LES MÉTIERS DE LA TRADUCTION ET DE L’INTERPRÉTATION, LES ACTIVITÉS ET LES COMPÉTENCES
Les métiers de la traduction et de l’interprétation
Avant d’entrer dans cette présentation des métiers, nous pensons important d’ouvrir les parenthèses pour effectuer une distinction terminologique entre le terme d’interprétation, que nous utilisons systématiquement dans cette thèse pour désigner le domaine et l’activité de la traduction à l’orale, et le terme d’interprétariat, usuellement utilisé dans le monde francophone pour désigner le même domaine d’activité.
Distinction terminologique entre interprétation et interprétariat
Si ces deux appellations peuvent être considérées comme synonymes sémantiquement, l’usage de l’une ou de l’autre reflète par contre une approche différente de l’activité. En effet, Seleskovitch, fondatrice de l’école de Paris (la théorie du sens), dans la présentation d’un article intitulé Interprétation ou interprétariat ? , a proposé la distinction suivante :
« L’interprétation est pratiquée comme une opération sur ce qui est dit à travers la langue, c’est-à-dire comprendre et expliquer, alors que la conception qui sous-tend l’interprétariat est que pour traduire il suffit d’effectuer une substitution d’une langue à l’autre. » .
Cette distinction constitue le postulat de sa nouvelle théorie sur la traduction, la théorie du sens, celle qui a donné à la traduction et à l’interprétation leur dimension communicative et professionnelle. Comme notre travail de recherche porte sur l’activité de traduction et d’interprétation qui s’inscrit justement dans cette perspective, nous sommes entièrement convaincue de l’utilisation du terme interprétation pour désigner le domaine en général tout comme l’activité en particulier.
Nous revenons maintenant à la typologie des métiers relevant de ce domaine d’activité.
Les métiers de la traduction et de l’interprétation sont exhaustivement répertoriés dans deux ouvrages de Gouadec, publiés tous les deux en 2009, Guide des métiers de la traductionlocalisation et de la communication multilingue et multimédia et Profession Traducteur. Un autre ouvrage d’un auteur vietnamien, Ho Dac-Tuc publié en 2012, Traduction et liberté, nous sert aussi de référence pour explorer les spécificités des métiers relevant du domaine de la traduction et de l’interprétation. Les métiers sont répertoriés dans deux sous-domaines : la traduction et l’interprétation.
Les métiers de la traduction
Commençons avec les métiers de la traduction. En effet, la dénomination «traducteur » recouvre actuellement une grande diversité de fonctions et de modes d’exercice de ces fonctions. À côté des catégories de spécialités traditionnellement recensées comme « traducteur généraliste », « traducteur technique », «traducteur juridique », « traducteur littéraire », etc., les nouvelles appellations désignant les nouveaux métiers de la traduction se multiplient, telles que « traducteur de veille », « localisateur » ou « sous-titreur », dans le souci de cerner au mieux les réalités de terrain et les contenus effectifs des prestations . Comme tout autre prestataire de services, les traducteurs doivent se spécialiser, plus ou moins, tôt ou tard, d’une part parce que les supports et les environnements de travail se spécialisent, et d’autre part, parce que la spécialisation permettra de rentabiliser son activité tout en réduisant la concurrence. Trois types de spécialisation suivants sont repérés par Gouadec (2007) : spécialisation de domaine, spécialisation de type de matériau et spécialisation d’outils. Ces types de spécialisation donnent lieu à des spécialités diverses de la traduction.
Spécialisation de domaine
Il existe un vaste champ de traduction généraliste qui exige des compétences et des savoirs relativement accessibles au commun des praticiens. Les matériaux concernés dans ce cas sont les textes aux contenus généraux ou à orientations spécialisées, mais pas nécessairement pointus. Ce champ de traduction généraliste à orientations spécialisées offre une large part du marché aux praticiens, appelés « omnitraducteurs ». Lorsqu’on s’engage plus à fond dans les spécialités, une ligne de démarcation sépare de manière générale deux grandes catégories : les traducteurs littéraires (et d’édition) et les traducteurs techniques (ou spécialisés). Et chacune de ces deux catégories se ramifie encore plus finement.
Les traducteurs littéraires peuvent se subdiviser en :
– traducteur de romans,
– traducteur de nouvelles,
– traducteur de théâtres,
– traducteur de littérature enfantine, etc.
Quant aux traducteurs techniques ou spécialisés, ils peuvent intervenir dans des champs de spécialité plus étroits et de plus en plus pointus, qui exigent la bonne maîtrise en même temps des langues de traduction, de la connaissance du domaine et des sujets, des techniques de traduction et de l’informatique et des outils standard d’aide à la traduction. Ainsi, des souscatégories se créent :
– traducteur commercial,
– traducteur financier,
– traducteur d’informatique,
– traducteur médical,
– traducteur marketing,
– traducteur juridique,
– traducteur scientifique,
– et ainsi de suite.
Bref, la spécialisation de l’activité du traducteur selon le domaine est indispensable. Lorsque les matériaux de travail présentent un niveau élevé de complexité ou de technicité et que toute approximation ou imperfection de la traduction aurait des conséquences désastreuses, il vaut mieux que le traducteur soit un spécialiste du sujet ou du domaine.
Spécialisation de type de matériau
Le type de matériau peut constituer aussi un facteur de spécialisation. En réalité, il existe des spécialisations qui sont liées aux types de documents ou matériaux traités, avec ou sans convergence de domaines de spécialité. Selon ce mode de spécialisation, on peut trouver sur le marché :
– traducteur de brevets,
– traducteur de contrats,
– traducteur de notices techniques,
– traducteur de catalogues et de nomenclatures,
– traducteur audiovisuel (auteur de sous-titrage et auteur de doublage),
– localisateur (les sous-spécialités sont définies par le produit traité : sites Web, logiciels, jeux vidéo, etc.) .
Spécialisation d’outils
Au-delà des catégories fondées sur les domaines de spécialités et sur le type de matériaux à traiter, la spécialisation se fait également liée à la nature des outils et technologies mis en œuvre dans l’exercice de l’activité de traduction. Par exemple, des spécifications dans l’utilisation de logiciels spécifiques d’aide à la traduction ou de logiciels de traitement graphique complexe. Mais on rentre dans ces cas-là dans des marchés de niches.
Nous venons de passer en revue les critères qui permettent de classifier les spécialités, ou en d’autres termes les métiers dans le domaine de la traduction. Comme le secteur de la traduction évolue continuellement, les spécialités se multiplient. Quelques spécialités sont repérées par les auteurs comme les plus connues, en raison du caractère particulier du domaine et de l’effectif de professionnels qui s’y engagent et parce qu’elles correspondent à des formations spécifiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Le contexte et l’objectif de la recherche
2. Les questions de départ
3. La structure de la thèse
SECTION 1 : LA TRADUCTION ET L’INTERPRÉTATION – QUELS MÉTIERS ET ACTIVITÉS ? QUELLES COMPÉTENCES ? ET QUELLE FORMATION ?
CHAPITRE 1 : LES MÉTIERS DE LA TRADUCTION ET DE L’INTERPRÉTATION, LES ACTIVITÉS ET LES COMPÉTENCES
Introduction
1.1 Les métiers de la traduction et de l’interprétation
1.1.1 Les métiers de la traduction
1.1.2 Les métiers de l’interprétation
1.2 Les activités du rôle propre et les compétences et savoir-faire des métiers de la traduction et de l’interprétation
1.2.1 Traduction et interprétation : trois dimensions de l’activité
1.2.2 Les compétences des métiers de la traduction et de l’interprétation
1.3 Le profil du secteur traduction-interprétation au Vietnam
1.3.1 La diversité des activités relevant de la traduction et de l’interprétation
1.3.2 L’ambiguïté du statut d’une activité professionnelle
1.3.3 Le caractère d’une activité hybride
CHAPITRE 2 : LA FORMATION DE TRADUCTEUR ET D’INTERPRÈTE AU VIETNAM – LE CHEMINEMENT VERS LA PROFESSIONNALISATION
2.1. Un peu d’histoire depuis l’époque indochinoise jusqu’aux CFITs des années 2000
2.2 Les formations en traduction-interprétation dispensées au sein des départements de français au Vietnam
2.2.1 Les formations en langue et culture française intégrant dans le programme les modules d’enseignement de la traduction et de l’interprétation
2.2.2 Les formations en langue française à orientation traduction-interprétation ou à visée professionnalisante aux métiers de traducteurs-interprètes
2.3 Les échanges avec les acteurs du terrain de la formation : méthodologie et outils conceptuels
2.3.1 Méthodologie des entretiens exploratoires
2.3.2 Distinction entre formation professionnelle et formation professionnalisante
2.4 Résultats : les problématiques de la formation en traduction-interprétation perçues par les formateurs
2.4.1 L’évolution du marché de l’emploi francophone et l’exigence de professionnaliser la formation
2.4.2 Les incohérences des offres de formation existantes
2.4.3 Les dispositifs de stage professionnel et ses impensés
SECTION 2 : LE CADRE THÉORIQUE POUR PENSER LES APPRENTISSAGES SITUÉS
CHAPITRE 3 : LA PROFESSIONNALISATION, L’ALTERNANCE ET LES APPRENTISSAGES SITUÉS
3.1 La professionnalisation
3.1.1 L’évolution de la formation, des espaces protégés vers les dispositifs ensembliers
3.1.2 Les objets et enjeux sociaux de la professionnalisation
3.1.3 Les voies de la professionnalisation
3.1.4 La professionnalisation-formation dans les métiers de l’humain
3.1.4.1 Caractéristiques des métiers de l’humain
3.1.4.2 Penser la professionnalisation-formation des métiers de l’humain
3.2 L’alternance et les composantes
3.2.1 L’alternance, un des dénominateurs communs des formations professionnalisantes
3.2.2 L’alternance, les implications didactiques, pédagogiques
3.2.2.1 Nécessité de penser un système d’interface théorie-pratique
3.2.2.2 Les dimensions de l’alternance
3.2.2.3 Les implications didactiques et pédagogiques d’une alternance professionnalisante
3.2.3 L’alternance, quelques aspects organisationnels
3.2.3.1 La conception des dispositifs d’alternance
3.2.3.2 Des tensions constitutives à gérer
3.2.4 L’évolution de la conception de l’alternance en formation
3.3 Les apprentissages en situation de travail pensés dans le cadre de l’alternance
3.3.1 Situation et activité, un couple indissociable
3.3.1.1 La notion de situation
3.3.1.2 La notion d’activité
3.3.2 Sur la notion d’apprentissage
3.3.2.1 Qu’est-ce qu’apprendre ?
3.3.2.2 Apprentissage en formation d’adultes
3.3.3 L’apprentissage en situation de travail institué et organisé par l’alternance
3.3.3.1 Nécessité d’une réflexion didactique sur l’usage de l’expérience en situation de travail
3.3.3.2 Les caractéristiques de l’apprentissage en situation de travail
3.3.3.3 Le concept de curriculum en situation de travail et l’écart entre différents niveaux de curriculum
CHAPITRE 4 : LE TUTORAT ET L’ACCOMPAGNEMENT
4.1 Le tutorat, un dispositif de formation
4.1.1 Quelques généralités
4.1.2 Le tutorat comme dispositif du processus de professionnalisation-formation
4.1.2.1 Deux modèles du tutorat
4.1.2.2 Les acteurs, les enjeux et les activités de tutorat en milieu professionnel
4.1.3 Les conditions d’un tutorat bien assuré
4.1.3.1 Côté tuteur
4.1.3.2 L’engagement du tutoré
4.2 L’accompagnement, une démarche et différentes postures
4.2.1 L’accompagnement, d’une notion ambivalente à une structuration conceptuelle
4.2.1.1 Accompagnement, une notion à définir
4.2.1.2 Vers une structuration conceptuelle de l’accompagnement
4.2.2 Accompagnement, les attitudes et les postures
4.2.2.1 Les différentes attitudes liées à la posture de l’accompagnement
4.2.2.2 Des divergences dans la conception de l’accompagnement liées à l’autonomie de l’accompagné
4.3 Les fonctions d’étayage de Bruner et les interventions tutorales
4.3.1 Bruner et la notion d’étayage
4.3.1.1 Les six fonctions d’étayage
4.3.1.2 Les caractéristiques du processus d’étayage
4.3.2 Les interventions tutorales
4.3.2.1 La typologie d’intervention tutorale
4.3.2.2 Les modalités d’intervention tutorale et les modèles idiosyncrasiques des tuteurs
CHAPITRE 5 : LES CONFIGURATIONS DE LA FONCTION TUTORALE
5.1 Le concept de configuration d’Elias pour prendre en compte la complexité des situations tutorales
5.1.1 Sur le concept de configuration chez Elias
5.1.1.1 Définition du concept par Elias
5.1.1.2 Ce que l’on retient de ce concept dans le champ de la sociologie
5.1.2 La complexité des situations de tutorat
5.1.2.1 Principales caractéristiques du tutorat
5.1.2.2 Apprentissage par tutorat, entre le curriculaire et le non curriculaire
5.2 Vers une intelligibilité de la situation tutorale
5.2.1 Les configurations de la fonction tutorale au niveau local
5.2.1.1 Un modèle diachronique du tutorat
5.2.1.2 L’accompagnement tutoral comme configuration de participation à l’interaction
5.2.2 Les configurations de la fonction tutorale au niveau global
5.2.2.1 Les configurations tutorales comme ressources du tuteur
5.2.2.2 Les configurations de transmission professionnelle
CONCLUSION