Réseau et territoire et leurs articulations : définitions et approches
Comme le rappelle Claude Raffestin, les mots réseau et territoire se sont développés, l’un comme l’autre, « sur le mode concret et sur le mode abstrait » et sont devenus des « concepts transdisciplinaires » en sciences sociales (Raffestin, 1996, p. 5). Parfois considérés comme indissociables, parfois opposés, le territoire et le réseau ont fait l’objet de nombreux travaux dans le champ des sciences sociales, qui questionnent leur mise en relation. Le territoire, qui a connu un renouveau en géographie depuis les années 1980, ainsi que dans différentes disciplines des sciences humaines et sociales, est devenu, notamment en France, un concept opératoire tant en géographie que dans le champ de l’aménagement du territoire (Elissalde, 2002 ; Moine, 2006 ; Vanier [dir.], 2009 ; Elden, 2010 ; Painter, 2010). Ce renouvellement conceptuel n’a pas abouti à une définition unique et consensuelle du territoire, comme l’indique Jacques Lévy qui, dans le dictionnaire de la géographie et des sociétés, recense huit définitions (Lévy, 2003). L’abondante littérature et les différents événements scientifiques dédiés à cette question illustrent la vivacité des débats. Plusieurs auteurs distinguent le territoire par sa dimension relationnelle avec les sociétés humaines, en particulier autour de la question de l’appropriation de l’espace (Le Berre, 1995 ; Lévy & Lussault, 2003 ; Brunet et al., 2005 ; Ozouf-Marignier, 2009 ; Merlin & Choay, 2010). Alexandre Moine a proposé une définition systémique et dynamique du territoire comme « un système complexe évolutif qui associe un ensemble d’acteurs d’une part, l’espace géographique que ces acteurs utilisent, aménagent et gèrent d’autre part » (Moine, 2006, p. 126). Dans sa définition, le territoire repose sur les interrelations et les évolutions de deux sous-systèmes : le système social et l’espace géographique. La mise en relation entre ces deux sous-systèmes tient aux usages de l’espace et aux interventions des acteurs, en termes d’aménagement et de gestion de l’espace. Cette mise en relation évolue dans le temps. Pour Marie-Vic Ozouf-Marignier, cette composante temporelle est centrale dans la fascination portée par les sciences sociales au territoire, dont l’analyse permet « la décomposition temporelle d’un processus spatial » (Ozouf-Marignier, 2009, p. 35). Le terme de réseau est fortement associé aux infrastructures techniques, aux réseaux matériels ou immatériels « structurant l’espace de manière irréversible et justifiant ainsi le terme d’infrastructures » (Dupuy, 1987). Dans les sciences sociales, le réseau, objet technique, géographique ou socio-économique, a été notamment saisi sous l’angle des modes de gestion ou de régulation des réseaux et autour de la question centrale des relations entre réseaux et dynamiques territoriales. En France, le groupement de recherche Réseaux du CNRS, s’est particulièrement investi à l’étude de ces notions et leurs interactions. L’économiste Nicolas Curien a cherché à distinguer l’approche du réseau par l’ingénieur, qui s’intéresse de prime abord à la dimension physique du réseau et à son inscription spatiale – « le mot réseau évoque tout d’abord l’interconnexion spatiale d’équipements complémentaires coopérant entre eux pour transporter des flux de matière, d’énergie ou d’information, pour les acheminer d’une origine vers une destination » (Curien, 1993, p. 52-53) – à l’approche, technico-économique, de l’économiste et du gestionnaire pour qui les réseaux sont davantage des supports d’intermédiation que d’interconnexion. Il a ainsi posé les fondements de la théorie dite « des trois couches » : les activités des réseaux se segmentent en trois couches principales, avec en amont, celles de l’infrastructure (support), au centre, les services intermédiaires (info-structure ou commande), et en aval, le service final d’utilisation (service) (Curien, 1993). Partant de leur expérience au sein du GDR Réseaux, Gabriel Dupuy et Jean-Marc Offner rappellent qu’un très grand nombre de disciplines des sciences sociales se sont emparées de la notion de réseau (économistes, historiens, sociologues) avant les géographes, au début peu nombreux à s’y intéresser, du moins parmi les membres du groupe de recherche sur les réseaux (Dupuy & Offner, 2005). Claude Raffestin constitue à ce titre une exception notable, qui montre que les réseaux constituent « des appareils de pouvoir susceptibles de créer de nouvelles territorialités » (Dupuy & Offner, 2005, p. 39). Dans le dictionnaire critique des mots de la géographie, le géographe Roger Brunet définit le réseau comme un « ensemble de lignes ou de relations aux connexions plus ou moins complexes ; vient de rets, filet » ; « en topologie, un réseau est formé de nœuds, et de segments, ou de sommets et d’arcs » (Brunet et al., 2005, p. 430). Dans cette définition, il met en avant le fait que de nombreux réseaux s’appuient sur l’espace géographique, et que beaucoup peuvent même « être considérés comme des êtres géographiques, dans la mesure où ils lient des lieux sur une certaine durée ». Il pointe ainsi les composantes spatiales et temporelles qui caractérisent les réseaux et la vocation des réseaux à produire le territoire à partir de la mise en relation de lieux. Pour Michel Lussault, l’espace, qui est un construit social, se décline selon trois grands types d’arrangement ou idéaux-types : le lieu, l’aire et le réseau. Le territoire serait l’idéal-type de l’aire, entendue comme un espace topographique et divisible (Lussault, 2007a). Le réseau est défini comme un type d’agencement de l’espace (espace-réseau), entretenant une relation « contrariée » avec l’aire (le territoire), le réseau renvoyant à la discontinuité et à la connexité tandis que l’aire renvoie à la continuité et la contiguïté (Lussault, 2007a). S’il distingue espace topographique et espace topologique, il rappelle qu’une maille d’un réseau peut être une aire et un point, un lieu : « tous [les trois idéaux-types d’agencement spatiaux] viennent ainsi s’inscrire dans la physiographie du réseau spatial » (Lussault, 2007a, p. 134). Le positionnement de Lussault pose le réseau comme un type d’arrangement spatial, vis-à-vis duquel l’arrangement spatial territorial s’oppose. Dans cette approche, chacun relève d’une logique spatiale différente, topographique pour les territoires et topologique pour les réseaux (Lévy, 2003 ; Lussault, 2007a). Pour Joe Painter, cette vision, si elle permet d’envisager l’articulation entre réseau et territoire, sépare néanmoins les deux notions (Painter, 2010). Il recense pour sa part quatre approches principales en géographie des relations entre réseau et territoire : les réseaux ont remplacé les territoires (changement de paradigme) ; le territoire compte toujours mais différemment (coexistence) ; territoire et réseau conceptualisent différemment une même réalité ; le territoire est un type particulier de réseau (Painter, 2009). À l’appui de cette dernière approche, il pose le territoire non pas comme le produit de relation en réseau, mais comme un effet des réseaux (territoryeffect) : « the production of “territory-as-effect” can be understood as the outcome of (networked) socio-technical practices. », le territoire – poreux, incomplet, provisoire – n’étant ni opposé ni dans une relation dialectique avec le réseau, mais étant plutôt un autre type de réseau (Painter, 2010). En France, des chercheurs de différentes disciplines, géographes ou spécialistes des réseaux, ont également contribué à dépasser cette opposition entre territoire et réseaux depuis la fin des années 1980, en montrant que la territorialité, au sens d’« ensemble des relations entretenues par l’homme, en tant qu’il appartient à une société, avec l’extériorité et l’altérité à l’aide de médiateurs ou instruments » (Raffestin, 1987, p. 5), pouvait s’exprimer en dehors de la continuité spatiale. Aussi plusieurs formes de territorialité peuvent coexister, telles que proposées dans les notions de territorialité aréolaire et territorialité réticulaire (Dupuy, 1988 et 1991 ; Bonnemaison, 1989 ; Elissalde, 2002 ; Monnet, 2010). Le territoire « aréolaire », correspond « explicitement ou implicitement […] à une aire ou une étendue », quand le territoire réticulaire renvoie à des « chaînes de lieux » (Monnet, 2010), « l’espace réticulé [étant] mis en forme par un système en réseau » (Bonnemaison, 1989, p. 510). Dans certains travaux de géographie de transport sur les réseaux de transport, logique de réseau et logique de territoire sont parfois distinguées : il ne s’agit pas d’opposer réseau et territoire, mais de différencier territorialité aréolaire et réticulaire (Beyer, 2005 ; Facchinetti-Mannone & Bavoux, 2010a et b ; Richer et al., 2014). Antoine Beyer souligne cette double appartenance des réseaux de transport, qui se traduit par différents types de relation et d’arbitrage, et la nécessité de prendre en compte les échelles spatiales et temporelles afin de les appréhender (Beyer, 2005). Enfin, un grand nombre d’auteurs, géographes ou politistes, notamment, s’intéressent aux interactions entre réseaux et territoires à travers le processus de territorialisation. Ce processus renvoie à la fois à la production physique et matérielle des territoires en lien avec le développement des réseaux, mais aussi à l’ensemble des transformations sociales et politiques qui permettent ou accompagnent ces évolutions. Jean-Marc Offner rappelle que la relation au territoire est imbriquée à la notion de réseau telle qu’elle est développée depuis le XIXe siècle, le réseau étant appréhendé dans sa dimension circulatoire comme instrument de territorialisation, à l’appui du développement du chemin de fer au XIXe siècle notamment, ou plus tard comme « destructeur des territoires, bousculant les références spatio-temporelles, brouillant les échelles géographiques, avec l’avènement des grandes vitesses et la diffusion des télécommunications » (Offner, 1993b, p. 11). Les relations entre réseaux et territoire participent ainsi de processus dynamiques de territorialisation/déterritorialisation (Offner & Pumain, 1996 ; Ozouf-Marignier, 2009). Pour Claude Raffestin, si « un territoire peut être défini comme le champ d’un système d’intention en activité », « ces systèmes d’intentions se manifestent par des réseaux matériels et sociaux » : l’articulation entre territoire et réseau se traduit donc par l’organisation et l’aménagement de portion d’espace et participe au processus de territorialisation. Ce dernier s’inscrit plus largement dans un processus qu’il nomme « TDR » : le processus de territorialisation, de déterritorialisation et de reterritorialisation. Si le territoire est l’espace sur lequel est projeté un système d’intention humaine, l’espace est « ce qui n’est pas encore l’objet d’un système d’intentions ou qui n’est plus l’objet d’un système d’intentions actif, et par conséquent offert et disponible à la projection de nouveaux systèmes » (Raffestin, 1996, p. 6-7). Cette analyse lui permet de poser l’articulation espace-réseau-territoire comme un indicateur du processus plus large de territorialisation-déterritorialisation-reterritorialisation
La diversité des réseaux ferroviaires à grande vitesse et de leurs composantes
Les lignes puis les réseaux à grande vitesse se sont développés progressivement, au Japon, puis en Europe et plus récemment en Asie (Taiwan, Corée, Chine), selon diverses options techniques, d’aménagement ou encore d’exploitation. Derrière la diversité des conceptions de la grande vitesse, les modèles se différencient selon trois principaux critères (Givoni, 2006) : la vitesse d’exploitation, le coût de la construction (de ligne nouvelle, de gare, de réaménagement ou encore de matériel roulant) et le degré de compatibilité avec le réseau ferroviaire classique. Quarante ans après la mise en service du premier train à grande vitesse au Japon, Moshe Givoni propose de revenir sur ce qui caractérise et définit la grande vitesse ferroviaire moderne. Selon lui, le train à grande vitesse est un mode de transport à part entière11 malgré la pluralité des conceptions et services développés dans le monde (2006, p. 594). À l’appui de sa revue de littérature, il note qu’il n’existe pas de définition unique de la grande vitesse ferroviaire, et que le terme même de grande vitesse est ambigu puisqu’il fait parfois référence aux lignes ou aux matériels roulants ou encore à la vitesse d’exploitation. L’un des premiers éléments, à la fois constitutif du mode ferroviaire à grande vitesse et participant au flou de sa caractérisation, est la distinction progressive entre ligne (réseau), matériel roulant (train) et offre (service ferroviaire). La notion de réseau à grande vitesse s’est développée avec la mise en réseau des lignes à grande vitesse au niveau national mais aussi dans l’idée de connexions transnationales, comme en Europe (Gutiérrez et al., 1996 ; Martí-Henneberg, 2013). Le réseau ferroviaire à grande vitesse renvoie dans ce cas au réseau-support : les lignes nouvelles ou les lignes réaménagées pour supporter des services à grande vitesse. Cependant, si par réseau, il est davantage fait référence aux lignes, les termes de « ligne » et « train » (à grande vitesse), dans les documents de planification, des opérateurs et même dans le champ de la recherche, sont utilisés de façon ambiguë, en France comme dans d’autres pays : « train and rail (or railway) are often used synonymously » (Givoni, 2006, p. 594). Ce fut le cas en France jusqu’à la fin des années 1990, le sigle TGV étant utilisé pour désigner à la fois les lignes, le matériel roulant et le service ferroviaire opéré par la SNCF, dans les documents publics ainsi que dans le domaine scientifique : il est par exemple question du « TGV Sud-Est » et du « TGV Atlantique » dans les études a posteriori et jusque dans le bilan LOTI de cette ligne, rédigé en 1999 (Muller et al., 1988 ; CGPC, 2001). Pour Michel Lebœuf12, c’est suite à la réforme ferroviaire de 1997 et à la création de RFF (Réseau ferré de France)13 que le terme de LGV est apparu et que son emploi s’est progressivement systématisé pour designer (et distinguer) les lignes à grande vitesse : « En séparant la gestion de l’infrastructure de celle du transport, le système s’est trouvé institutionnellement éclaté, ce qui a conduit à nommer plus clairement les objets qui le composent. » (2013, p. 62). L’évolution de la marque TGV, déposée par la SNCF dès 1978, reconnue à partir de 2011 par l’Office des Marques Communautaires (OHIM), a encore précisé et resserré l’emploi de TGV, réservé aux seuls trains exploités par la SNCF et ses filiales (Bachelier, 2011). TGV désigne davantage le service (offre) que le matériel roulant : l’emploi de TGV concerne donc en théorie uniquement les services de trains à grande vitesse opérés par la SNCF. Aussi, d’autres termes apparaissent. En 2012, Alstom14 dépose la marque AGV pour ses « automotrices à grande vitesse », et le terme générique de TAGV – train apte à la grande vitesse – se diffuse dans les documents de planification et de communication. Le document de contribution de RFF à la révision du Schéma Directeur de la Région Île-de-France (SDRIF) de mai 2012 illustre bien l’emploi de nouveau sigle : il est question de « trafic TAGV », de « l’accès aux TAGV » et même de « gares TAGV » (RFF, 2012, p. 21). En 2017, la SNCF fait à nouveau évoluer sa marque, afin de clarifier et segmenter l’offre à grande vitesse, notamment suite à la création en 2013, de sa filiale low cost, Ouigo. C’est dans cette perspective qu’est créée la marque inOui, pour les services TGV de gamme « premium ». TGV est alors présenté comme la marque ombrelle des différents niveaux de service. « Le TGV reste le nom du train et du système, on continuera à dire “je suis dans le TGV”. Ce qu’on fait simplement c’est qu’on baptise un service qui aujourd’hui n’a pas de nom » Déclaration de Guillaume Pépy, président de SNCF (Le Monde, 28 mai 2017) Progressivement, les lignes à grande vitesse désignent les voies de chemin de fer construites afin de mettre en place une offre à grande vitesse, qu’elles soient dédiées ou non, quand les trains à grande vitesse renvoient au matériel roulant lui-même mais aussi plus généralement au système de transport. La vitesse est également un critère de caractérisation de la grande vitesse ferroviaire. Il s’agit cependant d’un critère variable, à la fois en fonction des différents modèles développés, mais également dans le temps. En effet, la vitesse commerciale de la grande vitesse varie au sein des pays selon l’époque de la mise en service, mais aussi entre pays selon les choix techniques et les modèles d’organisation retenus. Face à l’hétérogénéité des vitesses d’exploitation, des seuils ont été établis : ainsi, en Europe, il est question de grande vitesse commerciale au-delà de 200 km/h sur ligne classique réaménagée et 250 km/h sur ligne dédiée (Directive de la Commission Européenne, 1996). Au niveau international, l’association internationale des professionnels du secteur ferroviaire, l’UIC a proposé une définition de la grande vitesse15 qui repose sur un seuil de vitesse (commerciale minimale, 250 km/h). Ce seuil est ici présenté comme une composante technique et ne définissant pas le mode « grande vitesse ferroviaire ». De plus ces seuils, ou les vitesses affichées, sont des vitesses maximales d’exploitation, et ne correspondent pas à la vitesse moyenne sur l’ensemble du parcours. La vitesse est un enjeu technique et de sécurité, et donc de coût. Il s’agit également d’un élément de stratégie industrielle internationale à la dimension géopolitique (Centre d’analyse stratégique [CAS], 2011). En France, le rapport de la commission « Mobilité 21 », dit rapport Duron, illustre une bascule d’autant plus forte dans la façon dont la vitesse ferroviaire est envisagée en France (Duron [Rapport], 2013). Le rapport soutient que le modèle ferroviaire français est à renouveler et que ceci passe à la fois par une réévaluation de la place des projets à grande vitesse dans les plans d’aménagement du territoire mais aussi par les vitesses des différents services. La commission propose le développement de nouveaux services, à des vitesses intermédiaires – 200 à 220 km/h – entre la grande vitesse telle qu’elle est développée et l’offre classique. Les années 2010 ont marqué un tournant dans la façon dont la vitesse, et plus encore la « grande » vitesse, est envisagée par les acteurs de l’aménagement du territoire en France (Debrie & Guérin, 2015). Moshe Givoni et David Banister proposent une synthèse des éléments qui ont convergé à la modération progressive de la « vitesse » de la grande vitesse ferroviaire en France comme dans la plupart des pays : selon eux, elle est une composante des trains à grande vitesse à discuter, à relativiser et finalement « la moins importante » (2012). « The speed that really counts is the average speed on the total journey we make or want to make. More important than average speed is the journey reliability, comfort, security and safety and service frequency, all of which make up the journey experience. Achieving high quality values for these components of a journey that include a rail segment might often mean compromising on the maximum speed achieved just over one part of that door-to-door journey. » Givoni & Banister, 2012, p. 307 Au départ, le développement de la grande vitesse ferroviaire au Japon comme en France répondait à un objectif d’augmentation de la capacité, pas de réduction du temps de transport (Givoni & Banister, 2012). Les enjeux de « gain de temps » et leur importance dans les stratégies de développement de la grande vitesse se seraient imposés un peu plus tard (Banister, 2011). Les promoteurs du rail, par la voix de l’UIC, rejoignent cette position : d’après l’UIC, la grande vitesse repose sur trois grands principes dont le troisième est « système à grande vitesse ferroviaire signifie capacité » (Annexe 1). La vitesse est donc l’une des composantes des offres à grande vitesse ferroviaire, et les gains de temps l’un des critères de décision et d’évaluation. Ces critères ne suffisent pas à qualifier les différentes offres à grande vitesse, ni la durée des déplacements. Ni la vitesse maximale d’exploitation, ni le temps du déplacement en train à grande vitesse ne reflètent la vitesse moyenne du déplacement porte à porte, ne prenant pas compte des temps d’accès à la gare et à la destination finale depuis la gare d’arrivée (Givoni & Rietveld, 2007 ; Givoni & Banister, 2012). Cette question relève des différentes stratégies nationales de développement de la grande vitesse et d’aménagement du territoire : nombre, localisation, accessibilité et intermodalité des gares (Tapiador et al., 2009 ; Facchinetti-Mannone & Bavoux, 2010b ; Givoni & Rietveld, 2014). La vitesse d’exploitation repose sur des stratégies commerciales, mais également des enjeux d’aménagement du territoire. Surtout, les gains de temps ne sont pas les seuls critères à la fois constitutifs de l’offre, et valorisés par les voyageurs.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 État de l’art et cadre théorique
Introduction du Chapitre 1
1. La territorialisation des relations entre réseau et territoire
1.1. Les interactions entre réseau et territoire
1.1.1. Réseau et territoire et leurs articulations : définitions et approches
1.1.2. Le cas spécifique des relations entre réseaux de transport et territoires
1.1.3. Les mobilités comme grille de lecture des dynamiques croisées entre réseaux et territoires
1.2. Vitesse et mise en relation des territoires par les réseaux
1.2.1. Vitesse et évolution des rapports au temps et à l’espace
1.2.2. Nouvelles dynamiques relationnelles entre territoires
1.2.3. Approche multi-scalaire des articulations réseau-territoire
2. La grande vitesse ferroviaire : objet(s) et recompositions spatiales
2.1. La diversité des réseaux ferroviaires à grande vitesse et de leurs composantes
2.2. Évolution de la grande vitesse ferroviaire en France : morphologie du réseau, organisation du service et gouvernance
2.3. Le rapport à la centralité parisienne : recompositions spatiales et enjeux territoriaux
3. Les gares, à l’interface de différents systèmes spatiaux
3.1. Gares de la grande vitesse ferroviaire : enjeux d’étude et notions
3.1.1. Renouvellement des approches de la gare et grande vitesse ferroviaire
3.1.2. Nœuds du réseau, point de desserte et porte d’entrée du territoire
3.1.3. La gare comme interface de différents systèmes spatiaux
3.2. La desserte comme cadre d’analyse de la territorialisation des gares
3.2.1. La desserte : proposition de conceptualisation
3.2.2. La desserte : un révélateur du processus de territorialisation de Marne-la-Vallée Chessy
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2 Contexte de recherche et approches méthodologiques
Introduction du Chapitre 2
1. Construction de l’objet de recherche
1.1. Temps 1 : traduire la commande et s’adapter aux attentes du financeur de la thèse CIFRE
1.2. Temps 2 : le choix des mobilités touristiques comme grille de lecture de l’insertion territoriale de Marne-la-Vallée Chessy au prisme des évolutions de l’offre ferroviaire à grande vitesse
1.3. Temps 3 : comprendre et analyser les bouleversements introduits par Ouigo
2. Constitution des matériaux et choix méthodologiques
2.1. Principales sources utilisées concernant les processus décisionnels et l’organisation de la desserte
2.1.1. Corpus documentaires
2.1.2. Situations d’observation participante
2.1.3. Entretiens et diversité des modalités d’échange
2.2. Analyse des discours
2.3. Données statistiques existantes et enquêtes ad hoc sur les pratiques des voyageurs
2.3.1. Les enquêtes existantes : apports et limites
2.3.2. L’enquête de 2012
2.3.3. L’enquête par questionnaire de 2017
2.3.4. Les entretiens semi-directifs auprès des touristes voyageant avec Ouigo
Conclusion du Chapitre 2
Chapitre 3 La grande vitesse ferroviaire en Île-de-France : une évidence et un « non-sujet »
Introduction du Chapitre 3
1. La gouvernance de l’aménagement et des transports : les spécificités de l’Île-de-France
1.1. La Région Île-de-France : une décentralisation tardive
1.1.1. Le transfert progressif de compétences à la Région Île-de-France
1.1.2. La régionalisation des transports collectifs en France, puis en Île-de-France
1.1.3. Contributions et arbitrages sur la grande vitesse ferroviaire lors de la révision du SDRIF (2008)
1.2. Une décentralisation contrariée par le « Grand Paris »
1.2.1. Le « Grand Paris », une « recentralisation »
1.2.2. Arc Express et grand huit : de la concurrence à la fusion
1.3. Au tournant des années 2010, la relance des sujets « grande vitesse »
1.3.1. La relance d’un programme ferroviaire à grande vitesse à l’issue du Grenelle Environnement
1.3.2. Les projets LGV, entre soutiens locaux et inquiétudes sur la question du financement
2. Aménager le Grand Paris : la grande vitesse ferroviaire, un sujet « prétexte » ?
2.1. Un foisonnement de projets de nouvelles gares TGV franciliennes
2.1.1. Une approche « systémique » de la création de nouvelles gares TGV
2.1.2. Les apports de l’étude « rocade » : localisation, fonctions, usages des gares
2.2. Réseau de transport du Grand Paris : l’idée d’une « variante » TGV
2.2.1. En juillet 2009, l’idée de la SNCF d’une variante mixte « TGV – métro automatique » du projet de transport du Grand Paris
2.2.2. Les annonces de la SNCF en octobre 2009 : multiplier le nombre de gares TGV en Îlede-France
2.3. Une évolution des représentations et des enjeux associés aux gares de la grande vitesse en Île-de-France
2.3.1. Une évolution des argumentaires liés aux sujets « grande vitesse »
2.3.2. Un changement de regard sur les gares existantes à l’aune des projets de gares nouvelles
3. LGV Est européenne : les ambiguïtés de la position de la Région Île-de-France
3.1. Le long montage financier de la phase 1 : un engagement tardif de l’Île-de-France
3.1.1. Un premier engagement des collectivités de l’Est de la France à l’issue de la mission Essig (1989-1990)
3.1.2. Annonce du phasage : remise en cause des premiers engagements, nouvelle pression sur l’Île-de-France
3.1.3. Finalisation du plan de financement (1998-2000) : réponses du nouvel exécutif francilien
3.2. La 2e phase de la LGV Est européenne : les tergiversations de la Région Île-de-France
3.2.1. La participation au financement de la phase 2 : une demande non anticipée par l’Îlede-France
3.2.2. Entre solidarité interrégionale et crainte d’établir un précédent, les contradictions de la Région Île-de-France
3.2.3. L’aménagement de la « Région capitale » : un point de tension avec tous les partenaires
Conclusion du Chapitre 3
Chapitre 4 L’interconnexion TGV en Île-de-France : un double rapport à la centralité parisienne
Introduction du Chapitre 4
1. Les approches de l’interconnexion : définitions et usages dans le cas francilien
1.1. Dénomination des projets d’« Interconnexion TGV en Île-de-France »
1.2. Interconnexion TGV : un abus de langage ou une notion ambiguë ?
1.3. Les objets et les objectifs de l’Interconnexion TGV : analyse du point de vue des techniciens
2. L’Interconnexion Est : un amoindrissement progressif des enjeux d’aménagement régionaux
2.1. La genèse de l’Interconnexion TGV
2.1.1. Les prémices du projet d’Interconnexion des TGV en Île-de-France
2.1.2. L’implication progressive de la SNCF
2.2. Une évolution de la nature du projet au cours du processus décisionnel
2.2.1. L’Interconnexion des TGV à l’intersection de différents projets
2.2.2. La réalisation de l’Interconnexion Est : une fenêtre d’opportunité financière
2.3. La réaction des acteurs locaux aux choix d’élaboration des projets d’Interconnexion
2.3.1. Des tensions locales sur les projets d’Interconnexion des TGV en Île-de-France
2.3.2. Un désinvestissement progressif des acteurs régionaux sur les sujets « grande vitesse »
3. Réflexions et débats sur le projet d’Interconnexion Sud : télescopages par le Grand Paris
3.1. La relance du projet d’Interconnexion Sud dans un contexte d’intenses débats sur l’aménagement régional
3.1.1. De la mobilisation en faveur de l’Interconnexion Sud à la gouvernance du projet de débat public Interconnexion Sud
3.1.2. Les réflexions du groupe fonctionnalités : l’introduction des enjeux d’aménagement à travers les projets de gares
3.1.3. La définition par RFF de trois scénarios à soumettre au débat public
3.2. Le projet de gare TGV à Lieusaint sur le projet de ligne d’Interconnexion Sud : « les oubliés du Grand Paris »
3.2.1. Des argumentaires techniques pour convaincre RFF
3.2.2. Fédérer les « oubliés du Grand Paris » sur un « projet de territoire »
3.2.3. La courte victoire seine-et-marnaise à l’issue du débat public Interconnexion Sud
4. Représentations spatiales des objets de l’Interconnexion TGV
4.1. Conceptions et noms des gares : des référentiels territoriaux choisis
4.2. Qualification des gares et des différentes dimensions de l’Interconnexion TGV : des référentiels spatiaux implicites
4.2.1. Une difficile qualification des gares TGV franciliennes
4.2.2. Interconnexion, entre connotation technique et référentiel spatial
Conclusions du Chapitre 4
Chapitre 5 Marne-la-Vallée Chessy avant Ouigo : entre gare d’interconnexion et gare d’équipement
Introduction du Chapitre 5
1. Marne-la-Vallée Chessy, tentatives de caractérisation
1.1. Marne-la-Vallée Chessy dans les typologies de gare : ni « bis », ni centrale
1.2. Regards d’acteurs sur Marne-la-Vallée Chessy : la gare d’équipement ou l’approche par la fonctionnalité touristique
2. Disneyland Paris et la métropole touristique Paris
2.1. Parcs à thème, complexe touristique et rapport à l’espace
2.1.1. Disneyland Paris, enjeux et controverses relatifs à un « espace hors quotidien »
2.1.2. Une évolution du rapport au territoire d’implantation dictée par des stratégies marketing
2.2. Disneyland Paris et la métropolisation touristique de Paris
3. Le système relationnel de la gare de Marne-la-Vallée Chessy jusqu’à Ouigo
3.1. Construction de la desserte et estimations de la fréquentation de Marne-la-Vallée Chessy
3.1.1. La desserte intersecteur
3.1.2. Fréquentation des gares de la grande vitesse ferroviaire en Île-de-France et trafics intersecteurs
3.2. Qualité de la desserte de Marne-la-Vallée Chessy : enjeux pour la fréquentation
3.2.1. Marne-la-Vallée Chessy : dessertes intersecteurs et liaisons internationales terminus
3.2.2. Extension spatiale du réseau de relations et évolution de la fréquence
3.2.3. Évolution de la fréquentation
3.2.4. Distribution horaire de la desserte de Marne-la-Vallée Chessy : un double enjeu
3.3. Vers une remise en cause du modèle intersecteur ?
4. Pratiques des voyageurs : une lecture de l’aire d’influence de la gare
4.1. Les voyageurs transitant par Marne-la-Vallée Chessy : première analyse des données existantes
4.1.1. Fréquentation des parcs : les visiteurs transitant par Marne-la-Vallée Chessy
4.1.2. Fréquentation de Marne-la-Vallée Chessy : plus de la moitié des voyageurs liée à Disneyland Paris
4.1.3. Les touristes à Marne-la-Vallée Chessy, quelles pratiques en dehors de Disneyland Paris ?
4.2. Profils et pratiques des touristes arrivés par Marne-la-Vallée Chessy : analyse de l’enquête ad hoc
4.2.1. Une approche comparative entre Marne-la-Vallée Chessy et Paris Gare de Lyon
4.2.2. Présentation des échantillons de l’enquête de 2012
4.3. Analyse des pratiques spatiales des touristes : La gare, porte d’entrée de quel(s) espace(s) touristique(s) ?
4.3.1. Trois variables pour spatialiser les pratiques : lieux déclarés visités, lieux d’hébergement et modes de transport utilisés lors du séjour
4.3.2. Espace touristique fréquenté : construction de la modélisation graphique
4.3.3. Derrière les pratiques spatiales, des profils touristiques différenciés
Conclusion du Chapitre 5
Chapitre 6 Marne-la-Vallée Chessy après Ouigo : quelles recompositions spatiales et territoriales ?
Introduction du Chapitre 6
1. Ouigo : annonce, enjeux et interrogations sur le modèle TGV
1.1. D’aspartam à Ouigo : accueil et enjeux du projet
1.2. Une offre « low cost » ? Analyse des composantes de Ouigo
1.3. Ouigo : une stratégie « petits prix » qui s’inscrit dans les évolutions de la tarification du TGV
2. Des débuts de Ouigo à son déploiement : de nouvelles dynamiques relationnelles
2.1. Une offre qui évolue rapidement : les trois temps de Ouigo
2.2. Marne-la-Vallée Chessy et l’expansion de la desserte Ouigo : une réorganisation du système relationnel de la gare
3. Qui sont les « nouveaux » voyageurs Ouigo ?
3.1. Les données recueillies par les acteurs du transport et du tourisme : premiers éclairages
3.2. Enquêtes ad hoc sur les pratiques des touristes : une diversification des profils rencontrés
3.2.1. Spécificité du dispositif des enquêtes 2017 : gares et offres d’arrivées
3.2.2. Les évolutions des profils de voyageurs enquêtés par questionnaire entre 2012 et 2017
3.2.3. Profils des personnes rencontrées lors des entretiens semi-directifs
4. Ouigo et les nouvelles pratiques spatiales de l’espace touristique francilien
4.1. Diversification des espaces touristiques fréquentés
4.1.1. Variables mobilisées pour spatialiser les pratiques des touristes en 2017
4.1.2. Nouvelles lectures des espaces touristiques fréquentés
4.2. Diversification des types de séjours
4.3. Récits de séjour des voyageurs Ouigo
5. Arbitrages et représentations des touristes : Marne-la-Vallée Chessy est-elle périphérique ?
5.1. Prise en compte de la localisation de la gare de Marne-la-Vallée Chessy dans les arbitrages : poids des représentations
5.2. Pratiques au cours du séjour : ressenti sur l’image de la gare et sa localisation
5.3. Retour d’expérience des voyageurs Ouigo : rapport à l’espace et au temps
5.3.1. Ouigo : renouvellement des rapports au temps
5.3.2. Ouigo et la requalification des attentes sur les services ferroviaires à grande vitesse
6. Ouigo à Marne-la-Vallée Chessy : des enjeux multiples de gestion des flux
6.1. Une accentuation des phénomènes de pic de fréquentation
6.2. Un enjeu de gestion des flux qui déborde des espaces internes à la gare TGV
Conclusion du Chapitre 6
Conclusion générale
Les gares TGV franciliennes sont-elles périphériques ?
La grande vitesse ferroviaire, un « non-sujet » francilien
Gares TGV franciliennes : un double rapport à la centralité parisienne
Ouigo comme élément de rupture : l’évolution du rôle de porte d’entrée de Marne-la-Vallée Chessy
Un processus de territorialisation contrarié par les logiques commerciales
Ouvertures : compléments et nouvelles pistes de recherche.
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