LA VARIABILITE DE RENDEMENT ENTRE PLANTES

LA VARIABILITE DE RENDEMENT ENTRE PLANTES

Ecologie des ignames

Les ignames (Dioscorea spp.) sont des monocotylรฉdones, gรฉophytes ร  port lianescent (Figure 4). Leurs stratรฉgies de croissance sont conditionnรฉes par les caractรฉristiques associรฉes ร  lโ€™organisation anatomique des monocotylรฉdones, et en particulier, par lโ€™absence dโ€™un cambium vasculaire dans les axes aรฉriens et donc lโ€™impossibilitรฉ dโ€™effectuer une croissance secondaire (McKey et al. 1998). Les tiges des lianes doivent donc possรฉder un systรจme vasculaire trรจs performant. Lโ€™absence de croissance secondaire chez les ignames empรชche la rรฉparation des รฉlรฉments conducteurs endommagรฉs et ne permet pas lโ€™addition de nouveaux รฉlรฉments de phloรจme et de xylรจme pour alimenter un appareil aรฉrien. Ces facteurs limitent la durรฉe de vie de lโ€™appareil aรฉrien des ignames (Di Giusto et al. 2001) : toutes les variรฉtรฉs cultivรฉes et de nombreuses espรจces sauvages sont annuelles, lโ€™appareil aรฉrien nโ€™est maintenu quโ€™une seule saison ; dโ€™autres espรจces sauvages sont bisannuelles ou pluriannuelles, lโ€™appareil aรฉrien รฉtant renouvelรฉ tous les deux ans ou plus. Les espรจces dโ€™ignames des forรชts tropicales humides sont des plantes hรฉliophiles (Johnston et Onwueme 1998, Onwueme et Johnston 2000). En effet, lโ€™origine (peri-)forestiรจre de plusieurs espรจces dโ€™ignames ne doit pas faire oublier que son port grimpant lui permet dโ€™atteindre la canopรฉe (McKey et al. 1998). Une des fonctions principales du tubercule souterrain est donc dโ€™alimenter la croissance du nouvel axe aรฉrien jusquโ€™ร  la canopรฉe.

Pour les espรจces dโ€™importance alimentaire, le dรฉveloppement dโ€™un tubercule correspond รฉgalement ร  une adaptation aux saisons sรจches marquรฉes. En cours de cycle, lโ€™igname peut tolรฉrer de courtes pรฉriodes de stress hydrique, mais sa tolรฉrance vient en grande partie des rรฉserves disponibles dans le tubercule semence. En effet, la forte teneur en eau dans le tubercule rend sa germination relativement indรฉpendante du statut hydrique du sol (Onwueme 1976, Figure 5). La culture de lโ€™igname se pratique avec succรจs dans des zones oรน la pluviomรฉtrie varie entre 1000 et plus de 3000 mm (Onwuerme 1975, Onwueme 1978a), cependant, les besoins hydriques rรฉels des ignames sont encore mal connus. Lโ€™igname est avant tout un taxon dโ€™espรจces tropicales qui a besoin de tempรฉratures รฉlevรฉes.

La germination du tubercule est optimale entre 25 et 30 ยฐC, alors que des tempรฉratures infรฉrieures ร  15ยฐC ou supรฉrieures ร  35ยฐC retardent la germination (Onwueme 1978b). Selon Copeland (1916), le taux de croissance est fortement ralenti en dessous de 20ยฐC et continue dโ€™augmenter entre 25 et 30ยฐC ; ces valeurs nโ€™ont cependant รฉtรฉ vรฉrifiรฉes que pour la croissance de la partie aรฉrienne il y a maintenant prรจs dโ€™un siรจcle. Plus rรฉcemment, Marcos et al. (2009) ont estimรฉ les tempรฉratures cardinales de lโ€™espรจce D. alata durant les principales phases de dรฉveloppement ; ils montrent que la tempรฉrature optimale dรฉpend de la phase de dรฉveloppement et varie entre 19 et 28ยฐC. La photopรฉriode influence รฉgalement son dรฉveloppement (Njoku 1963, Vaillant et al. 2005) : les jours courts, aux alentours de 12 heures, caractรฉristiques des zones tropicales productrices dโ€™igname, favorisent la tubรฉrisation (Orkwor et al. 1998). A lโ€™opposรฉ, les jours longs (> 12 h) semblent favoriser le dรฉveloppement de la partie aรฉrienne (Coursey 1967). La sensibilitรฉ ร  la tempรฉrature et ร  la photopรฉriode de D. alata et D. rotundata sera discutรฉe plus en dรฉtails dans le chapitre 6.

La croissance, le dรฉveloppement vรฉgรฉtatif et lโ€™initiation du tubercule (Phase 3)

La croissance commence par une phase dite hรฉtรฉrotrophe, oรน la tige et les racines sont principalement alimentรฉes par les rรฉserves du tubercule semence. Selon les espรจces et les variรฉtรฉs, pendant cette phase, la tige ne porte aucune feuille ni ramification, mais porte des cataphylles (feuilles rรฉduites en รฉcailles, Figure 9). A lโ€™aisselle de chaque cataphylle se trouve un mรฉristรจme latรฉral, mais celui-ci ne se dรฉveloppe quโ€™ultรฉrieurement. Lโ€™apparition tardive des feuilles chez D. rotundata est un avantage ร  lโ€™รฉtat sauvage : elle lui permet dโ€™atteindre la canopรฉe, et donc de sortir du sous-bois ombragรฉ avant dโ€™รฉmettre les premiรจres feuilles. En revanche, lโ€™apparition de cataphylles est rare chez D. alata.

Par la suite, les appareils racinaires et aรฉriens deviennent fonctionnels : cโ€™est la phase dโ€™autotrophie (Degras 1986). Ferguson (1973) montre que, plus le tubercule mรจre est petit, plus la plante passe rapidement ร  lโ€™autotrophie (avec des taux dโ€™assimilation nette plus รฉlevรฉs que les gros semenceaux). Ce passage ร  lโ€™autotrophie dรฉtermine la date ร  laquelle la plante devient sensible aux facteurs exogรจnes. Simultanรฉment, les tiges et leurs ramifications sโ€™allongent et des feuilles se mettent en place. Durant cette phase, lโ€™axe principal croรฎt seul pendant quelques jours, ensuite, des bourgeons axillaires se dรฉveloppent. Les deux types dโ€™axe prรฉsentent une courbe de croissance en longueur sigmoรฏdale et entrent simultanรฉment en phase linรฉaire (Trouslot 1983).

Le systรจme racinaire de lโ€™igname est mal connu.

Les racines de plants provenant de tubercules sont toutes, par dรฉfinition, adventives. La premiรจre phase de croissance est principalement marquรฉe par le dรฉveloppement dโ€™un systรจme racinaire extensif. Celui-ci est fibreux et se dรฉveloppe ร  partir du complexe nodal primaire (Onwueme 1978b). Le systรจme racinaire reste majoritairement superficiel (< 0,3 m de profondeur) tout au long du cycle (Njoku et al. 1973, Hgaza et al. 2011, Figure 10). Clairon et Zinsou (1980) et Njoku et al. (1973) ont observรฉ que le maximum de dรฉveloppement racinaire apparaรฎt environ un mois avant celui des parties aรฉriennes. Pendant cette phase, une excroissance en saillie se dรฉveloppe ร  partir du massif nรฉoformรฉ : elle est considรฉrรฉe comme lโ€™initiation de la tubรฉrisation (Campbell et al. 1962, Nwoke et al. 1973).

Cependant, lโ€™initiation rรฉelle de la tubรฉrisation est difficilement identifiable et la crรฉation du mรฉristรจme responsable de la tubรฉrisation est susceptible dโ€™apparaรฎtre beaucoup plus tรดt (Sobulo 1972). Une fois initiรฉe, la masse de cellules composant le prรฉ-tubercule se polarise et acquiert rapidement un gรฉotropisme positif. Durant cette phase, le tubercule prรฉsente une croissance lente (croissance hebdomadaire de 0,9 g semaine-1) caractรฉrisรฉe principalement par une forte division cellulaire (Goenaga et Irizarry 1994). Cette initiation du tubercule coรฏncide avec lโ€™entrรฉe en phase linรฉaire de la croissance exponentielle de lโ€™appareil aรฉrien (Trouslot 1983); la durรฉe de cette phase varie entre 20 et 70 jours.

Pratiques culturales

En Afrique de lโ€™Ouest, les ignames occupent traditionnellement la tรชte de la rotation, mรชme si lโ€™introduction dโ€™une seconde culture dโ€™igname dans la succession culturale est une opรฉration de plus en plus frรฉquente. Aprรจs une pรฉriode de jachรจre de trois ร  plus de quinze ans, le dรฉfrichage est rรฉalisรฉ ร  la machette. Aprรจs avoir sรฉchรฉs quelques jours, les vรฉgรฉtaux coupรฉs sont ensuite brรปlรฉs alors que les arbres sont laissรฉs en place afin de servir de tuteurs (Figure 12). Cet รฉcobuage a pour effet de dรฉtruire certains parasites ou graines de plantes adventices ainsi que de neutraliser en partie lโ€™aciditรฉ des sols.

En revanche, cette pratique accรฉlรจre la perte des cations et dรฉtruit certains organismes susceptibles dโ€™influer favorablement sur les cultures (Onwueme 1978b). Une fois la parcelle ainsi nettoyรฉe, les tubercules ont besoin pour se dรฉvelopper dโ€™un sol meuble offrant peu de rรฉsistance ร  leur pรฉnรฉtration : la culture de lโ€™igname nรฉcessite donc un travail du sol important. Le plus frรฉquemment, lโ€™agriculteur confectionne des buttes qui favorisent le drainage et facilitent la rรฉcolte (Figure 13). La hauteur des buttes varie gรฉnรฉralement entre 0,3 et 1 m (Orkwor et al. 1998), mais on trouve parfois en zone inondable des buttes de plus dโ€™un mรจtre de hauteur et de 3 m de diamรจtre (Onwueme 1978b). La densitรฉ de plantation varie fortement en fonction de la taille des buttes et des objectifs de lโ€™agriculteur (culture pure ou en mรฉlange) mais reste beaucoup plus faible quโ€™ailleurs dans le monde : de 0,3 ร  1 plant m-ยฒ en Afrique de lโ€™Ouest contre 2 ร  3 et 2 ร  6 plants m-2 aux Antilles et au Japon respectivement. La confection des buttes est rรฉalisรฉe en fin de saison des pluies de lโ€™annรฉe prรฉcรฉdente si le calendrier cultural le permet, ou en dรฉbut de saison des pluies.

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Table des matiรจres

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 ETAT DE Lโ€™ART
1.1. LES IGNAMES
1.1.1. IMPORTANCE ET REPARTITION DES IGNAMES DANS LE MONDE
1.1.2. ETAT DES CONNAISSANCES
1.1.3. ECOLOGIE DES IGNAMES
1.1.4. MORPHOLOGIE ET CYCLE DE DEVELOPPEMENT
De la maturitรฉ du tubercule ร  la levรฉe de la dormance (phase 1)
De la germination ร  la levรฉe des premiers organes (Phase 2)
La croissance, le dรฉveloppement vรฉgรฉtatif et lโ€™initiation du tubercule (Phase 3)
La phase de tubรฉrisation rapide (phase 4)
Du dรฉbut de la sรฉnescence ร  la maturitรฉ du tubercule (Phase 5)
1.2. Lโ€™IGNAME EN AFRIQUE DE Lโ€™OUEST
1.2.1. PRATIQUES CULTURALES
1.2.2. MODE DE CONSOMMATION
1.2.3. AMELIORATION DES SYSTEMES DE PRODUCTION
1.3. LA VARIABILITE DE RENDEMENT ENTRE PLANTES
1.3.1. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE LA VARIABILITE INTERPLANTE
1.3.2. Lโ€™UTILISATION DES RESEAUX BAYESIENS COMME METHODE Dโ€™IDENTIFICATION DES CAUSES DE VARIABILITE ET DE LEUR INTERACTION CHEZ Lโ€™IGNAME
1.3.3. LES STATISTIQUES DE MESURE DE LA VARIABILITE
CHAPITRE 2 CONTEXTE EXPERIMENTAL ET OBJECTIFS DE Lโ€™ETUDE
2.1. EXPERIMENTATIONS
2.1.1. ZONE Dโ€™ETUDE
2.1.2. DISPOSITIFS EXPERIMENTAUXPage |
2.2. HYPOTHESES DE TRAVAIL ET OBJECTIFS DE Lโ€™ETUDE
2.3. ORGANISATION DU MEMOIRE
CHAPITRE 3 CARACTERISATION DE LA VARIABILITE DE TAILLE ET DE RENDEMENT EN CULTURE Dโ€™IGNAME, EN RELATION AVEC LA DATE Dโ€™EMERGENCE INDIVIDUELLE YAMS PLANT SIZE HIERARCHY AND YIELD VARIABILITY: EMERGENCE TIME IS CRITICAL
3.1. INTRODUCTION
3.2. MATERIALS AND METHODS
3.2.1. EXPERIMENTAL SITE
3.2.2. PLANT SAMPLING
3.2.3. STATISTICAL ANALYSIS
3.3. RESULTS
3.3.1. YIELD VARIABILITY
3.3.2. INDIVIDUAL SIZE DISTRIBUTION OVER TIME
3.3.3. INFLUENCE OF EMERGENCE DATE ON SUBSEQUENT PLANT YIELD
3.3.4. INFLUENCE OF EMERGENCE DATE ON PLANT YIELD COMPONENTS
3.4. DISCUSSION
3.4.1. YAM PLANT SIZE HIERARCHY
3.4.2. CONSEQUENCES
CHAPITRE 4 RELATIONS ENTRE PRATIQUES CULTURALES, CROISSANCE INITIALE DE Lโ€™IGNAME ET COMPOSANTES DU RENDEMENT BAYESIAN NETWORK MODELING OF EARLY GROWTH STAGES EXPLAINS YAM INTERPLANT YIELD VARIABILITY IN WEST AFRICA
4.1. INTRODUCTION
4.2. MATERIALS AND METHODS
4.2.1. EXPERIMENTAL SITES
4.2.2. EXPLANATORY VARIABLES Page
4.2.3. ADDITIVE BAYESIAN NETWORK
4.2.4. GRAPHICAL REPRESENTATION
4.2.5. GLOBALLY OPTIMAL MODEL SELECTION
4.2.6. ADJUSTMENT FOR OVER-FITTING
4.3. RESULTS
4.3.1. ADDITIVE BAYESIAN NETWORKS
4.3.2. EMERGENCE AND EARLY GROWTH
4.3.3. PLANT YIELD COMPONENTS
4.4. DISCUSSION
4.4.1. BIOLOGICAL FRAMEWORK
4.4.2. AGRONOMICAL OPPORTUNITIES FOR IMPROVEMENT AND ACTION PRIORITIES
4.4.3. IMPORTANCE OF SEED-TUBER QUALITY FOR YAM PRODUCTION
4.5. CONCLUSIONS
CHAPITRE 5 MISE AU POINT DE MODELES ALLOMETRIQUES PERMETTANT Lโ€™ESTIMATION DE LA CROISSANCE VEGETATIVE DES IGNAMES ASSESSING ALLOMETRIC MODELS TO PREDICT VEGETATIVE GROWTH OF YAMS IN DIFFERENT ENVIRONMENTS
5.1. INTRODUCTION
5.2. MATERIALS AND METHODS
5.2.1. DATA COLLECTION
5.2.2. STATISTICAL ANALYSIS
5.2.3. MODEL SELECTION
5.2.4. TESTING COVARIATES AND MODEL CALIBRATION
5.2.5. MODEL VALIDATION AND MINIMUM SAMPLE SIZE
5.3. RESULTS AND DISCUSSION
5.3.1. MODEL SELECTION
5.3.2. YEAR, SITE AND CULTIVAR EFFECTS ON ALLOMETRIC MODELS
5.3.1. MODEL VALIDATION
5.4. CONCLUSION
CHAPITRE 6 MODELISATION DES CONSEQUENCES ECONOMIQUES ET AGRONOMIQUES DE LA VARIABILITE INTERINDIVIDUELLE A Lโ€™ECHELLE DE LA PARCELLE.
MODELLING PHYSIOLOGICAL, AGRONOMIC AND ECONOMIC CONSEQUENCES OF YAM HETEROGENEOUS PLANTING MATERIAL IN WEST AFRICA
6.1. INTRODUCTIONย 
6.2. MATERIALS AND METHODS
6.2.1. DATA SETS
6.2.2. YAM INDIVIDUAL PLANT GROWTH MODEL
6.2.3. YAM INDIVIDUAL PLANT DEVELOPMENT MODEL
6.2.4. MODEL SELECTION
6.2.5. ESTIMATION OF MODEL PARAMETERS
6.2.6. SIMULATIONS
6.2.7. PROFITABILITY OF TRADITIONAL AND IMPROVED PLANTING MATERIAL
6.3. RESULTS
6.3.1. MODEL SELECTION
6.3.2. PARAMETER OPTIMIZATION FOR THE POTATO MODEL
6.3.3. GROWTH STAGES
6.3.4. SIMULATED CROP YIELD
6.3.5. PROFITABILITY OF TRADITIONAL AND IMPROVED PLANTING MATERIAL
6.4. DISCUSSION
6.4.1. MODEL PERFORMANCE
6.4.2. SIMULATION OF YAM PLANT GROWTH AND DEVELOPMENT
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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