La transmission du patrimoine aux enfants

La transmission du patrimoine aux enfants 

L’objet de ce mémoire porte sur la transmission du patrimoine aux enfants. Ce champ d’études se situe au croisement de mon intérêt pour deux domaines anthropologiques : l’anthropologie de l’éducation et celle du patrimoine.

Dans un premier temps, j’ai développé des connaissances autour de l’anthropologie de l’éducation lors de mon mémoire réalisé en Master 1. Ce dernier m’a permis de discuter des questions concernant la transmission, au sein de divers contextes d’apprentissage, développées par les anthropologues de l’éducation, de l’apprentissage et de la transmission. En effet, de manière générale l’anthropologie de l’éducation montre qu’il est important de prendre en compte le contexte culturel global dans lequel prend place le processus de transmission, et d’étudier tous les acteurs qui composent la relation d’apprentissage. Elle ajoute qu’il est primordial de saisir les interactions entre enfants puisque ces dernières participent également au processus de transmission. Ainsi, dans les travaux les plus récents en anthropologie de l’éducation, l’enfant n’est plus considéré comme un récepteur passif des savoirs et des éléments culturels transmis mais comme un participant actif du processus de transmission. Ces conclusions tirées à la fin de ce premier mémoire ont alors orienté mon questionnement dans le cadre de ce deuxième mémoire puisqu’il s’est agi de se demander comment se jouent les relations d’apprentissage inter et intragénérationnelles dans, cette fois-ci, la transmission du patrimoine à la fois en contexte muséal mais aussi festif.

Mon terrain s’étant déroulé à la fois au sein du musée de Rumilly – où j’étais en stage – et dans les fêtes de cette même ville – ma réflexion a aussi été complétée par les notions développées dans l’anthropologie du patrimoine et que j’ai pu appréhender au sein de ces deux contextes. La notion de patrimoine est importante dans cette étude puisqu’elle qualifie des biens culturels transmis d’une génération à l’autre. Mais surtout, l’enfant incarne au sein de cette notion, un élément central. Il est souvent considéré comme appartenant à « une boucle temporelle qui projette le passé dans le futur puisqu’elle évoque à la fois notre plus ancienne expérience individuelle du passé et une promesse d’avenir » [Voisenat, 2017].

Contexte de la recherche

Mon terrain de recherche s’est déroulé à Rumilly en Haute-Savoie où j’ai réalisé un stage au sein du musée Notre Histoire de septembre à novembre. Tout d’abord, il est important de revenir rapidement sur le contexte social et démographique de Rumilly puisque la ville a connu des changements sociaux et démographiques souvent évoqués par ses habitants.

L’emplacement géographique de Rumilly, notamment sa proximité avec la Suisse, joue un rôle important dans l’évolution de la ville. En effet, comme le fait remarquer la dernière étude de l’INSEE, « le dynamisme économique de la Suisse joue sans doute en faveur d’une hausse de la population côté français. La Suisse est la première destination des travailleurs frontaliers en provenance de la France métropolitaine » . Située entre Chambéry et Annecy et sur l’axe autoroutier en direction de Genève, Rumilly connait depuis les dernières décennies une expansion constante de sa population. En 40 ans, sa population a doublé pour atteindre presque 15.000 habitants et de nouveaux quartiers ont vu le jour. Étant donné sa proximité avec Annecy et Genève et la forte pression immobilière autour de ces deux villes, de nombreux individus s’installent désormais à Rumilly. Ces néo-résidants s’ajoutent ainsi aux « rumilliens » qui ont toujours, ou presque, vécu à Rumilly et aux populations issues de l’immigration. Les catégories socioprofessionnelles sont également variées puisque Rumilly attire à la fois de plus en plus de cadres, est le lieu de résidence des employés des grandes villes alentour, a conservé des exploitations agricoles et possèdent des industries. Le groupe Seb (Tefal), Vully et Nestlé y emploient effectivement de nombreux ouvriers (il représente 20.7% de la population active). La ville de Rumilly est ainsi composée d’un large spectre sociologique .

En outre, il est intéressant de voir que la population enfantine est importante à Rumilly. Selon L’INSEE, la catégorie des 0-14 ans représentait 20,5% de la population totale de Rumilly. Elle est, avec les 30-40 ans (20.5%), la catégorie de population la plus importante de Rumilly. De plus, les familles avec enfants représentent 39.1 % des ménages rumilliens . Aussi, les enfants rumilliens peuvent être socialisés dans différents types de famille. Si l’on regarde les ménages selon la catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence en 2015, la catégorie agriculteur représente 0.3% des ménages ; celle des artisans, commerçants et chefs d’entreprise 4.6 % ; des cadres et professions intellectuelles supérieurs 7.9 % ; des professions intermédiaires 17.4 % ; Employés 11.1 % ; Ouvrier 25.3 % et des personnes sans activités professionnelles 3.6 %.

En outre, la ville s’est aussi étendue et de nouveaux quartiers sont nés et sont en cours de construction, donnant un nouvel aspect à la ville avec un centre ancien moins actif et des quartiers plus éloignés avec de nouvelles commodités. S’ajoute à cela la morphologie particulière de la ville qui sépare physiquement ces deux pôles : le centre historique est situé au creux de deux collines tandis que les nouveaux quartiers sont situés sur les hauteurs de la ville. De surcroit, cette forte croissance démographique et l’accroissement de la surface urbaine sont au cœur des politiques municipales contemporaines. On peut d’ailleurs lire sur le site de la Mairie de Rumilly: « Au fil du temps, les limites du centre-ville se sont déplacées plus au sud de la commune autour de la place d’armes, voire de la place de la Manufacture. Il s’agit de savoir où se situe le centre aujourd’hui et où il devra se développer demain» . La problématique de la ville réside alors dans le fait de vouloir conserver et concilier l’identité rurale et villageoise d’autrefois à une nouvelle conception de Rumilly en tant que ville. L’équipe municipale tente d’ailleurs par le biais des fêtes et de son musée de joindre les différentes facettes de la ville.

Le musée Notre Histoire joue un rôle important dans la (re)définition de Rumilly. Il s’est au départ construit sur le format de l’écomusée. Fondé en 1991, il est le fruit du travail de l’Association des amis du vieux Rumilly et porte à ce moment-là le nom de Musée de l’Albanais, en référence au territoire des communes de l’Albanais. L’objectif était d’y illustrer l’histoire et la géographie de Rumilly, et les liens entre la communauté et les diverses techniques agricoles et artisanales du XXe siècle. À partir de 2013, il devient un « vrai » musée en obtenant le label « Musée de France». Dès lors, il s’apparente à un musée de société dont l’objectif est de montrer « l’ensemble des expressions culturelles […] dont ils offrent une lecture à leurs publics» [Poulot, 2009 : 178]. Le musée aborde alors principalement l’histoire de la ville et de son territoire. Ses collections, composées de gravures, de tableaux, de sculptures, d’objets d’artisanat et de l’industrie sont présentées dans l’objectif de comprendre Rumilly et ses évolutions au fil des siècles. Lors de sa reprise par la mairie en 2013, le musée est placé dans l’une des ailes de l’ancienne manufacture de tabac de la ville qui a été rénovée pour l’occasion. Cet espace est historiquement un lieu important pour la ville. En effet, construit en 1862 à la suite de l’Annexion de la Savoie à la France, l’industrie du tabac participa à l’essor économique de Rumilly et resta en fonction jusqu’en 1970.

Aujourd’hui, deux personnes travaillent au musée : Mathilde est chargée de la médiation culturelle et du pôle pédagogique tandis que Clémence s’occupe de la gestion générale du musée et des expositions. Il a ainsi une place centrale dans ce qui est dit de Rumilly et dans la construction d’un patrimoine rumillien. Enfin, mon enquête ethnographique s’est également déroulée au sein de plusieurs fêtes rumilliennes. Ces différentes fêtes, que j’expliquerai plus en détail dans le second chapitre de ce mémoire, sont : la fête patronale, la Balouria et le Carnaval. Ces trois fêtes induisent, dans leur déroulement et leur mise en œuvre, un rapport différent à la notion de patrimoine pour les individus qui y participent. Elles participent aussi à la constitution d’un patrimoine local et d’un discours sur celui-ci. La fête patronale de la ville de Rumilly est célébrée annuellement le second weekend de septembre. La fête débute, place des Anciennes casernes, par l’inauguration de la fête foraine la semaine précédente. Intimement liée aux sapeurs-pompiers de Rumilly, cette fête célèbre lors de ces quelques jours les pompiers et les associations locales. Parmi les diverses animations, on compte une constante aux fils des années : la retraite aux flambeaux des sapeurs-pompiers et le défilé des associations. Malgré qu’elle soit la fête la plus ancienne de la ville, elle n’est généralement pas considérée comme « patrimoniale » par ses habitants.

La Balouria a lieu, quant à elle, chaque année le premier weekend d’octobre. Fondée en 1976 par l’association Les Patoisants de l’Albanais, cette fête célèbre les savoir-faire et techniques des sociétés rurales savoyardes du XXe siècle. Les membres de l’association revêtent à cette occasion le costume traditionnel savoyard et proposent des animations liées aux anciens métiers. Cette fête affiche distinctement une volonté de transmission d’un certain patrimoine et ses participants la perçoivent plus clairement comme patrimoniale.

Enfin, le Carnaval de Rumilly, dans sa version actuelle, a été fondé en 1984. Depuis, il a lieu chaque année à la mi-mars. Ce carnaval est centré autour d’un défilé récréatif et festif. Le cortège suit un itinéraire défini dans les rues et sur les places de la ville. Il est constitué de groupes de musique et de bandas qui accompagnent et rythment l’avancée des chars élaborés par les associations locales. Le défilé se termine avec la crémation de « Monsieur Carnaval ». Le défilé est aussi accompagné du public qui peut, ou non, être déguisé. À la suite de la crémation de Monsieur Carnaval le public et les participants au défilé peuvent profiter de diverses animations et participer au concours de déguisement. C’est une fête davantage évènementielle liée aux loisirs et qui, en apparence, ne paraît pas établir de lien avec le patrimoine.

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Table des matières

Introduction
1. La transmission du patrimoine aux enfants
2. Contexte de la recherche
3. Méthodologie et réflexivité
4. Cadre conceptuel
5. Problématique et hypothèses de recherche
6. Plan
Chapitre 1 – Le musée : l’école du patrimoine
1.1 L’offre pédagogique du musée de Rumilly : brochures et exposition permanente
1.1.1 Les activités proposées par le musée : packs, ateliers ou visites « à la carte »
1.1.2 De la maternelle au collège : observation, description et analyse
1.1.3 L’exposition permanente
1.2 « Le temps de la visite » : l’importance du lien médiatrice – objet – enfant
1.2.1 La sortie au musée : nouvelles situations d’apprentissage
1.2.2 Entre jeu et éducation : l’observation comme processus d’apprentissage
1.2.3 Objets et valeurs patrimoniales
1.3 La réception des savoirs par les enfants
1.3.1 L’investissement sensible dans la connaissance
1.3.2 Une appropriation active du discours adulte
1.3.3 Une culture muséale enfantine ?
Chapitre 2 – Air de fête et parfum d’enfance
2.1 La place des enfants dans le cycle festif de Rumilly
2.1.1 Le carnaval rumillien, une fête pour les enfants ?
2.1.2 La fête patronale : les enfants à l’honneur
2.1.3 La Balouria, fête patrimoniale
2.2 L’enfance « postmoderne » : quelles figures de l’enfance dans les fêtes rumilliennes ?
2.2.1 L’enfance du divertissement
2.2.2 L’enfance guidée : le « savoir fête » rumillien
2.2.3 L’enfant comme passeur de bonheur
2.3 Transmettre et établir une relation à la communauté par la fête
2.3.1 L’esprit du lieu : entre ruralité et urbanité à Rumilly
2.3.2 Sensibilités et émotions : ressentir sa ville
2.3.3 Peut-on faire l’apprentissage d’émotions patrimoniales ?
Chapitre 3 – L’apprentissage du patrimoine
3.1 Essai d’une typologie des éléments d’apprentissage au patrimoine
3.1.1 Les objets historiques sources ou originaux
3.1.2 Les objets communs ou secondaires
3.1.3 Les objets didactisés produits par un médiateur
3.2 Enfants et apprentissages au patrimoine : sujet, acteur ou objet ?
3.2.1 Entre injonctions, apprentissages et autonomie face au patrimoine dans le musée
3.2.2 … et dans les fêtes
3.2.3 Des enfants « connectés » au patrimoine ?
3.3 L’ethnographie dans l’éducation au patrimoine
3.3.1 Ethnographie et professionnels de médiation
3.3.2 Proposition d’activité pour les enfants : faire faire de l’ethnographie aux enfants lors d’une visite ?
Conclusion

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