LA TOXINOGENESE DE F. MONILIFORME
LA LEUCOENCEPHALOMALACIE EQUINE
Le premier cas citรฉ dans la littรฉrature remonte ร 1850 aux Etats-Unis. Depuis, de nombreux cas ont รฉtรฉ rรฉpertoriรฉs sur les diffรฉrents continents. En France, lโaffection semble prรฉdominer dans le quart sud-ouest (20 morts entre 1994 et 1996) [5]. Les symptรดmes sont variables suivant lโindividu, la durรฉe dโexposition et la dose ingรฉrรฉe. Mรชme si la dose minimale provoquant lโapparition des symptรดmes reste inconnue, on sait que lโadministration de 20 doses de 1 ร 4 mg de FB1/kg PV sur 29 jours par voie orale, ou de 6 doses de 0,125 mg/kg sur 7 jours par voie veineuse, suffit ร reproduire la maladie [43]. Le tableau clinique est dominรฉ par des dรฉsordres nerveux (hyperesthรฉsie, ataxie, amaurose, hyperexcitabilitรฉ, marche en cercle, pousser au murโฆ) accompagnรฉs dโanorexie, dโapathie et dโun ictรจre. Ces symptรดmes รฉvoluent rapidement vers des crises convulsives ou un รฉtat comateux, la mort survenant au bout de quelques heures ร quelques jours. Lโanimal peut รฉgalement mourir sans rรฉvรฉler aucun symptรดme [22].On peut noter quelques modifications biochimiques, notamment pour les marqueurs hรฉpatiques : augmentation des PAL, GGT, ASAT, acides biliaires et de la bilirubine totale. Le mรฉtabolisme des sphingolipides est รฉgalement altรฉrรฉ puisque la concentration sรฉrique en sphinganine libre est en nette augmentation, alors que celle des sphingolipides diminue. Les lรฉsions observรฉes ร lโautopsie seront essentiellement celles de lโencรฉphale. Celui-ci, trรจs oedรฉmaciรฉ, prรฉsente des foyers de nรฉcrose dans la substance blanche, parfois dans la substance grise. Lโobservation microscopique de ces foyers de liquรฉfaction montre une dรฉmyรฉlinisation massive et diffuse. Des lรฉsions de stรฉatose et de stase biliaire peuvent รฉgalement รชtre prรฉsentes sur le foie.
TOXICITE POUR LโEMBRYON
Les effets de la toxine, inoculรฉe dans lโoeuf, varient avec la dose et le temps. Le tableau IV rรฉsume les pourcentage de mortalitรฉ en fonction de la dose injectรฉe et du moment de cette injection [34]. Lโembryon apparaรฎt plus sensible au dรฉbut de lโincubation. Les altรฉrations du dรฉveloppement embryonnaire seront les suivantes : disproportion de la tรชte par rapport au corps (hydrocรฉphalie), une hypertrophie du bec (pour de faibles doses) et une รฉlongation du cou (pour les oeufs inoculรฉs ร 1 jour).De plus, si les embryons ne sont pas morts ร un stade trop prรฉcoce de leur dรฉveloppement, on pourra observer des hรฉmorragies au niveau des pattes, du cou, des membranes de lโoeuf et dans le vitellus qui prend alors une consistance visqueuse (jusquโร donner du coagulum pour les doses les plus importantes). Les poussins ayant survรฉcu auront du mal ร briser leur coquille en raison de la rigiditรฉ insuffisante de leur bec. Ils seront รฉgalement sous-dรฉveloppรฉs et chรฉtifs. Les autres poussins, ร lโautopsie, ont un foie jaune et friable, des reins pรขles avec des hรฉmorragies focales. Des pรฉtรฉchies sont prรฉsentes sur le myocarde, les poumons sont congestionnรฉs, violacรฉs et fermes. Enfin, les intestins, qui ont une paroi รฉpaissie, prรฉsentent une lamina propria et une musculeuse hรฉmorragiques [34].
LES RUMINANTS
Les ruminants apparaissent plus rรฉsistants que les autres espรจces. Lโorgane cible reste le foie comme le prouve lโexploration biochimique et lโaugmentation des marqueurs de souffrance hรฉpatique (GGT,ASAT,LDH), du cholestรฉrol et des triglycรฉrides [59, 23]. Chez les ovins, on trouve, en plus, des concentrations sรฉriques รฉlevรฉes pour lโurรฉe et la crรฉatinine, traduisant une atteinte rรฉnale [23]. Lโadministration , chez le veau, dโune dose de FB1 รฉgale ร 148 mg/kg dโaliment reste sans rรฉpercussion sur les performances zootechniques de lโanimal. Seule lโhistopathologie peut rรฉvรฉler des troubles avec de lรฉgรจres lรฉsions hรฉpatiques microscopiques, ainsi quโune altรฉration de la lymphoblastogenรจse [59]. 30 Les agneaux, pour une dose de 22,2 mg/kg PV sur 4 jours, vont montrer des signes de fatigue, seront lรฉthargiques et auront une diarrhรฉe marquรฉe. Une nรฉphrose tubulaire, associรฉe ร lโhรฉpatotoxicose, est mise en รฉvidence ร lโautopsie [23].
LES RONGEURS
Les effets toxiques des fumonisines sont nombreux chez les rongeurs. Chez le rat, une hรฉpatotoxicitรฉ apparaรฎt aprรจs lโadministration dโune dose de 150 mg/kg de FB1 purifiรฉe. Le mรฉtabolisme des sphingolipides est, encore une fois, altรฉrรฉ (augmentation du rapport sphinganine/sphingosine). De la sphinganine libre est dรฉtectable au niveau du foie, des reins, du sรฉrum et de lโurine [86]. Le rein constitue รฉgalement un organe cible chez le rat. En effet, malgrรฉ de rares lรฉsions histopathologiques, les signes dโune altรฉration de la fonction rรฉnale sont marquรฉs : polyurie, baisse de lโosmolaritรฉ urinaire et une protรฉinurie trahissant une fuite glomรฉrulaire [78]. Il existe des variations de sensibilitรฉ selon le sexe et lโespรจce : la souris semble insensible [87], tandis que, chez le rat, le mรขle prรฉsente des signes cliniques pour des doses moindres par rapport ร la femelle (15 mg/kg contre 50 mg/kg) [86].Les effets sur le systรจme immunitaire se traduisent par une diminution en poids du thymus qui apparaรฎt nรฉcrosรฉ, une augmentation de la concentration sรฉrique en IgM, ainsi que du nombre de cellules phagocytaires [11]. A plus long terme (sur plus de 450 jours), lโingestion dโaliments contaminรฉs provoque, chez le rat, lโapparition de pathologies cancรฉreuses. On peut alors observer des carcinomes hรฉpatocellulaires (hyperplasie nodulaire, cirrhose sรฉvรจre), des cholangiocarcinomes, des adรฉnofibroses ou une hyperplasie des cellules basales de lโรฉpithรฉlium oesophagien ou stomacal [44, 45]. Enfin, bien que la leucoencรฉphalomalacie semble รชtre une maladie spรฉcifique des รฉquidรฉs, des lรฉsions similaires ont รฉtรฉ rapportรฉes sur des lapins ayant reรงu de la FB1 purifiรฉe ร la dose de 1,75 mg/kg/j [15].
ACTION DES FUMONISINES SUR LA BIOSYNTHESE DES SPHINGOLIPIDES
Ce mรฉcanisme dโaction a รฉtรฉ essentiellement รฉtudiรฉ sur des cultures dโhรฉpatocytes de rat [91], mais des รฉtudes similaires sur des neurones de souris ont confirmรฉ ces rรฉsultats [48]. Lโincubation dโhรฉpatocytes de rat avec de la FB1 inhibe lโincorporation de C14-sรฉrine dans les sphingolipides cellulaires par lโintermรฉdiaire de la sphingosine. La concentration inhibant 50% de la synthรจse est de 0,1 ฮผM. Lโaugmentation de concentration en sphinganine libre suggรจre que lโaction des fumonisines revient ร une inhibition de la transformation de cet intermรฉdiaire en N-acyl-sphinganine (Figure 3). Cette hypothรจse se trouve vรฉrifiรฉe par lโinhibition par la FB1 de lโactivitรฉ de la sphinganine Nacyl- transfรฉrase (ou cรฉramide synthรฉtase) dans des microsomes hรฉpatiques de rat. Cette inhibition se traduit par une rรฉduction de la conversion de [H3]sphingosine en [H3] cรฉramides par des hรฉpatocytes pourtant restรฉs intacts [91]. Le mรฉcanisme exact reste obscur.On note cependant une diffรฉrence dโactivitรฉ entre les diffรฉrentes mycotoxines produites par Fusarium moniliforme (FB1, FA1 et AP1, un dรฉrivรฉ issu de lโhydrolyse totale de la FB1). Ainsi, il apparaรฎt que lโAP1 est la toxine qui interfรจre le moins avec la synthรจse des sphingolipides, laissant penser que lโacide tricarboxylique joue un rรดle majeur dans lโinhibition de la cรฉramide synthรฉtase. Par contre, la prรฉsence dโun groupement aminรฉ nโinfluence en aucun cas lโactivitรฉ toxique รฉtant donnรฉs les rรฉsultats comparables obtenus avec FA1 et FB1 [83].
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Table des matiรจres
1 LES FUMONISINES ET LES MYCOTOXICOSES QUโELLES DETERMINENT
1.1 STRUCTURE
1.2 PROPRIETES PHYSIQUES ET CHIMIQUES
1.2.1 PROPRIETES PHYSIQUES
1.2.2 PROPRIETES CHIMIQUES
1.3 STABILITE
1.3.1 LE TRAITEMENT THERMIQUE
1.3.2 LE TRAITEMENT BIOLOGIQUE
1.3.3 LE TRAITEMENT CHIMIQUE
1.3.4 LE TRAITEMENT MECANIQUE
1.4 LA TOXINOGENESE DE F. MONILIFORME
1.4.1 LES VOIES DE BIOSYNTHESE
1.4.2 LES FACTEURS PHYSICOCHIMIQUES INFLUANT SUR LA TOXINOGENESE
1.4.2.1 les facteurs intrinsรจques
1.4.2.2 les facteurs extrinsรจques
1.5 LES MYCOTOXICOSES
1.5.1 CHEZ LES EQUIDES
1.5.1.1 la leucoencรฉphalomalacie รฉquine
1.5.1.2 lโhรฉpatotoxicose
1.5.1.3 Le syndrome duodรฉnite/jรฉjunite proximale
1.5.2 CHEZ LES PORCINS
1.5.2.1 lโoedรจme pulmonaire porcin
1.5.2.2 lโhรฉpatotoxicose
1.5.3 CHEZ LES VOLAILLES
1.5.3.1 toxicitรฉ pour lโembryon
1.5.3.2 toxicitรฉ chez le jeune
1.5.4 CHEZ LES AUTRES ANIMAUX
1.5.4.1 les ruminants
1.5.4.2 les rongeurs
1.5.5 LES RISQUES POUR LโHOMME
1.6 CINETIQUE ET MECANISMES DโACTION DES FUMONISINES
1.6.1 LA CINETIQUE
1.6.1.1 absorption
1.6.1.2 distribution
1.6.1.2.1 plasmatique
1.6.1.2.2 tissulaire
1.6.1.3 mรฉtabolisme
1.6.1.3.1 in vivo
1.6.1.3.2 in vitro
1.6.1.3.3 effets des fumonisines sur les enzymes de biotransformation
1.6.1.4 รฉlimination
1.6.2 MECANISME DโACTION
1.6.2.1 nature et rรดles des sphingolipides
1.6.2.2 action des fumonisines sur la biosynthรจse des sphingolipides
1.6.2.3 consรฉquences
1.6.2.4 autres mรฉcanismes
2 LES BIOTRANSFORMATIONS
2.1 SCHEMA GENERAL DES BIOTRANSFORMATIONS
2.1.1 LA PHASE I
2.1.2 LA PHASE II
2.2 LES MONOOXYGENASES A CYTOCHROME P450
2.2.1 LโENZYME
2.2.1.1 structure
2.2.1.2 les propriรฉtรฉs catalytiques
2.2.1.3 les isoenzymes du cytochrome P450
2.2.1.4 La nomenclature
2.2.2 LES FACTEURS DE VARIATION
2.2.2.1 Influence du sexe
2.2.2.2 Influence de lโรขge
2.2.2.3 Influence de lโespรจce : รฉtude des cytochromes P450 dโoiseaux
2.3 LES ENZYMES DE CONJUGAISON DE LA PHASE II
2.3.1 LES UDP GLUCURONYL TRANSFERASES
2.3.2 LES GLUTATHION S-TRANSFERASES
2.4 LES FACTEURS DE MODIFICATION DES ACTIVITES ENZYMATIQUES
2.4.1 FACTEURS ENDOGENES
2.4.1.1 Influence du sexe
2.4.1.2 Influence de lโespรจce
2.4.2 FACTEURS EXOGENES
2.4.2.1 lโinduction
2.4.2.1.1 gรฉnรฉralitรฉs
2.4.2.1.2 les mรฉcanismes de lโinduction
2.4.2.1.3 lโinduction chez les oiseaux
2.4.2.2 lโinhibition
2.4.2.2.1 les inhibitions rรฉversibles
2.4.2.2.2 les inhibitions par formation dโun complexe avec des mรฉtabolites activรฉs (MI)
2.4.2.2.3 les inhibitions nรฉcessitant une catalyse
3.REACTIFS ET PRODUITS CHIMIQUES
3.1 APPAREILLAGE
3.2 REACTIFS
3.3 CULTURE DES FUMONISINES
4 TRAITEMENT DES ANIMAUX
5 PREPARATION DES FRACTIONS CELLULAIRES
6 DOSAGE DES PROTEINES
7 DOSAGE DES CYTOCHROMES B5 ET P450
8 DOSAGES DES ACTIVITES ENZYMATIQUES
8.1 DETERMINATION DE LA TEMPERATURE DโINCUBATION
8.2 ACTIVITE DES N-DEMETHYLASES
8.3 ACTIVITE DES O-DEALKYLASES
8.4 ACTIVITE DE LโANILINE HYDROXYLASE
8.5 ACTIVITE DE LโUDPG
8.6 ACTIVITE DES GST
9 EFFETS DU TRAITEMENT SUR LES CANARDS
10 EFFETS DES FUMONISINES SUR LES ENZYMES DE BIOTRANSFORMATION
10.1 LES ENZYMES HEPATIQUES
10.2 LES ENZYMES RENALES
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