La variabilité inter-individuelle dans l’accumulation des PST chez C. gigas

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Cycle de vie, reproduction et ploïdie

L’huître creuse est une espèce hermaphrodite protandre de type alternatif ir-régulier (Amemiya, 1929 ; Galtsoff, 1964). Elle commence généralement par être mâle puis elle change de sexe de façon irrégulière entre deux saisons de repro-duction. On retrouve également dans une fraction de la population des individus hermaphrodites simultanés présentant des cellules germinales mâles et femelles en même temps (Amemiya, 1929). La première maturation des cellules germinales sexuelles se déroule généralement au cours de la première année. Sur les côtes européennes, l’huître creuse possède un cycle de reproduction saisonnier. De sep-tembre à Octobre, la gamétogénèse est très lente, l’huître est en phase de repos sexuel. La fin de l’hiver marque ensuite le début du développement des cellules germinales par mitose (Lango Reynoso, 1999). Puis, au début du printemps, les changements de photopériode et la multiplication du phytoplancton déclenchent la maturation de ces cellules par méiose (Deslous-Paoli et al., 1981 ; Dinamani, 1987 ; Olive, 1995). Chez l’huître, la fécondation est externe, ce qui signifie que les gamètes (ovocytes et spermatozoïdes) sont libérés dans le milieu. Cette ponte se déroule durant la période estivale sur les côtes européennes, à partir d’un certain seuil de température (19 °C), lorsque la nourriture est abondante et que la quan-tité de gamètes présents dans la gonade est suffisamment conséquente (Galtsoff, 1938 ; Delaporte et al., 2006 ; Bernard, 2011). Dans les zones où la température ne dépasse pas le seuil nécessaire, la ponte n’a pas lieu et les ovocytes résiduels sont alors lysés (Enríquez-Díaz et al., 2009). À l’inverse, dans les eaux plus chaudes, lorsque le seuil de température est franchi pendant une longue période, plusieurs pontes partielles peuvent se produire (Enríquez-Díaz et al., 2009). Une fois l’ovocyte fécondé, l’œuf devient alors une larve trochophore, une larve D puis une larve véligère avant de se métamorphoser et de se fixer autour du 20e jour. Cette fixation marque la fin de la phase pélagique et le début de la phase benthique de C. gigas. La larve métamorphosée et fixée peut devenir un naissain puis un adulte.
L’huître accélère sa gamétogenèse au début de l’hiver et développe donc une laitance jusqu’à la ponte à la fin de l’été, peu appréciée des consommateurs. Pour proposer un produit commercialisable toute l’année, des huîtres triploïdes (3 exem-plaires de chaque chromosome ; 3N) théoriquement stériles sont produites en éclo-serie à partir des gamètes d’un géniteur mâle tétraploïde (4N chromosomes) obtenu en laboratoire en retenant l’expulsion du deuxième globule polaire par traitement chimique inhibiteur de la méiose (Guo et al., 1992a;b) et de gamètes d’individus fe-melles diploïdes (2N ; Guo et al., 1996). Ces triploïdes n’investissent pas d’énergie dans la reproduction et ont une croissance plus rapide (Shpigel et al., 1992 ; Goul-letquer et al., 1996) et il a été montré que les huîtres creuses triploïdes pouvaient grandir quatre fois plus vite que les diploïdes (Allen et Downing, 1986). Ce meilleur potentiel de croissance s’explique surtout par la libération des gamètes, car là où les diploïdes peuvent perdre jusqu’à 75 % de leur masse totale, les triploïdes ne subissent quasiment aucune variation de masse (Deslous-Paoli et Héral, 1988). On peut donc observer pour un âge donné que les triploïdes sont significativement plus grandes que les diploïdes, ce constat ayant aussi été validé chez d’autres espèces d’huîtres comme O. edulis (Hawkins et al., 1994) ou Saccostrea glomerata (Hand et al., 2004). Aujourd’hui, l’huître 3N représente un quart des huîtres en élevage. L’intérêt d’utiliser des huîtres triploïdes réside également dans leur stérilité qui limite la dissémination de ces animaux dans le milieu naturel. Ainsi, la variabilité génétique des huîtres sauvages et diploïdes cultivées n’est pas altérée (Piferrer et al., 2009).

Nutrition et sélection des particules

F. – Schéma représentatif des sites où se déroule la sélection de la nourriture chez l’huître (C. gigas). Les flèches indiquent le mouvement des particules depuis l’extérieur de l’animal vers les cténidies, les palpes labiaux et le système digestif. Cette sélection s’opère principalement par : (1) la capture des particules alimentaires et (2) leur transport différentiel par les branchies ; (3) un tri des particules au niveau des palpes labiaux ; (4) la sélection dans l’estomac et le transport préférentiel des particules vers les diverticules digestifs. Modifié d’après Ward et Shumway (2004).
Les huîtres, et particulièrement C. gigas, sont capables de sélectionner leur nourriture grâce à différents mécanismes (Kiørboe et Møhlenberg, 1981). Comme évoqué précédemment, l’huître est un bivalve filtreur microphage qui se nourrit en retenant sur ses branchies les particules sestoniques en suspension dans l’eau de mer telles que le phytoplancton ou les bactéries. C’est à ce niveau que le premier processus de sélection des particules s’exerce (site numéro 1, Fig. 3). Ensuite, un tri est opéré par les cellules ciliées en fonction de la qualité du seston (site nu-méro 2, Fig. 3). Il a été montré que la sélection s’opérait en partie en fonction des carbohydrates recouvrant la surface des micro-algues (Espinosa et al., 2010). Certains se lient préférentiellement aux lectines présentes dans le mucus qui re-couvrent les organes de nutrition des bivalves. Un modèle a même permis de prédire les préférences alimentaires de C. virginica et M. edulis en se basant sur la si-gnature en carbohydrates de certaines micro-algues (Espinosa et al., 2016). Les particules alimentaires sélectionnées sont transportées par un mouvement ciliaire ascendant grâce aux filaments principaux vers la face ventrale des branchies. Les autres sont déplacées par mouvement descendant sur la face dorsale par les fila-ments ordinaires où elles seront ensuite rejetées par le courant pallial ou par une micro-fermeture des deux valves (Beninger et al., 2008). Cette sélection qualitative s’effectue exclusivement sur les particules assez petites pour passer au travers des branchies par les ouvertures plicales ; elle constitue une fonction inhérente aux familles hétérorhabdiques comme les Ostreidae ou les Pectinidae (Beninger et al., 1997 ; Ward et al., 1998 ; Baker et al., 2000). Une fois sur la face dorsale des branchies formant une sorte de petite gouttière, les particules sont enveloppées dans un mucus. Elles sont ensuite acheminées grâce à un réseau de cellules ciliées jusqu’aux palpes labiaux. Ces derniers possèdent deux rôles particuliers : d’une part, ils permettent d’amener le filament de nourriture jusqu’à la bouche, et d’autre part ils sont le siège du deuxième niveau de sélection. Grâce à leur surface striée, les palpes labiaux peuvent trier les petites et les grosses cellules une par une et rejeter sous forme d’agrégats enrobés de mucus, appelés pseudo-fèces, les parti-cules non désirées (site numéro 3 Fig. 3). Un lien a d’ailleurs été démontré entre la taille des palpes labiaux et l’efficacité de sélection de C. gigas (Barillé et al., 2000). Cette sélection également qualitative dépend beaucoup de la quantité et de la qualité du seston. Elle se met en place à partir d’un seuil de concentration de matières en suspension (MES) égal à 4,6 mg L−1 (Deslous-Paoli et al., 1992), ce seuil correspond au remplissage du système digestif. Lorsque le milieu est trop chargé en particules ou que l’appareil digestif est déjà plein, les palpes perdent leur fonction de sélection et n’assurent plus que la régulation du flux d’ingestion (Foster-Smith, 1975; 1978 ; Beninger et al., 1997). Une fois ingérée, la nourriture passe par l’œsophage et arrive dans l’estomac.
À ce niveau, les particules ayant la plus forte densité sont directement évacuées vers l’intestin sans passer par la glande digestive (Reid, 1965) ; on les appelle fèces intestinaux (site numéro 4, Fig. 3). Les particules plus légères et plus grosses su-bissent d’abord la digestion extracellulaire grâce au stylet cristallin qui mélange et broie le contenu de l’estomac. Cette tige gélatineuse qui fait saillie dans la lumière stomacale assure à la fois une dégradation chimique grâce à sa forte teneur en enzymes digestives, et mécanique en tournant sur elle même sur une plaque chi-tineuse. Les particules devenues assez petites sont transportées par mouvements ciliaires jusqu’à l’entrée de la glande digestive où se déroule la digestion intracel-lulaire. Cette dernière est composée d’une multitude de cavités appelées tubules digestifs. À l’intérieur, des cellules digestives assimilent la nourriture par pinocy-tose et le produit de l’assimilation est transporté par des cellules ciliées jusqu’à l’intestin où il sera ensuite égesté par l’anus sous forme de fèces glandulaires (Purchon, 1956). Lorsque le milieu est chargé en particules non organiques, cette capacité de sélection permet à l’huître d’enrichir son bol alimentaire en fraction organique et donc assimilable.

Efflorescences de micro-algues toxiques, phyco-toxines et leurs principaux effets sur les bivalves filtreurs

Généralités

Les micro-algues marines sont des organismes unicellulaires, procaryotes ou eucaryotes, pour la plus grande majorité photosynthétiques. Ces dernières consti-tuent la base des réseaux trophiques et sont ubiquistes. D’une taille microscopique, elles vivent en suspension dans l’eau de mer et sont donc soumises aux déplace-ments des masses d’eau. Lorsque les conditions sont favorables, ces micro-algues prolifèrent à de très fortes concentrations pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers de cellules par millilitre d’eau de mer donnant lieu à des efflorescences ou « blooms ». Ces épisodes surviennent le plus souvent du printemps à l’automne lorsque la photopériode augmente, que l’eau se réchauffe et que le milieu est riche en nu-triments. Ces phénomènes sont parfois si importants qu’une coloration de l’eau liée aux pigments photosynthétiques des micro-algues est visible depuis l’espace (Fig. 4). Certaines espèces comme Noctiluca scintillans sont bioluminescentes, d’autres comme Karenia brevis colorent les eaux en brun ou en rouge, on parle alors de marées rouges (red tides). L’existence des efflorescences est connue depuis très longtemps. Les premiers écrits relatant ce phénomène correspondraient même à deux versets de l’ancien testament (-1000 av. J.-C.) : « Et toutes les eaux qui étaient dans la rivière (le Nil) s’étaient changées en sang, et les poissons qui se trouvaient dans la rivière moururent ; et la rivière empestait et les Égyptiens ne pouvaient pas boire l’eau de la rivière ». Comme détaillé dans ces deux versets, certaines micro-algues peuvent avoir des effets importants sur l’écosystème, on parle alors de micro-algues nuisibles.
Les micro-algues nuisibles
En fonction de l’impact engendré par ces efflorescences sur l’écosystème, Hal-legraeff et al. (2003) ont classé les micro-algues nuisibles en différentes catégories.
— Lors d’épisodes d’efflorescences longs et intenses, l’accumulation de bio-masse phytoplanctonique peut priver le fond et la colonne d’eau de lumière et engendrer des conditions hypoxiques (voire anoxiques) impactant in fine tout l’écosystème (Sellner et al., 2003 ; Glibert et al., 2005). Prises in-dividuellement, ces micro-algues appartenant souvent aux dinoflagellés et cyanobactéries sont inoffensives, en revanche, en nombre, elles ont un effet physico-chimique sur l’environnement et donc sur les organismes qui vivent dans cet environnement.
— Certaines espèces, appartenant principalement aux diatomées, dinoflagellés, raphidophytes et prymnesiophytes, impactent directement les organismes marins mais n’ont pas d’effets sur l’homme. En général, elles agissent en obstruant ou en endommageant certaines structures vitales comme les bran-chies chez les poissons.
— Enfin, la dernière catégorie regroupe les micro-algues produisant des com-posés toxiques. Ces toxines s’accumulent dans les différents maillons de la chaîne alimentaire ; on parle alors de bioaccumulation (Burkholder, 1998 ; Zaccaroni et Scaravelli, 2008). Ainsi, les poissons et bivalves élevés ou pê-chés pour la consommation humaine peuvent se contaminer en se nourris-sant de ces micro-algues et leur ingestion peut provoquer des pathologies gastro-intestinales ou neurologiques chez l’homme. Les principaux taxons responsables de ces intoxications sont les dinoflagellés, les diatomées et les cyanobactéries.
Par la suite nous allons focaliser notre intérêt sur les micro-algues de la 3ème catégorie, les micro-algues toxiques.
Les micro-algues toxiques
Sur toutes les espèces de phytoplancton identifiées, environ 80 sont capables de synthétiser des toxines bioaccumulables dangereuses pour l’homme (Hallegraeff et al., 2003) et tout l’écosystème. Ces vingt dernières années, une augmentation de l’occurrence et de l’intensité de ces blooms a été observée (Hallegraeff, 1995, voir Fig. 5). Bien que ces efflorescences de micro-algues toxiques se développent de façon naturelle, le réchauffement climatique et les pollutions anthropiques terri-gènes ont eu tendance à augmenter leur fréquence (Anderson et al., 2002 ; Heisler et al., 2008 ; Gobler et al., 2017). La mondialisation, marquée par l’augmentation du trafic maritime, a également facilité l’introduction de micro-algues toxiques via les eaux de ballast. Des études ont aussi montré que le transfert d’espèces exploi-tées, comme les moules et les huîtres, pouvaient être à l’origine de l’introduction de micro-algues toxiques dans certaines régions en survivant au passage par le tube digestif de ces bivalves (Laabir et al., 2007 ; Hégaret et al., 2008). Cependant, le lien entre l’action humaine et l’augmentation de ces efflorescences de micro-algues toxiques est toujours discuté (Wells et al., 2015). En effet, la recrudescence du signalement de ces blooms pourrait être un artefact dû à un effort de surveillance plus efficace et/ou à l’accroissement de la population sur les côtes (Sellner et al., 2003).
Ces micro-algues toxiques posent deux problèmes sociétaux majeurs : le premier est d’ordre sanitaire, puisque ces toxines peuvent provoquer de graves pathologies chez les consommateurs de mollusques ou poissons contaminés (Van Dolah, 2000 ; Hégaret et al., 2009b) ; le second est d’ordre économique car les organismes conta-minés ne peuvent pas être commercialisés lors de blooms importants. Dans certains pays, où la pêche fournit à la fois les produits de base de l’alimentation et repré-sente un vivier d’emplois importants, ces fermetures peuvent alors entraîner une crise sociale. Hoagland et Scatasta (2006) ont chiffré les impacts économiques de ces efflorescences de micro-algues à un coût total de 813 millions de dollars en 2005 au niveau de l’Europe. Les quatre principaux secteurs touchés étant les activités récréatives et le tourisme (637 millions de dollars), les pêcheries (147 mil-lions de dollars), la gestion et surveillance des littoraux (18 millions de dollars) et la santé ($11×106). Ces coûts sont d’autant plus préoccupants pour les pêcheries et aquacultures que les premiers organismes touchés sont des filtreurs (huîtres, moules et pectinidés) avec une forte valeur commerciale.

Les modèles décrivant la dynamique d’intoxication et de détoxication chez les bivalves

Différents modèles ont été développés pour décrire l’accumulation et la détoxi-cation des PST chez plusieurs espèces de bivalves, principalement sur la base de deux méthodes différentes.
— La première méthode repose sur la modélisation des cinétiques des diffé-rents composés toxiques Chen et Chou (2001) ; Blanco et al. (2003). Selon cette méthode, les modèles les plus satisfaisants décrivent l’accumulation à partir d’un taux de rétention calculé depuis un taux de filtration (clearance rate ; CR), d’une efficacité d’assimilation (assimilation efficiency ; AE), d’une concentration en micro-algues et de son profil toxinique. Des taux de réduc-tion et d’épimérisation propres à chaque toxine permettent la transformation d’un composé en un autre. Enfin, des taux de détoxication distincts, suivant une cinétique du premier ordre, permettent l’élimination de chaque toxine.
— La seconde méthode repose sur une ségrégation en deux compartiments : les toxines assimilées et les toxines non-assimilées. Cette méthode a été large-ment décrite dans la littérature (Silvert et Cembella, 1995 ; Yamamoto et al., 2003 ; Yu et al., 2005 ; Baron et al., 2006 ; Lassus et al., 2007) et brièvement abordée dans la partie 1.3.2. Dans ce cas, les toxines assimilées représentent l’ensemble des toxines internalisées suite au processus de digestion dans la glande digestive. Ces toxines peuvent être ensuite transférées depuis le milieu interne de la glande digestive vers le manteau, le muscle, les bran-chies, etc. Le second compartiment, les toxines non-assimilées, décrivent les toxines ingérées qui traversent le tube digestif sans être assimilées par l’ani-mal. Comme expliqué dans la partie 1.3.2 les toxines assimilées subissent une détoxication lente puisqu’elles dépendent de processus successifs de transfert, de dégradation des composés en composés moins toxiques puis de l’excrétion. En revanche, le compartiment des toxines non-assimilées pré-sente un turnover assez rapide. Le taux d’élimination de ces toxines dépend uniquement du temps de traversée d’une particule de la bouche à l’anus, (gut transit time GST). Un modèle couplant ces deux méthodes a été développé (Guéguen et al., 2011) et a montré que le fait d’ajouter des compartiments, décrivant les différents tissus où s’accumulent les toxines, ne permettait pas d’améliorer la précision des simulations.

Effets des PST sur les bivalves filtreurs

Dans cette étude, en plus de modéliser l’accumulation des PST, nous proposons une approche nouvelle qui vise à intégrer l’effet des toxines sur la bioénergétique du bivalve contaminé. Ainsi, même si les bivalves sont capables d’accumuler de grandes quantités de toxines paralysantes (Hwang et al., 1990 ; Lu et Hwang, 2002), de nombreux travaux ont mis en évidence que les PST avaient un impact important sur leur physiologie. Deux revues assez complètes rassemblent ainsi les différents impacts des PST répertoriés sur les bivalves (Shumway, 1990 ; Landsberg, 2002). L’étude des effets des toxines paralysantes sur les bivalves reste cependant assez fragmentaire, se limitant aux espèces de bivalves emblématiques ou à celles dotées d’un fort intérêt économique. De plus, les équipes de recherche qui s’intéressent
à ce sujet travaillent souvent avec l’espèce de micro-algue productrice de toxines paralysantes endémique ou présente dans leur région. La littérature se compose donc d’une mosaïque d’études analysant l’effet des PST sur de nombreux bivalves exposés à différentes micro-algues toxiques. Á partir de toutes ces études, il est difficile de tirer des conclusions générales puisque de très nombreux paramètres sont à prendre en compte lorsque l’on traite de l’interaction micro-algue toxique – bivalve.
Nutrition La nutrition constitue pour le moment le seul vecteur d’entrée avéré des toxines paralysantes dans l’organisme des bivalves. Associée au comportement valvaire, elle représente une fonction importante dans l’accumulation des toxines. Les bivalves opèrent un refus alimentaire en présence de certaines micro-algues toxiques, soit en gardant les valves fermées, soit en triant les particules, ou soit en diminuant leur taux de filtration (Haberkorn et al., 2010b ; Tran et al., 2010). Basti et al. (2009) ont décelé une fermeture totale mais temporaire des valves de R. philippinarum dès le premier contact avec Heterocapsa circularisquama. Ce comportement d’évitement primaire est à mettre en parallèle avec les travaux de Bardouil et al. (1993) ; Wildish et al. (1998) ; Lassus et al. (2004) qui ont observé chez différents bivalves un arrêt de l’alimentation durant les premières heures sui-vant une exposition à des micro-algues toxiques. Ensuite, les réponses semblent assez hétérogènes selon les espèces (Leverone et al., 2007 ; Hégaret et al., 2007a ; Contreras et al., 2012). Chez les Crassostreinae dont fait partie C. gigas, la fil-tration tend à diminuer face à un bloom de micro-algues toxiques (Shumway et Cucci, 1987 ; Gainey et Shumway, 1988a ; Wildish et al., 1998 ; Laabir et al., 2007). Tran et al. (2010) ont par également étudié la réponse valvaire de C. gi-gas durant une exposition à A. minutum et ont observé un nombre plus important de micro-fermetures (fermeture rapide et incomplète des valves) avec cette micro-algue. Selon toute vraisemblance, ce comportement servirait à expulser les cellules non sélectionnées par les cils branchiaux de l’huître. Haberkorn et al. (2011) ont fait les même constatations sur ce couple bivalve-micro-algue toxique, en ajoutant que le nombre de micro-fermetures était corrélé à la concentration en micro-algues toxiques et à la proportion de cette micro-algue par rapport à une micro-algue non toxique. Une très faible concentration en micro-algues toxiques déclencherait ce comportement (Basti et al., 2009). Par ailleurs, Haberkorn et al. (2010b) ont démontré que les huîtres creuses exposées à A. minutum avaient leurs branchies beaucoup plus chargées en mucus. Ces résultats confirmeraient l’hypothèse de re-jet de ces micro-algues puisque le mucus permet l’agglomération de cellules non sélectionnées pour faciliter leur rejet sous forme de pseudo-fèces. Cependant, il est peu probable que ce tri pré-ingestif soit basé sur la toxicité des micro-algues. En marquant des cellules toxiques et non-toxiques d’A. tamarense, Li et Wang (2001) ont montré que la moule verte (Perna viridis) et la palourde (Ruditapes philippina-rum) étaient incapables de sélectionner les micro-algues non toxiques. La sélection des particules s’appliquant surtout en fonction de critères nutritionnels, physiques (taille, forme, concentration, turbidité du milieu) et chimiques (Cognie et al., 2003 ; Ward et Shumway, 2004 ; Beninger et al., 2008 ; Espinosa et al., 2010). Il convient, cependant, de faire la distinction entre la réponse engendrée par la micro-algue elle-même, comme présenté ci-dessus, et l’effet à proprement parler de la toxine sur le bivalve. Pour ce faire, Estrada et al. (2010) se sont affranchis du filtre que re-présente le processus nutritif en injectant directement différentes doses de toxines paralysantes dans l’organisme de Nodipecten subnodosus. Si cela a induit une pa-ralysie dont la durée est proportionnelle à la dose dans le muscle adducteur, les fonctions associées à la prise alimentaire n’ont pas été altérées. Pour ce qui est du système digestif, Haberkorn et al. (2010b) ont mis en évidence une réaction inflammatoire au niveau de la glande digestive de C. gigas après la consommation d’A. minutum. Un nombre important d’hémocytes étaient mobilisés autour des in-testins, certains ont même franchi l’épithélium (diapédèse) de la glande digestive et des conduits intestinaux pour aller encapsuler les cellules algales. Ces obser-vations ont également été effectuées pour d’autres espèces de bivalves (Estrada et al., 2007a ; Galimany et al., 2008b;c;a ; Hégaret et al., 2009b). Trois hypothèses ont été avancées pour expliquer cette réaction : elle pourrait permettre de limiter les dégâts tissulaires dus aux toxines, de détoxiquer ou alors de neutraliser une invasion bactérienne opportuniste. Par ailleurs, plusieurs études ont montré que les huîtres n’étaient pas capables de digérer complètement les cellules de micro-algues toxiques (Galimany et al., 2008b;a ; Hégaret et al., 2008 ; Haberkorn et al., 2010b). Li et al. (2002) ont observé une diminution de l’efficacité d’assimilation chez P. viridis et R. philippinarum après une exposition à A. tamarense. Les au-teurs ont également remarqué que les fèces des bivalves exposés étaient mélangés à du mucus suggérant aussi des altérations du système digestif. Fernández-Reiriz et al. (2008) ont corroboré ces observations suite à l’exposition de Mytilus chilensis à A. catenella.

Modélisation et théorie des budgets d’énergie dy-namiques (DEB)

La théorie DEB

Généralités La théorie des budgets d’énergie dynamiques (DEB) (Kooijman, 2010) pose un certain nombre de principes biologiques permettant l’étude de flux de masse et d’énergie au sein d’un organisme. De par ses bases biologiques et thermodyna-miques, cette théorie permet de quantifier, selon une approche mécaniste et conser-vatrice, la prise d’énergie et son allocation aux fonctions que sont la croissance, le développement, la reproduction ou la maintenance. Aujourd’hui, les paramètres DEB de plus de 700 espèces allant des autotrophes aux mammifères en passant par des dinosaures, ont été estimés et sont en accès libre dans la collection « add-my-pet ». Cette théorie a été largement appliquée pour permettre la modélisation de la croissance ou de la reproduction de plusieurs espèces de poissons et bivalves marins en fonction de paramètres environnementaux (Pouvreau et al., 2006 ; Bour-lès et al., 2009 ; Pecquerie et al., 2009 ; Rosland et al., 2009 ; Alunno-Bruscia et al., 2011 ; Lavaud et al., 2014). Ce modèle a été largement utilisé pour étudier les différents stades de vie d’une espèce (Rico-Villa et al., 2010 ; Llandres et al., 2015), l’accumulation de contaminants et/ou leurs effets sur les individus (Casas et Bacher, 2006 ; Bodiguel et al., 2009b ; Eichinger et al., 2010 ; Augustine et al., 2012 ; Jager et Zimmer, 2012), la dynamique de populations (Diekmann et Metz, 2010 ; Kearney, 2012 ; Kearney et al., 2013) ou encore l’effet du changement cli-matique sur les organismes (Molnár et al., 2011 ; Thomas et al., 2016 ; Gourault et al., in prep.).
Principes D’après la théorie DEB, la bioénergétique d’un organisme peut être décrite selon la dynamique de trois variables d’état : (1) Le volume structurel V qui comprend l’ensemble des tissus somatiques sans les réserves, (2) les réserves E et (3) l’énergie allouée à la maturité et à la reproduction ER (Fig. 6). Le compartiment de réserves est alimenté en énergie depuis les ressources présentes dans le milieu naturel suite à leur ingestion, puis leur assimilation. Une fraction fixe κ de cette énergie est ensuite mobilisée vers la croissance somatique et ses coûts de main-tenance associés, avec une priorité pour ces derniers (Fig. 6). La partie restante égale à (1-κ) est allouée dans un premier temps à la maintenance de la maturité puis à la maturation lorsque l’individu n’est pas encore adulte ou à la reproduction lorsque celui-ci est mature (Fig. 6).

Synthesizing units : modèle proposé pour Pecten maximus

Puisque différentes études ont fait état des besoins (Alunno-Bruscia et al., 2011 ; Bernard et al., 2011) et des bénéfices (Troost et al., 2010 ; Saraiva et al., 2011) de l’ajout d’une seconde source de nourriture pour améliorer la description du processus d’ingestion, Lavaud et al. (2014) ont travaillé sur l’intégration du concept des SU (Kooijman, 2010) dans le modèle DEB pour la coquille Saint-Jacques. Dans cette étude, les SU ont permis de prendre en compte, pour simuler la croissance de P. maximus, les algues présentes dans le milieu et la matière organique particulaire (MOP ; particules organiques non algales) ainsi que les processus de sélection associés. Les hypothèses et équations sous-jacentes sont décrites dans la section suivante.

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Table des matières

1 Introduction générale 
1.1 Contexte
1.2 Le modèle biologique d’étude : Crassostrea gigas
1.2.1 Une espèce écologiquement et économiquement importante
1.2.2 Cycle de vie, reproduction et ploïdie
1.2.3 Anatomie
1.2.4 Nutrition et sélection des particules
1.3 Efflorescences de micro-algues toxiques, phycotoxines et leurs principaux effets sur les bivalves filtreurs
1.3.1 Généralités
1.3.2 Accumulation des PST chez les bivalves
1.3.3 Effets des PST sur les bivalves filtreurs
1.4 Modélisation et théorie des budgets d’énergie dynamiques (DEB)
1.4.1 La théorie DEB
1.5 Plan du manuscrit
I La variabilité inter-individuelle dans l’accumulation des PST chez C. gigas
2 Sources de variabilité dans l’accumulation des PST chez C. gigas 
2.1 Introduction
2.2 Material and methods
2.2.1 Biological material
2.2.2 Experimental setup and data collection
2.2.3 Data analysis
2.3 Results
2.3.1 Toxin accumulation in oyster tissues
2.3.2 Temporal evolution of oyster clearance rates
2.3.3 Inhibition of oyster clearance rate when exposed to A. minutum 46
2.3.4 Relationship between oyster algal consumption and toxin accumulation
2.3.5 Oyster tissues toxin concentration and toxins consumed
2.4 Discussion
2.4.1 Feeding behavior during an exposure to A. minutum drives toxin accumulation
2.4.2 Initial feeding response to A. minutum exposure
2.4.3 Mechanisms behind behavioral variability facing A. minutum
2.4.4 Toxin accumulation efficiency
2.5 Conclusion
2.6 Acknowledgements
3 Quelles différences physiologiques entre les groupes d’huîtres à potentiel d’accumulations de toxines différents ? 
3.1 Introduction
3.2 Matériel et méthodes
3.2.1 Efficacité d’assimilation
3.2.2 Taux de respiration
3.2.3 Fréquence cardiaque
3.2.4 Données biométriques
3.3 Résultats
3.3.1 Efficacité d’assimilation
3.3.2 Taux de respiration
3.3.3 Fréquence cardiaque
3.3.4 Données biométriques
3.4 Discussion
II Modéliser l’accumulation des toxines paralysantes par Crassostrea gigas 
4 Comment prendre en compte la préférence alimentaire ? 
4.1 Contexte et objectifs
4.2 Modèle « naïf »
4.2.1 Hypothèses
4.2.2 Mise en équation
4.2.3 Cas d’un bac fermé
4.2.4 Cas d’un système ouvert
4.3 Synthesizing units : modèle proposé pour Pecten maximus
4.3.1 Hypothèses et schéma
4.3.2 Mise en équation
4.3.3 Paramètres
4.3.4 Analyse dimensionnelle
4.3.5 Dérivation
4.3.6 Analyse des proxys pour les deux types de substrat
4.4 Synthesizing units : modèle simplifié
4.4.1 Hypothèse et objectifs
4.4.2 Mise en équation
4.4.3 Simulations
4.5 Comparaison des taux de consommation
4.5.1 Équations
4.5.2 Simulations
5 Accumulation des PST par C. gigas : modèle basé sur la théorie DEB 
5.1 Introduction
5.2 Material and methods
5.2.1 Model formalization
5.2.2 Experimental datasets
5.2.3 Validation datasets
5.3 Results
5.3.1 Parameter estimation
5.3.2 Model validation
5.4 Discussion
5.4.1 Relationship between A. minutum concentration during exposure and PST accumulation
5.4.2 Toxin dynamics
5.4.3 ρP ST parameter
5.4.4 Links between oysters energy budget and PST dynamics in their tissues
5.5 Conclusion
5.6 Acknowledgements
6 Huître diploïde vs triploïde : qui accumule le plus de PST ? 
6.1 Introduction
6.2 Material and methods
6.2.1 Model
6.2.2 Forcing variables
6.2.3 Scenarios
6.3 Results
6.4 Discussion
6.5 Conclusion
6.6 Acknowledgements
III Conclusion générale 
7 Synthèse 
7.1 Synthèse
7.2 Discussion générale et perspectives
7.2.1 Variabilité inter-individuelle : plasticité phénotypique ou variabilité génétique ?
7.2.2 Sélection, attention..
7.2.3 Du tri sélectif
7.2.4 Des effets difficiles à appréhender
7.2.5 Un modèle perfectible mais généralisable
7.2.6 Gestion des risques
Bibliographie

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