Les pathologies traumatologiques lรฉgรจres et modรฉrรฉes constituent un motif frรฉquent de recours aux urgences, reprรฉsentant un tiers des motifs de consultations aux urgences chaque annรฉe(1). La majoritรฉ des consultations aboutissent ร un retour ร domicile du patient. Le type dโaffection rencontrรฉ nรฉcessite souvent de rรฉaliser un suivi spรฉcifique afin de vรฉrifier la bonne รฉvolution et dโapporter les corrections รฉventuelles diagnostiques et thรฉrapeutiques. En France, ce suivi peut รชtre organisรฉ dรจs la consultation initiale via le service des urgences, ou en consultation dโorthopรฉdie si une indication chirurgicale est posรฉe.
La traumatologie aux urgences en Franceย
En France, lโEnquรชte Permanente sur les Accidents de la vie Courante (EPAC) recense tout recours aux urgences pour accident de la vie courante sur 11 centres hospitaliers participant. On retrouve parmi ces centres les hรดpitaux dโAnnecy, de Blay, de Fontainebleau, de Fougรจres, du Havre, de Limoges, de Marseille (La Timone), de Paris (Cochin), de Saint Paul (La Rรฉunion), de Tourcoing, ainsi que de Verdun. Les derniรจres donnรฉes accessibles ร ce jour sont de 2017(2). Sur lโannรฉe 2017, on compte 122 181 recours aux urgences pour traumatisme, dont 52,9% dโhommes pour 47,1% de femmes. Les activitรฉs pourvoyeuses de traumatismes sont dโabord les loisirs et jeux ร 34,1%, puis la marche ร 28,7%, ainsi que le sport ร 18,5%. Le mรฉcanisme lรฉsionnel majoritaire est la chute, suivi par les coups pour 1 patient sur 5.
Les lรฉsions observรฉes sont principalement des contusions pour prรจs de 30%, des plaies, des fractures, ainsi que des entorses. Les localisations de lรฉsions par ordre de frรฉquence sont les membres supรฉrieurs et infรฉrieurs, reprรฉsentant 30% chacun, suivi par les traumatismes crรขniens. Au total, les lรฉsions mineures se rรฉpartissent en plaies et fractures prรฉfรฉrentiellement au membre supรฉrieur et entorses au membre infรฉrieur. Les contusions touchent les membres supรฉrieurs et infรฉrieurs sans diffรฉrence significative notable .
LโEPAC informe aussi sur le devenir de la prise en charge des patients traumatisรฉs. Parmi les patients enquรชtรฉs, 65,4% des patients ont รฉtรฉ traitรฉs dรจs la consultation aux urgences, sans suivi ultรฉrieur, ni hospitalisation. Pour le tiers restant, 10,7% des patients ont รฉtรฉ hospitalisรฉs, tandis que 23,9% ont bรฉnรฉficiรฉ dโun suivi ultรฉrieur.
Les particularitรฉs รฉpidรฉmiologiques de la traumatologie pรฉdiatrique en Franceย
Une analyse des donnรฉes sur la pรฉriode de 2014 ร 2018 du rรฉseau EPAC a permis de dรฉcrire lโรฉpidรฉmiologie des traumatismes mineurs en pรฉdiatrie en France (3). Les registres de 208 735 passages aux urgences ont รฉtรฉ analysรฉs sur les 7 hรดpitaux du rรฉseau EPAC accueillants des enfants de moins de 15 ans, soit 41 000 par an. La majoritรฉ รฉtait des garรงons ร 56%. Lโรขge mรฉdian est de 7 ans avec un recours plus frรฉquent chez les trรจs jeunes enfants (de 1 ร 3 ans), ainsi que chez les prรฉ-adolescents (de 10 ร 13 ans). Les circonstances dโaccidents sont dโabord domestiques pour les plus jeunes, puis le milieu de lโenseignement, du sport et des loisirs pour les enfants de plus de 5 ans . Le mรฉcanisme lรฉsionnel principal est la chute.
Les lรฉsions observรฉes รฉtaient le plus souvent des contusions avec une prรฉdominance chez les nourrissons de moins de 1 an. Les enfants de plus de 5 ans prรฉsentaient majoritairement des entorses, en relation avec les particularitรฉs anatomiques de lโenfant. On retrouvait 13% de fractures, dont la plupart survenait chez les plus de 7 ans . La rรฉgion anatomique de la tรชte restait lโendroit le plus concernรฉ par les traumatismes infantiles ร 33%, suivi de prรจs par les membres supรฉrieurs (32%) puis infรฉrieurs (27%). Plus lโenfant รฉtait jeune, plus il รฉtait concernรฉ par les traumatismes crรขniens. A lโinverse, les traumatismes des membres survenaient davantage avec la croissance et lโactivitรฉ physique de lโenfant .
Prรจs de trois quarts des enfants รฉtaient traitรฉs au cours de la consultation aux urgences, sans suivi nรฉcessaire. Parmi les patients enquรชtรฉs, 22% ont fait nรฉanmoins lโobjet dโun suivi en ambulatoire, tandis que seul 5% ont รฉtรฉ hospitalisรฉ, dโautant plus que lโenfant รฉtait jeune.
Les particularitรฉs diagnostiques et thรฉrapeutiques de la traumatologie pรฉdiatriqueย
La traumatologie pรฉdiatrique reste un motif frรฉquent de consultations aux urgences polyvalentes telles que celles de lโHรดpital de Saint Julien. Les traumatismes pรฉdiatriques bรฉnins sont parfois de diagnostic plus complexe que chez lโadulte, en relation avec la prรฉsence de cartilages de croissance par exemple. Ainsi les plaintes sont parfois difficilement perรงues, et ne doivent pas amener ร un sous-diagnostic ou au contraire ร une immobilisation non justifiรฉe de lโenfant. Les interprรฉtations des radiographies doivent รชtre รฉtablies selon lโรขge de lโenfant, notamment si la rรฉgion concernรฉe implique un cartilage de croissance. La particularitรฉ de la traumatologie pรฉdiatrique est aussi marquรฉe par des lรฉsions spรฉcifiques ร lโos en croissance. On distingue les fractures en motte de beurre, se traduisant par une angulation anormale mรฉtaphysaire sans rupture corticale, et les fractures en cheveu dโange, qui sont des lรฉsions sous pรฉriostรฉes avec une rupture corticale parfois difficilement visible sur les radiographies. En 2011, une รฉtude rรฉtrospective a รฉtรฉ rรฉalisรฉe par Mounts et al (4) afin dโanalyser les fractures les plus frรฉquemment non diagnostiquรฉes aux urgences pรฉdiatriques. On retrouve notamment les fractures de phalanges (mains et pieds), les fractures de poignet ainsi que les fractures de tibia distales. En lโabsence de diagnostic prรฉcis, lโimmobilisation a visรฉe antalgique est plus souvent rรฉalisรฉe que chez lโadulte, dans la mesure oรน les sรฉquelles de limitations articulaires sont moins nombreuses. Le suivi et lโirradiation par radiographies rรฉpรฉtรฉes doivent aussi รชtre limitรฉs lorsque les fractures sont stables, sans risque de dรฉplacement secondaire comme pour les fractures type motte de beurre. Une รฉtude rรฉtrospective a รฉtรฉ rรฉalisรฉe en 2019 par Rieraรlvarez et al. (5) sur 106 patients ayant reรงu le diagnostic de fracture en motte de beurre. Sur tous les patients analysรฉs, aucun nโa connu de dรฉplacement secondaire, peu importe le traitement initiรฉ, montrant lโabsence dโintรฉrรชt dโun suivi radiologique pour ce type de fracture.
Dรฉfinition du traumatisme mineurย
La catรฉgorisation des traumatismes est un enjeu majeur en mรฉdecine dโurgence afin de dรฉployer les moyens disponibles de faรงon proportionnรฉe et dโoptimiser lโaccueil vers des plateaux techniques adaptรฉs (6). Le premier score reconnu et utilisรฉ en prรฉhospitalier, est le score de Vittel intรฉgrรฉ dans un algorithme depuis 2002 . Il intรจgre des donnรฉes sur lโรฉvaluation cinรฉtique, les lรฉsions anatomiques, et des รฉlรฉments sur la rรฉanimation prรฉhospitaliรจre, ainsi que des critรจres de cinรฉtique. Cet algorithme permet dโidentifier les patients traumatisรฉs graves, dont lโorientation doit se faire vers un centre spรฉcialisรฉ.
Lโutilisation de scores de triage dans les services dโurgences permet une dรฉfinition des traumatismes mineurs dรจs lโentrรฉe aux urgences. La SFMU recommande lโutilisation du tri FRENCH par les Infirmiers dโOrientations et dโAccueil (IOA) . Ce score cรดte les patients de 1 ร 5, aboutissant ร une recommandation de dรฉlai de prise en charge. Il permet dโextraire les patients les plus grave du flux. En traumatologie, les urgences ร accueillir en soins continus sont les traumatismes avec amputation, pรฉnรฉtrant ou ร haute vรฉlocitรฉ. Les traumatismes lรฉgers sont triรฉs entre 3B et 5 selon la tolรฉrance et les symptรดmes. Cette grille est appliquรฉe au CHU de Rouen depuis plus dโun an.
La traumatologie aux urgences du CHU de Rouenย
En 2021, on dรฉnombrait 101 691 passages aux urgences, dont 81 194 sur le site de Charles Nicolle (79,8%). Le nombre de patients ne nรฉcessitant pas dโhospitalisation reprรฉsentait 57935 patients (56,9%). La traumatologie mineure concernait 19 161 dossiers soit 18,8 % des motifs dโadmissions aux urgences. Les traumatismes du membre supรฉrieur รฉtait un motif de consultation pour 3654 patients (19%), tandis que le membre supรฉrieur concernait 4493 dossiers (23,4%). Les patients viennent aux urgences par le biais du SMUR, des sapeurs-pompiers, des ambulances ou par leurs propres moyens. Ils sont reรงus par un agent dโaccueil puis une รฉvaluation du motif de recours ainsi que les constantes et la gravitรฉ du tableau clinique sont รฉvaluรฉes par un infirmier dโaccueil et dโorientation. Les patients concernรฉs par un traumatisme sans critรจre de gravitรฉ sont orientรฉs en secteur dรฉdiรฉ de traumatologie sur le site de Charles Nicolle, et en secteur traditionnel non scopรฉ sur le site de Saint Julien. Les patients sont ensuite รฉvaluรฉs soit par un senior de mรฉdecine dโurgence soit par un interne de mรฉdecine gรฉnรฉrale, de mรฉdecine dโurgence ou de chirurgie. Les internes sont supervisรฉs par un docteur spรฉcialisรฉ en mรฉdecine dโurgence. A lโissue de la consultation, et aprรจs rรฉalisation รฉventuelle dโexamens complรฉmentaires, le patient est revu par le mรชme mรฉdecin, sauf lors de la relรจve de garde. La dรฉcision de sortie ou dโhospitalisation est ensuite prise et les prescriptions de sortie sont effectuรฉes avec explication de celles-ci auprรจs du patient.
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
LA TRAUMATOLOGIE AUX URGENCES EN FRANCE
LES PARTICULARITES EPIDEMIOLOGIQUES DE LA TRAUMATOLOGIE PEDIATRIQUE EN FRANCE
LES PARTICULARITES DIAGNOSTIQUES ET THERAPEUTIQUES DE LA TRAUMATOLOGIE PEDIATRIQUE
DEFINITION DU TRAUMATISME MINEUR
LA TRAUMATOLOGIE AUX URGENCES DU CHU DE ROUEN
LA CONSULTATION POST-URGENCE
LโHETEROGENEITE DES PRISES EN CHARGES DES TRAUMATISMES MINEURS
Lโabondance de recommandations de prise en charge
Lโimpact du contexte socio-รฉconomique du patient : les sportifs professionnels
LES ERREURS DIAGNOSTIQUES AUX URGENCES
LA PLACE DE LโIMAGERIE DANS LES ERREURS DIAGNOSTIQUES
MATERIEL ET METHODES
TYPE DโETUDE
POPULATION ETUDIEE
LES CRITERES DโEXCLUSION
OBJECTIFS
DONNEES RECUEILLIES
METHODE DโANALYSE DES DONNEES
ASPECTS REGLEMENTAIRES
RESULTATS
รTUDE DE LA POPULATION
ANALYSE DESCRIPTIVE
La consultation aux urgences
La consultation post urgence
Descriptions des modifications diagnostiques et thรฉrapeutiques
ANALYSE COMPARATIVE
Critรจre de jugement principal
Critรจres de jugement secondaire
DISCUSSION
LIMITES
PERSPECTIVES DโAMELIORATION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 : ALGORITHME DE VITTEL (2002)
ANNEXE 2 : GRILLE DE TRI FRENCH POUR LA TRAUMATOLOGIE
ANNEXE 3 : FEUILLE DE RECUEIL DE CONSULTATION POST URGENCE
RESUME