La tradition cinématographique

Les films comme témoins de l’Histoire

Plusieurs films peuvent être considérés comme les témoins du passé et utilisés comme des sources premières par les historiens. Pour l’historien Marc Ferro, les films de fiction ne sont pas «seulement un témoignage sur l’imaginaire de l’époque où ils ont été réalisés ; ils transmettent jusqu’ à nous l’image réelle du passé», non pas par le biais des faits ou des événements, mais en établissant des liens de continuité ou de rupture avec le passé. Dans une analyse du cinéma américain, Ferro fait état de quatre « grandes visions qui ont successivement dominé la vie américaine ». D ‘une période à une autre, il constate que les représentations de la conscience historique ne font pas que se succéder: il s’ agirait plutôt de « stratifications plus ou moins anciennes dont les effleurements peuvent aller jusqu’ à aujourd ‘hui ». En bref, la première stratification porte la marque de « l’idéologie chrétienne protestante », celle où « l’Espagne et la catholicité représentent l’ archaïsme et le mal » dans les représentations de la conscience collective. La deuxième est celle correspondant à « l’idéologie de la guerre civile ».

Les films comme vecteurs de la conscience historique

Comme pour le roman, la poésie ou le théâtre, on peut dégager du cinéma la trame historique d’une collectivité qui, comme l’ a démontré l’ interprétation des films américains par Marc Ferro, se remanie selon les conjonctures. En ce sens, les œuvres de fiction peuvent sans doute être considérées comme des lieux de mémoire, des lieux où sont emmagasinées les traces du passé. Quant au cinéma lui-même, il devient une mémoire vivante non pas uniquement parce qu ‘il transmet quelque chose à quelqu ‘ un d’ autre, mais aussi parce qu ‘il a mémorisé certaines traces du passé ou a enregistré sur pellicule une information sur la présence du passé, parce qu ‘il est image de soi, de la collectivité. En ce sens, il peut être considéré comme un vecteur de la conscience historique. Plus encore que toute autre forme artistique (comme nous l’avons mentionné précédemment), le cinéma expose à la vue un environnement physique et culturel, voire une construction sociale qui plonge le spectateur dans la mémoire collective. Les images d’ un film circonscrivent un espace, un lieu, qui réactualise les marques d’une historicité.

De la culpabilité au déni : le révisionnisme en histoire

C’est à partir du début des années 1970, que des historiens rompent avec l’historiographie traditionnelle. Bien que celle-ci ait connu auparavant des divergences d’interprétation, principalement entre l’École de Montréal et l’École de Laval à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les historiens s’ entendaient jusque-là pour dire que le Québec était différent de ses voisins canadien et américain. À l’École de Montréal, les successeurs de Lionel Groulx, Guy Frégault, Maurice Séguin et Michel Brunet, soutiennent que l’ infériorité socio-économique des Canadiens français est une conséquence de la Conquête. Dans la perspective historiographique de l’École de Laval, défendue par Marcel Trudel, Fernand Ouellet et, plus tard, Jean Hamelin, cette infériorité s’ explique par des causes internes qui se résument par « le refus de faire face aux défis du changement économique». Cependant, « [t]ous voulurent comprendre pourquoi et en quoi les Québécois de langue française étaient toujours différents des Anglophones d’Amérique du Nord». Or, en 1970, une nouvelle génération d’historiens ont présenté l’histoire du Québec comme celle d’une société normale, c’est-à-dire une société dont le passé et le présent peuvent être compris à la lumière de processus modernes universels tels que l’ industrialisation et l’urbanisation, et non plus en invoquant des facteurs culturels spécifiques qui relèvent du rôle prépondérant de l’Église, de l’ importance du conflit ethnique et linguistique ou encore des valeurs rurales.

La fiction cinématographique canadienne-française : un contre-modèle

Le cinéma de fiction de l’ après Seconde Guerre mondiale relève en grande partie d’œuvres écrites déjà existantes. Le plus souvent, les films sont des adaptations de pièces de théâtre ou de feuilletons radiophoniques: Ti-Coq (1953) de Gratien Gélinas et René Delacroix ; Un homme et son péché (1949) de Paul Gury; Cœur de maman (1953) de René Delacroix, adaptation de la pièce La mère abandonnée d’Henry Deyglun ; Le curé du village (1949) de Paul Gury, initialement écrit pour la radio par Robert Choquette (1935-1938). Bien sûr, il y a quelques rares exceptions, la plus connue étant Le père Chopin (1945) de Fyodor Otsep. Parmi les pratiques culturelles de l’époque, le cinéma de fiction est l’ un des seuls domaines artistiques qui n’ ait pas véritablement engendré ses propres auteurs.

Les thèmes récurrents du cinéma québécois: le poids de l’ héritage culturel

Selon Heinz Weinmann , l’ imaginaire du cinéma québécois suit une « logique implacable », celle des « imaginaires collectifs ». Dans un essai sur l’ imaginaire du cinéma québécois, cet auteur analyse huit films (de Aurore l ‘enfant martyr à Jésus de Montréal) à la lumière d’une dépendance psycho-affective du Québec aux instances politiques (France, Angleterre, Église et Canada) qui ont fait l’Histoire, et établit un parallèle entre l’ histoire d’Aurore et celle de Marcel dans Un zoo la nuit (1987) de Jean-Claude Lauzon. Certes, souligne Weinmann, entre les deux films, il y a des changements majeurs au plan historique et au plan dramatique: 1) l’omniprésence de l’ autorité maternelle dans Aurore et son absence quasi totale dans Un zoo la nuit et 2) l’ enfant Aurore est devenu adulte. Mais, il ajoute plus loin « l’ imaginaire québécois se trouve une continuité à travers un certain nombre d’ invariants» : 1) l’ adulte, Marcel, est dépendant comme un enfant, comme Aurore; 2) Marcel, comme Aurore, use de mensonges et du silence pour taire la vérité à son père ; 3) l’un et l’autre rêvent d’ évasion et, enfin, 4) dans les deux films, les pères sont des pères manquants, quoique le père de Marcel soit plus lucide que le père d’Aurore et qu’il renoue avec son fils à l’approche de sa mort. Parce que cette analyse comparative est élaborée à partir du concept freudien de « roman familial », Weinmann interprète l’ histoire d’Aurore comme l’ amorce du passage du Canada français vers le Québec moderne, alors que le film de Lauzon est perçu comme la fin de ce cycle, qu ‘ accentue « la loi implacable du passage difficile du Canada français au Québec », en rappelant que ce passage est basé sur l’oubli radical du Canada français et de son roman familial. Ainsi, quoique différents, les deux réalisateurs reproduiraient inconsciemment les schèmes culturels de comportement où se profilent des représentations et des figures typées.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : CINÉMA ET MÉMOIRE
CHAPITRE 1 : CE QUE FILMER VEUT DIRE 
1.1 Les films comme témoins du mouvement de l ‘Histoire
1.2 Les films comme vecteurs de la conscience historique
CHAPITRE 2 : LA ÇRISE DE LA MÉMOIRE QUÉBÉCOISE 
2.1 De la « conscience malheureuse» à la culpabilité
2.2 De la culpabilité au déni : le révisionnisme en histoire
2.3 La mémoire morte
2.4 Le recours au passé
DEUXIÈME PARTIE : GENÈSE DU CINÉMA QUÉBÉCOIS
CHAPITRE 1 : LA TRADITION CINÉMATOGRAPHIQUE 
1.1 Du côté du documentaire: les pionniers du cinéma « nature »
1.2 La fiction cinématographique canadienne-française : un contre-modèle
1.3 Les thèmes récurrents du cinéma québécois : le poids de l’héritage culturel
CHAPITRE 2 : LA VAGUE DU CINÉMA DIRECT 
2.1 L’ apprentissage du métier
2.2 Le témoignage du direct
2.3 « Fin du documentaire, place au vrai cinéma »
CHAPITRE 3 : PIERRE PERRAULT OU LA RECHERCHE D’UNE MÉMOIRE 
3.1 Langage et territoire chez Pierre Perrault
3.2 Pour La suite du monde
3.3 L’ art de la mémoire: la part du vécu et du rêve
TROISIÈME PARTIE : DE LÉOPOLD Z À LA NEUVAINE, UNE MÉMOIRE QUI SE CHERCHE
CHAPITRE 1 : CONSTRUCTION DU MODÈLE D’ANALYSE DU CINÉMA QUÉBÉCOIS 
1.1 Le récit commun québécois de 1967 à 1976
1.2 Les critères d’analyse
1.2.1 Le choix du cinéma d’ auteur
1.2.2 Les autres critères de sélection
1.3 Le choix des œuvres cinématographiques
1.4 La stratégie d’analyse
CHAPITRE 2 : L’ALBUM DE FAMILLE 
2.1 Léopold Z ou le Canadien français de la ville
2.l.1 La chronique d’ une mort annoncée
2.1.2 Le récit de l’immobilité
2.1.3 La dimension critique du film
2.1.4 Peut-on changer son destin?
2.2 Mon oncle Antoine ou du côté de la campagne
2.2.1 « L’hiver de force »
2.2.2 L’arrière-fond sociopolitique de Mon oncle Antoine
2.3 La mémoire au présent
CHAPITRE 3 : LE MIROIR BRISÉ DE LA MÉMOIRE 
3.1 Les bons débarras: à cœur perdu
3.l.1 Un passé occulte
3.1.2 L’impossible présent
3.2 Léolo : la confrontation avec le passé
3.2.1 L’ombre de Bérénice Einberg
3.2.2 Un réservoir de références
3.3 L’impasse du Québec contemporain
CHAPITRE 4 : LE RETOUR DU REFOULÉ 
4.1 Jésus de Montréal: entre la fiction et le documentaire
4.l.1 La laïcisation de Jésus
4.1.2 Un triste calvaire
4.1.3 Le Québec agonique
4.2 La neuvaine ou la résistance tragique
4.2.1 La croisée des chemins
4.2.2 « La lumière du bon Dieu »
4.2,3 La charité chrétienne modernisée
4.2.4 Le présent du passé
4.3 La foi en héritage
CONCLUSION: « JE ME SOUVIENS»
La recherche d’une nouvelle conscience historique dans le cinéma québécois
Le mouvement de la mémoire
Libérer la mémoire de sa poussière
Le passé porteur d’ une promesse?
BIBLIOGRAPHIE 

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