LA VERACITE DE LA RELIGION CHRETIENNE

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Les deux รฉtats de lโ€™homme

Comme la plupart de ses prรฉdรฉcesseurs, Pascal sโ€™intรฉresse aussi ร  la question de lโ€™homme. Une question ร  laquelle Socrate nous invitait dรฉjร  avec son fameux ยซ connais-toi toi-mรชme ยป. Pour participer ร  ce dรฉbat Pascal part dโ€™une constatation pour tenter de saisir la nature humaine. Il entend montrer ร  l’homme qu’il est un ยซ monstre incomprรฉhensible1ยป. Pour y arriver il pose comme postulat de dรฉpart que la quรชte de tout homme est le bonheur. Il รฉcrit : ยซ Tous les hommes recherchent dโ€™รชtre heureux. Cela est sans exception, quelques diffรฉrents moyens quโ€™ils y emploient. Ils tendent tous ร  ce but. Ce qui fait que les uns vont ร  la guerre et que les autres nโ€™y vont pas est ce mรชme dรฉsir qui est dans tous les deux accompagnรฉ de diffรฉrentes vues. La volontรฉ ne fait jamais la moindre dรฉmarche que vers cet objet. Cโ€™est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusquโ€™ร  ceux qui vont se pendre2. ยป
Le dรฉsir de bรฉatitude est le fondement de tout mouvement humain et la volontรฉ fait tout pour y arriver. Une telle idรฉe est nettement augustรฉenne. Pour saint Augustin le dรฉsir dโ€™รชtre heureux reprรฉsente lโ€™รฉlรฉment fondamental qui dรฉfinit lโ€™agir humain. Il souligne que : ยซ Tous les hommes, quels quโ€™ils soient, veulent รชtre heureux. Il nโ€™est personne qui ne le veuille [โ€ฆ] Les hommes sont entraรฎnรฉs par diffรฉrentes convoitises, et lโ€™un dรฉsire ceci, lโ€™autre cela [โ€ฆ] Ainsi, le dรฉsir du bonheur est le commun de tous : mais par quels moyens y parvenir, par oรน tendre ร  ce but, quel chemin suivre pour y accรฉder ? Ici commence les discussions. Lโ€™un dit : heureux ceux qui sont ร  la guerre. Lโ€™autre dit non, et affirme : Heureux seulement ceux qui cultivent le soi [โ€ฆ] Que signifie cette diversitรฉ de sentiments sur chaque type de vie, alors que tous dรฉsirent le bonheur3 ? ยป
Toutefois, Pascal note que ce mouvement sโ€™รฉgare, impuissant : lโ€™homme sans Dieu est laissรฉ ร  lui-mรชme, il vit dans lโ€™erreur, dans un monde dโ€™illusion. Lโ€™idรฉe quโ€™il a du bonheur demeure inaccessible, car ses puissances trompeuses cโ€™est-ร  dire lโ€™imagination, la coutume, les impressions anciennes, les charmes de la nouveautรฉ et les maladies, le rendent incapable de connaรฎtre la vรฉritรฉ qui lโ€™entoure. Il est dans lโ€™incapacitรฉ de saisir le vrai et le bonheur mรชme sโ€™il en a lโ€™idรฉe. Il note : ยซ Nous souhaitons la vรฉritรฉ et ne trouvons en nous quโ€™incertitude. Nous recherchons le bonheur et ne trouvons que misรจre et mort. Nous sommes incapables de ne pas souhaiter la vรฉritรฉ et le bonheur et sommes incapables ni de certitude ni de bonheur1. ยป
De lร  il est aisรฉ de constater que la nature humaine est une contradiction. Lโ€™homme manque dโ€™unitรฉ, il sโ€™oppose ร  lui-mรชme. Pascal sโ€™interroge ainsi ร  son sujet : ยซ Quelle chimรจre est-ce donc lโ€™homme ? Quelle nouveautรฉ, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradictions, quel prodige ? Juge de toutes choses, imbรฉcile ver de terre, dรฉpositaire du vrai, cloaque dโ€™incertitude et dโ€™erreur, gloire et rebut de lโ€™univers2. ยป Et il conclut : ยซ Qui dรฉmรชlera cet embrouillement3ยป Pour Rรฉpondre ร  cette question, Pascal sโ€™articule ร  faire voir que la philosophie, et partant la raison, constitue une impasse pour comprendre la vraie nature de lโ€™homme.
Pour dรฉmontrer lโ€™รฉchec des philosophes ร  saisir la question de lโ€™homme, Pascal va rรฉduire toute la pensรฉe des philosophes ร  deux grands sages auxquels se ramรจnent dโ€™aprรจs lui toutes les philosophies possibles : Epictรจte et Montaigne. En ce sens, lโ€™entretien avec M. de Saci est le texte dรฉcisif. Ces deux sages sont aux yeux de Pascal : ยซ les deux plus grands dรฉfenseurs des deux plus cรฉlรจbres sectes du monde.4ยป Epictรจte est le reprรฉsentant de la grandeur de lโ€™homme. Il considรจre que lโ€™homme peut devenir le maรฎtre de lui-mรชme en maรฎtrisant lโ€™illusion et lโ€™erreur. Montaigne, ร  lโ€™inverse est le tรฉmoin de misรจre de lโ€™homme. Il se plaรฎt ร  souligner lโ€™incertitude et la fragilitรฉ de toutes choses. Il signale la faiblesse de la raison humaine et la puissance de lโ€™imagination, du prรฉjugรฉ, de la croyance.
Tous deux nous dit Pascal ont parfaitement vu et dรฉcrit ce quโ€™ils ont pu voir, mais chacun nโ€™a vu quโ€™une partie de la rรฉalitรฉ et de ce fait nโ€™atteint donc quโ€™une vรฉritรฉ partielle. Au lieu dโ€™unir, ils ont cherchรฉ ร  garder lโ€™un et ร  rejeter lโ€™autre. Et de lร , lโ€™homme demeure toujours inchangรฉ.
Pour Pascal lโ€™homme est ร  la fois grand et misรฉrable, cโ€™est une chimรจre. La grandeur et la misรจre sont la double facette dโ€™une mรชme nature. Il est donc nรฉcessaire quโ€™elles soient affirmรฉes en mรชme temps pour bien saisir et comprendre la complexitรฉ de lโ€™homme. Lโ€™homme est la somme de deux รฉtats et son explication vient de Dieu, elle demeure dans la double nature de lโ€™homme, crรฉรฉ sain et corrompu par le pรฉchรฉ.
Le fragment 131 nous fait part de ces deux รฉtats de lโ€™homme: ยซ Il y a deux vรฉritรฉs de foi รฉgalement constantes. Lโ€™une que lโ€™homme dans lโ€™รฉtat de la crรฉation, ou dans celui de la grรขce, est รฉlevรฉ au-dessus de toute la nature, rendu comme semblable ร  Dieu et participant de la divinitรฉ. Lโ€™autre quโ€™en lโ€™รฉtat de la corruption, et du pรฉchรฉ, il est dรฉchu de cet รฉtat et rendu semblable aux bรชtes1. ยป Nous retrouvons cette idรฉe dโ€™une nature ambivalente de lโ€™homme dans les Ecritures : ยซ Vous รชtes des dieux2ยป ; ยซ Jโ€™รฉpandrai mon esprit sur toute chair3ยป ; ยซ Jโ€™ai dit en mon cล“ur, au sujet des fils de lโ€™homme, que Dieu les รฉprouverait, et quโ€™eux-mรชmes verront quโ€™ils ne sont que des bรชtes4ยป oรน encore ยซ Lโ€™homme sโ€™est assimilรฉ aux bรชtes brutes5. ยป
Lโ€™homme tient le milieu entre lโ€™ange et la bรชte. Lโ€™ange se rapporte incontestablement ร  sa nature intellectuelle et divine, car il a รฉtรฉ crรฉe ร  lโ€™image de Dieu. Cette image, il lโ€™a perdu lors de la chute. Et la bรชte renvoie ร  son รฉtat misรฉrable. Et de lร  quiconque ยซ fait lโ€™ange6ยป et se fonde uniquement sur la grandeur, fait en mรชme temps ยซ la bรชte7ยป, par excรจs de prรฉtention. Pascal doit cette conception de lโ€™homme comme milieu entre ange et bรชte ร  saint Augustin et ร  saint Thomas. Saint Augustin montre dans la Citรฉ de Dieu que lโ€™homme est ร  la fois douรฉ de raison et mortel. Il รฉcrit : ยซ Puisque la bรชte est un animal sans raison et mortel, et lโ€™ange un animal raisonnable et immortel, on peut dire que lโ€™homme est entre les deux, mortel comme les bรชtes, raisonnable comme les anges; en un mot, animal raisonnable et mortel8ยป Saint Thomas sโ€™inscrit aussi dans cette perspective et situe lโ€™homme ร  cheval entre lโ€™ange et la bรชte: de lโ€™ange, il a lโ€™esprit, lโ€™intelligence, la volontรฉ et lโ€™immortalitรฉ. De lโ€™animal, il a les passions, lโ€™instinct, les sentiments9. En lโ€™homme coexistent donc deux รฉtats. De ce fait, on ne peut plus parler dโ€™une essence unique de lโ€™homme.
Mais ร  quoi renvoie le terme ยซ รฉtat ยป ? Le mot ยซ รฉtat ยป est ร  comprendre chez Pascal dans son sens historique, c’est-ร -dire lโ€™รฉtat de lโ€™homme avant le pรฉchรฉ, et aprรจs le pรฉchรฉ. Gรฉnรฉralement on distingue trois รฉtats: lโ€™รฉtat de la nature innocente, lโ€™รฉtat de la nature dรฉchue et lโ€™รฉtat de la nature pure. Ce dernier รฉtat Pascal lโ€™exclut. Les deux รฉtats qui restent sont des ยซ รฉtats rรฉels10ยป, des รฉtats de fait, et cโ€™est en cela quโ€™ils sont diffรฉrents de lโ€™รฉtat hypothรฉtique de pure nature. Cโ€™est ainsi dโ€™ailleurs que le fragment 241 parle de ยซ deux รฉtats de la nature de lโ€™homme. ยป Vincent Carraud remarque dans ce sens que le concept dโ€™รฉtat suppose deux sens.
Le premier sens dit-il ยซ recouvre des concepts thรฉologiques diffรฉrents qui sont autant de mรฉdiations entre la notion dโ€™รฉtat et celle de nature1. ยป Le second sens renvoi ร  ยซ un usage anhistorique ยป cโ€™est-ร  dire ยซ une pensรฉe simultanรฉe des รฉtats, qui a cependant leur pensรฉe successive pour origine. [โ€ฆ] Une pensรฉe anhistorique du successif qui explique les deux รฉtats que constituent la grandeur et la misรจre de lโ€™homme2. ยป
Lโ€™acception du terme dโ€™ ยซ รฉtat ยป est un hรฉritage mรชme de saint Augustin. En effet dans ses Objections contre Julien, il montre que la condition humaine reflรจte deux รฉtats : ยซ le premier homme a รฉtรฉ crรฉรฉ dans un รฉtat tel qu’il n’รฉtait en aucune maniรจre assujetti ร  la nรฉcessitรฉ de mourir; mais cette condition de la nature a รฉtรฉ changรฉe par le pรฉchรฉ, et la mort est devenue pour l’homme une nรฉcessitรฉ tellement inรฉvitable3 ยป. Lโ€™homme nโ€™est plus dans son รฉtat angรฉlique, mais il est affligรฉ dโ€™une ยซ nature viciรฉe ยป. Notre vraie nature nous rappelle le vrai bonheur. Mais la rรฉalitรฉ de notre seconde nature nous condamne ร  lโ€™รฉgarement et ร  la convoitise. Dans le Deuxiรจme รฉcrit sur la grรขce Pascal rรฉsume la doctrine de son maรฎtre sur la double nature de lโ€™homme en ses termes : ยซ Saint Augustin distingue les deux รฉtats des hommes avant et aprรจs le pรฉchรฉ et a deux sentiments convenables ร  ces deux รฉtats.ยป Avant le pรฉchรฉ, lโ€™homme รฉtait ยซ juste, sain, fort. Sans aucune concupiscence. Avec le libre arbitre รฉgalement flexible au bien et au mal 4ยป. Mais aprรจs le pรฉchรฉ, lโ€™homme a รฉtรฉ abandonnรฉ ร  lโ€™amour pour la crรฉature, ยซ sa volontรฉ, [โ€ฆ] sโ€™est retrouvรฉe remplie de concupiscence que le Diable y a semรฉe, et non pas Dieu5. ยป
Remarquons que cette conception des deux รฉtats รฉtait prรฉsente chez Pascal dรฉs avant octobre 1651. La lettre sur la mort dโ€™Etienne Pascal nous en donne une large idรฉe. On la retrouve รฉgalement dans lโ€™Entretien avec M.de Sacy qui montre lโ€™usage quโ€™on pourrait en faire dans une apologie. Nous pouvons lire ici : ยซ Il me semble que la source des erreurs de ces deux sectes est de nโ€™avoir pas su que lโ€™รฉtat de lโ€™homme ร  prรฉsent diffรจre de celui de sa crรฉation ; de sorte que lโ€™un, remarquant quelques traces de sa premiรจre grandeur et ignorant sa corruption a traitรฉ la nature comme saine et sans besoin de rรฉparateur, ce qui le mรจne au comble de la superbe ; au lieu que lโ€™autre, รฉprouvant la misรจre prรฉsente et ignorant la premiรจre dignitรฉ, traite la nature comme nรฉcessairement infirme et irrรฉparable, ce qui le prรฉcipite dans le dรฉsespoir dโ€™arriver ร  un vรฉritable bien, et de lร  dans une extrรชme lรขchetรฉ.
Ainsi ces deux รฉtats, quโ€™il fallait connaรฎtre ensemble pour voir toute la vรฉritรฉ, รฉtant connus sรฉparรฉment, conduisent nรฉcessairement ร  lโ€™un de ces deux vices, dโ€™orgueil et de paresse, oรน sont infailliblement tous les hommes avant la grรขce, puisque, sโ€™ils ne demeurent dans leurs dรฉsordres par lรขchetรฉ, ils en sortent par vanitรฉ.1. ยป
Cโ€™est lร  que rรฉside lโ€™รฉchec des philosophes ร  saisir la question de lโ€™homme. Leur discours est un discours partiel. Il ne rend pas compte de la double rรฉalitรฉ de lโ€™homme. Pascal รฉcrit : ยซles philosophes ne prescrivaient point des sentiments proportionnรฉs aux deux รฉtats. Ils inspiraient des mouvements de grandeur pure et ce nโ€™est pas lโ€™รฉtat de lโ€™homme. Ils inspiraient des mouvements de bassesse pure et ce nโ€™est pas lโ€™รฉtat de lโ€™homme2.ยป Le vรฉritable รฉtat de lโ€™homme est double. Ainsi, dire et penser lโ€™homme cโ€™est le dire dans une unitรฉ disjointe, cโ€™est dire ces contrariรฉtรฉs, cโ€™est ยซ rendre manifeste les deux รฉtats simultanรฉs et contradictoires de lโ€™homme3. ยป รฉcrit Vincent Carraud. Et cโ€™est ce que fait dโ€™ailleurs Pascal dans le fragment 149 :ยซ Ces deux รฉtats รฉtant ouverts il est impossible que vous le ne les reconnaissiez pas. Suivez vos mouvements, observez-vous vous-mรชmes, et voyez si vous nโ€™y trouverez pas les caractรจres vivants de ces deux natures.ยป Cette sollicitation a pour objectif dโ€™inviter lโ€™homme ร  chercher au fond de son expรฉrience propre, pour apercevoir les empreintes de lโ€™enseignement scripturaire sur les deux รฉtats de sa nature. Lโ€™expรฉrience humaine suffit pour nous faire voir que la nature humaine est tirรฉe entre la misรจre et la grandeur. Cโ€™est donc une invitation personnelle et non un appel extรฉrieur qui est sollicitรฉe.
Le vรฉritable รฉtat de lโ€™homme est un รฉtat double, qui va constituer les deux natures du mystรจre de la condition humaine : une nature innocente que les Ecrits sur la grรขce dรฉsignaient par lโ€™รฉtat dโ€™innocence et une nature corrompue appelรฉe รฉtat de corruption. Dโ€™oรน cette pensรฉe de Pascal: ยซ La vraie nature รฉtant perdue, tout devient sa nature4. ยป Le pรฉchรฉ a fait perdre ร  lโ€™homme sa vรฉritable nature, sa nature ยซ prรฉlapsaire ยป; il lโ€™a soumis ร  lโ€™inconstance de la concupiscence, de sorte quโ€™en effet, il est devenu naturel ร  lโ€™homme de changer avec lโ€™habitude et la coutume. Pascal รฉcrit dans le fragment 149: ยซ Voilร  lโ€™รฉtat oรน les hommes sont aujourdโ€™hui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur premiรจre nature, et ils sont plongรฉs dans les misรจres de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature5.ยป Les deux รฉtats c’est-ร -dire lโ€™รฉtat de la nature innocente, et lโ€™รฉtat de corruption deviennent dans ce fragment les deux natures qui vont dรฉsormais composer la condition humaine. Lโ€™homme a donc deux natures. Vincent Carraud note dans ce sens que le ยซ retour ร  une pensรฉe historique de lโ€™opposition nous fait passer des deux รฉtats de la nature ร  deux natures. La premiรจre nature, ou nature dโ€™avant la faute, lieu de la ยซ premiรจre grandeur ยป et la seconde nature qui est la nature prรฉsente, lieu de la corruption1. ยป
Ces deux acceptions du mot nature, Pascal les emprunte ร  saint Augustin qui dans Du libre arbitre, opรจre deux sens du mot nature selon quโ€™il sโ€™agit de lโ€™รฉtat natif, cโ€™estล”ร -dire de lโ€™รฉtat originel oรน de celui qui est sien de fait, par suite de la chute. Il รฉcrit : ยซ Nous nommons nature ce qui est proprement la nature humaine, la nature oรน l’homme fut crรฉรฉ d’abord dans l’innocence ; nous appelons aussi nature celle oรน par suite du chรขtiment infligรฉ au premier homme devenu coupable, nous naissons sous l’empire de la mort, dans l’ignorance et soumis ร  la chair2. ยป
Soulignons cependant que pour saint-Augustin et Pascal ces deux natures ne coexistent pas de la mรชme faรงon. En effet, de la premiรจre nature qui reprรฉsente la grandeur, il ne reste que des traces qui, sont incapables de mener lโ€™homme vers le bien suprรชme, alors que la seconde nature elle, nous mรจne vers la mauvaise pente. Pascal รฉcrit : ยซ Quโ€™est-ce-que nous crie cette aviditรฉ et cette impuissance sinon quโ€™il ya eu autrefois dans lโ€™homme un vrai, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace de tout vide[โ€ฆ]3 ยป Cette idรฉe est reprise dans le fragment 149 ยซ Aujourdโ€™hui lโ€™homme est devenu semblable aux bรชtes, et dans un tel รฉloignement de moi, quโ€™ร  peine lui ne reste(t-il) une lumiรจre confuse de son auteur, toutes ses connaissances ont รฉtรฉ รฉteintes ou troublรฉes.[โ€ฆ] Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur premiรจre nature, et ils sont plongรฉs dans les misรจres de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature. ยป Telle est le mystรจre de la condition humaine. Lโ€™รฉtat de grandeur dont-il ne reste que des traces, et la misรจre. ยซ Voilร  notre รฉtat vรฉritable ยป conclut-il.

Le cล“ur et ses diffรฉrentes acceptions

Dans son projet apologรฉtique Pascal fait de prime abord du cล“ur la facultรฉ de lโ€™amour. Il dรฉsigne la disposition ร  aimer. Jean Mesnard affirme que ยซ Le mot dรฉsigne en lโ€™homme cette structure primitive quโ€™est la facultรฉ dโ€™aimer1. ยป En effet, lโ€™amour est sentiment et il va de soi quโ€™il ne peut trouver son siรจge que dans le cล“ur. Et la source lรฉgitime de connaissance religieuse, de la foi, est lโ€™amour. Le cล“ur est ce qui permet ainsi de connaรฎtre Dieu, mais de le connaรฎtre pour lโ€™aimer. Dieu a donnรฉ ร  lโ€™homme une inclination naturelle pour lโ€™aimer. Pascal รฉcrit: ยซ Le cล“ur aime lโ€™รชtre universellement2.ยป Dieu ne peut รชtre connu que sโ€™il est aimรฉ. Il appartient ร  lโ€™ordre surnaturel dans le quel on ne peut connaรฎtre les choses sans les aimer. Hรฉlรจne Bouchilloux note dans ce sens: ยซ Lโ€™ordre surnaturel est dโ€™emblรฉ contraire ร  lโ€™ordre naturel, en ce quโ€™il subordonne toute connaissance et tout amour ร  la connaissance dโ€™un Dieu qui nโ€™est connu que sโ€™il est aimรฉ3. ยป On ne peut penser Dieu sans lโ€™aimer, et lโ€™aimer est dรฉjร  le connaรฎtre. Le Discours sur les Passions de lโ€™amour4 certifie bien cela. Dans celui-ci, Pascal montre que celui qui est dans lโ€™amour a une connaissance de lโ€™objet de son amour, et mieux que sโ€™il ne lโ€™aimait. Lโ€™important nโ€™est pas donc de connaรฎtre Dieu, mais de lโ€™aimer de tout son cล“ur.
Pascal tire cette idรฉe de la Bible qui montre que le cล“ur est la facultรฉ de lโ€™amour divin : ยซ Quel avantage celui qui travaille retire-t-il de sa peine ? Jโ€™ai vu ร  quelle occupation Dieu soumet les fils de lโ€™homme. Il fait toute chose bonne en son temps ; mรชme il a mis dans leur cล“ur la pensรฉe de lโ€™รฉternitรฉ 5ยป. Le dรฉsir de Dieu est inscrit dans le cล“ur de lโ€™homme, car lโ€™homme est crรฉรฉ par Dieu et pour Dieu. Dit autrement, le cล“ur de lโ€™homme est prรฉdisposรฉ ร  aimer Dieu, car Dieu lโ€™habite dรจs quโ€™il vient au monde. Ainsi, nous connaissons Dieu parce que nous lโ€™aimons et nous lโ€™aimons par ce que nous le connaissons. Celui qui n’est pas dans l’amour n’est pas en Dieu. Autrement dit, celui qui nโ€™aime pas ne connaรฎt pas Dieu qui est par essence Amour. Les deux pรดles sont nรฉcessaires, amour et connaissance. La premiรจre รฉpรฎtre de saint Jean exprime cela clairement: ยซ Quiconque aime Dieu est nรฉ de Dieu et connaรฎt Dieu. Celui qui nโ€™aime pas nโ€™a pas connu Dieu, car Dieu est Amour1. ยป Ce nโ€™est donc quโ€™enracinรฉ dans lโ€™amour que lโ€™on connaรฎt Dieu, que lโ€™on reรงoit comme le montre lโ€™รฉpรฎtre aux Ephรฉsiens ยซ la force de comprendre, avec tous les saints, ce quโ€™est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, et connaรฎtre lโ€™amour du christ, qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusquโ€™ร  toute la plรฉnitude de Dieu2 ยป Cโ€™est lร  une connaissance qui surpasse toutes les autres: connaรฎtre son Amour. Le Dieu dโ€™amour est un Dieu avec qui lโ€™homme entre en relation par le cล“ur qui est lโ€™organe de la charitรฉ. Et cette charitรฉ est la pierre angulaire da la foi. On peut comprendre dรฉs lors lโ€™interdรฉpendance qui existe dans les Ecritures entre foi et amour. Aimer, cโ€™est rรฉveiller la foi qui sommeille en nous. En Galates 5-6 nous lisons que ce qui importe ยซcโ€™est la foi qui est agissante par lโ€™amour ยป, cโ€™est montrer sa foi en aimant. Amour et foi sont indissociables : la foi, par le cล“ur nous communique lโ€™amour, et lโ€™amour entretient la foi (Corinthiens 1, 13).3 Cโ€™est pour cette raison que Jean Chrysostome considรจre quโ€™ils sont ยซ ce merveilleux ยป attelage qui emporte l’รขme au ciel.
Mais, cโ€™est en rapport avec la raison que Pascal parle souvent du cล“ur dans la connaissance religieuse, quโ€™il le distingue de la raison. Et cela dans le but de donner une leรงon dโ€™humilitรฉ ร  tous ceux qui veulent se satisfaire de la seule raison. Cette distinction note Philippe Sellier : ยซ permet ร  Pascal de sโ€™attaquer sans cesse ร  la raison sans cependant saper lโ€™activitรฉ de connaissance de lโ€™homme, auquel il reste le cล“ur4. ยป Le cล“ur nโ€™est pas ร  comprendre dans une dimension exclusivement affective et รฉmotionnelle, il est lโ€™organe de connaissance. A cet effet, Jacques Chevalier รฉcrit que le cล“ur pascalien ยซ nโ€™est pas seulement lโ€™organe de sentiment et de la vie morale, mais encore un des organes de connaissance5 ยป, de pensรฉe, de sagesse, qui perรงoit lโ€™inspiration par laquelle lโ€™รชtre humain fait connaissance avec son Dieu. Il est le lieu exceptionnel, unique de la rencontre avec le ยซ Dieu dโ€™Abraham, Dieu dโ€™Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants6. ยป Le chemin dโ€™intรฉrioritรฉ qui nous mรจne ร  Dieu, qui nous oriente, vers une plรฉnitude dโ€™รชtre. Et pour Pascal, tout homme possรจde cet รฉlan de grandeur qui le dirige toujours vers le haut. Il รฉcrit dans le fragment 633 : ยซ Malgrรฉ la vue de toutes nos misรจres qui nous touchent et qui nous tiennent ร  la gorge, nous avons un instinct que nous ne pouvons rรฉprimer et qui nous รฉlรจve.ยป
Mieux que la raison donc, le cล“ur comprend les Ecritures, car cโ€™est lui qui nous rapproche le plus du divin. Cโ€™est ร  juste titre que Pascal affirme que: ยซ C’est le cล“ur qui sent Dieu et non la raison. Voilร  ce que c’est que la foi, Dieu sensible au cล“ur, non ร  la raison1. ยป Le cล“ur sโ€™identifie ainsi aux vertus thรฉologales comme la foi, lโ€™espรฉrance, la charitรฉ, etc. Cโ€™est dโ€™ailleurs pour cette raison quโ€™il relรจve de lโ€™expรฉrience du troisiรจme ordre, c’est-ร -dire la charitรฉ qui surpasse de loin tous les autres ordres. Lโ€™homme de cล“ur vit spirituellement dans le troisiรจme ordre, ร  lโ€™opposรฉ du savant qui sโ€™enferme avec sa raison dans le deuxiรจme ordre2. Lโ€™ordre de la charitรฉ relรจve de lโ€™ordre du cล“ur, qui, rayonne profondรฉment de sagesse. Ainsi, lโ€™expรฉrience du cล“ur est une expรฉrience de feu, dโ€™embrasement, comme celui du Mรฉmorial. C’est dans le paysage du cล“ur que se manifeste la prรฉsence de Dieu.
Le cล“ur comme organe de connaissance est dโ€™inspiration biblique. Jeanne Russier note dans ce sens: ยซ Cโ€™est seulement avec les Pensรฉes et ร  partir sans doute du moment oรน lโ€™ordre habituel de ses prรฉoccupations et de ses mรฉditations le pousse ร  adopter la terminologie biblique, que Pascal parle du cล“ur comme organe de connaissance3. ยป Selon la Bible, cโ€™est le cล“ur en tant que centre de la personne vivante qui connaรฎt Dieu. Il le connaรฎt comme une personne avec qui il se dรฉcouvre en relation. Le psaume, 84-3, prรฉcise bien cela : ยซ Mon cล“ur et ma chair crient de joie dans le Dieu vivant. ยป Le cล“ur englobe lโ€™intellect, il est associรฉ ร  la ยซ pensรฉe ยป (Mathieu9:4), ร  ยซ lโ€™intelligence ยป (Romains3:12 ; Marc 6:52), ร  la ยซ connaissance ยป (Proverbes15:14). Ainsi, lโ€™expression ยซ manquer de cล“ur ยป signifie manquer de jugement, de discernement (Proverbe 11:12 ; 15:21), dรฉpourvu de sagesse (Proverbe 7 :7; 9:1-9, 16; 10:21). Le cล“ur est fait pour comprendre, pour connaรฎtre. Dans ce but, le cล“ur รฉcoute. Cล“ur et oreille sont souvent mis ensemble. Lโ€™oreille, organe extรฉrieur
sโ€™articule avec le cล“ur intรฉrieur et invisible. Cโ€™est ainsi quโ€™on comprend les paroles de Salomon demandant en songe ร  Dieu de lui donner ยซ un cล“ur รฉcoutant et intelligent4.ยป Pour penser comme il faut donc, il faut savoir รฉcouter son cล“ur, car comme le montre Jean Louis Bischoff: ยซ Cโ€™est au cล“ur quโ€™il appartient de juger droit et juste5ยป Cโ€™est par lโ€™oreille du cล“ur que Dieu parle ร  son peuple. Telle est lโ€™idรฉe que saint Augustin nous montre dans les Confessions: ยซ Lโ€™oreille de mon cล“ur est devant vous, Seigneur. Ouvrez-la et dites ร  mon รขme : ยซ Je suis ton salut. ยป 1ยป Et la parole de Dieu reste dรจs lors graver dans le cล“ur de celui qui รฉcoute, comme la stรจle de pierre que le temps ne peut abรฎmer : ยซ Mon fils, retiens mes paroles, et garde avec toi mes prรฉceptes. Observe mes prรฉceptes, et tu vivras ; garde mes promesses comme la prunelle de tes yeux. Lie-les sur tes doigts, รฉcris-les sur la table de ton cล“ur2 ยป dit le proverbe. Aimer Dieu, c’est aimer profondรฉment sa loi au point de l’avoir au fond du cล“ur, d’en รชtre totalement imprรฉgnรฉ.
Cette idรฉe du cล“ur qui sent Dieu sโ€™apparente รฉgalement ร  celle dรฉveloppรฉe par saint Jean de la croix. Andrรฉ Bord montre dans son ouvrage Pascal et saint Jean de la Croix que, sur ce point ยซ Pascal a lu le docteur mystique.3ยป Pour saint Jean, cโ€™est le cล“ur qui sent vivement la pointe dโ€™un amour ardent, celui de Dieu. Il รฉcrit : le cล“ur, ยซ sent [โ€ฆ] une vive pointe qui donne dans la substance de lโ€™esprit comme dans le cล“ur de lโ€™รขme [โ€ฆ]; le milieu du cล“ur de lโ€™esprit est lโ€™endroit oรน se sent la plus fine dรฉlectation4.ยป Pour les deux donc, seul le cล“ur peut sentir Dieu. Voilร  pourquoi cโ€™est dans le cล“ur que Dieu se laisse trouver, car cโ€™est lร  quโ€™il demeure. Ainsi, connaรฎtre Dieu par le cล“ur, ce nโ€™est pas le connaรฎtre par le biais des arguments extรฉrieurs, mais par sentiment intรฉrieur.
En dรฉsignant lโ€™organe qui sent Dieu, le cล“ur se donne chez Pascal comme lโ€™expression dโ€™une unitรฉ intรฉrieure. Il a alors pour sens fondamental le centre de lโ€™รชtre, lร  ou lโ€™homme sโ€™entretient avec lui-mรชme, se donne ร  Dieu. Il oriente vers lโ€™intรฉrioritรฉ. Et cette intรฉrioritรฉ que Dieu seul peut sonder, est la source de toute raison, car elle mรจne au contact immรฉdiat avec la vie divine. Pascal parle ร  cet effet de ยซ centre ยป, de ยซ milieu du cล“ur ยป. Ainsi compris, le terme cล“ur signifie au-delร  de la raison, un niveau plus profond de la vie spirituelle, oรน se rรฉalise un contact avec le divin.
Cโ€™est ร  lโ€™intรฉrieur de lโ€™homme que se trouve aussi son รขme. En consรฉquence, le cล“ur se confond pour le penseur de Port-Royal avec lโ€™รขme. Le cล“ur dรฉsigne toute la profondeur de lโ€™รขme. Ce qui lโ€™amรจne dโ€™ailleurs ร  jouer avec indiffรฉrence dans ses textes avec ces deux termes, ร  les utiliser avec รฉquivalence. Henry Gouhier montre dans Conversion et Apologรฉtique que cela est dรป au fait que: ยซ Le mot ยซ cล“ur ยป est celui qui convient dans tous les cas oรน lโ€™on veut parler dโ€™un mouvement de lโ€™รขme imprimรฉ par Dieu1. ยป Le cล“ur a donc un certain dynamisme. Ce qui appartient au cล“ur cโ€™est ce qui est toujours naissant, ce qui est toujours prรชt ร  agir. On comprend dรฉs lors son utilitรฉ dans la Priรจre. Pascal รฉcrit : ยซ Touchez mon cล“ur du repentir de mes fautes, [โ€ฆ] Faites-moi [โ€ฆ] considรฉrer, dans les douleurs que je sens, celle que je ne sentais pas dans mon รขme, quoique toute malade et couverte dโ€™ulcรจres2. ยป Lโ€™รฉcrit Sur la conversion du pรฉcheur devient plus explicite ร  ce sujet: ยซ Elle [cโ€™est-ร  dire lโ€™รขme] traverse toutes les crรฉatures, et ne peut arrรชter son cล“ur quโ€™elle ne se soit rendue au trรดne de Dieu, dans lequel elle commence ร  trouver son repos3.ยป Ces propos paraphrasent le premier chapitre des Confessions de Saint-Augustin dans lequel il est รฉcrit : ยซ Notre cล“ur est inquiet jusquโ€™ร  ce quโ€™il se repose en vous4 ยป On retrouve aussi cette idรฉe dโ€™un dynamisme de lโ€™รขme dans un autre texte de saint Augustin : ยซ Je nโ€™ignore pas, que, quand nous entendons exhorter ร  aimer Dieu de tout notre cล“ur, cela ne concerne pas cette petite partie de notre chair qui est cachรฉe sous nos cรดtes, mais ce dynamisme dโ€™oรน naissent les pensรฉes. Il porte ร  bon droit ce nom, car de mรชme que le mouvement ne cesse pas dans le cล“ur, [โ€ฆ], de mรชme, sans repos, notre pensรฉe sโ€™agite toujours5.ยป
Comme dynamisme de lโ€™รขme, le cล“ur englobe ainsi les domaines de la volontรฉ. Le cล“ur est lโ€™instance oรน se situe la volontรฉ. En cela, il est ร  rapprocher de la volontรฉ. Et cโ€™est ce qui ressort de lโ€™Art de persuader, dans lequel Pascal opรจre un certain parallรฉlisme entre cล“ur et volontรฉ : ยซ Personne nโ€™ignore quโ€™il y a deux entrรฉes par oรน les opinions sont reรงues dans lโ€™รขme, qui sont deux principales puissances : lโ€™entendement et la volontรฉ. La plus naturelle est celle de lโ€™entendement, car on ne devrait jamais consentir quโ€™aux vรฉritรฉs dรฉmontrรฉes ; mais la plus ordinaire, quoique contre la nature, est celle de la volontรฉ ; car tout ce quโ€™il y a des hommes sont presque toujours emportรฉs ร  croire non pas par la preuve, mais encore par lโ€™agrรฉment6.ยป On voit donc par lร  que les hommes ont un penchant ร  suivre leurs inclinations, leur volontรฉ. Ils ont tendance ร  croire que ce quโ€™ils dรฉsirent, car le plaisir reste : ยซ la monnaie pour la quelle nous donnons tout ce quโ€™on veut7.ยป

Le cล“ur : lieu de la conversion

Source des passions, des ยซ ordures ยป, le cล“ur pascalien est toutefois capable de devenir source de lumiรจre. Il peut รชtre rachetรฉ, changรฉ, inclinรฉ. Et cela par sa grรขce qui va transformer le cล“ur mauvais de lโ€™homme. En effet, Dieu a le pouvoir de transplanter ร  lโ€™homme un cล“ur qui se montre soumis, qui se dรฉtourne de la puissance du moi pour se tourner vers le seul รชtre aimable. Par sa grรขce, Dieu recrรฉe le cล“ur et le fait participer ร  lโ€™amour dont il sโ€™aime lui-mรชme. Mais, cette grรขce est un don, car mรชme si lโ€™homme choisit lโ€™amour de Dieu, il ne peut sโ€™unir ร  lui, sans le secours de lโ€™Esprit Saint qui รฉlรจve ses facultรฉs spirituelles ร  la vie divine. Cโ€™est dans ce sens que Saint Paul disait que : ยซ Vouloir le bien est ร  ma portรฉe, mais non pas l’accomplir1ยป. Par la grรขce, Dieu transforme le cล“ur de lโ€™homme, par un mouvement de douceur en le dรฉtournant de tout autre sentiment. Le cล“ur, purifiรฉ comprend ainsi que lโ€™amour de Dieu est sans รฉgal. Lโ€™รฉcrit Sur la Conversion du pรฉcheur va dans ce sens : ยซ Car encore quโ€™elle ne sente pas ces charmes dont Dieu rรฉcompense lโ€™habitude dans la piรฉtรฉ, elle comprend nรฉanmoins que les crรฉatures ne peuvent รชtre plus aimables que Dieu, et sa raison aidรฉe de la lumiรจre de la grรขce lui fait connaรฎtre quโ€™il n y a rien de plus aimable que Dieu. ยป Tel est dโ€™ailleurs lโ€™expรฉrience qui habite Pascal dans la soirรฉe du 23 Novembre 1654 : ยซ Certitude, certitude, sentiment, joie, paix. [โ€ฆ] Joie, joie, joie, pleurs de joie2. ยป
Le cล“ur est capable de paix quand Dieu sโ€™y promรจne, comme dans le cล“ur des รฉlus, des saints. Dieu peut lโ€™incliner, le convertir afin quโ€™il puisse comme lโ€™รฉcrit Jean Louis Bischoff ยซ vivre sa pente vers lโ€™universel3.ยป Et cโ€™est ce que Pascal trouve dans la priรจre de David ยซ Incline mon cล“ur vers tes tรฉmoignages4.ยป Ce verset devient actif sous de nombreux รฉcrits de Pascal, notamment dans les fragments 380 et 382, oรน nous pouvons lire respectivement : ยซ Il incline leur cล“ur ร  croire. On ne croira jamais, dโ€™une crรฉance utile et de foi si Dieu nโ€™incline le cล“ur et on croira dรฉs quโ€™il lโ€™inclinera. ยป, ยซ Dieu-imprime-incline vรฉritablement ceux quโ€™il aime ร  croire. ยป Le cล“ur illuminรฉ par la grรขce peut sentir ainsi Dieu, Dieu peut lโ€™habiter, y pรฉnรฉtrer avec force et lโ€™abonder de sa grรขce. Dโ€™oรน la priรจre de Pascal : ยซ Ouvrez mon cล“ur, Seigneur ; entrez dans cette place rebelle que les vices ont occupรฉe. Ils la tiennent sujette ; entrez-y comme dans la maison du fort ; mais liez auparavant le fort et puissant ennemi qui la maitrise et prenez ensuite les trรฉsors qui y sont _ Seigneur prenez mes affections que le monde avait volรฉes1. ยป Cette supplication, cette demande montre que cโ€™est Dieu qui est lโ€™initiateur. Lโ€™รฉlan vient de Dieu, cโ€™est toujours lui qui prend lโ€™initiative et lโ€™homme ne fait que rรฉpondre ร  son appel. On retrouve cette idรฉe dans la Bible. En effet, Saint Jean souligne dans son premier Epรฎtre au chapitre quatre que: ยซ Ce nโ€™est pas que nous avons aimรฉ Dieu ยป (Jean I, 4, 10), ยซ mais nous avons cru ร  lโ€™amour ยป (Jean I, 4,16). ยซ A lโ€™amour dont il nous a aimรฉs le premier ยป (Jean I, 4, 19), et ยซ ร  lโ€™amour thรฉologale que lui-mรชme infuse dans notre รขme, car lโ€™amour vient de Dieuยป (Jean I, 4, 7). Ainsi compris, cโ€™est Dieu qui nous attire en premier vers lui. Cโ€™est lui qui quรฉmande, sollicite notre amour. Et cโ€™est lร  ce que signifie ยซ lโ€™inclination ยป que David et Pascal, sollicitent, implorent.
Cโ€™est la grรขce efficace qui opรจre un changement profond dans le cล“ur de lโ€™homme. Elle devient le moyen par lequel Dieu incline le cล“ur, et dรฉvoile la vรฉritรฉ aux hommes en rรฉorientant leur cล“ur, leur volontรฉ vers le souverain bien. Dans la dix-huitiรจme lettre aux Provinciales Pascal รฉcrit : ยซLโ€™homme, par sa propre nature, a toujours le pouvoir de pรฉcher et de rรฉsister ร  la grรขce, et depuis sa corruption, il porte un fonds malheureux de concupiscence, qui lui augmente infiniment ce pouvoir. Mais nรฉanmoins, quand il plaรฎt ร  Dieu de le toucher par sa misรฉricorde, il lui fait faire ce quโ€™il veut et en la maniรจre quโ€™il veut, sans que cette infaillibilitรฉ de lโ€™opรฉration de Dieu dรฉtruise en aucune sorte la libertรฉ naturelle de lโ€™homme, par les secrรจtes et admirables maniรจres dont Dieu opรจre ce changement, que saint Augustin a si excellemment expliquรฉes, et qui dissipent toutes les contradictions imaginaires que les ennemis de la grรขce efficace se figurent2. ยป

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
CHAPITRE I : Lโ€™ANTHROPOLOGIE
1/ LES DEUX ETATS DE Lโ€™HOMME
2/LA CHUTE
CHAPITRE II : LES FONDEMENTS DE LA FOI
1/ LE Cล’UR
a/ Le cล“ur et ses diffรฉrentes acceptions
b/ Le cล“ur : lieu de la conversion
2/ LE DIEU CACHE
CHAPITRE III : LA VERACITE DE LA RELIGION CHRETIENNE
1/ PROPHETIES OU FIGURES
a/ Les figures
b / Les prophรฉties
2/ LES MIRACLES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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