquième consulat, Fabius reprit Tarente, l’une des places fortes d’Hannibal.
Lucius Aemilius Paulus Macedonicus (v. 228-160 av. J.-C.), était un consul romain en 182 et 168, il vainquit Persée, fils de Philippe V et dernier roi de Macédoine, à Pydna (-168) ; il entreprit la réorganisation politique de la Grèce. Il symbolisa l’union de la tradition romaine et de l’hellénisme, que son fils Scipion Emilien maintiendra.
Caius Fabricius Luscinus était à la fois un homme politique et un général romain. Consul en 282 av. J.-C., il battit les Lucaniens et les Bruttiens, deux peuples de l’Italie antique qui assiégeaient la ville romaine de Thurium, en Italie méridionale. Après la défaite d’Héraclée en 280 av. J.-C., Fabricius fut envoyé en ambassade auprès de Pyrrhus pour négocier la rançon des prisonniers romains. Ayant décliné l’offre de Pyrrhus qui chercha vainement à le corrompre, Fabricius obtint la libération des prisonniers sans rançon. Censeur (276 av. J.-C.), il appliqua avec fermeté les vieilles lois romaines destinées à réduire les excès dans la vie privée.
Manius Curius Dentatus, ainsi surnommé car il était né avec des dents, était consul romain trois fois, en 290 av. J.-C., puis consul suffect en 284 av. J.-C., en 275 av. J.-C. et enfin en 274 av. J.-C. En 290 av. J.-C., le général romain Manius Curius Dentatus soumit les Sabins et vainquit les Samnites. Il battit Pyrrhus, roi d’Epire, en 275 av. J.-C. à Bénévent. Manius Curius Dentatus refusa la corruption d’ambassadeurs Samnites et répondit qu’il était « plus beau de commander à ceux qui ont de l’or que d’en posséder soi-même ». Située aux environs de Terni, chef-lieu de la province d’Ombrie, la cascade de Marmore a été créée artificiellement par le consul romain Manius Curius Dentatus afin d’éviter les inondations de la plaine. L’eau du Velinus, qui tombe en trois chutes successives d’une hauteur de 165 m, est utilisée aujourd’hui pour alimenter une centrale électrique.
Appius Claudius Caecus, (v. 340-273 av. J.-C.), était un homme politique, orateur et écrivain romain. Il fut élu censeur de 312 à 307 av. J.-C. Il est sans doute plus connu par la grande route qui porte son nom, la voie Appienne conduisant de Rome à Capoue, construite en 312 av. J.-C. Le premier aqueduc construit par les Romains, l’Aqua Appia, était souterrain et avait une longueur de 16 km. Il fut construit sous la direction d’Appius Claudius Caecus. Appius Claudius fut élu consul en -307 et -296 ; en -295, contrairement à la coutume, il accepta une charge inférieure, celle de préteur. Appius Claudius a subi la cécité dans sa vieillesse, d’où son surnom Caecus (l’aveugle). Vers la fin de sa vie, pendant une guerre entre Rome et le roi d’Epire Pyrrhus , le sénat a présenté des propositions de paix qui, si elles étaient acceptées, auraient pu conduire à l’abandon par Rome du sud de l’Italie. Le vieux Appius prononça un éloquent discours au sénat romain exhortant le rejet des propositions. Le sénat fut convaincu, et une nouvelle guerre entre Rome et Pyrrhus força le roi d’Epire à quitter l’Italie.
L’activité intellectuelle des vieillards
On dit que la mémoire s’affaiblit « si on ne l’exerce pas, ou de nature, si on a un esprit faible ». L’exercice de la mémoire maintient en forme le cerveau, stimule aussi bien les réflexes que le développement de l’attention et permet de développer l’acuité mentale chez les personnes âgées. A titre d’exemple les puzzles, les jeux de dames, les jeux de lettres et la lecture contribuent au maintien de la mémoire. Et c’est sur la lecture qu’il convient de mettre l’accent car d’après Cicéron, la lecture d’épitaphes ranime chez Caton le souvenir des morts . En effet la lecture stimule le cerveau, car elle fait travailler la mémoire et l’aide à préserver ses capacités. Comme tous les autres muscles du corps, le cerveau a besoin d’entraînement pour rester vigoureux et en bonne santé .
On dit que la mémoire diminue, mais la vieillesse ne réduit pas les facultés intellectuelles, pourvu qu’elles continuent de s’exercer : « le génie n’abandonne pas les vieillards, pourvu qu’à leur tour ils n’abandonnent ni leurs études, ni leurs travaux, et cela n’est pas seulement vrai des hommes publics, ce l’est encore des simples particuliers ». Sophocle fit des tragédies jusqu’à l’extrême vieillesse. Sophocle, dans sa dernière année, accusé de démence par son fils Iophon, lut aux juges son Œdipe à Colonne, et leur prouva si bien par cette pièce qu’il avait toute sa raison, que, pénétrés pour lui d’une admiration nouvelle, ils déclarèrent qu’il n’y avait de folie que du côté de l’accusateur .
Cicéron se consacre à des travaux philosophiques après s’être retiré de la scène politique en 46 av. J.-C. Nombre des œuvres philosophiques de Cicéron, loin de traiter de sujets théoriques et abstraits, sont étroitement liées aux événements de son existence, et portent sur des questions d’éthique, dans la vie quotidienne comme dans la vie politique. C’est surtout après 45 av. J.-C. et la mort de sa fille Tullia, que Cicéron se consacre à cette discipline, avec un premier traité intitulé la Consolation, dans lequel il s’interroge sur les moyens de surmonter la douleur du deuil.
Dans son traité les Tusculanes, il évoque la question du bonheur, et dans des traités mineurs, mais très appréciés pour leur sagesse simple, intitulés De la vieillesse et De l’amitié, il s’interroge sur les relations entre les êtres et sur le sens de la vie. Il aborde la question du divin dans De la nature des dieux et dans De la divination, et traite de la connaissance dans Les académiques. Parmi ses ouvrages de philosophie politique à proprement parler figurent De la république, et Des lois, mais aussi Des devoirs, dans lequel il définit une sorte d’éthique du citoyen au sein de la République. En particulier, dans De la république, il s’inspire des travaux de Platon et d’Aristote pour définir la forme de gouvernement la plus parfaite à ses yeux, en plaçant Rome au cœur de ses conclusions .
Cicéron revient à l’activité intellectuelle des vieillards et montre l’enseignement qu’ils sont capables même de recevoir : « Ainsi, nous voyons Solon se glorifier dans ses vers d’apprendre chaque jour quelque chose en vieillissant ; moi-même je l’ai fait, en étudiant dans ma vieillesse la littérature grecque ; je m’en suis emparé aussi avidement que si je désirais apaiser une longue soif, pour connaître les exemples dont vous me voyez user maintenant. Apprenant que Socrate fit de même en jouant de la lyre – du moins je me suis appliqué à la littérature ».
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Table des matières
INTRODUCTION
REFUTATION DU PREMIER GRIEF
LA VIEILLESSE ELOIGNE DES AFFAIRES
I. LA VIEILLESSE ELOIGNE DES AFFAIRES
1) L’activité politique des vieillards
2) L’activité intellectuelle des vieillards
3) L’activité agricole des vieillards
4) L’activité éducative des vieillards
REFUTATION DU DEUXIEME GRIEF
LA VIEILLESSE AFFAIBLIT LE CORPS
II. LA VIEILLESSE AFFAIBLIT LE CORPS
1) Le déclin de la vigueur
2) La perte des forces
REFUTATION DU TROISIEME GRIEF
LA VIEILLESSE EST PRIVEE DES PLAISIRS
III. LA VIEILLESSE EST PRIVEE DES PLAISIRS
1) Les dangers des plaisirs corporels
2) La conservation de quelques plaisirs
3) La supériorité des plaisirs intellectuels
4) Les plaisirs de l’agriculture
5) Le prestige de la vieillesse
REFUTATION DU QUATRIEME GRIEF
LA VIEILLESSE EST PROCHE DE LA MORT
IV. LA VIEILLESSE EST PROCHE DE LA MORT
1) Une nécessité de la nature
2) Il faut s’y préparer sans crainte
3) L’âme est immortelle
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE