La transition G2 mitose

La transition G2 mitose 

Historique : Concept de cycle cellulaire

Les premières observations de la division cellulaire datent d’un siècle et demi. En 1826, Virchow proposa son célèbre postulat « omni cellula e cellula » signifiant que toute cellule naît de la fission d’une cellule préexistante. Ce n’est qu’en 1953 que le concept de « cycle » cellulaire fut proposé par Howard et Pelc. En faisant croitre, des racines de germes de Vicia faba en présence de l’isotope P32 , ils marquèrent l’ADN nouvellement synthétisé, révélé par autoradiographie1,2 . Ils montrèrent que l’isotope était incorporé dans l’ADN uniquement durant une période de 6h qu’ils nommèrent phase de synthèse (phase S). Par ailleurs, ils observèrent que cette phase était comprise entre deux phases de délai : une première phase d’une durée de 12h entre la division cellulaire et la réabsorption de l’isotope dans un nouvel ADN synthétisé ; et une seconde phase d’une durée de 8h entre la fin de l’incorporation de l’isotope et la division cellulaire. Ainsi, Howard et Pelc furent les premiers à proposer un découpage du cycle cellulaire en quatre phases avec : une phase de synthèse de l’ADN, qu’ils nommèrent phase S, et une phase de division des cellules ou mitose, comprise entre deux périodes de délai : une phase pré-S appelée la phase G1 et une phase pré-mitotique appelée la phase G2 1,2 (figure1). Depuis, le concept de cycle cellulaire a fait l’objet de très nombreuses études, et l’utilisation de nombreux modèles tels que les levures, les embryons d’oursins, les ovocytes d’étoiles de mer et d’amphibiens, la mouche, le nématode, ou les cellules de mammifères en culture ont permis l’établissement d’un modèle général de contrôle du cycle cellulaire.

La phase G2 et ses rôles

Une exigence majeure de la prolifération cellulaire est le maintien de l’intégrité de l’information génétique, essentiel pour l’identité, la survie et/ou le devenir des cellules filles. Contrairement aux cellules embryonnaires précoces, les cellules somatiques effectuent une phase G2 intermédiaire préparant au processus de division cellulaire. Des travaux récents mettent en évidence que la durée de la phase G2 est relativement constante au cours des cycles cellulaires successifs pour un type cellulaire donné 3 . L’importance de la phase G2 pour le maintien de l’information génétique et/ou épigénétique ainsi que les mécanismes moléculaires contrôlant sa progression, restent très mal caractérisés. Plusieurs rôles ont été proposés :

Accumulation de protéines nécessaires pour initier l’entrée en mitose

La phase G2 est une phase au cours de laquelle de nombreuses protéines sont synthétisées, permettant à la cellule de se préparer au processus de division cellulaire. En effet, l’accumulation de différents régulateurs essentiels pour l’entrée et la progression en mitose tels que Cycline B, Plk1, Aurora-A et Cdc25B, mais également des éléments essentiels pour l’assemblage des kinétochores en prophase et la ségrégation des chromosomes en mitose tels que CEMP-F et Aurora-B, est initiée au cours de la transition S/G24,5 . L’accumulation de tels régulateurs est corrélée à l’expression des gènes et la détection des ARNm correspondant spécifiquement au cours de la phase G26,7 . L’expression de ces gènes est non seulement sous le contrôle d’éléments de régulation internes à leurs promoteurs tel que les éléments CDE/CHR (Cell cycle Dependent Element/ Cell cycle genes Homology Region)8–10 , mais également de facteurs de transcription tels que FoxM1 (Forkhead box protein M1), NF-Y (Nuclear transcription factor Y), B-Myb-E2F, E2F4 et CDF-1 5,9,10 . Alors que les éléments CDE/CHR, CDF-1, E2F4 régulent négativement la transcription en phase G1, les éléments FOXM1, B-Myb-E2F, NF-Y  l’activent de spécifiquement en phase G2. Suite à son expression en phase G2, la kinase Polo like kinase 1 (Plk1) participe à l’activation de l’expression de son propre gène en stimulant l’activité du facteur de transcription FoxM111 . Cependant, la stimulation de l’activité de FoxM1 par Plk1 requiert un événement d’amorçage dépendant de la pré-phosphorylation par une Cdk12,13 . Dans ce cadre, il a été montré que FoxM1 est également régulé par une activité Cycline A2-Cdk qui augmente au cours de la transition S/G2 suggérant ainsi que Cycline A2-Cdk1/2 et Plk1 pourraient collaborer pour activer FoxM1 .

Terminaison du processus de réplication de l’ADN

Sous certaines conditions, la phase G2 pourrait permettre de terminer la réplication de certaines régions du génome notamment lors d’un stress réplicatif conduisant à un ralentissement de la machinerie de réplication. En accord avec cette hypothèse, il a été mis en évidence que la machinerie de réplication est toujours compétente en phase G2, dans des cellules possédant un ou plusieurs micronoyaux 15 . Cette réplication tardive, principalement prise en charge par la polymérase Pol , est exacerbée dans des conditions de stress réplicatif (traitement des cellules avec l’aphidicoline un inhibiteur des polymérases) 15,16 . Parmi les régions du génome dont la réplication pourrait se poursuivre en phase G2 figurent les sites fragiles communs, les régions centromériques et téléomériques, qui sont caractérisées par un faible nombre d’origines de réplication actives 17 . Par ailleurs, de nombreuses études ont mis en évidence que ces régions possèdent des expansions de répétitions de nucléotides (minisatellites riches en AT, tri-nucléotides CGG) qui ont la capacité d’adopter des structures secondaires bloquant la progression des fourches de réplication et pouvant ainsi favoriser l’apparition de cassures de l’ADN 18–21 . En accord, Le Beau et collaborateurs furent les premiers à proposer la possibilité d’une réplication tardive en phase G2, en travaillant sur le site fragile FRA3B22 . Leurs travaux ont permis de proposer que certaines cellules pouvaient entrer en phase G2 (immunomarquage Cycline B) sans avoir achevées leur réplication notamment au niveau du site fragile étudié (FISH + marquage BrdU) 22 . Néanmoins, jusqu’à présent cette réplication tardive a été essentiellement mise en évidence soit en conditions de  stress réplicatif soit au sein de cellules tumorales, ainsi il reste à déterminer si c’est effectivement le cas dans des conditions non perturbées et au sein de cellules non transformées.

Mise en place de marques épigénétiques et identité cellulaire 

De multiples modifications épigénétiques ont été décrites en phase G2 telles que la méthylation, la déacétylation ou la phosphorylation d’histones, qui pourraient être important pour le maintien de l’intégrité génétique 23-31 23,24 . Par exemple, Monier et collègues ont montré que la triméthylation de l’histone H3, initié en phase G2, favorise le recrutement de la kinase Aurora-B au niveau des régions centromériques et péri-centromériques24 . Dans ces conditions, Aurora-B peut alors phosphoryler l’histone H3 sur le résidu Ser10 conduisant à la dissociation du facteur de remodelage de la chromatine Heterochromatin Protein 1 (HP1) .

Une perturbation de ces marques épigénétiques peut conduire à un changement de la topologie de la chromatine, de manière globale ou locale (notamment au niveau des régions centromériques et péri-centromériques), avant l’entrée en mitose 24–26. En accord, Heit et collaborateurs ont mis en évidence que l’inhibition de la trimethylation de la chromatine au niveau de H3K9 et H4K20, en phase G2 par traitement AdOx, affecte la topologie de l’hétérochromatine péri-centromérique conduisant à l’activation des mécanismes de surveillance en mitose (Spindle Assembly Checkpoint) 23,24. De manière intéressante, l’inhibition de ces marques épigénétiques peut également conduire, de manière transitoire, à un ralentissement de la progression G2-mitose via l’activation d’un « antéphase checkpoint » dépendant de l’activation des protéine p38 et chfr 27–29. D’autres expériences de perturbations de ces marques épigénétiques mettent également en évidence une ségrégation incorrecte des chromosomes en mitose, suggérant que celles-ci pourraient être requises pour la topologie de la chromatine centromérique/ou l’assemblage des kinétochores 30,31 . Enfin une autre  possibilité serait que l’inhibition de ces modifications épigénétiques en G2 pourrait perturber l’identité de la descendance cellulaire, mais cette dernière proposition reste à être explorer.

L’entrée en mitose 

Le MPF, un facteur universel conduisant à l’entrée en mitose 

C’est dans les années 1960-1970 que fut découvert le facteur universel permettant l’entrée des cellules en mitose. Ce sont les travaux de Masui et collaborateurs réalisés à partir d’ovocytes d’amphibiens Rana pipiens qui furent les plus marquants32 . En effet, leurs expériences ont permis, pour la première fois, l’identification d’un facteur cytoplasmique responsable de la rupture de l’enveloppe nucléaire et l’émission du premier globule polaire (maturation méiotique) d’un ovocyte arrêté en prophase de première division de méiose (assimilé à la phase G2)32 (figure 4). Ce facteur provenant d’un ovocyte bloqué en métaphase de deuxième division fut alors nommé Maturation Promoting Factor (ou MPF). Par la suite, d’autres travaux ont mis en évidence que ce facteur était aussi bien requis pour l’entrée en méiose qu’en mitose, il fut donc renommé « M-phase/Mitosis Promoting Factor » 33 . A la même époque, le MPF fut isolé et caractérisé dans les cellules humaines 6 , des ovocytes de Xénope 34 et de Drosophile 35 démontrant ainsi son universalité pour le contrôle de la transition G2/M.

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Table des matières

Introduction
Partie I: La transition G2 mitose
A. Historique : Concept de cycle cellulaire
B. La phase G2 et ses rôles
1) Accumulation de protéines nécessaires pour initier l’entrée en mitose
2) Terminaison du processus de réplication de l’ADN
3) Mise en place de marques épigénétiques et identité cellulaire
C. L’entrée en mitose
1) Le MPF, un facteur universel conduisant à l’entrée en mitose
2) Régulation de l’activité du complexe Cycline B1-Cdk1
a) Régulation de la quantité de Cycline B
Régulation transcriptionnelle
Dégradation protéique
b) Régulation de l’activité de Cdk1 par phosphorylation déphosphorylation
Phosphorylation Thr161 activatrice
Phosphorylation inhibitrice des résidus Thr14 et la Tyr15
Déphosphorylation activatrice des résidus Thr14 et la Tyr15
c) Distribution subcellulaires de Cycline B1-Cdk1 et ses régulateurs direct
3) Cinétique d’activation du complexe Cycline B1-Cdk1 au cours de la progression G2-Mitose
4) Mécanismes de régulation en amont du complexe Cycline B1-Cdk1
a) Régulation de l’activité des phosphatases Cdc25A, B& C
Cdc25A
Cdc25B
Cdc25C
b) Régulation de l’activité de la kinase Wee1
c) Cycline A2-Cdk un activateur de l’entrée en mitose
Partie II : Polo-like kinase 1 un régulateur potentiel de l’entrée en mitose
A. La famille des Polo-like kinases
1) Découverte de la kinase Polo
2) Une famille conservée au cours de l’évolution
B. Polo-like kinase 1 : organisation structurelle
1) Le domaine catalytique
2) Le Polo-box domain ou PBD
C. Mécanismes de régulation spatio-temporelle de l’activité de Plk1
1) Régulation spatio-temporelle
a) Localisation subcellulaire de Plk1
b) Régulation de la localisation par l’interaction de Plk1 avec ses substrats
c) Trois résidus W414, H538 et K540, indispensable pour l’interaction de Plk1 avec ses substrats
d) Une séquence NLS contribue à la régulation de la localisation de Plk1
2) Régulation du niveau protéique au cours du cycle cellulaire
a) Régulation transcriptionnelle
b) Régulation de la stabilité protéique
3) Régulation de l’activité enzymatique
a) Régulation de l’activité catalytique via le PDB
b) Activation de Plk1 par phosphorylation de la boucle d’activation
c) Les phosphatases opposées à l’activité Plk1
4) Cinétique d’activation de Plk1
D. Polo-like kinase 1 : activateur de l’entrée en mitose ?
1) Cas chez le modèle d’étude Xenopus laevis
2) Cas chez le modèle d’étude levure S.pombe et S.cerevisiae
3) Cas chez le modèle d’étude de souris
4) Cas chez le modèle d’étude de lignées de cellules de mammifères
a) Importance au cours d’un cycle non perturbé ?
b) Plk1 nécessaire au redémarrage du cycle après un arrêt en phase G2
E. Polo-like kinase1 : une cible thérapeutique majeure
Résultats
Partie I : Méthode de développement de biosenseurs FRET pour l’analyse spatio-temporelle de variations d’activités kinase.
Revue 1 : Spatiotemporal Investigation of Phosphorylation Events During Cell Cycle Progression.
Partie II : Développement d’un biosenseur FRET spécifique pour l’étude des variations d’activité des kinases Aurora-A et Plk1 au cours de la transition G2/mitose
A. Développement et évaluation d’un biosenseur FRET de la kinase Aurora-A
B. Test de la spécificité des constructions pour l’activité Aurora-A
C. Étude de la cinétique d’activation d’Aurora-A au cours de la progression G2-mitose
Partie III : L’activation de Plk1 en fin de phase G2 déclenche l’entrée des cellules en mitose
Article : Plk1 activation in late G2 sets up commitment to mitosis
Discussion
A. L’inhibition de l’activité de Plk1 conduit à un arrêt des cellules en mitose
1) Étude de l’importance de Plk1 dans le contrôle de l’entrée en mitose des cellules cancéreuses HeLa et non transformées hTERT RPE1
2) Étude de l’effet de l’inhibition de Plk1 à long terme
B. Suivi de l’activité de Plk1 au cours de la progression G2-mitose
C. Les mécanismes moléculaires par lesquelles Plk1 contrôle l’entrée en mitose
D. Cycline A2-Cdk, un candidat pour coordonner la réplication du génome et l’entrée en mitose via la régulation de l’activité de Plk1
Conclusion
Annexe
Bibliographie

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