La version historique et légendaire de la reine Elissa
Approche mythocritique
Si nous voulons étudier un mythe dans la littérature, nous avons comme référence l’ouvrage incontournable de Pierre Brunel, Mythocritique théories et parcours, car l’auteur y développe une théorie qui contribue à l’établissement d’une distinction entre le mythe et le mythe littéraire comme il le dit : « un texte peut reprendre un mythe, il entretient une relation avec lui. Mais la mythocritique s’intéressera surtout à l’analogie qui peut exister entre la structure du mythe et la structure du texte. »1Pour analyser ce rapport analogique, cette approche a pour postulat la signifiance de tout élément mythique qu’il soit explicite ou implicite, afin de voir l’inscription du mythe au sein d’un texte littéraire. En effet, pour reconnaître la présence d’un mythe dans le texte, les effets qu’elle implique et les différentes transformations qu’elle subit, Brunel propose trois principales lois pour aborder le mythe. Cependant, il laisse ouvertes les possibilités de la mise en pratique de ces lois vu le caractère complexe et mouvant du texte littéraire. C’est ainsi qu’il affirme :
« J’ai cru pendant quelque temps qu’on pouvait formuler des lois. Mais la littérature offre une autre résistance que la matière. Aujourd’hui, je considère plutôt l’émergence, la flexibilité et l’irradiation des mythes dans le texte comme des phénomènes toujours nouveaux, des accidents particuliers qu’il est vain de vouloir capturer dans le filet de règles générales. »
De l’Enéide à la peinture
L’art est une partie intégrante et fondamentale dans la vie de l’Homme. Il lui permet de s’exprimer avec un langage protéiforme : verbal, iconique, musical,… Et le texte littéraire est une oeuvre d’art (une dimension esthétique). C’est un langage spécifique qui découle d’un écrivain et lui donne l’occasion d’exprimer son rapport avec le monde. Ce qu’il faut souligner c’est que la littérature dialogue avec les autres arts comme : l’architecture, la sculpture, la peinture, etc. Entre la littérature et la peinture il y a un rapport privilégié. En effet, il y a beaucoup d’œuvres littéraires qui ont inspirées les œuvres picturales, il s’agit de l’ekphrasis.
Définition de l’ekhprasis
Le philosophe français J. Darriulat, considère l’ekphrasis comme le « genre rhétorique qui décrit l’oeuvre (d’art) telle qu’elle apparaît, le plus fidèlement possible ». Il précise que l’appellation de ce genre est un nom grec qui provient du verbe « ekphrazein », « ,désigner, expliquer longuement, exposer en détail ». En d’autres termes, l’ekphrasis constitue à la fois une description et un commentaire de l’oeuvre d’art.1 L’exemple parfait qui illustre nos propos est celui de l’Enéide, une oeuvre magistrale de Virgile. Dans le chant IV, il relate les aventures de Didon et d’Enée. Donc le mythe de Didon est repris à maintes fois au cours de l’Histoire, dans plusieurs domaines artistiques y compris la peinture. Grace à cette épopée, nous trouvons plusieurs transpositions picturales. Notre description commence par la première figure : le tableau de Glaude Gellée dit Le Lorrain, « Didon montrant Carthage à Enée, en 1676. »
Présentation du peintre
Le Lorrain est un peintre, un dessinateur et graveur français. Il est né en 1600 à Chamagne, près de Nancy en Lorraine (d’où le surnom). Il s’est spécialisé dans la peinture de paysage. Il est très passionné pour tout ce qui est relatif à Rome et à l’antiquité. Le tableau de Lorrain s’intitule « Vue de Carthage avec Didon et Enée », dit aussi « Didon montrant Carthage à Enée », 1676, huile sur toile, 120cm x149,2cm(Figure 1). Cette toile était inspirée d’un passage de l’Enéide de Virgile (I siècle avant notre ère) Elle est exposée à Kunsthalle, Hambourg, Allemagne.
Pour décrire et expliquer ce tableau nous nous sommes référés au travail de Catherin Aguillon2.
La description du tableau
Ce qui saute aux yeux, c’est la belle architecture. Le peintre avait peint un paysage sous un cadre majestueux. A droite, il y a un palais somptueux et vaste, avec des arcs.
Derrière les arcs, il y a une tour. Au second plan, à gauche, se dresse un autre édifice entouré d’arbres gigantesques. Au-dessous s’élève le temple que Didon avait édifié en l’honneur de Junon, dont l’architecture ressemble à celle du panthéon de Rome. Le tableau représente un vaste port en pleine activité. Au premier plan, sur les marches en pierre, devant un grand monument gardé par trois soldats, nous voyons six personnages suivis de deux chiens. Nous remarquons les hommes portant des tenues militaires et des armes, les femmes, de longues robes. La femme vue de dos vêtue d’une cape pourpre est l’impérieuse Didon. En levant la main, la reine présente avec fierté à Enée, à son fils Ascagne et à son fidèle ami Achate, la cité de Carthage, qui est mise en valeur au centre. deux autres femmes sont Anne, la soeur de la reine, et sa suivante. Le ciel commence à se couvrir au dessus de la cité, la lumière à première vue est sombre, mais le fond est baigné d’une douce lumière.
Explication du tableau
La couleur rouge rappelle la ville de Tyr1, d’où vient la reine parce que c’est une grande productrice de la pourpre. Cela signifie le pouvoir suprême. Même le rouge de la cape d’Enée est symbole d’un chef. C’était la couleur des généraux, des patriciens, de la noblesse et des empereurs. C’est la couleur attribuée à Mars, dieu de la guerre et du combat. On remarque la dominance de la couleur bleue dans l’oeuvre qui inspire beauté, tranquillité, la couleur renvoie à la mer, au ciel, à l’infini.
Le chien est un animal de compagnie. Il symbolise la fidélité. Sa présence dans le tableau est ironique. En effet, la reine et le Troyen sont infidèles. Didon a trahi le souvenir de son premier mari Sychée. Enée abandonne la reine pour poursuivre son destin, fonder le Latium.
Le peintre a travaillé sur les effets de la lumière sur l’eau, la lumière obscure instille la tristesse, veut dire discrètement la mort tragique de Didon. Le fond éclairé sur la cote explique que le Troyen accomplira sa mission.
|
Table des matières
Introduction générale
Chapitre n°1 : de l’histoire vers le mythe quelle méthodes ?
Introduction
1. Le personnage historique1. Le mythe
2. Le mythe littéraire
3. Processus de littérarisation
A. Le mythe littéraire
B. Mythe littérarisé
C. Le scénario mythique
4. Les invariants
A. Les variations
B. Approche mythocritique
5. L’émergence
A. La flexibilité
B. L’irradiation
Conclusion
Chapitre n°2 : d’Elissa à Didon naissance d’un Mythe
Introduction
1. La version historique et légendaire de la reine Elissa
A. Les sources
B. Le récit de la fondation de Carthage
2. D’Elissa à Didon
A. Présentation du poète Virgile et de l’épopée Enéide
B. Chant IV : La passion de Didon
C. Le départ d’Enée et la mort de Didon
3. De l’Enéide à la peinture
A. Définition de l’Ekphrasis
B. Claude Gellée, dit le Lorrain : Didon montrant Carthage à Enée
C. Présentation du peintre
D. La description du tableau
E. Explication du tableau
F. Le tableau de Pierre-Narcisse Guérin :Enée racontant à Didon les malheurs de la ville de Troie
4. Présentation du peintre
A. La description du tableau
B. Explication du tableau
a. Le tableau de Sébastien Bourdon : La mort de Didon
b. Présentation du peintre
c. La description du tableau
d. Explication du tableau
5. Le tableau de Pierre Paul Rubens : La mort de Didon
A. Présentation du peintre
B. La description du tableau
C. Explication du tableau
6. Le tableau de Pierre Lacour : Enée et Didon dans la grotte
A. Présentation du peintre
B. La description du tableau
C. Explication du tableau
7. La sculpture de Claude-Augustin Cayot : La mort de Didon
A. Présentation du sculpteur
B. Description de la sculpture
C. L’explication de la scuplture
8. Le tableau de J. Mallord William Turner :Didon faisant construire Carthage
A. Présentation du peintre
B. La description du tableau
C. Explication du tableau
9. L’enluminure d’Octovien de Saint-Gelais : Didon accueille Énée à Carthage
A. Présentation du peintre
B. Définition d’une enluminure
C. La description du l’image
D. Explication du l’image
10. Le tableau de David Ligare :Dido in resolve
A. Présentation du peintre
B. La description du tableau
C. Explication du tableau
D. Synthèse des tableaux
11. Les invariants du mythe Elissa-Didon
Conclusion
Télécharger le rapport complet