La tuberculose à Mycobacterium bovis au sein de la faune sauvage
Généralités sur les mycobactéries
Les bacilles tuberculeux sont des bactéries classées dans l’ordre des ACTINOMYCETALES, famille des MYCOBACTERIACEAE, genre MYCOBACTERIUM. Dans la famille des mycobactéries, trois groupes se distinguent selon leur pathogénicité : les mycobactéries pathogènes, les mycobactéries opportunistes et les mycobactéries saprophytes. Au sein des mycobactéries pathogènes se trouvent deux complexes : le complexe Mycobacterium tuberculosis et le complexe Mycobacterium Avium intraCellulare (MAC) qui comprend notamment l’agent de la tuberculose aviaire, Mycobacterium avium-intracellulare, et l’agent de la paratuberculose, Mycobacterium avium paratuberculosis. Mycobacterium bovis appartient au complexe Mycobacterium tuberculosis. C’est une bactérie pathogène pour de nombreuses espèces animales, aussi bien sauvages que domestiques, dont l’Homme.
Les bacilles sont de petite taille (1 à 4 μm de long), immobiles et possèdent des acides mycoliques qui leur confèrent la propriété d’acido-alcoolo-résistance, utilisée pour la détection des mycobactéries (le bacille coloré avec de la fuchsine basique est résistant à la décoloration par l’acide et l’alcool). Les bacilles tuberculeux nécessitent l’emploi de milieux bactériologiques spéciaux pour leur croissance et les cultures se développent lentement, 10 jours à 2 mois selon les bacilles tuberculeux (BENET et PRAUD, 2012). Les mycobactéries sont sensibles à la chaleur (20 minutes à 60°C, 20 secondes à 75°C), d’où l’importance de la pasteurisation et de la stérilisation du lait. Elles résistent au froid et à la dessication, mais peuvent survivre entre cinq jours et quatre semaines dans l’environnement (MICHEL et BENGIS, 2012).
Elles sont résistantes aux antibiotiques usuels (pénicilline, tétracycline, chloramphénicol,…). Le bacille tuberculeux est néanmoins sensible à certains médicaments, comme la streptomycine (traitement de la tuberculose humaine, associant toujours quatre antibiotiques pendant deux mois puis deux antibiotiques pendant quatre mois afin de réduire le risque d’échec thérapeutique lié à l’antibiorésistance).
Pathogénie Elle se caractérise par deux étapes : une étape primaire (ou de primo-infection) et une étape secondaire. Après pénétration dans l’organisme (un petit nombre suffit), les bacilles tuberculeux sont rapidement phagocytés par les macrophages. Les individus disposant de macrophages efficaces (capacité à former une vacuole de phagocytose emprisonnant le bacille tuberculeux, efficacité des enzymes de lysosome à digérer la paroi de ce bacille) sont capables de les détruire en quelques dizaines de minutes. Si la dose est trop forte ou si les macrophages sont génétiquement ou momentanément moins efficaces (baisse de l’immunité pendant la période autour du part ou en raison de carences alimentaires diverses), une partie des bacilles se multiplie dans les cellules de la réaction inflammatoire tuberculeuse qui les ont phagocytés. Cette multiplication locale conduit en 8 à 15 jours à la formation d’une lésion initiale : le chancre d’inoculation, dont la taille peut être très petite (moins d’un millimètre). Cette lésion se double, à la faveur du drainage lymphatique des bacilles, d’une lésion tuberculeuse du noeud lymphatique loco-régional (loi de l’adénopathie satellite de PARROT).
Cette association, chancre d’inoculation et adénopathie satellite, constitue le complexe primaire dont la localisation révèle la porte d’entrée de l’agent infectieux (pulmonaire dans 95 % des cas chez les bovins et les autres ruminants, digestif chez les porcs et les volailles (et les veaux), et à part égale entre ces deux voies pour les carnivores). Le complexe primaire peut évoluer selon trois modes différents : la stabilisation, la guérison ou la généralisation précoce (BENET et PRAUD, 2012). La tuberculose secondaire résulte d’une prolifération de proche en proche ; les lésions sont regroupées dans un seul organe : on parle de tuberculose chronique d’organe. Les lésions, le plus souvent caséeuses, peuvent s’ouvrir sur une voie de drainage naturelle (tube digestif, bronche,…), donnant ainsi des formes ouvertes. Cette forme peut se stabiliser mais tend fréquemment à se généraliser.
Une coexistence de lésions aiguës et de lésions plus anciennes est souvent observée (BENET et PRAUD, 2012). La tuberculose est l’archétype des maladies infectieuses à évolution chronique, c’est-àdire d’évolution lente, progressive, s’étendant sur des mois et des années. Des poussées aiguës peuvent néanmoins survenir, ce qui accélère et aggrave l’évolution. La tuberculose est une maladie caractérisée par le fait qu’il y a beaucoup plus d’infectés que de malades. Dans les espèces humaine et bovine, l’état de « tuberculose-infection » peut persister pendant des années, voire toute la vie. Il faut souligner le défaut de corrélation entre l’importance des lésions et l’intensité des manifestations observées (BENET et PRAUD, 2012).
Symptômes observés
D’après le Manuel terrestre de l’OIE (2005), la mise en évidence clinique de la tuberculose chez les bovins est rarement possible dans les pays qui ont un programme d’éradication de la tuberculose, parce que le test intradermique de la tuberculine permet un diagnostic de présomption et l’élimination des animaux infectés avant que les signes n’apparaissent. Cependant, avant les campagnes nationales d’éradication de la tuberculose, les signes associés à cette maladie étaient communément observés. De la toux, induite par des changements de température ou une pression manuelle sur la trachée, et de la dyspnée peuvent être présentes. Dans les cas avancés, les noeuds lymphatiques sont souvent très hypertrophiés et peuvent obstruer le passage de l’air, le tractus alimentaire, ou les vaisseaux sanguins. L’atteinte des noeuds lymphatiques de la tête et du cou peut devenir visible et quelquefois on observe une rupture et un écoulement. L’implication du tractus digestif se manifeste par une diarrhée intermittente et, dans certains cas, par une constipation. L’extrême émaciation et la détresse respiratoire aiguë peuvent se rencontrer pendant les phases terminales de la tuberculose. Des lésions impliquant l’appareil génital femelle peuvent se présenter.
L’appareil génital mâle est rarement atteint. Chez les cerfs, il est rapporté (CLIFTON-HADLEY et WILESMITH, 1991) que les signes cliniques sont fonction de la distribution, variable, des lésions. Si ces dernières sont localisées aux noeuds lymphatiques internes ou concernent une faible surface pulmonaire, l’animal peut ne présenter aucun signe clinique durant toute sa vie. Au contraire, si les lésions tendent à se généraliser, en particulier dans les poumons, il en résulte une émaciation progressive. Cependant, cette émaciation peut n’être visible que lorsque l’animal est à un stade avancé de la maladie, voire ne s’observe pas avant la mort de l’animal. La croissance des bois peut être retardée chez les animaux présentant un mauvais état général. Durant la période de reproduction, les cerfs peuvent rester indifférents aux femelles et ces dernières peuvent ne pas venir en chaleur. Ces signes ne sont cependant pas spécifiques de la tuberculose.
Lorsque le tissu pulmonaire est lésé, de la toux et des râles respiratoires peuvent être observés. Toutefois, les cerfs peuvent survivre avec une fonction respiratoire limitée et sans détresse respiratoire apparente. Un ou plusieurs noeuds lymphatiques superficiels peuvent s’abcéder et lorsqu’ils se rompent, un pus épais et crémeux s’écoule à la surface de la peau. Concernant le blaireau (Meles meles), GALLAGHER et NELSON (1979) rapportent le cas d’un blaireau mort de tuberculose dont le poids était de 5 kg, soit la moitié voire le tiers de son poids adulte. Ce blaireau, très émacié, présentait une enophtalmie, conséquence d’une perte de graisse infraorbitaire (rétraction de l’oeil dans l’orbite, avec une distance de 1 cm entre le globe oculaire et le canthus interne). Les auteurs rapportent également que les blaireaux tuberculeux vus en vie étaient actifs plutôt en fin de matinée et durant l’après-midi (le blaireau est normalement un animal nocturne) et présentaient une faiblesse générale, de l’apathie. Les carcasses de ces blaireaux ont été retrouvées dans des lieux inhabituels, tels que des porcheries, des box de chevaux, des bâtiments agricoles et des parcs, sources de nourriture facilement accessibles pour ces blaireaux mal en point. GALLAGHER et CLIFTONHADLEY (2000) illustrent leurs propos à l’aide d’une photographie montrant les poumons d’un blaireau atteint de tuberculose miliaire : cette femelle, âgée de 3-4 ans, pesait 5,4 kg, soit environ la moitié de son poids normal.
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Table des matières
TABLE DES ILLUSTRATIONS
LISTE DES ANNEXES
LISTE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : Synthèse bibliographique
I- La tuberculose à Mycobacterium bovis au sein de la faune sauvage : généralités
1.Généralités sur les mycobactéries
2.Pathogénie
3.Symptômes observés
4.Les lésions
4.1. Les lésions macroscopiques
4.2. Les lésions microscopiques
5.Méthodes de surveillance et de diagnostic de la tuberculose à M. bovis dans la faune sauvage en France
5.1. Modalités de surveillance
5.1.1. Jusqu’en 2011
5.1.2. Depuis fin 2011 : le réseau Sylvatub
5.2. Méthodes diagnostiques
5.2.1. Le diagnostic nécropsique
5.2.2. La culture bactérienne
5.2.3. La PCR
5.2.4. Le typage moléculaire
II- Épidémiologie descriptive : la tuberculose à Mycobacterium bovis dans la faune sauvage
1.Dans le monde (hors Europe)
1.1. En Amérique du Nord
1.1.1. Au Canada
1.1.2. Aux États-Unis
1.3. En Océanie
1.3.1. Nouvelle-Zélande
1.3.2. Australie
1.4. En Afrique
1.5. Au Moyen-Orient
1.6. Tableau récapitulatif
2.En Europe
2.1. En Grande-Bretagne et en République d’Irlande
2.2. En Espagne
2.3. Au Portugal
2.4. En Italie
2.5. En Suisse et dans la Principauté du Liechtenstein
2.6. En Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg
2.7. Au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède
2.8. En Allemagne et en Autriche
2.9. En Europe de l’Est
2.10. Tableau récapitulatif
3.En France
3.1. Biologie et densités des populations sauvages
3.1.1. Cerf élaphe (Cervus elaphus)
3.1.2. Chevreuil (Capreolus capreolus)
3.1.3. Sanglier (Sus scrofa)
3.1.4. Blaireau (Meles meles)
3.2. Situation épidémiologique
3.2.1. Forêt de Brotonne (Normandie)
3.2.2. Bourgogne
3.2.3. Dordogne
3.2.4. Autres départements français
III- Épidémiologie analytique : les facteurs de risque de transmission de Mycobacterium bovis entre bovins et faune sauvage
1.Le taux d’infection dans les populations sensibles
2.Le niveau d’excrétion des populations infectées
2.1.1. Chez le cerf
2.1.2. Chez le sanglier
2.1.3. Chez le blaireau
3.Survie de M. bovis dans l’environnement
3.1. Survie dans le sol, la nourriture, l’eau
3.2. Survie dans les fèces
3.3. Survie à l’intérieur des terriers
3.4. Survie dans les carcasses d’animaux infectés
4.Le niveau d’interaction potentiellement contaminant entre hôtes excréteurs et hôtes sensibles
4.1. Influence de la présence et de la densité
4.2. Influence de l’éco-éthologie des espèces
4.3. Influence des pratiques d’élevage
4.4. Influence des pratiques cynégétiques
4.5. Influence de la saison
4.6. Influence de la structure paysagère
IV- Epidémiologie opérationnelle : mesures de maîtrise des facteurs de risque les plus efficaces pour réduire les risques d’interaction entre faune sauvage et animaux domestiques
1.Limitation des interactions entre bovins et populations sauvages
2.Maîtrise de l’infection dans la population hôte sauvage
2.1. Action sur la densité
2.1.1. Limiter les facteurs d’agrégation
2.1.2. Réduction des densités
2.1.3. Eradication des populations hôtes
2.2. Limitation du recyclage des matières virulentes
2.3. Vaccination
DEUXIÈME PARTIE : Épidémiologie de la tuberculose bovine chez les bovins et la faune sauvage en Corrèze
I- Etude épidémiologique de la tuberculose bovine chez les bovins en Corrèze
1.Objectif et contexte
1.1. Objectif
1.2. Contexte
1.3. Cadre géographique
1.3.1. Présentation du territoire
1.3.2. Caractéristiques de l’élevage bovin en Corrèze
2.Matériels et méthodes
2.1. Définition de la population d’étude
2.2. Recueil des données
2.3. Traitement des données
3.Résultats
3.1. La tuberculose dans les élevages bovins de Corrèze
3.1.1. Évolution dans le temps et dans l’espace
3.1.2. Typologie des élevages infectés
3.1.3. Les spoligotypes isolés
3.1.4. Découverte des foyers et conséquences
3.1.5. Origine des foyers
3.1.6. Gestion épidémiologique, prophylaxie
3.2. Situation épidémiologique dans les départements voisins
4.Discussion
4.1. Evolution de la tuberculose dans les cheptels bovins de Corrèze
4.2. Origine de contamination et prophylaxie
4.3. Situation dans les départements voisins
4.4. Facteurs de risque de transmission de M. bovis liés aux bovins
4.4.1. La densité en bovins
4.4.2. Le type d’élevage
4.4.3. Pouvoir excréteur des bovins
4.4.4. Pratiques d’élevage considérées comme à risque
4.5. Les hypothèses de lutte contre la tuberculose bovine chez les bovins
4.5.1. Le dépistage généralisé
4.5.2. Le dépistage ciblé
4.5.3. Le dépistage à l’achat
4.5.4. L’inspection des carcasses à l’abattoir
4.5.5. Des enquêtes épidémiologiques de qualité
4.5.6. La surveillance de la faune sauvage
4.5.7. Entre réglementation et réalité de terrain
4.5.8. Conclusion
II- Enquête épidémiologique sur la présence de la tuberculose à M. bovis dans la faune sauvage en Corrèze durant la saison 2011-2012
1.Cadre spécifique de l’enquête épidémiologique
2.Matériels et méthodes
2.1. Les espèces à étudier
2.2. Période d’étude
2.3. Zone d’étude
2.3.1. Pour le cerf, le chevreuil et le sanglier
2.3.2. Pour le blaireau
2.3.3. Pour les micromammifères
2.4. L’échantillonnage
2.4.1. Pour le cerf, le chevreuil et le sanglier
2.4.2. Pour le blaireau
2.4.3. Pour les micromammifères
2.4.4. Synthèse sur l’échantillonnage
2.5. Protocole de terrain
2.5.1. Pour le cerf, le chevreuil et le sanglier
2.5.2. Pour le blaireau
2.5.3. Pour les micromammifères
2.5.4. Modalités de prélèvements et d’analyses
2.6. Les analyses de laboratoire
2.6.1. Protocole de culture
2.6.2. Protocole de PCR
2.6.3. Identification et typage des souches de Mycobacterium
2.7. Traitement des données
3.Résultats
3.1. Les cerfs
3.1.1. Réalisation par rapport aux objectifs d’échantillonnage
3.1.2. Résultat des analyses
3.2. Les chevreuils
3.2.1. Réalisation par rapport aux objectifs d’échantillonnage
3.2.2. Résultat des analyses
3.3. Les sangliers
3.3.1. Réalisation par rapport aux objectifs d’échantillonnage
3.3.2. Résultat des analyses
3.4. Les blaireaux
3.4.1. Réalisation par rapport aux objectifs d’échantillonnage
3.4.2. Résultat des analyses
3.5. Les micromammifères
3.5.1. Réalisation par rapport aux objectifs d’échantillonnage
3.5.2. Résultat des analyses
3.6. Synthèse des résultats
4.Discussion
4.1. Discussion autour de la méthode
4.1.1. Choix des espèces étudiées
4.1.2. Choix des zones d’étude
4.1.3. Echantillonnage et prélèvements
4.1.4. Sensibilité des tests diagnostiques utilisés sur la faune sauvage en Corrèze
4.2. Discussion autour des résultats de l’enquête épidémiologique sur la faune sauvage de Corrèze durant la saison 2011-2012
4.2.1. Les cerfs
4.2.2. Les chevreuils
4.2.3. Les sangliers
4.2.4. Les blaireaux
4.2.5. Les micromammifères
4.3. Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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