Dans le Master Recherche en Education et Didactique des Disciplines, une partie des Unitรฉs dโEnseignement est dรฉdiรฉe ร une recherche finalisรฉe par lโรฉlaboration dโun mรฉmoire. Pour cette recherche, nous avons choisi la didactique de lโhistoire. Ainsi, nos recherches vont nous permettre, non pas de devenir une spรฉcialiste de cette discipline en particulier, mais plutรดt dโenrichir notre connaissance de la profession, en recueillant diverses informations dans des classes et de dรฉvelopper notre esprit critique.
Dans tout enseignement de lโhistoire, il y a une part de subjectivitรฉ de lโenseignant: lโenseignant ne fait pas quโexposer lโhistoire, son enseignement est empreint de ses propres conceptions de lโhistoire. Lโenseignement rรฉunit deux partenaires : lโenseignant et lโรฉlรจve : leur interaction a des effets qui sont encore mal dรฉfinis. Le contrat didactique est un concept introduit par Guy Brousseau . Il le dรฉfinit comme l’ensemble ยซ des relations qui dรฉterminent – explicitement pour une petite part, mais surtout implicitement – ce que chaque partenaire va avoir ร charge de gรฉrer et dont il sera, d’une maniรจre ou d’une autre responsable devant l’autre. ยป Ce qui veut dire qu’ยซ au cours d’une sรฉance ยป … ยซ l’รฉlรจve interprรจte la situation qui lui est prรฉsentรฉe, les questions qui lui sont posรฉes, les informations qui lui sont fournies, les contraintes qui lui sont imposรฉes, en fonction de ce que le maรฎtre reproduit, consciemment ou non, de faรงon rรฉpรฉtitive dans sa pratique de l’enseignement. ยป.Faire un cours, ce nโest pas administrer de maniรจre descendante un contenu ร un public captif. Cโest bien au-delร : concevoir, organiser, mettre en ลuvre, analyser et rรฉguler des situations dโapprentissage, gรฉrer un groupe et des individualitรฉs, exercer une autoritรฉ et transmettre des valeurs, รฉtablir une relation pรฉdagogique et รฉducative donnant du sens aux apprentissages engagรฉs, prendreen compte les besoins des รฉlรจves pour leur permettre de franchir les obstacles.
Le choix du thรจme de notre mรฉmoire sโest rรฉvรฉlรฉ lors de la lecture de la thรจse de Nicole Tutiaux-Guillon intitulรฉe : ยซ Lโenseignement et la comprรฉhension de lโhistoire sociale au collรจge et au lycรฉe. Lโexemple de la sociรฉtรฉ dโAncien rรฉgime et de la sociรฉtรฉ du XIXรจme siรจcle ยป.Dans cet ouvrage, lโauteur analyse lโapprentissage de lโhistoire dans des classes de quatriรจme et seconde, et les reprรฉsentations quโont les รฉlรจves. En tant quโenseignante,lโinteraction enseignant-รฉlรจves nous est alors apparue primordiale.
LA THESE MERE ET LE DOMAINE DE LA REPLICATIONย
LA THESE MERE
Prรฉsentation de la thรจse mรจreย
Nous avons choisi comme thรจse mรจre, celle de Nicole Tutiaux-Guillon, soutenue en 1998, sous la direction dโHenri Moniot, ร lโUniversitรฉ Denis Diderot-Paris VII, ayant pour titre : ยซ Lโenseignement et la comprรฉhension de lโhistoire sociale au collรจge et au lycรฉe. Lโexemple de la sociรฉtรฉ dโAncien rรฉgime et de la sociรฉtรฉ du XIXรจme siรจcle ยป. Lโauteur en question sโest inspirรฉ des recherches de Franรงois Audigier, avec comme champ de recherche, la didactique de lโhistoire.
La thรจse dโun volume de 468 pages (annexes compris) est constituรฉe de trois chapitres : dโabord, ยซ sociรฉtรฉ ยป, quโest-ce ร dire ?, ensuite sociรฉtรฉs passรฉes et sociรฉtรฉs prรฉsentes et enfin, une discipline et des รฉlรจves.
Le premier chapitre dรฉveloppe la mise en texte de lโhistoire scolaire. Dans la transmission et lโappropriation des savoirs, les mots jouent un rรดle clรฉ, et facilitent le dialogue entre enseignants et รฉlรจves. ยซ Sociรฉtรฉ ยป est un mot polysรฉmique. Il est difficile de lui donner une dรฉfinition spรฉcifique. Le but de lโauteur est de voir si lโhistorique sโรฉnonce dans un vocabulaire spรฉcifique ร lโhistoire ou plus largement aux sciences sociales ou si le langage quotidien domine lโรฉnoncรฉ du social. Nicole Tutiaux-Guillon a relevรฉ une part importante de sens commun dans les paroles magistrales lors des moments de dialogue. La grosse majoritรฉ des adolescents use surtout dโun vocabulaire de sens commun, ร lโexemple de : les gens, les peuples, riches/pauvres.
Le cours sโappuie sur une abondance de document qui soutient le dialogue. Pour lโapprentissage, lโenseignant use des rรฉcits, des mises en scรจne. Pour les enseignants, les images et les images filmiques sont des mรฉdiateurs dans la transmission des connaissances. Le rรฉcit engage les รฉlรจves ร suivre le cours, en jouant des sentiments qui provoquent de lโรฉmotion (pitiรฉ) et rรฉvolte. Lโauteur, dans le deuxiรจme chapitre, prend appui sur le concept de reprรฉsentation sociale. Lโenseignement de la sociรฉtรฉ dโAncien rรฉgime vรฉhicule des reprรฉsentations sociales :
opposition binaire noble riche/paysan pauvre. Une mรชme opposition se retrouve pour la sociรฉtรฉ du XIXรจme siรจcle, entre bourgeois/ouvrier ou patron/ouvrier, car ce sont les catรฉgories les caractรฉristiques des changements sociales. La reprรฉsentation sociale de la sociรฉtรฉ contemporaine sโoppose terme ร terme avec celle de lโAncien rรฉgime. Le plus pertinent cโest lโรฉgalitรฉ, mรชme si elle est moindre quโautrefois.
Pour les รฉlรจves, sociรฉtรฉs passรฉes et prรฉsentes sโรฉclairent mutuellement, se nouent les unes aux autres. Parler du passรฉ, cโest apprรฉcier davantage la sociรฉtรฉ contemporaine. En mรชme temps, le monde de lโรฉlรจve est source de comprรฉhension, dโinformation complรฉmentaire. Lโenseignement de lโhistoire ne transmet pas que des connaissances. Il dรฉveloppe les attitudes ร travers lesquelles une sociรฉtรฉ se rapporte sentimentalement ร son passรฉ : des attachements, des admirations, des rรฉticences, des rรฉpugnances, avec lโappui de lโidentitรฉ et le sens de lโunitรฉ du groupe. La portรฉe symbolique de la Rรฉvolution, son image fondatrice de la France moderne, paraรฎt acquise. Les lycรฉens imputent des changements sociaux ร la Rรฉvolution Industrielle ou aux dรฉcouvertes qui y sont liรฉes. Le lien entre passรฉ et prรฉsent nโest pas un lien gรฉnรฉtique : ni lโAncien rรฉgime ni le XIXรจme siรจcle nโengendrent le monde actuel.
Cadre thรฉoriqueย
Comme cadre thรฉorique, nous retenons les thรจmes histoire scolaire. Ensuite, lโapprentissage de lโhistoire en classe, qui nous amรจne vers la didactique de lโhistoire et le contrat didactique.
Histoire scolaire
Lโhistoire scolaire est tout ร la fois le produit de connaissances validรฉes par la recherche, dโรฉlaborations proprement disciplinaires remises rรฉguliรจrement en cause par la demande sociale, mais aussi pour tous (รฉlรจves, enseignants, parents) un moyen ยซ de connaissance et de reconnaissance ยป, un partage ยซ de la connaissance et de la connivence ยป (Henri Moniot, 1996, 2001). Ainsi, les pratiques sociales de rรฉfรฉrence se situent au cลur mรชme de lโhistoire scolaire.
Histoire sociale
Lโhistoire sociale est lโune des principales branches de la recherche historique ; elle s’intรฉresse ร l’histoire de la sociรฉtรฉ ou d’une de ses composantes. Dans la premiรจre moitiรฉ du XIXe siรจcle, Franรงois Guizot, Augustin Thierry, Adolphe Thiers et Jules Michelet sont les premiers historiens ร accorder dans leurs ลuvres une place importante ร l’histoire sociale. L’historiographie รฉtait jusque-lร dominรฉe par une vision politique. La lutte des classes chez Guizot, des races chez Augustin Thierry, du peuple chez Michelet remplacent les rois comme moteurs de l’histoire. Le dynamisme de l’histoire sociale est symbolisรฉ par le dรฉveloppement des recherches en dรฉmographie historique. Les รฉtats-civils sont dรฉpouillรฉs afin de dresser des tableaux statistiques sur la natalitรฉ, la mortalitรฉ, la fรฉconditรฉ, la nuptialitรฉ ou encore l’alphabรฉtisation.
L’historien anglais George M. Trevelyan voit l’histoire sociale comme le point de transition entre l’histoire รฉconomique et politique : ยซย Sans l’histoire sociale, l’histoire รฉconomique est stรฉrile et l’histoire politique inintelligibleย ยป. Bien que cette approche ait souvent รฉtรฉ considรฉrรฉe nรฉgativement comme une histoire dรฉlaissant la politique, elle a รฉgalement รฉtรฉ dรฉfendue comme une ยซย histoire qui met les gens au premier planย ยป. Comme d’autres branches de la recherche historique, l’orientation vers l’histoire des mentalitรฉs (devenue l’histoire culturelle) renouvelle l’histoire sociale dรจs les annรฉes 1960. Les groupes sociaux ne sont plus vus uniquement sous l’angle รฉconomique. Les historiens s’intรฉressent ร leur culture, leurs pratiques, leurs croyances et leurs attitudes. On s’interroge sur les รฉchanges culturels des classes populaires et celle des รฉlites (la pratique de sports par exemple). On essaie de cerner la construction identitaire de certaines catรฉgories.
Autre mutation de l’histoire sociale : elle porte son attention sur des groupes dont le fondement n’est pas รฉconomique. Il s’agit aussi de groupes souvent oubliรฉs de la recherche : les femmes, les immigrรฉs, les personnes รขgรฉes, les banlieusards Il est bien difficile ร lโenseignement de lโhistoire dโรฉchapper, comme on le sait par des polรฉmiques rรฉcentes, ร toutes les finalitรฉs ยซ idรฉologiques ยป. Celles-ci ont longtemps prรฉvalu dans les premiรจres dรฉcennies de la Troisiรจme Rรฉpublique, menant ร une vรฉritable ยซ instrumentalisation ยป politique de cette discipline pour construire une identitรฉ nationale. Cette tendance fut rapidement critiquรฉe et remise en cause, dโabord dans certains aspects de son contenu (le patriotisme guerrier), puis dans son principe mรชme. Selon la formule cรฉlรจbre de Lucien Febvre, en 1920, ยซ lโhistoire qui sert, cโest une histoire serve ยป.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
Premiรจre partie : LA THESE MERE ET LE DOMAINE DE LA REPLICATION
CHAPITRE I : LA THESE MERE
I-1- Prรฉsentation de la thรจse mรจre
I-2- Cadre thรฉorique
I-3- Problรฉmatique
I-4- Hypothรจse
I-5- Mรฉthodologie
I-5-1- Enquรชte prรฉalable
I-5-2- Etude principale
I-5-2-1- Lโobservation des cours
I-5-2-2- Lโentretien
I-6- Rรฉsultats
I-7- Critique de la thรจse mรจre
I-7-1- Quelques rรฉflexions sur la thรจse mรจre
I-7-2- Mรฉthodologie
I-7-3- Cohรฉrence
Chapitre II : LE TRAVAIL DE REPLICATION
II-1- Contexte et justification de la rรฉplication
II-2- Problรฉmatique
II-3- Hypothรจse
II-4- Mรฉthodologie
II-4-1- Observation des cours
II-4-2- Entretien
II-5- Dรฉmarche mรฉthodologique
Deuxiรจme partie : RESULTATS DES RECHERCHES
Chapitre I : Madagascar, colonie franรงaise
I-1- La colonisation ร Madagascar
I-2- Les relations franco-malagasy
I-2-1- Pendant le royaume de Madagascar
I-2-2- Pendant la pรฉriode coloniale
I-2-3- La pรฉriode postcoloniale
Chapitre II : Lโapprentissage de lโhistoire sociale en classe
II-1- Lโinteraction didactique
II-1-1- Les questions
II-1-2- Les dialogues
II-2- Lโintervention spontanรฉe
II-3- Argumentation didactique
II-3-1- Vรฉritรฉ
II-3-2- Autoritรฉ
II-3-3- Adhรฉsion
II-4- Comparaison avec la thรจse mรจre
Troisiรจme partie : DISCUSSION ET PERSPECTIVE
I- Discussion des rรฉsultats
II- Limite de lโรฉtude
III- Perspectives
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES