La traduction et le cycle cellulaire durant le développement embryonnaire de l’oursin 

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Traductibilité et disponibilité des ARNm

La quantité d’un ARNm dans le cytoplasme est déterminée par son taux de transcription et sa vitesse de dégradation. Cette quantité n’est pas limitante, tout du moins dans les systèmes où la synthèse protéique est faible. C’est par exemple le cas dans l’ovocyte bloqué en prophase 1 chez le xénope. L’ovocyte de xénope en fin de croissance contient un stock important de ribosomes dont seulement 1 à 2 % sont recrutés dans les polysomes (Woodland, 1974). Au cours de la maturation, le nombre des polysomes augmente indiquant qu’un plus grand nombre d’ARNm est traduit (Richter et al., 1982). Ces modifications peuvent avoir pour origine un démasquage des ARNm, une relocalisation rendant les ARNm plus accessibles à la machinerie de traduction ou encore des modifications post-transcriptionnelles comme la polyadénylation.

Démasquage des ARNm 

Les mRNP ou particules ribonucléoprotéiques peuvent masquer les ARNm. Chez le xénope par exemple, ce masquage empêche la traduction des messagers et les stabilise jusqu’à leur démasquage à des moments spécifiques comme la fécondation ou au cours du développement précoce (revue dans Richter, 1988).

Localisation des ARNm 

La distribution des ARNm varie au sein même de la cellule ( revue dans Bashirullah et al., 1998). Dans l’ovocyte de xénope l’ARNm x121 est localisé au niveau du pôle animal (Kloc et al., 1991). D’autres, comme Vg1, sont localisés au niveau de l’hémisphère végétatif (revue dans Melton, 1987). Chez l’oursin, l’ARNm codant pour SpCOUP-TF est localisé dans une région subcorticale de l’œuf, puis au cours du développement embryonnaire, il est localisé de façon restrictive au niveau de l’ectoderme oral (Vlahou et al., 1996). Les messagers peuvent ne pas être traduit s’ils sont localisés à un endroit différent de celui de la machinerie de traduction. Les mécanismes de localisation des ARNm se réalisent par l’intermédiaire d’éléments du cytosquelette qui interagissent avec la région 3’ non traduite (Yisraeli et al., 1990). De manière intéressante, nous verrons au cours du troisième chapitre que la sous unité eIF4E du facteur eIF4F est capable de réguler spécifiquement le transport de l’ARNm codant pour la cycline D1.

Polyadénylation des ARNm

La polyadénylation est la formation de l’extrémité 3′ au cours delaquelle une queue poly(A) est synthétisée en 3′ de l’ARNm. Une augmentation du taux de polyadénylation est souvent corrélée à une augmentation de la synthèse protéique. Ainsi au cours de la maturation ovocytaire et du développement précoce, la polyadénylation est impliquée dans la traduction des ARNm (Richter, 1996; Wickens, 1996). La polyadénylation des ARNm détermine leur association avec les ribosomes (Paris et Philippe, 1990). Les CPE (Cytoplasmic Polyadenylation Element), très conservés au cours de l’évolution (Verrotti et al., 1996), sont composés de deux séquences signal AAUAAA et d’un élément riche en U. Ils sont capables de se lier à des facteurs trans comme les protéines p82 et p58 dont l’une est régulée au cours de la maturation (Paris et al., 1991). Il a été montré que chez le Xénope, la protéine CPEB (Cytoplasmic Polyadénylation Element Binding protein) était elle aussi capable de s’associer aux CPE (Hake et Richter, 1994). CPEB participe ainsi à la régulation de la synthèse protéique au cours de la maturation meïotique de l’ovocyte de Xénope (Cao et Richter, 2002). L’activation de la traduction d’un ARNm nécessite sa polyadénylation effective c’est-à-dire un processus dynamique de polyadénylation plutôt que la simple présence de la queue polyA (McGrew et al., 1989; Simon et al., 1992). Cependant en utilisant une queue polyA de synthèse, il a été démontré que la présence seule d’une longue queue polyA dans l’ARNm endogène codant pour le proto-oncogène c-Mos est suffisante pour stimuler l’accumulation de la protéine c-Mos et provoquer la maturation induite par la progestérone (Barkoff et al., 1998).

Régulation de l’efficacité de traduction

La transcription a longtemps était considérée comme le seul mécanisme de régulation de l’expression des gènes, la traduction des ARNm étant pour sa part considérée comme un mécanisme simple et non régulé. Les recherches de ces dix dernières années ont démontré le contraire (revue dans Gingras et al., 1999b). En effet, ce mécanisme s’avère être hautement régulé, complexe, et constitue une étape primordiale pour la régulation de l’expression des gènes et de la synthèse protéique. La machinerie de la traduction est limitante et certains éléments la composant doivent être modifiés pour déclencher la traduction.

L’initiation de la traduction

Le processus complet de la synthèse protéique comporte 3 phases : l’initiation, l’élongation et la terminaison. Ils existent des exemples de régulation de la traduction au cours de ces trois phases, néanmoins c’est au niveau de l’initiation que la régulation de la traduction est plus importante. Cette observation s’accorde logiquement avec le fait qu’il semble plus efficace de contrôler un mécanisme à son début plutôt que d’en interrompre son cours (Mathews, 1996). L’initiation de la traduction s’impose donc comme une étape fondamentale de la régulation de l’expression des gènes.
On dénombre à ce jour trois mécanismes distincts qui peuvent être complémentaires (Figure 2) :
– L’initiation coiffe-dépendante.
– Le recrutement direct en position interne (Internal Ribosome Entry Site : IRES).
– Le shunt : phénomène au cours duquel les ribosomes reconnaissent la coiffe en 5′ et sont transférés directement au niveau du codon initiateur.
Même si ces trois processus ont une réalité physiologique, la très grande majorité des ARNm eucaryotes sont traduits de manière coiffe-dépendante (revue dans von der Haar et al., 2004). Le recrutement en position interne et le shunt existent mais appartiennent en général à un contexte biologique plus spécifique.

L’initiation coiffe-dépendante

La plupart des ARNm des cellules eucaryotes possèdent à leurs extrémités 5’ une structure particulière m7GpppX (où X est n’importe lequel des nucléotides ; (Shatkin, 1976)) appelée coiffe. Cette coiffe « m 7GTP » facilite la traduction de la plupart des ARNm. Dans des systèmes de traduction in vitro, les ARNm sans coiffe ont une efficacité de production de protéines très inférieure à leurs homologues qui possèdent une coiffe (Both et al., 1975; Muthukrishnan et al., 1975). De plus cette coiffe est également importante pour d’autres processus comme l’épissage ou la stabilité des ARNm (revue dans Varani, 1997).
C’est l’interaction de cette coiffe avec les facteurs d’initiation (Eukaryotic Initiation Factor : eIFs) qui permet le recrutement d’un ARNm et la formation d’un complexe d’initiation comprenant la petite sous unité ribosomique. Ce complexe va ensuite scanner l’ARNm dans le sens 5′, 3′ jusqu’au codon initiation (AUG). Dans ce complexe, l’anticodon de l’ARNt-méthionine initiateur interagit alors avec le codon d’initiation. Cette association spécifie la phase de lecture de l’ARNm et nécessite l’intervention d’au moins 11 facteurs d’initiations ainsi que l’énergie apportée par l’ATP et le GTP (Table 1).

Le recrutement direct en position interne (IRES)

Il existe un mécanisme alternatif à l’initiation coiffe dépendante pour le recrutement des ribosomes sur les ARNm. Ce mécanisme repose sur une interaction directe entre la sous-unité ribosomale 40 S et une structure interne de l’ARNm située après la coiffe m7GTP dans la région 5′ UTR. Cette structure est appelée IRES pour Internal Ribosome Entry Site. Cette séquence a été découverte en premier chez les picornavirus (Jang et al., 1988; Pelletier et Sonenberg, 1988). Ce sont des virus à ARNs qui n’ont pas de coiffe m7GTP en 5′. Ils possèdent sur leurs ARNm une séquence d’environ 450 nucléotides qui offre un accès direct aux ribosomes. Le taux de traduction de la plupart de ces virus est très important même lorsque la machinerie de traduction de la cellule hôte est bloquée (revue dans Belsham et Sonenberg, 1996). Les virus, grâce aux systèmes des IRES peuvent donc assurer la traduction de leurs messagers tout en inhibant celle de la cellule infectée.
La présence des IRES n’est pas restreinte aux ARNm sans coiffe des picornavirus, ainsi l’existence d’IRES a été montrée dans des ARNm cellulaires. Par exemple, les ARNm codant pour le facteur de croissance des fibroblastes (FGF2) (Vagner et al., 1995) ou pour l’ornithine décarboxylase (ODC) (Pyronnet et al., 2000) possèdent des séquences IRES.
Le mécanisme par lequel les ribosomes s’attachent à la molécule d’ARN est encore mal connu, mais il semble qu’à l’exception d’eIF4E, de nombreux facteurs de l’initiation participent à ce processus. Ainsi, le facteur eIF4A est par exemple nécessaire à la traduction IRES dépendante (Pause et al., 1994b). De la même manière, il a été montré que dans un système in vitro dépourvu du facteur eIF4E, l’ajout d’un fragment d’eIF4G possédant la propriété d’associer l’ARNm permet à la sous-unité 40 S de se complexer avec le codon initiateur AUG des protéines (Pestova et al., 1996). Dans le système IRES dépendant, ce serait eIF4G qui s’associerait aux ARNmvia leur séquence IRES (revue dans Pestova et al., 2001).
On peut se demander pourquoi, étant donné la grande efficacité du système de balayage, les séquences IRES sont apparues. Une explication peut être que l’on trouve des situations physiologiques où l’initiation via les IRES est importante. Par exemple, l’expression de FGF2 se fait majoritairement par IRES en situation de stress oxydatif ou de choc thermique. Durant un tel stress, eIF4E est hypophosphorylé, ce qui inactiverait en partie eIF4F et inhiberait la traduction coiffe dépendante. On comprend alors que la présence d’un IRES permette le maintien de l’expression de certaines protéines dans de telles conditions.

Le shunt

C’est une étude chez le virus de la mosaïquedu choux fleur qui a permis de mettre en évidence ce troisième type de régulation (Futterer et al., 1993). Le shunt combine certains aspects du balayage classique et de l’initiation interne. Le complexe de préinitiation se forme au niveau de la coiffe 5′ puis commence à balayer jusqu’à la rencontre d’ARNs structurés qui pilotent son transfert en aval où il peut atteindre le codon d’initiation. Ce processus permet de passer outre des structures très stables d’ARNm qui ne pourraient pas être déroulées lors du balayage. La nature des signaux qui induisent ce mécanisme ainsi que sa régulation sont encore inconnues.

Le complexe eIF4F: sa structure et sa régulation

Nous avons vu précédemment que le complexe eIF4F permet l’association entre l’ARNm et la structure ribosomale. Cette fonction lui confère un rôle déterminant pour l’initiation de la traduction où il peut être assimilé à un « pont pivotant » situé entre la coiffe m7GTP des ARNm et la sous-unité 43 S.
Nous allons dans un premier temps décrire la structure de ce complexe en nous intéressant à ses trois composantes que sont eIF4E, eIF4G, eIF4A, puis nous analyserons sa régulation en portant notre attention sur la protéine 4E-BP (eIF4E Binding Protein).

Structure du complexe d’initiation eIF4F

eIF4E

eIF4E est une protéine de 25 kDa (chez l’homme) qui s’associe à la coiffe mGTP des ARNm. D’abord appelée CBP1 pour Cap Binding Protein 1, elle a été isolée pour la première fois en utilisant des ARNm viraux (possédant une coiffe) comme amorce (Sonenberg et al., 1978). Une fois purifiée, cette protéine est capable de stimuler la traduction d’ARNm viraux avec une coiffe m7GTP dans un système in vitro, alors que sa déplétion dans des extraits cellulaires réduit fortement la traduction (Sonenberg et al., 1978). eIF4E est donc essentielle pour l’initiation de la traduction (revue dans Gingras et al., 1999b). Aussi, cette protéine est très conservée dans les espèces d’un même phylum et entre les règnes animal et végétal. Ainsi la protéine eIF4E des plantes, de la drosophile ou de l’aplysie possèdent de fortes homologies avec eIF4E humaine. De plus, bien que ne possèdant que 32 % d’identité avec la protéine eIF4E de la levure, eIF4E humaine est capable d’empêcher la mort des cellules de levure en complémentant la perte de leur gène codant pour eIF4E (Altmann et al., 1989).
La structure tridimentionnelle de cette protéine a été résolue par cristallographie aux rayons X (Marcotrigiano et al., 1997) (Figure 4). Elle est souvent assimilée à un gant de base-ball, où la partie concave est le lieu d’interaction avec la coiffe m 7GTP. Cette interaction se base sur la reconnaissance de l’extrémité m 7GTP de l’ARN par des résidus aromatiques situés sur les chaînes latérales d’eIF4E.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Résumé
INTRODUCTION
Chapitre I : La régulation de l’expression des gènes 
I) Les niveaux de régulation
1) Traductibilité et disponibilité des ARNm
a) Démasquage des ARNm
b) Localisation des ARNm
c) Polyadénylation des ARNm
2) Régulation de l’efficacité de traduction
II ) L’Initiation de la traduction
1) L’initiation coiffe-dépendante
2) Le recrutement direct en position interne (IRES)
3) Le shunt
III) Le complexe eIF4F structure et régulation
1) Structure du complexe d’initiation eIF4F
a) eIF4E
b) eIF4A
c) eIF4G
2) La régulation du complexe eIF4F
a) La régulation d’ eIF4E par phosphorylation
b) La régulation d’eIF4G par phosphorylation
c) pdcd4 inhibe l’activité d’eIF4A
d) La régulation du complexe eIF4F via les 4E-BPs
e) eIF4E-Transporter : 4E-T
f) Autres eIF4E « binding protéin »
g) La Maskine
Chapitre II : La traduction et le cycle cellulaire durant le développement embryonnaire de l’oursin 
I) Présentation de l’oursin Sphaerechinus granularis
II) La reprise du cycle cellulaire chez Sphaerechinus granularis
III) La reprise de la synthèse protéique, analyse de l’augmentation de la traduction au cours
de la fécondation chez Sphaerechinus granularis
IV) L’oursin : avantages et contraintes
Chapitre III : Implication des composants du complexe eIF4F dans le cycle cellulaire, le développement et la cancérogenèse 
I) Le Contrôle du cycle cellulaire et l’initiation de la synthèse protéique
1) eIF4E et cycle cellulaire
2) eIF4G et cycle cellulaire
3) Contrôle de la machinerie de traduction durant le cycle cellulaire
4) Implications de la voie FRAP / mTOR dans le contrôle du cycle cellulaire
II) eIF4F et le développement embryonnaire
1) eIF4F et développement
2) eIF4A et eIF4E régule la traduction de manière tissus spécifiques
3) eIF4E et eIF4E binding protein : contrôle spatial et temporel de l’embryogenèse
4) Implication de la voie FRAP / mTOR dans le développement embryonnaire
III) eIF4F et Cancer : Implication et espoir thérapeutique
1) eIF4E est une protéine oncogénique
2) Implication d’eIF4G et eIF4A dans les pathologies cancéreuses
3) Quels sont les moyens thérapeutiques envisageables pour lutter contre les cancers
impliquant une dérégulation d’eIF4F
RESULTATS
I) Analyse de la dynamique du complexe eIF4/4E-BP au cours de la première division mitotique de l’oursin
II) Analyse de la voie de régulation du complexe eIF4E / 4E-BP et contrôle de l’activation du
MPF au cours de la première division mitotique
III ) Régulation de 4E-BP au cours du développement précoce de l’oursin et identification
d’une nouvelle forme de 4E-BP
IV) Analyse du rôle d’eIF4G au cours du développement embryonnaire de l’oursin
V) Point de vue général sur l’implication de la traduction coiffe dépendante dans le contrôle
du cycle cellulaire
CONCLUSION ET PERSPECTIVES 
I) Implication du complexe eIF4E / 4E-BP dans le développement de l’embryon d’oursin
II) Implication du complexe eIF4E / 4E-BP dans le contrôle du cycle cellulaire
III) Importance des « 4E binding protein »
IV) Conclusion générale et perspectives
BIBLIOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *