La verification societale comme mecanisme de credibilisation du reporting societal

A la suite de l’accroissement de la publication de rapports de développement durable annexés ou intégrés au rapport de gestion, certaines entreprises ont fait appel à des tiers extérieurs pour vérifier les informations contenues dans ces rapports. « Ainsi se crée une expertise nouvelle dans un domaine nouveau, la vérification du rapport de développement durable », (Igalens, 2004a, p. 159). De même dans un contexte international, l’accroissement du reporting sociétal s’est accompagné d’une augmentation des rapports incluant un compte rendu d’assurance réalisé par un tiers (O’Dwyer et Owen, 2005).

La vérification des informations sociétales est présentée comme un déterminant potentiel de la crédibilité du reporting. En effet, la pertinence et la confiance accordée à l’information diffusée étant conditionnées par sa crédibilité, il a été nécessaire d’attester sa fiabilité par le recours à une vérification externe (Rivière-Giordano, 2007a et b). Cependant, pour que la mise en place d’une vérification sociétale garantisse une fiabilité de l’information, il faut que ce processus soit un minimum normalisé. Pour réaliser sa mission, le vérificateur va donc s’appuyer sur des normes qui sont apparues ces dernières années. Il s’agit des lignes directrices de la Global Reporting initiative (GRI), l’Assurance Standard AA1000AS et l’ISAE3000 (International Standard on Assurance Engagement).

LE CADRE CONCEPTUEL DE LA VERIFICATION DES INFORMATIONS SOCIETALES 

La vérification des informations sociétales, analysée comme un processus fondamental pour crédibiliser le reporting sociétal, constitue par là même une réponse à la méfiance des utilisateurs (Capron et Quairel, 2004). Il apparaît alors nécessaire de présenter les origines, approches, objectifs et méthodologies de cette pratique. Ainsi, selon Igalens (2004b, p.14), « pour le professionnel l’objectif d’un engagement d’assurance est d’évaluer un domaine dont la responsabilité incombe à une tierce partie (ici l’entreprise) au vu de critères appropriés et d’exprimer une conclusion qui fournisse à l’usager de l’avis (celui qui prend connaissance et utilise cette information) un certain niveau d’assurance. Il s’agit d’accroître la qualité de l’information publiée ».

A la suite de l’étude des approches et méthodologies de la vérification sociétale, des similitudes entre les pratiques d’audit financier et extra-financier apparaissent. Malgré l’absence de monopole légal, en France, les vérificateurs qui réalisent l’essentiel des missions de vérification des informations sociétales dépendent des cabinets d’audit internationaux. Dès lors, l’examen de la vérification sociétale soulève une réflexion sur les analogies entre la vérification des informations sociétales et l’audit financier (Igalens, 2004a ; Rivière-Giordano, 2007a).

LES ORIGINES ET APPROCHES DE LA VERIFICATION SOCIETALE

Dans le domaine du reporting sociétal, un ensemble de terminologie a été adopté pour décrire le travail entrepris par une partie extérieure indépendante qui fournit un avis sur les informations sociétales diffusées par les entreprises (Hodge et al., 2007). Cette variété de termes employés et le choix de l’emploi de « vérification » nécessite de se pencher sur les origines de ce terme et sur ses définitions (1.1). Les différentes approches de la vérification sociétale sont également abordées (1.2).

TERMINOLOGIE ET DEFINITIONS DE LA VERIFICATION 

La crédibilité des informations environnementales et sociales est un élément central de la responsabilité et de la gouvernance des entreprises (Cumming, 2001 ; Kaler, 2002). C’est pourquoi, à la suite de l’accroissement de la diffusion d’informations sociétales, les utilisateurs se sont mis à exiger une garantie de ces informations. Ainsi, au début des années 90, les entreprises voulant répondre à cette demande de confiance ont peu à peu introduit une vérification par un tiers extérieur de leurs informations sociétales (Park et Brorson, 2005) et les recherches académiques s’y sont logiquement intéressées. Les terminologies employées varient : outre «vérification », les termes « audit », « assurance », « certification » ou encore «examen » ont tous été utilisés pour désigner des activités similaires. Dés lors, il est intéressant de justifier l’emploi du terme « vérification » (1.1.1), de revenir sur son étymologie et ses différentes définitions (1.1.2).

Le choix de l’emploi du terme « vérification » 

Concernant l’examen des informations sociétales, certains auteurs préfèrent parler de « vérification » par un tiers extérieur, plutôt que d’« audit » ou de « certification ». En effet, selon Power (2005) la notion d’audit est un concept flou et ambigu utilisé dans des contextes différents. L’emploi généralisé de ce terme pourrait laisser supposer une utilisation parfois inappropriée et peu significative du terme « audit » (Power, 2005). Il paraît donc important de préciser le contexte dans lequel nous employons les termes « audit » et « vérification », ce qui nous amène à revenir sur les origines de l’audit financier. S’agissant des informations financières et comptables, le besoin de vérifier ces informations impliquant un contrôle des comptes a toujours existé. A l’origine, l’audit est une vérification des états financiers des entreprises et ce n’est qu’à partir des années 1970 que le mot « audit » à été généralisé pour désigner divers types de mission de vérification (Mikol, 2003). En effet, la popularisation du terme « audit », en France, s’est faite par les grands cabinets d’audit anglo-saxons arrivés sur le marché français. Le terme « audit » signifiait alors contrôler ou vérifier. Comme le souligne Mikol (2003), cette tâche était autrefois confiée à un « vérificateur des comptes » aujourd’hui dénommé « commissaires aux comptes » ou « contrôleur légal ». A l’arrivée des cabinets anglo-saxons sur le territoire français et à l’apparition d’une stabilisation et d’une réglementation de ces missions, l’utilisation du terme « vérification » a laissé place au terme « audit ». Ainsi, la « vérification » concerne une mission peu normalisée et peu réglementée, alors que l’« audit » désigne une mission bien stabilisée avec des règles clairement établies. En effet, Rondeau (2003) précise que le terme « audit » se rapporte à une mission effectuée dans un cadre réglegmentaire, comportant des normes et des valeurs qui ont été codifiées et institutionnalisées. Ainsi, s’agissant de l’audit financier, il est aujourd’hui encadré par des normes et des réglementations. « Toutes ces missions ne s’effectuent pas au hasard de l’inspiration ou du talent de l’auditeur : elles sont toutes codifiées, normalisées… La mission du commissaire aux comptes est décrite dans la loi et dans les normes professionnelles, d’où l’expression de contrôle légal ou d’audit légal… » (Mikol, 2003, p.4). De plus, il apparaît dans un contexte d’asymétrie d’informations, faisant émerger un besoin de fiabiliser l’information comptable. L’audit, qui est une façon particulière de contrôler, permet d’assouvir ce besoin de fiabilisation (Power, 2005). Même si la notion de fiabilisation de l’information est également présente, le contexte de la vérification sociétale est différent. Elle relève d’une décision managériale discrétionnaire, afférente à une diffusion d’informations également, dans la majorité des cas, volontaire (Rivière Giordano, 2007a). Ainsi, comme le précisent Hodge et al. (2007) les termes « vérification » ou « assurance » sont mieux adaptés dans ce contexte peu normalisé et non réglementé. Plusieurs auteurs se posent donc la question de la légitimité du vocable « audit » pour ce genre de mission. En effet, les termes « audit » ou « certification » sont souvent réservés aux validations entrant dans le champ de dispositions législatives et réglementaires et/ou concernant des processus de validation bien stabilisés. Pour une utilisation justifiée du terme « audit sociétal », il devrait vérifier un contenu normalisé, selon une procédure d’audit réglementée avec des principes professionnels formellement établis (Rivière-Giordano, 2007b). Ainsi, le manque d’uniformité quant aux procédures de validation rend peu pertinent l’emploi du vocable « audit » pour la réalisation de telles missions. Cependant, on pourrait faire une analogie avec les origines de l’audit financier en se positionnant dans la phase initiale de son développement où les termes « contrôle » ou « vérification » des états financiers étaient alors usités.

Selon un rapport établi par un groupe de travail constitué au sein de l’ORSE (2004), en ce qui concerne la mise en place d’une validation de données sociétales sur une base volontaire, le terme « vérification » est effectivement le plus adéquat pour ce type de mission. Concernant l’utilisation du terme « certification », les conclusions de ce rapport sont unanimes sur la prudence avec laquelle ce qualificatif doit être utilisé. « Il s’agit, en réalité, beaucoup plus d’une simple vérification d’informations données ou d’une validation des processus engagées sans expression d’une opinion sur la pertinence ou la qualité des politiques RSE de leurs clients… « Ceci est exact, nous l’avons vérifié » et « ceci est bien », c’est toute la différence qui sépare l’activité de vérification de celle de notation » (Orse, 2004, p.12). Selon les experts interrogés à l’occasion de ce groupe de travail, la « certification » suppose que l’on dispose d’un référentiel reconnu par tous, ce qui n’est pas encore le cas de telles missions, « la certification à proprement parler sera probablement un jour une bonne solution mais aujourd’hui, il faut laisser émerger un consensus, et que les entreprises puissent s’approprier la démarche » (Orse, 2004, p.21).

Pour conclure, dans le cadre de cette thèse, le terme « vérification » est donc préféré aux termes « audit » et « certification ».

L’étymologie et les définitions de la vérification 

Le recours à l’étymologie s’avère utile pour bien comprendre ce qui différencie les deux concepts que sont « l’audit » et la « vérification ». Le vocable « audit » trouve son origine dans le latin auditus qui signifie « entendu ». Selon Joras (2000), la définition proposée en 1885 par le Bescherelle définissait l’audition d’un compte comme l’action d’ouïr (déformation d’« audire ») et d’examiner un compte. Le rôle d’écoute et d’audition est alors bien présent. En effet, pour comprendre le rôle de l’écoute, il faut se rappeler que dans les temps anciens les descriptions se faisaient oralement puisque la plupart des personnes ne savaient ni lire ni écrire (Combemale et Igalens, 2005). L’ « audit » est défini par le Petit Robert (2000) comme étant « une procédure de contrôle de la comptabilité et de la gestion (d’une entreprise) et par extension une mission d’examen de la conformité (aux règles de droit, de gestion) d’une opération, d’une activité particulière ou de la situation générale d’une entreprise » (p.175). Cette définition montre que l’audit est bien encadré par des aspects légaux qui servent de base à la mission. S’agissant du mot « vérification », son origine vient du latin verificare et verus qui signifie « vrai ». La vérification est « le fait de vérifier, l’opération par laquelle on vérifie », il s’agit « d’examiner (une chose) de manière à pouvoir établir si elle est conforme à ce qu’elle doit être » (Dictionnaire Le Robert, 2000, p.2656). La définition laisse transparaître le caractère générique du terme vérification. L’aspect « respect d’un cadre réglementaire » n’est donc pas mentionné dans la définition. Ce terme peut donc être employé dans le cas de missions plus générales que celles de l’audit et surtout lors de missions non délimitées par une réglementation.

Malgré l’absence de consensus dans la littérature académique quant à la terminologie employée, plusieurs définitions de la vérification sociétale sont proposées. En 2004 l’International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB) définit la vérification sociétale comme une mission « …dans laquelle un praticien exprime une conclusion destinée à augmenter le degré de confiance d’éventuels utilisateurs, autres que la partie responsable, concernant le résultat de l’évaluation ou de la mesure d’un sujet, à l’aune de critères » (p.150). La définition fournie par l’IAASB est la plus citée dans la littérature. La vérification sociétale est décrite par Igalens (2004a) comme une mission conduisant « …à un niveau d’assurance qui s’appuie sur des principes spécifiés pour formuler un jugement sur la qualité d’un « dire » émanant d’une entreprise. Elle peut être décrite comme la part de confiance ou de certitude qu’un professionnel indépendant fournit aux parties intéressées par ce dire ». Plus récemment, Smith (2010) considère que « l’idée essentielle de la vérification, c’est qu’un examen indépendant de l’information fournie par une partie pour le bénéfice d’une autre, améliore sa crédibilité » (p.4). La vérification est décrite comme un mécanisme permettant d’augmenter la confiance des utilisateurs dans l’information diffusée (Zadek et al., 2004 ; Deegan et al., 2006 ; RivièreGiordano, 2007a). Elle est supposée contribuer à la réduction des risques et à l’assurance de la fiabilité des données (Unhee, 1997). L’objectif de la vérification sociétale est ainsi identifié. Cependant, bien que ces définitions mettent en évidence l’importance des notions de confiance et de fiabilité, elles restent assez générales. Le contenu de la mission n’est pas abordé. Ainsi, la principale limite des définitions proposées réside dans l’absence de précisions sur la mission en elle-même.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE – PRESENTATION CONCEPTUELLE ET THEORIQUE DE LA RECHERCHE : DE LA DIFFUSION DE L’INFORMATION SOCIETALE À UNE INFORMATION SOCIETALE VERIFIEE
CHAPITRE 1 – LE REPORTING SOCIETAL COMME MECANISME DE DIFFUSION DES INFORMATIONS SOCIETALES
Section 1 – Vers une évolution de la diffusion des informations sociétales
Section 2 – Les frontières réglementaires de la diffusion des informations sociétales
Section 3 – Revue de la littérature sur la diffusion des informations sociétales
CHAPITRE 2 – LA VERIFICATION SOCIETALE COMME MECANISME DE CREDIBILISATION DU REPORTING SOCIETAL
Section 1 – Le cadre conceptuel de la vérification des informations sociétales
Section 2 – Le cadre normatif de la vérification des informations sociétales
Section 3 – Revue de la littérature de la vérification des informations sociétales
CHAPITRE 3 – PRESENTATION DU DOUBLE CADRE THEORIQUE UTILISE POUR ETUDIER LA VERIFICATION SOCIETALE
Section 1 – Revue de la littérature des cadres théoriques utilisés en comptabilité sociétale
Section 2 – Deux approches théoriques dominantes pour étudier la vérification sociétale
Section 3 – Justification d’un double cadre théorique pour la recherche
DEUXIEME PARTIE – ETUDE EMPIRIQUE DE LA MISE EN PLACE DE VERIFICATION DES INFORMATIONS SOCIETALES DANS LE CONTEXTE FRANÇAIS
CHAPITRE 4 – ETUDE EXPLORATOIRE QUALITATIVE
Section 1 – Méthodologie de l’étude exploratoire
Section 2 – Résultats de l’analyse des entretiens semi-directifs
Section 3 – Discussion des résultats de l’étude exploratoire
CHAPITRE 5 – FORMULATION DES HYPOTHESES DE RECHERCHE ET PROPOSITION D’UN MODELE EXPLICATIF
Section 1 – Hypothèses de recherche issues de la littérature
Section 2 – Hypothèses de recherche issues de l’étude qualitative
Section 3 – Opérationnalisation des variables et présentation du modèle explicatif
CHAPITRE 6 – RESULTATS DES ANALYSES QUANTITATIVES
Section 1 – Démarche méthodologique
Section 2 – Analyse descriptive des données
Section 3 – Test du modèle et des hypothèses
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
Liste des annexes
Annexes

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