La Turquie et les Balkans : environnement politique

La Turquie et les Balkans : environnement politique

Les grandes orientations de la politique étrangère turque 

Le Caucase, les Balkans, l‟Asie centrale, le Moyen-Orient et le monde musulman, l‟Europe et les États-Unis – la Turquie saurait-elle, depuis 1991, à quel saint se vouer ? Cette multiplicité des fronts d‟offensive politique et des zones de prospection économique peut laisser perplexe quantà la réelle pertinence de cette dispersion des forces pour un pays somme toute de taille et de puissance moyenne. Mais les dirigeants turcs insistent précisément sur les avantages de cette politique dite “globale”. C‟est de cette multiplication de ses influences régionales que la Turquie tirerait sa puissance. Les dirigeants turcs estiment disposer de moyens économiques suffisants pour développer leurs échanges dans les “pays en voie de transition”, d‟un savoir-faire pour contribuer à la formation des élites de ces pays, et d‟une proximité géographique ou d‟une influence culturelle décisive pour la mise en place d‟une coopération économique et politique.

Son appartenance au “bloc occidental” a jusqu‟à présent façonné son image et valorisé sa voix sur la scène régionale. Mais plus récemment, la nature de ses rapports avec les Européens s‟est modifiée, notamment depuis le sommet du Luxembourg en décembre 1997 et le rejet de la Turquie de la liste des candidats à l‟adhésion à l‟U.E. Son ancrage reste clairement à “l‟Ouest” et sa volonté d‟intégrer les structures communautaires inchangée mais on insiste dorénavant sur les propres potentialités économiques du pays et sur sa capacité à s‟ériger seul en “puissance régionale eurasiatique”. La Turquie ne doit plus – et ne peut plus – tourner toute son attention vers l‟Europe.L‟alliance avec les États-Unis conserve tout son intérêt, aux yeux des Turcs comme aux yeux des Américains. Toutefois, là aussi, les enjeux, et donc les formes de cette coopération, se sont modifiés. La lutte contre cette menace suprême, et partagée par les deux pays, qu‟incarnaient l‟URSS et les pays communistes, n‟est plus. Seuls les dangers en tous genres en provenance du Moyen-Orient justifient encore réellement – et largement – cette (nouvelle) “rente stratégique”. En revanche, une coopération multiforme, allant de l‟économique au diplomatique et militaire, a émergé entre ces deux alliés dans les zones “rescapées du communisme” (Balkans, Asie centrale). Que l‟un délègue à l‟autre un rôle de formation militaire (Bosnie-Herzégovine), qu‟ils mènent de front une diplomatie commune (Balkans depuis 1994, Caucase et Asie centrale depuis 1997) ou qu‟ils partagent un certains nombres d‟objectifs (lutter contre l‟influence de l‟Iran en Asie centrale), une ébauche de coopération, non dénuée de tiraillements (Arménie, renégociation du traité FCE, etc.) a vu le jour.

La Turquie souffre toutefois de nombreux handicaps : une instabilité politique latente depuis les années 60, aiguë depuis 1994//95 ; une armée qui s‟arroge le droit de veiller sur les affaires civiles et mine l‟autorité des instances régulièrement élues ; la montée en puissance de mouvements extrémistes, récemment islamistes ; et de multiples faiblesses économiques (inflation, chômage, manque de capitaux, etc.) qui ne lui permettent pas de lancer de grandes offensives commerciales à l‟extérieur et de réguler les problèmes sociaux de l‟intérieur.

LA TURQUIE : DIPLOMATIE ET STRATEGIE

La politique extérieure turque de 1945 à 1990 

En 1914, le choix d‟alliance est fatal à l‟Empire ottoman. « L‟homme malade de l‟Europe » meurt et le dépècement commence. Le traité de Sèvres (août 1920) crée un éphémère État arménien et prévoit la création d‟un État kurde, les Grecs sont à Izmir (Smyrne) et en Thrace orientale. Cette situation va provoquer la révolte d‟un jeune militaire, Mustafa Kemal (il prendra par la suite le nom d‟Atatürk, le père des Turcs) qui lance une guerre d‟indépendance. Ses succès militaires seront officiellement entérinés en 1923 lors de la conférence de Lausanne et la Turquie constituée dans son état actuel .

Atatürk s‟attache alors à créer un État-nation occidentalisé, géographiquement et politiquement recentré sur l‟Anatolie. Le symbole de ce recentrage et de la rupture avec l‟Empire ottoman est le changement de capitale d‟Istanbul à Ankara. L‟attachement aux valeurs occidentales, à la laïcité et à l‟État-nation sont les points phares du kémalisme, érigé depuis lors en adage national. Sur le plan de la politique extérieure, Mustafa Kemal poursuit une politique d‟indépendance nationale. C‟est désormais à la défense de l‟intégrité du territoire anatolien et à la création d‟une identité territoriale (essor du patriotisme) que se consacre le gouvernement turc. Dans la pratique, cette politique d‟indépendance conduit à :
– Renoncer à toute politique ou tentation de politique hégémonique : renonciation au panturquisme et au panislamisme, renonciation à la reconquête des provinces perdues, et priorité à la défense de la nation. Plus loin dans ce repli turc derrière ses frontières, Mustafa Kemal pose les principes de la non-ingérence dans les affaires des anciennes provinces de l‟empire et de la neutralité de la Turquie.
– Établir de bonnes relations avec l‟ensemble des voisins : cette politique d‟amitié conduira à la signature d‟un traité de non agression avec l‟URSS en 1925 et à une réconciliation avec la Grèce, moteur d‟une entente balkanique dans les années trente.

En 1945, la Turquie doit de nouveau faire face à la menace russe. Non seulement l‟URSS refuse de renouveler le traité de non agression de 1925 mais elle pose comme condition à la reprise des relations de bon voisinage, la cession des provinces de Kars et d‟Ardahan en Anatolie orientale et la révision de la Convention de Montreux (1936) qui réglemente le passage des détroits. La Turquie rejette les demandes soviétiques mais comprend alors son dangereux isolement face à une URSS surarmée et menaçante. Cette période voit l‟abandon du principe kémaliste de la neutralité. C‟est dorénavant l‟alliance avec le monde occidental ; dont l‟hostilité à l‟URSS pointait déjà largement en 1945, que cherche la Turquie. Cette hostilité, en devenant guerre froide, va accélérer le processus de rapprochement, déjà bien entamé, entre la Turquie et l‟Occident. Désormais, la Turquie sera, par sa situation limitrophe avec l‟URSS, un élément clef dans l‟application de la doctrine du containment. En 1947, les États-Unis décident de lui accorder une assistance militaire ; en 1948, elle bénéficie du plan Marshall ; en 1950, elle participe à la guerre de Corée ; et enfin, en février 1952, elle adhère, en même temps que la Grèce, à l‟OTAN . La Turquie devient ainsi un pion stratégique de toute première importance sur le flanc sud de l‟OTAN (faire barrière à l‟extension de l‟influence soviétique vers le sud) et aura également à ce titre un rôle à jouer au Moyen-Orient. Le pacte de Bagdad visait, en constituant un regroupement d‟États dans la région, à contrer les visées soviétiques et en ce sens – et en ce sens seulement – complétait le dispositif otanien à l‟est .

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Table des matières

Introduction
Note sur les transcriptions et translittérations
Principaux sigles utilisés
Première Partie La Turquie et les Balkans : environnement politique
Chapitre 1 Les grandes orientations de la politique étrangère turque
1.1. La Turquie : diplomatie et stratégie
1.1.1. La politique extérieure turque de 1945 à 1990
1.1.2. Atouts et fragilité d‟une position géographique charnière
1.1.3. Nouveaux défis, nouveaux atouts : la politique extérieure turque depuis 1990
1.2. La Turquie et l‟Occident
1.2.1. L‟alliance turco-américaine : confrontation et convergence des intérêts nationaux
1.2.2. La Turquie et l‟Europe
1.3. Tensions et instabilités internes
1.3.1. Le dilemme kurde
1.3.2. L‟islam et la laïcité turque
1.3.3. Le Refah au pouvoir
1.3.4. Qui gouverne ? L‟omniprésence de l‟armée
1.3.5. Instabilité politique et émergence d‟une société civile
1.4. Prise de décision en politique extérieure et politique semi-officielle de la Turquie
Chapitre 2 Nationalismes, identités nationales et antiturquisme
2.1. Nations et nationalismes balkaniques
2.1.1. La nationalisme turc
2.1.2. Nation et nationalisme grecs
2.1.3. Identité et « question macédonienne »
2.1.4. Le nationalisme serbe
2.1.5. L‟exception albanaise ?
2.1.6. Le nationalisme bulgare
2.1.7. Le nationalisme roumain
2.2. Caractéristiques générales et formes d‟expression de ces nationalismes
2.3. Turcophobie et image du Turc
Un cas de turcophobie aiguë : la Grèce
2.4. Les rapports avec les Européens
La rhétorique diplomatique des pays balkaniques vis-à-vis de l‟Occident : que de ponts,
remparts et autres avant-postes !
2.5. L‟orthodoxie au cœur des identités nationales
2.5.1. L‟héritage byzantin et ottoman
2.5.2. Orthodoxie, nation et nationalisme aujourd‟hui : le mythe de la panorthodoxie
Conclusion
Chapitre 3 La scène balkanique depuis 1990
1.1. Les relations bilatérales de la Turquie avec les pays balkaniques avant 1991 : aperçu d‟une relative éclipse
1.2. Les litiges gréco-turcs et la remise en cause de l‟axe antiturc Sofia-Athènes
1.3. La question macédonienne
1.4. La Grèce, menacée ou isolée ?
1.5. Le Kosovo et la « question albanaise »
1.6. Les dilemmes serbes : nouvelles frontières et nouveau cadre étatique
Deuxième Partie Les Balkans dans les politiques de la Turquie et des grandes puissances depuis 1990
Chapitre 1 Les politiques des grandes puissances
1.1. Les États-Unis et les Balkans : une traduction de l‟alliance turco-américaine hors cadre otanien
1.1.1. L‟intervention américaine dans le conflit en Bosnie-Herzégovine
1.1.2. Diplomatie préventive et coopération américano-balkanique
1.1.3. Le développement économique, facteur de stabilité politique
1. 2. La Russie et les Balkans
1.2.1. La descente vers les mers chaudes
1.2.1. La Russie et la Grèce : le jeu complexe de Moscou entre les antagonismes gréco-turcs et gréco-bulgares
1.2.2. La Russie et la Bulgarie
1.2.3. La Russie et la Roumanie
1.2.4. Les soubresauts de la politique russe vis-à-vis du conflit en Yougoslavie
1.2.5. Réaffirmer sa puissance
1.3. La politique de l‟Allemagne dans les Balkans : géopolitique allemande et dissonances européennes
1.3.1. Vers un nouveau Drang nach Osten ? Mythes et réalités à propos de la politique allemande
1.3.3. Quelle politique européenne commune dans les Balkans ?
Conclusion : vers quelle réorganisation des sphères d‟influence ?
Chapitre 2 Les relations bilatérales de la Turquie avec les pays des Balkans depuis 1990
2.1. L‟Albanie : un partenaire privilégié
Un partenariat avant tout militaire
L‟Albanie : un pays en litige avec ses voisins
La chute de Berisha et la réorientation de la diplomatie régionale de l‟Albanie
Le Kosovo : nouvelles menaces pour l‟Albanie et nouveau rapprochement avec la Turquie
Conclusion : un partenariat étroitement lié au contexte régional
2.2. Les relations turco-macédoniennes : les incohérences d‟un partenariat politique
Un soutien sans faille à l‟indépendance et à l‟intégrité territoriale de la République de Macédoine
Les incohérences d‟un partenariat politique
La Macédoine dans les Balkans : un voisinage difficile
Alternances politiques et politique extérieure
Conclusion : l‟autolimitation de la diplomatie turque
2.3. Les relations turco-roumaines : le jeu d‟équilibre roumain
Une normalisation par le commerce
Une coopération politique plus timorée
Nouveau gouvernement : nouvelle politique régionale
2.4. Les relations turco-bulgares : de la normalisation à la coopération
La normalisation des relations bilatérales, 1991-1994
Les approches régionales des deux pays
Le gouvernement Videnov et la réorientation de la politique bulgare
L‟amorce d‟une réelle coopération bilatérale
Conclusion
Conclusion : les approches balkaniques de la Turquie
Chapitre 3 L’islam et la turcité dans la politique balkanique de la Turquie La Turquie confrontée à son héritage ottoman
3.1. La Turquie et le conflit en Bosnie-Herzégovine
3.2. La place de l‟islam et de la turcité dans la politique balkanique de la Turquie
Le primat du politique sur les affinités religieuses
Les minorités turques des Balkans : relais politiques et économiques ou obstacles au développement de bonnes relations entre la Turquie et les pays balkaniques ?
Turcophobie et prudence diplomatique turque
Conclusion : la Turquie face à son héritage ottoman
Troisième Partie Enjeux stratégiques transrégionaux La Turquie et les Balkans dans un espace eurasien
Chapitre 1 Influences croisées et jeux d’alliances autour de la mer Noire
1.1. Enjeux et jeux de puissance en Eurasie
1.1.1. La Russie et l‟étranger proche
1.2.2. Les États-Unis ménagent la Russie
1.1.3. L‟inconstance de la politique américaine dans l‟étranger proche
1.1.4. Les détroits : toujours d‟actualité
1.1.5. Pétrole et pipelines : enjeux économiques et politiques
1.2. Pseudo-alliances et contre-alliances autour de la mer Noire
1.2.1. Le GUAM et l‟axe Kiev-Tbilissi-Bakou-Ankara
1.2.2. L‟ombre des tensions gréco-turques
1.2.3. Pseudo trilatérales et contre-trilatérales dans les Balkans
1.2.4. Les dilemmes de l‟Arménie
1.2.5. Les relations transversales Balkans-Caucase
1.2.6. L‟alliance Turquie-Israël face au « front du mal » : Grèce-Iran-Arménie-(Russie)-(Syrie)
1.2.7. Le jeu de l‟Iran
1.2.8. L‟ambivalence des relations entre la Turquie et la Russie
Conclusion : perception de la menace et phobie de l‟encerclement
Chapitre 2 Une coopération à géométrie variable : Axes de communication, coopération économique, et politiques multilatérales
2.1. La Zone de Coopération Économique de la Mer Noire
2.1.1. Intérêts nationaux et motivations des pays membres de la ZCEMN
2.1.2. La Déclaration d‟Istanbul et les objectifs de la ZCEMN
2.1.3. Institutions et institutionnalisation de la ZCEMN
2.1.4. Initiatives concrètes, projets et réalisations
2.1.5. ZCEMN versus Union européenne
2.2. La dimension politique de la coopération multilatérale
2.2.1. Initiatives multilatérales dans les Balkans
2.2.2. La dimension politique et de sécurité de la ZCEMN
Conclusion : Les formes douces de coopération et le poids décisif de l‟Occident
2.3. Politique et voies de communication dans l‟espace Balkans-Turquie-Mer Noire
2.3.1. Structure du nouvel espace transeuropéen de circulation : les liaisons entre l‟Europe de l‟Ouest et l‟Europe du sud-est
2.3.2. Pôles de communication et d‟échanges en Eurasie Les liaisons Europe-Asie et la réorientation transeuropéenne du réseau de transport
2.3.3. Les transports en Turquie et les liaisons Europe – Moyen-Orient et Europe – Asie centrale ou l‟aptitude de la Turquie à s‟ériger en pont
2.3.4. Enjeux politiques et économiques : la puissance et l‟indépendance des États en question
Conclusion : la Turquie au centre de l‟Eurasie ?
Conclusion

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