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Les deux รฉtats de lโhomme
Comme la plupart de ses prรฉdรฉcesseurs, Pascal sโintรฉresse aussi ร la question de lโhomme. Une question ร laquelle Socrate nous invitait dรฉjร avec son fameux ยซ connais-toi toi-mรชme ยป. Pour participer ร ce dรฉbat Pascal part dโune constatation pour tenter de saisir la nature humaine. Il entend montrer ร l’homme qu’il est un ยซ monstre incomprรฉhensible1ยป. Pour y arriver il pose comme postulat de dรฉpart que la quรชte de tout homme est le bonheur. Il รฉcrit : ยซ Tous les hommes recherchent dโรชtre heureux. Cela est sans exception, quelques diffรฉrents moyens quโils y emploient. Ils tendent tous ร ce but. Ce qui fait que les uns vont ร la guerre et que les autres nโy vont pas est ce mรชme dรฉsir qui est dans tous les deux accompagnรฉ de diffรฉrentes vues. La volontรฉ ne fait jamais la moindre dรฉmarche que vers cet objet. Cโest le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusquโร ceux qui vont se pendre2. ยป
Le dรฉsir de bรฉatitude est le fondement de tout mouvement humain et la volontรฉ fait tout pour y arriver. Une telle idรฉe est nettement augustรฉenne. Pour saint Augustin le dรฉsir dโรชtre heureux reprรฉsente lโรฉlรฉment fondamental qui dรฉfinit lโagir humain. Il souligne que : ยซ Tous les hommes, quels quโils soient, veulent รชtre heureux. Il nโest personne qui ne le veuille [โฆ] Les hommes sont entraรฎnรฉs par diffรฉrentes convoitises, et lโun dรฉsire ceci, lโautre cela [โฆ] Ainsi, le dรฉsir du bonheur est le commun de tous : mais par quels moyens y parvenir, par oรน tendre ร ce but, quel chemin suivre pour y accรฉder ? Ici commence les discussions. Lโun dit : heureux ceux qui sont ร la guerre. Lโautre dit non, et affirme : Heureux seulement ceux qui cultivent le soi [โฆ] Que signifie cette diversitรฉ de sentiments sur chaque type de vie, alors que tous dรฉsirent le bonheur3 ? ยป
Toutefois, Pascal note que ce mouvement sโรฉgare, impuissant : lโhomme sans Dieu est laissรฉ ร lui-mรชme, il vit dans lโerreur, dans un monde dโillusion. Lโidรฉe quโil a du bonheur demeure inaccessible, car ses puissances trompeuses cโest-ร dire lโimagination, la coutume, les impressions anciennes, les charmes de la nouveautรฉ et les maladies, le rendent incapable de connaรฎtre la vรฉritรฉ qui lโentoure. Il est dans lโincapacitรฉ de saisir le vrai et le bonheur mรชme sโil en a lโidรฉe. Il note : ยซ Nous souhaitons la vรฉritรฉ et ne trouvons en nous quโincertitude. Nous recherchons le bonheur et ne trouvons que misรจre et mort. Nous sommes incapables de ne pas souhaiter la vรฉritรฉ et le bonheur et sommes incapables ni de certitude ni de bonheur1. ยป
De lร il est aisรฉ de constater que la nature humaine est une contradiction. Lโhomme manque dโunitรฉ, il sโoppose ร lui-mรชme. Pascal sโinterroge ainsi ร son sujet : ยซ Quelle chimรจre est-ce donc lโhomme ? Quelle nouveautรฉ, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradictions, quel prodige ? Juge de toutes choses, imbรฉcile ver de terre, dรฉpositaire du vrai, cloaque dโincertitude et dโerreur, gloire et rebut de lโunivers2. ยป Et il conclut : ยซ Qui dรฉmรชlera cet embrouillement3ยป Pour Rรฉpondre ร cette question, Pascal sโarticule ร faire voir que la philosophie, et partant la raison, constitue une impasse pour comprendre la vraie nature de lโhomme.
Pour dรฉmontrer lโรฉchec des philosophes ร saisir la question de lโhomme, Pascal va rรฉduire toute la pensรฉe des philosophes ร deux grands sages auxquels se ramรจnent dโaprรจs lui toutes les philosophies possibles : Epictรจte et Montaigne. En ce sens, lโentretien avec M. de Saci est le texte dรฉcisif. Ces deux sages sont aux yeux de Pascal : ยซ les deux plus grands dรฉfenseurs des deux plus cรฉlรจbres sectes du monde.4ยป Epictรจte est le reprรฉsentant de la grandeur de lโhomme. Il considรจre que lโhomme peut devenir le maรฎtre de lui-mรชme en maรฎtrisant lโillusion et lโerreur. Montaigne, ร lโinverse est le tรฉmoin de misรจre de lโhomme. Il se plaรฎt ร souligner lโincertitude et la fragilitรฉ de toutes choses. Il signale la faiblesse de la raison humaine et la puissance de lโimagination, du prรฉjugรฉ, de la croyance.
Tous deux nous dit Pascal ont parfaitement vu et dรฉcrit ce quโils ont pu voir, mais chacun nโa vu quโune partie de la rรฉalitรฉ et de ce fait nโatteint donc quโune vรฉritรฉ partielle. Au lieu dโunir, ils ont cherchรฉ ร garder lโun et ร rejeter lโautre. Et de lร , lโhomme demeure toujours inchangรฉ.
Pour Pascal lโhomme est ร la fois grand et misรฉrable, cโest une chimรจre. La grandeur et la misรจre sont la double facette dโune mรชme nature. Il est donc nรฉcessaire quโelles soient affirmรฉes en mรชme temps pour bien saisir et comprendre la complexitรฉ de lโhomme. Lโhomme est la somme de deux รฉtats et son explication vient de Dieu, elle demeure dans la double nature de lโhomme, crรฉรฉ sain et corrompu par le pรฉchรฉ.
Le fragment 131 nous fait part de ces deux รฉtats de lโhomme: ยซ Il y a deux vรฉritรฉs de foi รฉgalement constantes. Lโune que lโhomme dans lโรฉtat de la crรฉation, ou dans celui de la grรขce, est รฉlevรฉ au-dessus de toute la nature, rendu comme semblable ร Dieu et participant de la divinitรฉ. Lโautre quโen lโรฉtat de la corruption, et du pรฉchรฉ, il est dรฉchu de cet รฉtat et rendu semblable aux bรชtes1. ยป Nous retrouvons cette idรฉe dโune nature ambivalente de lโhomme dans les Ecritures : ยซ Vous รชtes des dieux2ยป ; ยซ Jโรฉpandrai mon esprit sur toute chair3ยป ; ยซ Jโai dit en mon cลur, au sujet des fils de lโhomme, que Dieu les รฉprouverait, et quโeux-mรชmes verront quโils ne sont que des bรชtes4ยป oรน encore ยซ Lโhomme sโest assimilรฉ aux bรชtes brutes5. ยป
Lโhomme tient le milieu entre lโange et la bรชte. Lโange se rapporte incontestablement ร sa nature intellectuelle et divine, car il a รฉtรฉ crรฉe ร lโimage de Dieu. Cette image, il lโa perdu lors de la chute. Et la bรชte renvoie ร son รฉtat misรฉrable. Et de lร quiconque ยซ fait lโange6ยป et se fonde uniquement sur la grandeur, fait en mรชme temps ยซ la bรชte7ยป, par excรจs de prรฉtention. Pascal doit cette conception de lโhomme comme milieu entre ange et bรชte ร saint Augustin et ร saint Thomas. Saint Augustin montre dans la Citรฉ de Dieu que lโhomme est ร la fois douรฉ de raison et mortel. Il รฉcrit : ยซ Puisque la bรชte est un animal sans raison et mortel, et lโange un animal raisonnable et immortel, on peut dire que lโhomme est entre les deux, mortel comme les bรชtes, raisonnable comme les anges; en un mot, animal raisonnable et mortel8ยป Saint Thomas sโinscrit aussi dans cette perspective et situe lโhomme ร cheval entre lโange et la bรชte: de lโange, il a lโesprit, lโintelligence, la volontรฉ et lโimmortalitรฉ. De lโanimal, il a les passions, lโinstinct, les sentiments9. En lโhomme coexistent donc deux รฉtats. De ce fait, on ne peut plus parler dโune essence unique de lโhomme.
Mais ร quoi renvoie le terme ยซ รฉtat ยป ? Le mot ยซ รฉtat ยป est ร comprendre chez Pascal dans son sens historique, c’est-ร -dire lโรฉtat de lโhomme avant le pรฉchรฉ, et aprรจs le pรฉchรฉ. Gรฉnรฉralement on distingue trois รฉtats: lโรฉtat de la nature innocente, lโรฉtat de la nature dรฉchue et lโรฉtat de la nature pure. Ce dernier รฉtat Pascal lโexclut. Les deux รฉtats qui restent sont des ยซ รฉtats rรฉels10ยป, des รฉtats de fait, et cโest en cela quโils sont diffรฉrents de lโรฉtat hypothรฉtique de pure nature. Cโest ainsi dโailleurs que le fragment 241 parle de ยซ deux รฉtats de la nature de lโhomme. ยป Vincent Carraud remarque dans ce sens que le concept dโรฉtat suppose deux sens.
Le premier sens dit-il ยซ recouvre des concepts thรฉologiques diffรฉrents qui sont autant de mรฉdiations entre la notion dโรฉtat et celle de nature1. ยป Le second sens renvoi ร ยซ un usage anhistorique ยป cโest-ร dire ยซ une pensรฉe simultanรฉe des รฉtats, qui a cependant leur pensรฉe successive pour origine. [โฆ] Une pensรฉe anhistorique du successif qui explique les deux รฉtats que constituent la grandeur et la misรจre de lโhomme2. ยป
Lโacception du terme dโ ยซ รฉtat ยป est un hรฉritage mรชme de saint Augustin. En effet dans ses Objections contre Julien, il montre que la condition humaine reflรจte deux รฉtats : ยซ le premier homme a รฉtรฉ crรฉรฉ dans un รฉtat tel qu’il n’รฉtait en aucune maniรจre assujetti ร la nรฉcessitรฉ de mourir; mais cette condition de la nature a รฉtรฉ changรฉe par le pรฉchรฉ, et la mort est devenue pour l’homme une nรฉcessitรฉ tellement inรฉvitable3 ยป. Lโhomme nโest plus dans son รฉtat angรฉlique, mais il est affligรฉ dโune ยซ nature viciรฉe ยป. Notre vraie nature nous rappelle le vrai bonheur. Mais la rรฉalitรฉ de notre seconde nature nous condamne ร lโรฉgarement et ร la convoitise. Dans le Deuxiรจme รฉcrit sur la grรขce Pascal rรฉsume la doctrine de son maรฎtre sur la double nature de lโhomme en ses termes : ยซ Saint Augustin distingue les deux รฉtats des hommes avant et aprรจs le pรฉchรฉ et a deux sentiments convenables ร ces deux รฉtats.ยป Avant le pรฉchรฉ, lโhomme รฉtait ยซ juste, sain, fort. Sans aucune concupiscence. Avec le libre arbitre รฉgalement flexible au bien et au mal 4ยป. Mais aprรจs le pรฉchรฉ, lโhomme a รฉtรฉ abandonnรฉ ร lโamour pour la crรฉature, ยซ sa volontรฉ, [โฆ] sโest retrouvรฉe remplie de concupiscence que le Diable y a semรฉe, et non pas Dieu5. ยป
Remarquons que cette conception des deux รฉtats รฉtait prรฉsente chez Pascal dรฉs avant octobre 1651. La lettre sur la mort dโEtienne Pascal nous en donne une large idรฉe. On la retrouve รฉgalement dans lโEntretien avec M.de Sacy qui montre lโusage quโon pourrait en faire dans une apologie. Nous pouvons lire ici : ยซ Il me semble que la source des erreurs de ces deux sectes est de nโavoir pas su que lโรฉtat de lโhomme ร prรฉsent diffรจre de celui de sa crรฉation ; de sorte que lโun, remarquant quelques traces de sa premiรจre grandeur et ignorant sa corruption a traitรฉ la nature comme saine et sans besoin de rรฉparateur, ce qui le mรจne au comble de la superbe ; au lieu que lโautre, รฉprouvant la misรจre prรฉsente et ignorant la premiรจre dignitรฉ, traite la nature comme nรฉcessairement infirme et irrรฉparable, ce qui le prรฉcipite dans le dรฉsespoir dโarriver ร un vรฉritable bien, et de lร dans une extrรชme lรขchetรฉ.
Ainsi ces deux รฉtats, quโil fallait connaรฎtre ensemble pour voir toute la vรฉritรฉ, รฉtant connus sรฉparรฉment, conduisent nรฉcessairement ร lโun de ces deux vices, dโorgueil et de paresse, oรน sont infailliblement tous les hommes avant la grรขce, puisque, sโils ne demeurent dans leurs dรฉsordres par lรขchetรฉ, ils en sortent par vanitรฉ.1. ยป
Cโest lร que rรฉside lโรฉchec des philosophes ร saisir la question de lโhomme. Leur discours est un discours partiel. Il ne rend pas compte de la double rรฉalitรฉ de lโhomme. Pascal รฉcrit : ยซles philosophes ne prescrivaient point des sentiments proportionnรฉs aux deux รฉtats. Ils inspiraient des mouvements de grandeur pure et ce nโest pas lโรฉtat de lโhomme. Ils inspiraient des mouvements de bassesse pure et ce nโest pas lโรฉtat de lโhomme2.ยป Le vรฉritable รฉtat de lโhomme est double. Ainsi, dire et penser lโhomme cโest le dire dans une unitรฉ disjointe, cโest dire ces contrariรฉtรฉs, cโest ยซ rendre manifeste les deux รฉtats simultanรฉs et contradictoires de lโhomme3. ยป รฉcrit Vincent Carraud. Et cโest ce que fait dโailleurs Pascal dans le fragment 149 :ยซ Ces deux รฉtats รฉtant ouverts il est impossible que vous le ne les reconnaissiez pas. Suivez vos mouvements, observez-vous vous-mรชmes, et voyez si vous nโy trouverez pas les caractรจres vivants de ces deux natures.ยป Cette sollicitation a pour objectif dโinviter lโhomme ร chercher au fond de son expรฉrience propre, pour apercevoir les empreintes de lโenseignement scripturaire sur les deux รฉtats de sa nature. Lโexpรฉrience humaine suffit pour nous faire voir que la nature humaine est tirรฉe entre la misรจre et la grandeur. Cโest donc une invitation personnelle et non un appel extรฉrieur qui est sollicitรฉe.
Le vรฉritable รฉtat de lโhomme est un รฉtat double, qui va constituer les deux natures du mystรจre de la condition humaine : une nature innocente que les Ecrits sur la grรขce dรฉsignaient par lโรฉtat dโinnocence et une nature corrompue appelรฉe รฉtat de corruption. Dโoรน cette pensรฉe de Pascal: ยซ La vraie nature รฉtant perdue, tout devient sa nature4. ยป Le pรฉchรฉ a fait perdre ร lโhomme sa vรฉritable nature, sa nature ยซ prรฉlapsaire ยป; il lโa soumis ร lโinconstance de la concupiscence, de sorte quโen effet, il est devenu naturel ร lโhomme de changer avec lโhabitude et la coutume. Pascal รฉcrit dans le fragment 149: ยซ Voilร lโรฉtat oรน les hommes sont aujourdโhui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur premiรจre nature, et ils sont plongรฉs dans les misรจres de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature5.ยป Les deux รฉtats c’est-ร -dire lโรฉtat de la nature innocente, et lโรฉtat de corruption deviennent dans ce fragment les deux natures qui vont dรฉsormais composer la condition humaine. Lโhomme a donc deux natures. Vincent Carraud note dans ce sens que le ยซ retour ร une pensรฉe historique de lโopposition nous fait passer des deux รฉtats de la nature ร deux natures. La premiรจre nature, ou nature dโavant la faute, lieu de la ยซ premiรจre grandeur ยป et la seconde nature qui est la nature prรฉsente, lieu de la corruption1. ยป
Ces deux acceptions du mot nature, Pascal les emprunte ร saint Augustin qui dans Du libre arbitre, opรจre deux sens du mot nature selon quโil sโagit de lโรฉtat natif, cโestลร -dire de lโรฉtat originel oรน de celui qui est sien de fait, par suite de la chute. Il รฉcrit : ยซ Nous nommons nature ce qui est proprement la nature humaine, la nature oรน l’homme fut crรฉรฉ d’abord dans l’innocence ; nous appelons aussi nature celle oรน par suite du chรขtiment infligรฉ au premier homme devenu coupable, nous naissons sous l’empire de la mort, dans l’ignorance et soumis ร la chair2. ยป
Soulignons cependant que pour saint-Augustin et Pascal ces deux natures ne coexistent pas de la mรชme faรงon. En effet, de la premiรจre nature qui reprรฉsente la grandeur, il ne reste que des traces qui, sont incapables de mener lโhomme vers le bien suprรชme, alors que la seconde nature elle, nous mรจne vers la mauvaise pente. Pascal รฉcrit : ยซ Quโest-ce-que nous crie cette aviditรฉ et cette impuissance sinon quโil ya eu autrefois dans lโhomme un vrai, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace de tout vide[โฆ]3 ยป Cette idรฉe est reprise dans le fragment 149 ยซ Aujourdโhui lโhomme est devenu semblable aux bรชtes, et dans un tel รฉloignement de moi, quโร peine lui ne reste(t-il) une lumiรจre confuse de son auteur, toutes ses connaissances ont รฉtรฉ รฉteintes ou troublรฉes.[โฆ] Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur premiรจre nature, et ils sont plongรฉs dans les misรจres de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature. ยป Telle est le mystรจre de la condition humaine. Lโรฉtat de grandeur dont-il ne reste que des traces, et la misรจre. ยซ Voilร notre รฉtat vรฉritable ยป conclut-il.
Le cลur et ses diffรฉrentes acceptions
Dans son projet apologรฉtique Pascal fait de prime abord du cลur la facultรฉ de lโamour. Il dรฉsigne la disposition ร aimer. Jean Mesnard affirme que ยซ Le mot dรฉsigne en lโhomme cette structure primitive quโest la facultรฉ dโaimer1. ยป En effet, lโamour est sentiment et il va de soi quโil ne peut trouver son siรจge que dans le cลur. Et la source lรฉgitime de connaissance religieuse, de la foi, est lโamour. Le cลur est ce qui permet ainsi de connaรฎtre Dieu, mais de le connaรฎtre pour lโaimer. Dieu a donnรฉ ร lโhomme une inclination naturelle pour lโaimer. Pascal รฉcrit: ยซ Le cลur aime lโรชtre universellement2.ยป Dieu ne peut รชtre connu que sโil est aimรฉ. Il appartient ร lโordre surnaturel dans le quel on ne peut connaรฎtre les choses sans les aimer. Hรฉlรจne Bouchilloux note dans ce sens: ยซ Lโordre surnaturel est dโemblรฉ contraire ร lโordre naturel, en ce quโil subordonne toute connaissance et tout amour ร la connaissance dโun Dieu qui nโest connu que sโil est aimรฉ3. ยป On ne peut penser Dieu sans lโaimer, et lโaimer est dรฉjร le connaรฎtre. Le Discours sur les Passions de lโamour4 certifie bien cela. Dans celui-ci, Pascal montre que celui qui est dans lโamour a une connaissance de lโobjet de son amour, et mieux que sโil ne lโaimait. Lโimportant nโest pas donc de connaรฎtre Dieu, mais de lโaimer de tout son cลur.
Pascal tire cette idรฉe de la Bible qui montre que le cลur est la facultรฉ de lโamour divin : ยซ Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de sa peine ? Jโai vu ร quelle occupation Dieu soumet les fils de lโhomme. Il fait toute chose bonne en son temps ; mรชme il a mis dans leur cลur la pensรฉe de lโรฉternitรฉ 5ยป. Le dรฉsir de Dieu est inscrit dans le cลur de lโhomme, car lโhomme est crรฉรฉ par Dieu et pour Dieu. Dit autrement, le cลur de lโhomme est prรฉdisposรฉ ร aimer Dieu, car Dieu lโhabite dรจs quโil vient au monde. Ainsi, nous connaissons Dieu parce que nous lโaimons et nous lโaimons par ce que nous le connaissons. Celui qui n’est pas dans l’amour n’est pas en Dieu. Autrement dit, celui qui nโaime pas ne connaรฎt pas Dieu qui est par essence Amour. Les deux pรดles sont nรฉcessaires, amour et connaissance. La premiรจre รฉpรฎtre de saint Jean exprime cela clairement: ยซ Quiconque aime Dieu est nรฉ de Dieu et connaรฎt Dieu. Celui qui nโaime pas nโa pas connu Dieu, car Dieu est Amour1. ยป Ce nโest donc quโenracinรฉ dans lโamour que lโon connaรฎt Dieu, que lโon reรงoit comme le montre lโรฉpรฎtre aux Ephรฉsiens ยซ la force de comprendre, avec tous les saints, ce quโest la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, et connaรฎtre lโamour du christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusquโร toute la plรฉnitude de Dieu2 ยป Cโest lร une connaissance qui surpasse toutes les autres: connaรฎtre son Amour. Le Dieu dโamour est un Dieu avec qui lโhomme entre en relation par le cลur qui est lโorgane de la charitรฉ. Et cette charitรฉ est la pierre angulaire da la foi. On peut comprendre dรฉs lors lโinterdรฉpendance qui existe dans les Ecritures entre foi et amour. Aimer, cโest rรฉveiller la foi qui sommeille en nous. En Galates 5-6 nous lisons que ce qui importe ยซcโest la foi qui est agissante par lโamour ยป, cโest montrer sa foi en aimant. Amour et foi sont indissociables : la foi, par le cลur nous communique lโamour, et lโamour entretient la foi (Corinthiens 1, 13).3 Cโest pour cette raison que Jean Chrysostome considรจre quโils sont ยซ ce merveilleux ยป attelage qui emporte l’รขme au ciel.
Mais, cโest en rapport avec la raison que Pascal parle souvent du cลur dans la connaissance religieuse, quโil le distingue de la raison. Et cela dans le but de donner une leรงon dโhumilitรฉ ร tous ceux qui veulent se satisfaire de la seule raison. Cette distinction note Philippe Sellier : ยซ permet ร Pascal de sโattaquer sans cesse ร la raison sans cependant saper lโactivitรฉ de connaissance de lโhomme, auquel il reste le cลur4. ยป Le cลur nโest pas ร comprendre dans une dimension exclusivement affective et รฉmotionnelle, il est lโorgane de connaissance. A cet effet, Jacques Chevalier รฉcrit que le cลur pascalien ยซ nโest pas seulement lโorgane de sentiment et de la vie morale, mais encore un des organes de connaissance5 ยป, de pensรฉe, de sagesse, qui perรงoit lโinspiration par laquelle lโรชtre humain fait connaissance avec son Dieu. Il est le lieu exceptionnel, unique de la rencontre avec le ยซ Dieu dโAbraham, Dieu dโIsaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants6. ยป Le chemin dโintรฉrioritรฉ qui nous mรจne ร Dieu, qui nous oriente, vers une plรฉnitude dโรชtre. Et pour Pascal, tout homme possรจde cet รฉlan de grandeur qui le dirige toujours vers le haut. Il รฉcrit dans le fragment 633 : ยซ Malgrรฉ la vue de toutes nos misรจres qui nous touchent et qui nous tiennent ร la gorge, nous avons un instinct que nous ne pouvons rรฉprimer et qui nous รฉlรจve.ยป
Mieux que la raison donc, le cลur comprend les Ecritures, car cโest lui qui nous rapproche le plus du divin. Cโest ร juste titre que Pascal affirme que: ยซ C’est le cลur qui sent Dieu et non la raison. Voilร ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cลur, non ร la raison1. ยป Le cลur sโidentifie ainsi aux vertus thรฉologales comme la foi, lโespรฉrance, la charitรฉ, etc. Cโest dโailleurs pour cette raison quโil relรจve de lโexpรฉrience du troisiรจme ordre, c’est-ร -dire la charitรฉ qui surpasse de loin tous les autres ordres. Lโhomme de cลur vit spirituellement dans le troisiรจme ordre, ร lโopposรฉ du savant qui sโenferme avec sa raison dans le deuxiรจme ordre2. Lโordre de la charitรฉ relรจve de lโordre du cลur, qui, rayonne profondรฉment de sagesse. Ainsi, lโexpรฉrience du cลur est une expรฉrience de feu, dโembrasement, comme celui du Mรฉmorial. C’est dans le paysage du cลur que se manifeste la prรฉsence de Dieu.
Le cลur comme organe de connaissance est dโinspiration biblique. Jeanne Russier note dans ce sens: ยซ Cโest seulement avec les Pensรฉes et ร partir sans doute du moment oรน lโordre habituel de ses prรฉoccupations et de ses mรฉditations le pousse ร adopter la terminologie biblique, que Pascal parle du cลur comme organe de connaissance3. ยป Selon la Bible, cโest le cลur en tant que centre de la personne vivante qui connaรฎt Dieu. Il le connaรฎt comme une personne avec qui il se dรฉcouvre en relation. Le psaume, 84-3, prรฉcise bien cela : ยซ Mon cลur et ma chair crient de joie dans le Dieu vivant. ยป Le cลur englobe lโintellect, il est associรฉ ร la ยซ pensรฉe ยป (Mathieu9:4), ร ยซ lโintelligence ยป (Romains3:12 ; Marc 6:52), ร la ยซ connaissance ยป (Proverbes15:14). Ainsi, lโexpression ยซ manquer de cลur ยป signifie manquer de jugement, de discernement (Proverbe 11:12 ; 15:21), dรฉpourvu de sagesse (Proverbe 7 :7; 9:1-9, 16; 10:21). Le cลur est fait pour comprendre, pour connaรฎtre. Dans ce but, le cลur รฉcoute. Cลur et oreille sont souvent mis ensemble. Lโoreille, organe extรฉrieur
sโarticule avec le cลur intรฉrieur et invisible. Cโest ainsi quโon comprend les paroles de Salomon demandant en songe ร Dieu de lui donner ยซ un cลur รฉcoutant et intelligent4.ยป Pour penser comme il faut donc, il faut savoir รฉcouter son cลur, car comme le montre Jean Louis Bischoff: ยซ Cโest au cลur quโil appartient de juger droit et juste5ยป Cโest par lโoreille du cลur que Dieu parle ร son peuple. Telle est lโidรฉe que saint Augustin nous montre dans les Confessions: ยซ Lโoreille de mon cลur est devant vous, Seigneur. Ouvrez-la et dites ร mon รขme : ยซ Je suis ton salut. ยป 1ยป Et la parole de Dieu reste dรจs lors graver dans le cลur de celui qui รฉcoute, comme la stรจle de pierre que le temps ne peut abรฎmer : ยซ Mon fils, retiens mes paroles, et garde avec toi mes prรฉceptes. Observe mes prรฉceptes, et tu vivras ; garde mes promesses comme la prunelle de tes yeux. Lie-les sur tes doigts, รฉcris-les sur la table de ton cลur2 ยป dit le proverbe. Aimer Dieu, c’est aimer profondรฉment sa loi au point de l’avoir au fond du cลur, d’en รชtre totalement imprรฉgnรฉ.
Cette idรฉe du cลur qui sent Dieu sโapparente รฉgalement ร celle dรฉveloppรฉe par saint Jean de la croix. Andrรฉ Bord montre dans son ouvrage Pascal et saint Jean de la Croix que, sur ce point ยซ Pascal a lu le docteur mystique.3ยป Pour saint Jean, cโest le cลur qui sent vivement la pointe dโun amour ardent, celui de Dieu. Il รฉcrit : le cลur, ยซ sent [โฆ] une vive pointe qui donne dans la substance de lโesprit comme dans le cลur de lโรขme [โฆ]; le milieu du cลur de lโesprit est lโendroit oรน se sent la plus fine dรฉlectation4.ยป Pour les deux donc, seul le cลur peut sentir Dieu. Voilร pourquoi cโest dans le cลur que Dieu se laisse trouver, car cโest lร quโil demeure. Ainsi, connaรฎtre Dieu par le cลur, ce nโest pas le connaรฎtre par le biais des arguments extรฉrieurs, mais par sentiment intรฉrieur.
En dรฉsignant lโorgane qui sent Dieu, le cลur se donne chez Pascal comme lโexpression dโune unitรฉ intรฉrieure. Il a alors pour sens fondamental le centre de lโรชtre, lร ou lโhomme sโentretient avec lui-mรชme, se donne ร Dieu. Il oriente vers lโintรฉrioritรฉ. Et cette intรฉrioritรฉ que Dieu seul peut sonder, est la source de toute raison, car elle mรจne au contact immรฉdiat avec la vie divine. Pascal parle ร cet effet de ยซ centre ยป, de ยซ milieu du cลur ยป. Ainsi compris, le terme cลur signifie au-delร de la raison, un niveau plus profond de la vie spirituelle, oรน se rรฉalise un contact avec le divin.
Cโest ร lโintรฉrieur de lโhomme que se trouve aussi son รขme. En consรฉquence, le cลur se confond pour le penseur de Port-Royal avec lโรขme. Le cลur dรฉsigne toute la profondeur de lโรขme. Ce qui lโamรจne dโailleurs ร jouer avec indiffรฉrence dans ses textes avec ces deux termes, ร les utiliser avec รฉquivalence. Henry Gouhier montre dans Conversion et Apologรฉtique que cela est dรป au fait que: ยซ Le mot ยซ cลur ยป est celui qui convient dans tous les cas oรน lโon veut parler dโun mouvement de lโรขme imprimรฉ par Dieu1. ยป Le cลur a donc un certain dynamisme. Ce qui appartient au cลur cโest ce qui est toujours naissant, ce qui est toujours prรชt ร agir. On comprend dรฉs lors son utilitรฉ dans la Priรจre. Pascal รฉcrit : ยซ Touchez mon cลur du repentir de mes fautes, [โฆ] Faites-moi [โฆ] considรฉrer, dans les douleurs que je sens, celle que je ne sentais pas dans mon รขme, quoique toute malade et couverte dโulcรจres2. ยป Lโรฉcrit Sur la conversion du pรฉcheur devient plus explicite ร ce sujet: ยซ Elle [cโest-ร dire lโรขme] traverse toutes les crรฉatures, et ne peut arrรชter son cลur quโelle ne se soit rendue au trรดne de Dieu, dans lequel elle commence ร trouver son repos3.ยป Ces propos paraphrasent le premier chapitre des Confessions de Saint-Augustin dans lequel il est รฉcrit : ยซ Notre cลur est inquiet jusquโร ce quโil se repose en vous4 ยป On retrouve aussi cette idรฉe dโun dynamisme de lโรขme dans un autre texte de saint Augustin : ยซ Je nโignore pas, que, quand nous entendons exhorter ร aimer Dieu de tout notre cลur, cela ne concerne pas cette petite partie de notre chair qui est cachรฉe sous nos cรดtes, mais ce dynamisme dโoรน naissent les pensรฉes. Il porte ร bon droit ce nom, car de mรชme que le mouvement ne cesse pas dans le cลur, [โฆ], de mรชme, sans repos, notre pensรฉe sโagite toujours5.ยป
Comme dynamisme de lโรขme, le cลur englobe ainsi les domaines de la volontรฉ. Le cลur est lโinstance oรน se situe la volontรฉ. En cela, il est ร rapprocher de la volontรฉ. Et cโest ce qui ressort de lโArt de persuader, dans lequel Pascal opรจre un certain parallรฉlisme entre cลur et volontรฉ : ยซ Personne nโignore quโil y a deux entrรฉes par oรน les opinions sont reรงues dans lโรขme, qui sont deux principales puissances : lโentendement et la volontรฉ. La plus naturelle est celle de lโentendement, car on ne devrait jamais consentir quโaux vรฉritรฉs dรฉmontrรฉes ; mais la plus ordinaire, quoique contre la nature, est celle de la volontรฉ ; car tout ce quโil y a des hommes sont presque toujours emportรฉs ร croire non pas par la preuve, mais encore par lโagrรฉment6.ยป On voit donc par lร que les hommes ont un penchant ร suivre leurs inclinations, leur volontรฉ. Ils ont tendance ร croire que ce quโils dรฉsirent, car le plaisir reste : ยซ la monnaie pour la quelle nous donnons tout ce quโon veut7.ยป
Le cลur : lieu de la conversion
Source des passions, des ยซ ordures ยป, le cลur pascalien est toutefois capable de devenir source de lumiรจre. Il peut รชtre rachetรฉ, changรฉ, inclinรฉ. Et cela par sa grรขce qui va transformer le cลur mauvais de lโhomme. En effet, Dieu a le pouvoir de transplanter ร lโhomme un cลur qui se montre soumis, qui se dรฉtourne de la puissance du moi pour se tourner vers le seul รชtre aimable. Par sa grรขce, Dieu recrรฉe le cลur et le fait participer ร lโamour dont il sโaime lui-mรชme. Mais, cette grรขce est un don, car mรชme si lโhomme choisit lโamour de Dieu, il ne peut sโunir ร lui, sans le secours de lโEsprit Saint qui รฉlรจve ses facultรฉs spirituelles ร la vie divine. Cโest dans ce sens que Saint Paul disait que : ยซ Vouloir le bien est ร ma portรฉe, mais non pas l’accomplir1ยป. Par la grรขce, Dieu transforme le cลur de lโhomme, par un mouvement de douceur en le dรฉtournant de tout autre sentiment. Le cลur, purifiรฉ comprend ainsi que lโamour de Dieu est sans รฉgal. Lโรฉcrit Sur la Conversion du pรฉcheur va dans ce sens : ยซ Car encore quโelle ne sente pas ces charmes dont Dieu rรฉcompense lโhabitude dans la piรฉtรฉ, elle comprend nรฉanmoins que les crรฉatures ne peuvent รชtre plus aimables que Dieu, et sa raison aidรฉe de la lumiรจre de la grรขce lui fait connaรฎtre quโil n y a rien de plus aimable que Dieu. ยป Tel est dโailleurs lโexpรฉrience qui habite Pascal dans la soirรฉe du 23 Novembre 1654 : ยซ Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. [โฆ] Joie, joie, joie, pleurs de joie2. ยป
Le cลur est capable de paix quand Dieu sโy promรจne, comme dans le cลur des รฉlus, des saints. Dieu peut lโincliner, le convertir afin quโil puisse comme lโรฉcrit Jean Louis Bischoff ยซ vivre sa pente vers lโuniversel3.ยป Et cโest ce que Pascal trouve dans la priรจre de David ยซ Incline mon cลur vers tes tรฉmoignages4.ยป Ce verset devient actif sous de nombreux รฉcrits de Pascal, notamment dans les fragments 380 et 382, oรน nous pouvons lire respectivement : ยซ Il incline leur cลur ร croire. On ne croira jamais, dโune crรฉance utile et de foi si Dieu nโincline le cลur et on croira dรฉs quโil lโinclinera. ยป, ยซ Dieu-imprime-incline vรฉritablement ceux quโil aime ร croire. ยป Le cลur illuminรฉ par la grรขce peut sentir ainsi Dieu, Dieu peut lโhabiter, y pรฉnรฉtrer avec force et lโabonder de sa grรขce. Dโoรน la priรจre de Pascal : ยซ Ouvrez mon cลur, Seigneur ; entrez dans cette place rebelle que les vices ont occupรฉe. Ils la tiennent sujette ; entrez-y comme dans la maison du fort ; mais liez auparavant le fort et puissant ennemi qui la maitrise et prenez ensuite les trรฉsors qui y sont _ Seigneur prenez mes affections que le monde avait volรฉes1. ยป Cette supplication, cette demande montre que cโest Dieu qui est lโinitiateur. Lโรฉlan vient de Dieu, cโest toujours lui qui prend lโinitiative et lโhomme ne fait que rรฉpondre ร son appel. On retrouve cette idรฉe dans la Bible. En effet, Saint Jean souligne dans son premier Epรฎtre au chapitre quatre que: ยซ Ce nโest pas que nous avons aimรฉ Dieu ยป (Jean I, 4, 10), ยซ mais nous avons cru ร lโamour ยป (Jean I, 4,16). ยซ A lโamour dont il nous a aimรฉs le premier ยป (Jean I, 4, 19), et ยซ ร lโamour thรฉologale que lui-mรชme infuse dans notre รขme, car lโamour vient de Dieuยป (Jean I, 4, 7). Ainsi compris, cโest Dieu qui nous attire en premier vers lui. Cโest lui qui quรฉmande, sollicite notre amour. Et cโest lร ce que signifie ยซ lโinclination ยป que David et Pascal, sollicitent, implorent.
Cโest la grรขce efficace qui opรจre un changement profond dans le cลur de lโhomme. Elle devient le moyen par lequel Dieu incline le cลur, et dรฉvoile la vรฉritรฉ aux hommes en rรฉorientant leur cลur, leur volontรฉ vers le souverain bien. Dans la dix-huitiรจme lettre aux Provinciales Pascal รฉcrit : ยซLโhomme, par sa propre nature, a toujours le pouvoir de pรฉcher et de rรฉsister ร la grรขce, et depuis sa corruption, il porte un fonds malheureux de concupiscence, qui lui augmente infiniment ce pouvoir. Mais nรฉanmoins, quand il plaรฎt ร Dieu de le toucher par sa misรฉricorde, il lui fait faire ce quโil veut et en la maniรจre quโil veut, sans que cette infaillibilitรฉ de lโopรฉration de Dieu dรฉtruise en aucune sorte la libertรฉ naturelle de lโhomme, par les secrรจtes et admirables maniรจres dont Dieu opรจre ce changement, que saint Augustin a si excellemment expliquรฉes, et qui dissipent toutes les contradictions imaginaires que les ennemis de la grรขce efficace se figurent2. ยป
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LโANTHROPOLOGIE
1/ LES DEUX ETATS DE LโHOMME
2/LA CHUTE
CHAPITRE II : LES FONDEMENTS DE LA FOI
1/ LE CลUR
a/ Le cลur et ses diffรฉrentes acceptions
b/ Le cลur : lieu de la conversion
2/ LE DIEU CACHE
CHAPITRE III : LA VERACITE DE LA RELIGION CHRETIENNE
1/ PROPHETIES OU FIGURES
a/ Les figures
b / Les prophรฉties
2/ LES MIRACLES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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