La transformation du paysage, la croissance démographique et la mutation économique

Depuis 1975, le phénomène d’urbanisation a connu une expansion rapide à Madagascar. En 1950, la population urbaine à Madagascar ne compte que 7,8% . Le recensement de 1975 a fourni un taux d’urbanisation de 13%, ce taux a atteint 19% en 1984 et 31 % en 2000. Selon les projections officielles, près de la moitié de la population malgache vivra dans les villes en 2024 . Ainsi, l’étude de l’extension de la ville d’Antananarivo suscite la curiosité de beaucoup de chercheurs car cette capitale de Madagascar a depuis longtemps débordé de son site et a donné actuellement naissance à une grande agglomération qui s’étend de la Commune de Soalandy et Andoharanofotsy au sud à Ambohimanga Rova au nord, et d’Ambohitrimanjaka à l’ouest à Ambohimangakely à l’est.

En 1985, Joselyne Ramamonjisoa a déjà évoqué le concept de Grand Antananarivo dans son ouvrage sur le Développement urbain d’Antananarivo. Elle a mis en relief la nuance entre la CUA, dite « site interne » et les districts périphériques dits « site externe ». Le site externe regroupe cinq zones bien distinctes autour du site interne : la Zone NordOuest suivant la RN4, la Zone Ouest suivant la RN1, la Zone Sud suivant la RN7, la Zone Est suivant la RN2 et la Zone Nord suivant la RN3 (cf. carte n°01, page 1bis). Cette ouvrage a mis l’accent sur la différence entre l’aménagement des deux sites ainsi que les limites entre ces deux entités car le site interne et externe forment un ensemble géographique, mais séparés soit par des plaines, soit par un important relief accentuant ainsi la difficulté d’organisation et de gestion de l’espace.

LA TRANSFORMATION DU PAYSAGE, LA CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE ET LA MUTATION SOCIO-ECONOMIQUE DE LA COMMUNE 

Une ville est une unité démographique . Mais une localité ne peut être qualifiée d’urbaine ou rurale qu’en fonction des formes de vie économique et sociale. En outre, la démographie et la structure socio-économique sont en étroite relation avec le cadre physique vu que le milieu naturel détermine l’importance de l’installation humaine qui constituera une main d’œuvre, consommateurs des biens et de service ainsi que d’agent d’aménagement. Avant d’examiner l’aspect économique de la région étudiée, il nous est nécessaire de procéder à l’étude du milieu physique, puis de la démographie de cette zone.

UNE MODIFICATION DU PAYSAGE ET UNE POPULATION A CROISSANCE CONTINUELLE 

Le milieu physique est le plus affecté par l’urbanisation avec la transformation et l’extension des infrastructures physiques de la zone d’étude. Or, la mise en place des infrastructures physiques est commandée par les besoins de la population. On assiste donc généralement à une évolution parallèle entre le paysage et le nombre de la population.

La Modification du paysage
D’une façon générale, l’urbanisation des zones rurales dépend de sa situation par rapport aux autres centres urbains, de son environnement naturel ainsi que de son histoire.

Genèse de la zone d’étude
Le relief influe sur l’installation humaine, surtout durant le temps des royaumes, car la forme de relief détermine la sécurité, la facilité de l’aménagement et surtout, pour une population agricole, l’existence et le développement économique. C’est en fonction de son environnement géographique qu’une localité peut se développer car une localité naît, se développe ou meurt .

Ankadikely dans son environnement naturel

Pour la Commune d’Ankadikely, c’est dans sa partie orientale qu’elle a pris naissance, durant l’époque des royaumes afin d’assurer la sécurité même si cette partie ne permet pas le développement des activités agricoles. Concernant le relief, on peut distinguer quelques formes, qui ont une influence sur l’implantation humaine. Dans la partie occidentale de la Commune, le paysage est dominé par le prolongement de Laniera. Donc on a une étendue de plaine Antanandrano, Ambohipanja et de Belanitra) couvrant une surface de 450ha. La partie orientale, pour sa part est composée de successions de collines (dont Ilafy, Ambohimailala, Ambohibe). Ce relief plus ou moins accidenté laisse peu de place à un aménagement agricole. La partie centrale constitue une zone intermédiaire entre ces deux milieux (Voir photos n°1 et 2, p.6 bis et 06 ter). Sur le plan pédologique, elle se trouve sur le socle ancien des Hautes Terres Centrales. Situé sur le socle cristallin de l’Imerina, le paysage est formé de sol ferralitique rajeuni . C’est sol de type argiles ferralitiques qui présentent une évolution moins poussée vers la latéritisation. C’est un sol de couleur jaune sur rouge .

La création d’Ilafy et son évolution au temps des Royaumes

Comme cette localité est née pendant l’époque royale, son site originel se trouve dans la zone collinaire du côté est de la commune. Vers le XVè S, la Colline d’Ambohitrakanga se trouvant à 1400 m d’altitude (voir carte n°04, p.08 bis) a été choisie par des groupes humains pour bâtir un petit Etat-royaume. Cette colline constitue une liaison entre les autres collines royales de l’Imerina, surtout celle d’Ambohimanga et d’Antananarivo. Au XVIIIè S, l’Imerina connaît une période de paix. Mais l’ascension d’ANDRIAMBELOMASINA va entraîner une nouvelle période de lutte. Ce roi a agrandi le royaume de tous les côtés mais il a divisé l’Imerina en quatre territoires administrés chacun par ses fils : Avaradrano au nord et à l’est, Marovatana à l’ouest, Ambodirano au sud ouest et Vakinisisaony au sud. Cette politique d’Andriambelomasina devient par la suite source de discorde, les bourgeois des petits royaumes entrent en lutte. Seul Ambohimanga connaît un développement. En 1770, Andriambelomasina meurt et laisse le trône à Andrianjafy à condition que ce dernier choisisse Ramboasalama comme successeur (futur Andrianampoinimerina) A cette époque, les marchands Hova commencent à s’enrichir mais les guerres continuelles entravent le développement du Commerce. Alors, ces Hova souhaitent l’unification de l’Imerina. De son côté, Andrianjafy projette d’éliminer le jeune Ramboasalama. Face à ce projet d’Andrianjafy et dans le but d’obtenir de nouvelles franchises, les Hova Tsimahafotsy et Mandiavato destituent Andrianjafy. Ce dernier est transféré à Ilafy où il continue son règne.

Toponymie des lieux

Vers le XVè S, la colline couverte de bois d’Ambohitrakanga est habitée. Ce petit royaume d’Ambohitrakanga constitue un lieu d’escale entre Ambohimanga et les autres collines. En 1675, Andriamasinavalona a installé ses proches familles à Ambohitrakanga. Ainsi, le nom de cette colline royale devient Ilafikavanandriana (qui signifie littéralement « où il y a les familles du roi »), devenu par la suite Ilafy (abréviation d’Ilafikavanandriana) .

Au temps d’Andrianampoinimerina, une stratégie d’élargir le royaume hors de l’Imerina est mise en place. En outre des dispositifs de sécurités sont entrepris. Ainsi, Ankadikely est devenu un lieu de formation des guerriers du Roi. En plus, c’est un village servant de protection contre d’éventuelles invasions. Etant une zone de sécurité, on a construit des fossés (actuellement disparus et bâties) dans cette localité : d’où le nom d’Ankadikely (littéralement petit fossé ou petit ravin) . Au début, Ilafy était le chef lieu de canton de cette zone même durant la Colonisation avec le système de Canton (Le Canton d’Ilafy). Mais avec l’abandon du système de canton vers 1964, Ankadikely est devenu chef lieu de la Commune à cause de son accessibilité facile grâce à l’existence de la route reliant Ambohimanga et Antananarivo (actuelle RN3). Actuellement, on a tendance à unir ces deux noms : Ankadikely Ilafy.

Extension et modification des infrastructures physiques 

Une localité est toujours appelée à se développer tant sur le plan structurel que sur le plan physique. C’est le cas de la Commune d’Ankadikely qui – au fil des temps- s’est modifiée depuis sa naissance à nos jours. Au fur et à mesure de la croissance, l’évolution des infrastructures de la zone s’est faite dans un double sens : une densification et un durcissement. Ainsi nous allons parler successivement des différentes formes de cette modification sur le plan physique.

Extension et modernisation des constructions

L’importance de la surface bâtie s’est évoluée avec le temps. Si Ilafy n’est constitué au début que par quelques hameaux de maison traditionnel, les constructions couvrent actuellement une grande partie de la commune. On assiste donc à une densification des constructions et à une transformation du mode de construction. La croissance de la population a entraîné une évolution du cadre naturel de la commune d’Ankadikely. Cette transformation se manifeste d’abord par l’élargissement des surfaces bâties.

Une extension des surfaces bâties
Cette extension est due au fait que la région offre un espace plus ou moins disponible pour le surplus de la population tananarivienne : des citadins voulant s’y installer ou exercer des activités ou encore des ruraux en quête d’une activité hypothétique. Le résultat est que l’utilisation non agricole de l’espace se multiplie considérablement depuis quelques années. Pour la commune d’Ankadikely, cette utilisation non agricole de l’espace se manifeste par la multiplication des constructions souvent à usage mixte (habitation, commerce) et des constructions destinées aux différentes fonctions (école, centre sanitaire, religieux…) voire des usines. Cette extension touche à des degrés différents et à des périodes différentes les divers quartiers de la commune (voir carte n°04, p. 08 bis).

Sur le plan spatial, l’ancien village a débordé de son site originel pour donner naissance à cette localité urbaine d’Ankadikely. La localité est née sur un site collinaire du nom d’Ambohitrakanga vers le XVè S., puis elle s’étend petit à petit suivant la direction ouest (vers l’actuel fokontany d’Ankadikely) au le même siècle. En même temps que le site initial s’étend vers Ankadikely, les villages d’Andranovelona (dans la partie est) et de Belanitra (du côté ouest de la commune) ont vu le jour. Ce fut la première extension d’Ilafy qui s’est faite d’une façon plus ou moins lente. La deuxième phase de l’extension s’est effectuée après l’indépendance, surtout dans les années 70. Cette deuxième phase s’est faite sous deux formes : la première est l’extension du village d’Ilafy et d’Ankadikely vers le sud (Manjaka), vers l’ouest (Ambohipanja) et vers l’est (Antsapandrano) et la seconde forme en parallèle avec la précédente : la croissance de la ville d’Antananarivo vers le nord. Ce qui a densifié les fokontany d’Andrononobe, Antanadrano, Ambohitrarahaba. Enfin, à partir des années 90, la partie orientale de la commune a connu une extension. (Voir carte 04, p.08 bis) .

Par conséquent, les fokontany qui se trouvent de part et d’autre de la RN3 sont les plus touchés par cette multiplication des constructions entraînant actuellement une promiscuité des habitats. La raison en est que ces fokontany sont facilement accessible et se trouvent non loin de la Capitale. Ces fokontany sont Andrononobe, Ambohitrarahaba, Manjaka, Ankadikely ; ils sont actuellement classés comme fokontany à forte densité de la population. Ensuite viennent les fokontany de densité moyenne comme Antanandrano, Belanitra et Ambohipanja. Après la densification des constructions dans la zone centrale, l’extension a ensuite touché les zones encore moins denses mais facilement accessibles. La manifestation de ce phénomène dans la partie orientale de la commune montre l’importance de cette extension des zones bâties. Cette partie est récemment touchée (depuis les années 1990) par ce phénomène et c’est la plus remarquable. Nous avons déjà mentionné la forme de relief dans cette partie de la commune ; ainsi, les nouveaux arrivants ont aménagé les versants des collines pour y construire les habitats qui sont souvent des villas individuelles ou des centres d’attraction et de loisirs. On peut dire donc que les flancs des collines réservés autrefois à la pâturage laissent actuellement la place aux constructions modernes.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: La transformation du paysage, la croissance démographique et la mutation économique
Chapitre I :Une modification du paysage et une population à croissance continuelle
I- La modification du paysage
A- Genèse de la zone d’étude
B- Extension et modification des infrastructures physiques
II- Une population à croissance continuelle
A- Mouvement naturel de la population
B- Le mouvement migratoire et la densité de la population
Chapitre II : Une économie en pleine mutation
I- Evolution de la structure économique
A- Le niveau d’instruction de la population et la population active
B- La part des actifs dans les secteurs d’activités économiques
II- Changement au niveau du budget des ménages
A- Un revenu assez élevé
B- Les dépenses
C- Une population vivant au dessus du seuil de pauvreté et un bilan budgétaire excédentaire
Conclusion de la première partie
DEUXIEME PARTIE: Une mutation se heurtant à des problèmes d’ordre spatial, infrastructurel et socio-économique
Chapitre I : L’aménagement et l’assainissement, des problèmes encore à gérer
I- Des problèmes au niveau de la gestion d’espace
A- Une différence flagrante de l’occupation de l’espace
B- Problèmes au niveau de la construction des habitats
II- L’assainissement, l’eau potable et l’électricité
A- L’évacuation des déchets solides et des eaux
B- Problèmes d’eau potable et d’électricité
Chapitre II : Des problèmes caractéristiques des pays pauvres
I- Les problèmes qui entravent le développement
A- Problèmes sanitaires
B- Insuffisance des infrastructures scolaires
C- L’insécurité urbaine
II- Des problèmes liés à la mutation économique
A- Bouleversement du secteur secondaire et du secteur primaire
B- Manque d’emploi et développement du secteur informel
Conclusion de la deuxième partie
TROISIEME PARTIE: Les mesures prises et les avenirs de la Commune
Chapitre I : Les solutions faces aux problèmes liés à la mutation
I- Création des infrastructures adéquates et amélioration des conditions sociales
A- Les constructions des infrastructures physiques
B- L’organisation de l’économie et mise en place des infrastructures sociales
II- Une nouvelle organisation de l’espace
A- La nouvelle organisation spatiale selon les zones
B- Les organismes participants à cette politique
Chapitre II : Perspective d’avenir de l’urbanisation d’Ankadikely Ilafy
I- L’OPCI / FIFTAMA, une politique d’urbanisation collective
A- La création de la FIFTAMA
B- Un niveau moyen d’urbanisation
II- Ankadikely, la commune rurale la plus peuplée autour de la Capitale
A- Aspect de la croissance depuis 1958 à nos jours
B- La Commune d’Ankadikely, une forte potentialité démographique
Conclusion de la troisième partie
CONCLUSION GENERALE

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