La théâtralisation d’un album de jeunesse en cycle 1
La notion d’éveil aux langues vivantes étrangères à l’école maternelle peut être consultée depuis les programmes officiels de 2015, selon les objectifs « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions » et « commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique ». Les enfants entament désormais dès la moyenne section un chemin vers une conscience des langues étrangères.
Cet apprentissage passe avant tout par le langage oral, entrée primordiale par laquelle ils vont entrer de manière ludique et rassurante en confrontation avec des langues vivantes différentes de leur langue maternelle. Ils ont inconsciemment besoin d’écouter, de reproduire, de parler, d’apprendre. Il est donc demandé à l’enseignant.e de faire découvrir l’existence et l’utilisation de plusieurs langues vivantes aux élèves par le biais du jeu et de situations concrètes, qui peuvent les aider dans cet apprentissage. De plus, si les objectifs de compétences langagières présents dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL) ne sont pas à mettre en avant dès l’école maternelle, ses activités de communication langagières sont pourtant bien à prendre en compte. La réception orale, la production orale, l’interaction et la médiation sont des compétences à faire développer aux enfants dès le plus jeune âge. Ils ne doivent pas être dans la contrainte ou la pression d’une tâche finale imposée, mais dans le plaisir d’apprendre, de découvrir et d’expérimenter.
L’art dramatique, présent sur les bancs de l’Éducation Nationale depuis les années 80, sert d’outil pédagogique fiable et pertinent lorsqu’ employé pour faire ressortir les apprentissages des élèves. J’ai moi-même eu l’occasion de diriger des ateliers de théâtre avec des enfants à quelques reprises, en tant qu’apprenti enseignant lors de stages pratiques ou comme animateur en centre de loisirs. J’opérais le travail de metteur en scène d’une saynète de théâtre à faire jouer par les enfants en vue d’un spectacle devant leurs parents. Mon rôle était purement celui de dispenser un cours d’art dramatique, comprenant choix de la courte pièce, lectures, distributions des rôles et répétitions. Même si ces différents exercices furent très intéressants autant qu’enrichissants, il s’agissait là de ne se concentrer que sur l’univers du théâtre. Cet art n’était pas utilisé comme outil pour enseigner des savoirs transversaux aux élèves.
J’ai donc cherché à comprendre comment l’art dramatique peut être utilisé à des fins pédagogiques dans le milieu scolaire, principalement celui de la maternelle. Mon année universitaire est en effet principalement axée autour du milieu du cycle 1. C’est dans une classe double de moyennes et grandes sections d’école maternelle que j’effectue mon stage filé. Les élèves de cette classe sont régulièrement formés à l’éveil aux langues étrangères, via des cours d’anglais où ils apprennent de nouveaux mots par le prisme d’albums de jeunesse, ou encore par le biais d’écoutes passives de contes étrangers.
Définition des termes de la problématique
Il convient tout d’abord de se mettre au clair sur les plus importants termes de ma problématique afin de mieux en comprendre les tenants et aboutissants.
La théâtralisation (1) tout d’abord est selon le centre national de ressources textuelles et lexicales l’action de «rendre théâtral, en particulier adapter aux caractéristiques du théâtre » . L’art dramatique est bien ici au centre du projet, et les élèves avec qui je mettrai en place ce projet vivront probablement pour la première fois une expérience théâtrale. Il s’agira donc de les former autant à la pratique théâtrale qu’à celle de l’éveil aux langues étrangères. Notons qu’ils ont accès tous les jours à cette pratique dans leur classe à travers les leçons de leur enseignante.
L’album de jeunesse (2) est le produit fini qui se rapporte au médium de la littérature de jeunesse. Marc Soriano est un philosophe Français, notamment auteur du Guide de la littérature pour la jeunesse : courant, problèmes, choix d’auteurs. Il nous donne sa définition de la littérature de jeunesse comme « Une communication historique (autrement dit localisée dans le temps et dans l’espace) entre un scripteur adulte et un destinataire enfant (récepteur) qui, par définition en quelque sorte, au cours de la période considérée, ne dispose que de façon partielle de l’expérience du réel et des structures linguistiques, intellectuelles, affectives et autres qui caractérisent l’âge adulte. » L’enfant apprend donc à comprendre le monde qui l’entoure, à répondre aux questions qu’il se pose à travers la littérature de jeunesse. Le format album invite également l’enfant à la prise en main, la manipulation et l’aspect sensoriel, ainsi qu’à la lecture passive d’abord puis progressivement active. Il me faudra donc trouver un ou plusieurs albums en accord avec ces principes pour m’assurer de créer un bon rapport entre l’album/les albums choisi(s) et les élèves.
Le verbe éveiller (3) renvoie ensuite à l’action d’éveil, définie par le Larousse comme le « Fait pour quelqu’un de commencer à s’intéresser à quelque chose et à le comprendre ». Comme évoqué précédemment, l’éveil aux langues étrangères fait partie intégrante des programmes officiels du cycle 1. je devrai axer mes séances sur la pluralité de langage, l’éveil également culturel aux autres pays et cultures ainsi qu’à motiver les élèves à essayer de s’exprimer dans une langue qu’ils ne connaissent pas.
Les langues vivantes et cultures étrangères (4) renvoient finalement au concept de diversité linguistique. Michel Candelier (5), professeur émérite de l’Université du Maine, nous élabore une définition de cette notion pour le projet EVLANG 1997 : «Il y a éveil aux langues lorsqu’une part des activités porte sur les langues que l’école n’a pas l’intention d’enseigner (qui peuvent être ou non des langues maternelles de certains élèves […]Il s’agit d’un travail global, le plus souvent comparatif, qui porte à la fois sur ces langues, sur la langue ou les langues de l’école, et sur l’éventuelle langue étrangère ou régionale apprise».
Ce que dit l’institution
Le théâtre
L’Éducation Nationale accorde une place non négligeable au théâtre et à l’étude des arts dramatiques dans ses programmes officiels (6). Il découle de l’aspect scénique de cette discipline un travail conséquent que les élèves doivent fournir sur la gestion de la voix, le contrôle du corps et la mémorisation. De nouveaux objectifs concernant le spectacle viennent alors s’ajouter dans mon projet final. Il me faudra tenir compte de ces objectifs pour installer un cadre institutionnel lors de mes séances. On retrouve par exemple : appréhender l’espace scénique ; développer la créativité et l’imaginaire des élèves ; faciliter la découverte de valeurs de sociabilité et de respect de l’autre.
La charte de l’éducation artistique et culturelle (7) préconise dix points soulignant des objectifs à prendre en compte rigoureusement quant à la mise en place de ma séquence. On y lit par exemple que l’éducation artistique et culturelle doit être « accessible à tous […], de la maternelle à l’université ». On y lit également qu’elle « contribue à la formation et à l’émancipation de la personne et du citoyen », que c’est une « éducation par l’art ». Je ne dois donc pas oublier le sens que les enfants doivent faire en réalisant ce projet. Ils doivent également pouvoir se rendre compte à terme compte qu’ils ont appris quelque chose.
L’éveil aux cultures étrangères
L’éveil aux langues et cultures étrangères prend également une place importance dans l’enseignement, notamment au cycle 1. Des études publiées par Eduscol et menées par Nathalie Carpentier (8) montrent que cet éveil en classe « facilite et désinhibe la prise de parole chez les élèves. Ils sont motivés et stimulés, leur mémoire et concentration se renforcent ». Des constats positifs sont également à retrouver dans le contexte des enseignants, du leadership et des relations professionnelles, ainsi que dans l’établissement scolaire et l’environnement de l’enfant. Concernant les programmes officiels, l’Éducation Nationale préconise les objectifs suivants :
– Comprendre le langage dans la diversité de ses usages ;
– Éveil à la diversité linguistique : découvrir l’existence de langues, parfois très différentes de celles qu’ils connaissent ; prendre conscience que la communication peut passer par d’autres langues que le français.
Ce que dit la recherche
Prisca Schmidt et l’approche du Drama
L’un des articles dont je compte m’inspirer pour réaliser ce travail se nomme « Le théâtre comme apprentissage de la langue étrangère » (I). Il a été rédigé par Prisca Schmidt de l’IUFM de Lille et publié dans le numéro 38 de la revue Spirales
– Revue de recherches en éducation. Il s’agit d’une étude sur la théâtralisation de l’apprentissage d’une langue étrangère en école primaire par la pratique du Drama. Le Drama est une approche pédagogique Britannique fondée sur les apprentissages concrets de l’élève, le corps en mouvement, le multisensoriel et le collectif. Cette pratique fut démocratisée en 1994 par Dorothy Heathcote dans son ouvrage « Drama for Learning », à une époque où l’art dramatique n’était implanté dans l’Éducation Nationale que depuis une quinzaine d’années en France.
L’idée est de mettre les élèves avant tout en situation. La priorité de l’approche du Drama est le ressenti des apprenants. C’est l’expérience sur le moment qui compte, on met donc de côté les finalités artistiques d’une pièce de théâtre qui sont le délai de la représentation, les répétitions et finalement la représentation devant une audience. C’est le dire et le faire qui comptent, une communication voulue, active et spontanée entre les dialoguants. Ils doivent comprendre ce qu’ils se disent et comprendre pourquoi ils le disent. La diction devient alors plus claire, limpide et l’émotion de l’élève se place plus au cœur des actions. Le corps est aussi plus pris en compte car lorsque l’on communique spontanément sans récitation, on parle avec sa bouche mais aussi avec son corps.
Il y est expliqué dans un premier temps l’importance de l’apprentissage actif d’une langue étrangère, pour pouvoir ensuite la réutiliser. Le Drama et l’apprentissage par le théâtre peuvent être des moyens d’apporter plus de dialogue entre élèves, un dialogue souvent absent de la réalité de la classe. On apporte un côté ludique à l’apprentissage théâtralisé par les sons, sensations et sentiments. La première étape avant l’apprentissage d’une petite pièce est d’impliquer les enfants dans la culture étrangère en question. Ils doivent se sentir formés et intégrés à cette culture, que chaque mot fasse sens pour eux.
Sur une classe où Prisca Schmidt a enseigné, des stagiaires au fait sur sa pratique d’enseignement ont expérimenté des cours d’anglais sur le principe de la méthode du Drama. L’accent était mis sur l’apprentissage des noms des animaux, des aliments et des pièces de la maison. Sur le thème des aliments par exemple, ils ont fait goûter aux élèves des fruits classiques qu’ils connaissaient aux sonorités simples (orange, banana), ainsi que des aliments typiques anglais qu’ils ont pu associer à un son, une texture, un goût et une opinion (j’aime ça/je n’aime pas ça). Au niveau des animaux, plutôt qu’avec la méthode des Flashcards, les élèves avaient en leur possession des peluches d’animaux qu’ils pouvaient regarder, prendre en main et toucher. Le jeu de la pièce manquante propre aux Flashcards prenait alors tout son sens car les élèves voulaient tenir la peluche en main et les appeler par leur nom en anglais.
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Table des matières
Introduction
1. Cadre théorique
1.1. définition des termes de la problématique
1.2. Ce que dit l’institution
1.2.1. Théâtre
1.2.2. Eveil aux cultures étrangères
1.3. Ce que dit la recherche
1.3.1. Prisca Schmidt et l’approche du Drama
1.3.2. Joëlle Aden et l’apprentissage translangagier
2. Hypothèses, cadre opératoire
2.1. Hypothèses
2.2. Questionnaire
2.3. Préparation de ma séquence
2.3.1. L’école
2.3.2. Ma classe
2.3.3. Ressources de conception de séquence
2.4. Ma séquence d’apprentissage
2.4.1. Compétences et objectifs généraux, modalités, durées, matériel
Conclusion