La vidéo et la compréhension

Le traitement de la microstructure et de la macrostructure

   Le modèle de Kintsch et Van Dijk (1978) décrit les opérations qui conduisent, au cours de la lecture à l’élaboration mentale du texte, c’est à-dire une microstructure (niveau local : mots, phrases) et une macrostructure (niveau global) cohérente. Ce modèle de processus qui agissent au cours de la lecture peut s’appliquer également si le texte est présenté par la voie auditive, donc si le texte est lu par une autre personne (Gaonac’h et Fayol, 2010). La microstructure correspond à la structure locale du texte et se découpe en prédicats (termes relationnels comme les verbes, les adjectifs, les adverbes) et arguments (les noms) Selon eux, le lecteur va segmenter le texte en plusieurs propositions (un prédicat associé à de nombreux arguments), qu’il va maintenir en mémoire temporairement et traiter au fur et à mesure par cycles : c’est ce qu’ils nomment la microstructure. Les informations des différents cycles de traitement sont mises en relation, afin d’aboutir à un réseau de propositions hiérarchisées correspondant à ce qui est exprimé au niveau local du texte. Ces propositions sont appelées « base de texte » et correspondent aux significations explicites du texte, mais aussi à celles qui doivent être inférées. Plus les propositions successives reprennent des arguments semblables (quand le texte est répétitif), plus la représentation microstructurelle sera cohésive. Le but du lecteur est donc de relier entre elles les propositions qui ont un argument en commun afin d’établir la cohérence du texte. Ce traitement des différentes propositions par cycle ne permet pas de hiérarchiser les informations en fonction de leur importance, ce qui permettrait d’extraire le thème de la situation présentée. Pour cela, il faut sélectionner les propositions du texte, c’est-à-dire que certaines seront supprimées et les plus importantes seront intégrées ou généralisées en macropropositions. Ces dernières vont alors constituer la macrostructure qui représente le noyau de la signification tel qu’on le retrouve dans les résumés. La macrostructure est donc composée d’une série de propositions hiérarchisées qui représentent la structure narrative conventionnelle des récits. Les connaissances du lecteur en matière de schéma narratif mais aussi ses connaissances générales interviennent dans la construction d’une macrostructure.

La connaissance de scripts

   Selon Denhiere (1984), le script correspond à un schéma stocké en mémoire d’événements habituels. Il se compose de différents éléments que nous allons illustrer par l’exemple du script du restaurant :
– un thème qui définit l’événement (un restaurant)
– un ensemble d’objets susceptibles d’intervenir dans la situation présentée (chaises, tables, menu…)
– des préconditions (« je vais au restaurant car j’ai de l’argent sur moi »)
– des rôles (les clients, les serveurs, les cuisiniers)
– des conséquences (« je suis repu ») G. Mandler (1978) , parle, lui, de « schéma d’objets ou d’événements» qu’il définit comme un ensemble d’informations relatives à un thème, reliées entre elles et stockées en mémoire. Ces « schémas » sont plus ou moins complexes et proviennent de nos propres expériences, ils sont donc relativement similaires entre les individus d’une même culture. La connaissance de « scripts » ou de « schémas » est donc nécessaire à l’activité de compréhension.

Le développement des capacités à produire les inférences

   Les études sur le développement des capacités des enfants à produire des inférences de type causales, c’est-à-dire qui relient le but du personnage aux actions mises en œuvre, ne sont pas arrivées à un consensus car leurs méthodes d’évaluation étaient différentes (Blanc, 2009). Certaines observaient la sensibilité des enfants aux nombre de connexions causales(Wenner, 2004 et Trabasso et al., 1984), d’autres se sont intéressées à la capacité des enfants à se représenter le but du personnage de l’histoire et à utiliser cet élément pour structurer leur récit (Boisclair et al.,2004 et van der Broek, 1989). Puis, certaines études proposaient aux enfants un récit présenté de différentes manières, en faisant varier sa structure hiérarchique (Wenner, 2004 et Lynch et van der Broek, 2007), et enfin d’autres (Boisclair et al., 2004 et van der Broek 1989, 1997) se sont intéressés aux relations causales intra-épisode (inférences locales) et inter-épisodes (inférences globales). Voici les conclusions des différentes études : Tout d’abord, le nombre de connexions causales qu’il existe entre les différents événements d’un récit permettent aux enfants de rappeler d’avantages d’éléments de l’histoire précédemment lue (le rappel de récit). Wenner (2004) a observé cette sensibilité chez les enfants dès l’âge de 4 ans et Trabasso et al. (1984) 1 ont mis en avant l’idée que cette sensibilité augmentait avec l’avancée en âge. L’importance que portent les enfants aux buts du personnage augmente aussi avec l’avancée en âge selon van der Broek (1989, 1997). Elle peut cependant se manifester dans les réponses aux questions des enfants de 4 ans sans être pour autant produite spontanément dans les rappels des faits (Boisclair et al., 2004). Wenner (2004) souligne que les enfants de 4 ans ont plus tendance à rappeler le but du personnage et à l’utiliser dans leurs réponses aux questions lorsque celui-ci est atteint tardivement dans l’histoire. Concernant la structure hiérarchique de l’histoire, Wenner (2004) avance l’idée qu’elle influence les enfants dès l’âge de 4 ans dans leur rappel. Lynch et van der Broek (2007)soulignent le fait que les enfants s’efforcent de la repérer dans les cas où elle n’est pas explicite et aussi qu’elle permet aux enfants de répondre à des questions de compréhension dès l’âge de 6 ans. Boisclair et al.(2004) et van der Broek (1989, 1997) 1 avancent l’idée que les enfants les plus jeunes produisent essentiellement des inférences causales intra-épisode (locales) et qu’avec l’avancée en âge on retrouve plus d’inférences causales inter épisodes (globales). Chez les enfants jeunes, les inférences causales sont plus produites que les inférences émotionnelles (causalité psychologique) car leurs connaissances des états internes des personnages, de leurs intentions, et de leurs motivations sont encore pauvres. Mais la capacité à produire des inférences causales est indispensable à la production des inférences émotionnelles. En effet, l’incapacité à produire le premier type d’inférences pourrait nuire à l’intervention des inférences émotionnelles des enfants, quelles que soient les connaissances émotionnelles dont ils disposent (Bearison et Isaac, 1975) .

Le rappel de récit

   Makdissi et Boisclair (2004a) ont étudié le développement de la compréhension de texte chez l’enfant d’âge préscolaire (de 3,5 ans à 6,5 ans). L’étude consistait à faire écouter aux enfants une histoire (d’une durée de 20 minutes) lue par un adulte qu’ils devaient ensuite raconter de mémoire individuellement en présence de la couverture du livre. Cette tâche correspond au rappel de récit et elle permet de voir ce que l’enfant a compris de l’histoire et d’évaluer la représentation qu’il a élaborée en mémoire. Les auteurs ont dégagé sept niveaux de développement. Voici leur grille d’analyse :
– niveau 0 : description de la couverture du livre.
– niveau 1 : un ou plusieurs personnages de l’histoire sont dénommés.
– niveau 2 : énonciation d’actions sans qu’elles soient mises en relation (au niveau temporel et causal).
– niveau 3 : début de la structuration du récit : identification du problème, et /ou des épisodes et/ou de la situation (mais sans relation temporelle ou causale)
– niveau 4 : apparition des marques temporelles entre les différentes composantes du récit (il est nécessaire de maîtriser la temporalité des événements avant de pouvoir comprendre les relations de causalité).
– niveau 5 : apparition des liens de causalité entre les différentes composantes du récit (entre le problème et les épisodes ou entre le problème et la solution).
– niveau 6 : extraction du lien commun à tous les épisodes (problèmes, but, épisodes,fin et solution) : abstraction menant à l’identification du thème de l’histoire. A l’âge préscolaire, la structuration de récit est encore inachevée. Elle va se complexifier à l’entrée à l’école primaire (Trabasso et Nickel, 1992) en s’appuyant sur les acquis de la petite enfance et sur ses nouvelles connaissances générales sur le monde. M. Fayol et D.Gaonac’h (2010) : « le rappel sera d’autant meilleur que la compréhension en sera élevée » : Le rappel de récit a pour avantage de révéler comment l’enfant se représente l’histoire et comment il agence entre eux les différents événements grâce à ses connaissances en matière de structure de récit. Cette tâche permet aussi de mettre en évidence les inférences produites. Il est important de noter que le rappel de récit ne prend en compte que les productions des enfants et donc ce que ces derniers ont jugé important de mentionner. Leurs productions ne reflètent donc pas tout ce que les enfants ont compris de l’histoire. C’est pour cette raison, que N. Blanc (2009) souligne le fait qu’il est utile de combiner cette tâche de rappel de récit à une tâche de questions ouvertes pour une analyse plus poussée de la compréhension du récit.

Les effets de l’exposition aux écrans

   La première émission télévisée pour les enfants est créée en 1947 aux Etats-Unis (Tisseron, 2008) puis des chaînes spécifiques pour les enfants ont vu le jour comme Baby Tv ou Baby First. Selon S. Tisseron (2008) ces programmes se disent adaptés aux enfants car ils sont simples et ne dure que très peu de temps et ne comportent ni violence, ni publicité entre les épisodes. Les chaînes pour enfants engagent même des psychologues qui défendent ces arguments pour rassurer les parents. Mais selon S. Tisseron (2008), ces émissions ne seraient pas du tout adaptées. En effet, d’après lui, elles sont répétitives pour soi-disant plaire aux enfants, mais ce n’est pas parce que l’enfant fixe son regard sur l’écran, qu’il ne s’ennuie pas, tout comme l’adulte le serait en regardant ces programmes : « elles sont regardées parce qu’elles sont allumées bien plus que pour ce qu’elles racontent». Les études menées prouvent que la télévision est préjudiciable aux acquisitions de l’enfant (Tisseron, 2008 et Desmurget, 2012) D’ailleurs, depuis 2008, le Conseil supérieur de l’audiovisuel oblige les chaînes pour enfants à diffuser un avertissement « regarder la télévision peut freiner le développement des enfants de moins de trois ans, même lorsqu’il s’agit de chaînes qui s’adressent spécifiquement à eux ». En effet, un enfant a besoin de découvrir le monde par les manipulations d’objets pour construire leur « intelligence sensorimotrice » (Tisseron, 2008), et les conséquences sur le langage sont inquiétantes : M. Desmurget (2012) cite une étude de Chonchaiya W et all. qui montre qu’entre 8 et 16 mois, pour chaque heure quotidienne d’exposition de programmes dits éducatifs, le lexique est appauvrit de 10%. De même, une consommation de deux heures par jour de programmes « tout public » entre 15 et 48 mois multiplie par 3 le risque de retard de langage et par 6 lorsque l’enfant regarde la télévision avant l’âge de 1 an. S. Tisseron (2008), évoque une étude de l’Université de Seattle qui prouve que les émissions pour enfants ne permettent pas d’accroître le développement du langage mais qu’au contraire, elles le ralentissent pour les enfants de 8 à 16 mois. De plus, S.Tisseron (2008) et M. Desmurget (2012) évoquent d’autres effets négatifs de la télévision sur la santé et le comportement des jeunes enfants. En effet, S.Tisseron décrit en plus, un risque plus élevé de devenir violent pour les garçons et les conséquences sur la construction de la représentation de soi et la construction de son identité par la non exploration des possibles de sa propre identité dans les jeux de rôle. M. Desmurget (2012) aborde les conséquences sur l’attention, la réussite scolaire, l’obésité, l’attention, l’apparition de comportements agressifs, l’« émergence de valeurs sociales consuméristes », les conduites sanitaires à risque (tabac, alcool, sexualité non protégée, drogue, etc), l’insertion sociale, la culture. Mais ce qui est plus inquiétant c’est que la consommation télévisuelle des 4-10 ans est à 80% du temps des émissions tout public selon le Ministère de la culture (2003) .Celles-ci sont encore moins adaptées pour un jeune public que les émissions spécifiques pour enfants (Desmurget, 2012). Ensuite, d’un point de vue neurologique, la télévision a également des conséquences. En effet, selon une étude publiée dans « Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine » , regarder la télévision entraîne le fait que les ondes « alphas », les ondes lentes, prennent le relais des ondes « bêta », celles de l’éveil. Ce phénomène est comparable à ce que l’on peut observer chez l’individu en état d’hypnose ou d’endormissement. De plus, cette même étude précise des effets neurologiques à plus long terme. En effet, les chercheurs ont observé que l’hémisphère droit des enfants qui regardent fréquemment la télévision présente une nette prédominance. Il s’agit de l’hémisphère qui traite les informations émotionnelles et ce phénomène se traduit par un esprit critique est comme anesthésié et la capacité d’apprendre est diminuée.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : ANCRAGE THÉORIQUE
1. La compréhension 
1.1. Qu’est-ce que la compréhension ?
1.1.1. Une dimension transversale
1.1.2. Un processus dynamique
1.2. Les processus cognitifs de la compréhension
1.2.1. Le traitement de la microstructure et de la macrostructure
1.2.2. La mobilisation des connaissances générales
1.2.2.1. La connaissance de scripts
1.2.2.2. La structuration de récits
1.2.2.3. Les inférences
1.3. Conditions qui peuvent perturber la compréhension
1.4. L’évaluation de la compréhension
1.4.1. Le rappel de récit
1.4.2. Les questions ouvertes
2. L’impact de la télévision sur la compréhension
2.1. Généralités sur les écrans
2.1.1. Les effets de l’exposition aux écrans
2.1.2. Préconisations
2.2. Les habiletés nécessaires à la compréhension télévisuelle
2.2.1. Les étapes de la construction de la réalité télévisuelle
2.2.1.1. Etape de matérialité de l’image
2.2.1.2. Etape de la vraisemblance réaliste
2.2.1.3. Etape du réalisme de la vraisemblance diégétique
2.2.2 L’attention
2.2.2.1. Comment l’enfant regarde la télévision ?
2.2.2.2. Les processus attentionnels
2.2.2.3. Les facteurs des changements attentionnels
2.2.3. Les schèmes qui participent à la compréhension audiovisuelle
2.2.4. Les facteurs qui facilitent la compréhension
2.2.5. La compréhension des émotions
2.2.5.1. Les émotions télévisuelles
2.2.5.2. Les moyens télévisuels qui représentent les émotions
2.2.5.3. L’émotion rappelée
2.2.2.4. L’émotion apprise
2.3. Conséquences si un enfant n’est nourri que par les histoires vues à la télévision
2.3.1. Conséquences sur l’attention
2.3.2 Conséquences sur les réactions émotionnelles
2.3.3. Conséquences sur la pensée narrative de l’enfant
PARTIE 2 : MÉTHODOLOGIE 
1. Hypothèses et objectif 
1.1. Hypothèses
1.2. Objectif
2. Présentation de la population 
2.1. Age
2.2. Critères d’inclusion et d’exclusion
2.3. Recueil des informations concernant les enfants
2.4. Présentation de l’échantillon
3. Méthode d’expérimentation 
3.1. Supports utilisés
3.2. Analyse des récits
3.2.1. La structure des récits
3.2.2. Les inférences
3.2.3. Points communs entre les deux récits
3.3. Description des épreuves
3.3.1. Production orale de récit
3.3.2. Questions ouvertes
3.3.2.1. Modalité ‹‹ livre ›› : ‹‹ Franklin collectionne les cartes ››
3.3.2.2. Modalité ‹‹ vidéo ›› : ‹‹ Franklin organise une fête ››
3.4. Méthode d’analyse des données
3.4.1. Rappel de récit
3.4.1.1. Analyse quantitative
3.4.1.2. Analyse qualitative
3.5. Opinion des enfants sur le test
4. Analyse des données 
4.1. Résultats au rappel de récit
4.1.1. Résultats sur la quantité d’informations
4.1.2. Analyse des erreurs
4.1.2.1. Analyse quantitative des erreurs
4.1.2.2. Analyse qualitative des erreurs
4.2. Analyse des résultats à l’épreuve des questions
4.2.1. Les inférences causales
4.2.2. Les inférences émotionnelles
4.2.3. Les personnages
4.2.4. Les inférences liées aux aspects linguistiques et psycholinguistiques
4.2.5. Les repères spatiaux
4.2.6. Le repère temporel
4.3. Critiques sur le test
4.3.1. Passation générale
4.3.1.1. Impression générale des enfants sur les épreuves
4.3.1.2. Les thèmes des histoires
4.3.1.3. Points communs entre les épreuves
4.3.1.4. Intervention de l’examinateur
4.3.1.5. Le temps de passation
4.3.1.6. L’attention des enfants
4.3.2. Le choix des récits
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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