Aménagement durable des forêts
Le sujet des forêts est lié à l’éventail complet des problèmes – et des solutions – en matière d’environnement et de développement (Nations Unies 1992). Le principe du développement durable, c’est-à-dire l’intention de répondre aux besoins présents sans compromettre la possibilité des générations futures de répondre aux leurs (Brundtland 1988), encadre depuis quelques décennies les efforts visant un développement socioéconomique respectueux de l’environnement. Dans le cas des forêts, on parle alors d’ aménagement forestier durable (Conseil canadien des ministres des forêts 2003). Cet équilibre est souvent représenté par trois cercles accolés représentant les pôles de la société, de l’économie et de l’environnement, au centre duquel le développement durable serait atteint. Bien que très utile pour conceptualiser le principe, cette représentation n’illustre pas le fait que toutes les sociétés dépendent des forêts (FAO 2003). Pour hiérarchiser les trois pôles les uns par rapport aux autres, on peut placer les cercles les uns dans les autres (figure I.l), ce qui illustre bien que l’environnement est la condition de base de la vie sur terre, de laquelle la société humaine fait partie et qui est le but du développement tel que nous l’entendons, et qu’à ce titre, l’économie est un outil élaboré par la société, et qui lui est subordonnée (Vallée 2002). Implicitement, la représentation hiérarchique du développement durable comprend les biens et services environnementaux que les écosystèmes planétaires rendent à la société humaine (Daily 1997, Millennium Ecosystem Assessment 2005). Les biens environnementaux incluent par exemple les fruits, l’eau, le bois, les poissons, etc. À la base même du bien-être humain, les services environnementaux incluent notamment la régulation du climat, ainsi que les cycles de l’eau et du carbone. Les forêts sont un des piliers globaux dans le maintien de ces services.
La tragédie des communaux
Le terme « ressources communes» (common-pool resources) est utilisé pour faire référence aux systèmes naturels dans lesquels il est particulièrement ardu d’exclure les bénéficiaires et où l’exploitation par un utilisateur entre en compétition avec les besoins des autres utilisateurs (Ostrom et Field 1999, Ostrom 2003). Les ressources communes incluent des parties du système terrestre telles que l’eau, l’air et les forêts: les forêts étant considérées comme étant au centre du développement des connaissances sur les ressources communes (Agrawal 2007). De par leur nature, les ressources communes sont difficiles à gérer, et leur exploitation par les humains se révèle actuellement être insoutenable à l’échelle mondiale (Millennium Ecosystem Assessment 2005). La récolte de ses ressources ligneuses soumet la forêt à des pressions grandissantes, au point où les processus naturels qui régulaient les écosystèmes forestiers précoloniaux sont perturbés de façon inquiétante (Kimmins 1997, FAO 2009, 2011). D’autre part, la récolte de bois est aujourd’hui confrontée à une opinion publique qui réclame une gestion durable de la forêt (Kneeshaw et al. 2000). Cette opposition de valeurs rappelle la « tragédie des communaux» (Hardin 1968). Cette théorie qui stipule que toute ressource commune sera surexploitée sans un contrôle politique adéquat ou de mise en œuvre d’une démarche de privatisation (Hardin 1994, 1998).
Tenure et privatisation des forêts
La tenure est définie ici comme « l’ensemble des institutions sociétales (organisation, règlements, droits et restrictions) qui contrôlent l’allocation et l’utilisation des terres et des ressources qui y sont associées par les gens» (Cumming et Barnes 2007). Au-delà des caractéristiques de base définissant une tenure, d’autres mécanismes se greffent avec le temps, afin de la compléter ou de l’améliorer, comme par exemple des incitatifs, des programmes de certification (ex: environnementale), des organismes de coopération, etc. Lorsqu’on combine ces mécanismes à la tenure, on réfère alors au terme « arrangements institutionnels» (institutional arrangements), qui est aussi utilisé pour décrire l’ensemble des paramètres qui définit un mode de tenure (Dietz et al. 2003, Sandberg 2007). C’est à l’intérieur de ce cadre que s’exerce la gouvernance des ressources naturelles, utilisée ici au sens large pour désigner le processus décisionnel qui s’opère dans les différentes institutions interreliées par un mode de tenure. Il est utile d’organiser les tenures en fonction du type de propriété qui les régit, soit privée, publique ou communale (White et Martin 2002). Les deux premières sont les formes les plus courantes et font l’objet de la présente thèse. Les forêts couvrent 4 033 060 000 ha des 13 009 550 000 ha de surface terrestre sur le globe, soit une proportion de 31 %, en déclin de 0,14 % annuellement (F AO 20 Il). La forêt est partagée sous divers types de tenure selon les différents bénéfices attendus socialement. En 2010, les usages de ces forêts étaient, en ordre décroissant, la production (30 %), les usages multiples (24 %), la conservation de la biodiversité (12 %), la protection du sol et de l’eau (9 %), les services sociaux (4 %), les autres usages (7 %) et l’absence d’usage ou d’usage inconnu (16 %) (F AO 2010). Chacun de ces usages est associé à un régime de tenure.
Le cas de la forêt québécoise
L ‘histoire de l’industrie forestière québécoise est ponctuée de crises (Fréchette 2009). Certaines sont nées de l’épuisement de la ressource elle-même, à cause d’ une surexploitation qui a traversé plus d’un cycle dans certaines régions (Fortin et Lechasseur 1993). D’autres sont de nature économique, dont celle sur le conflit entre le Canada et les États-Unis sur bois d’œuvre, au sujet duquel on a retracé des références aussitôt qu’au XIXe siècle (Lotbinière 1889). Plus récemment, le film « l’Erreur boréale» paru en 1999, est à l’origine d’une prise de conscience sociale sur l’état de la forêt publique du Québec. On y suggérait une tragédie des communaux, puisqu ‘une ressource commune avait été l’objet de surexploitation. Plus tard, la « Commission Coulombe » qui fut constituée pour évaluer la qualité de la gestion et pour faire une enquête indépendante sur le sujet, a confirmé que le régime de récolte n’ était pas soutenable (Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise 2004). Certains analystes ont vu dans la privatisation des forêts une solution à cette tragédie des communaux, voire une évolution normale de l’organisation des pays forestiers tel qu’observable à l’échelle mondiale, et dans laquelle le Québec devrait s’inscrire (Desrochers 2002).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES T ABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONYMES
LISTE DES SYMBOLES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
AMÉNAGEMENT DURABLE DES FORÊTS
L A TRAGÉDIE DES COMMUNAUX
TENURE ET PRIYATISATION DES FORÊTS
LE CAS DE LA FORÊT QUÉBÉCOISE
LE BAS-SAINT-LAURENT COMME MODÈLE D’ÉTUDE
OBJECTIF ET ORIGINALITÉ DE L’ÉTUDE
MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE
Cartes vectorielles vs matricielles
Découpage par bassin versants
Données sur les travaux sylvicoles
Indicateurs socio-économiques
PLAN DE LA THÈSE
CHAPITRE 1 COMPARAISON DES EFFETS DES TENURES PRIVÉE ET PUBLIQUE SUR LA STRUCTURE ET L’HÉTÉROGÉNÉITÉ D’UNE RÉGION FORESTIÈRE À L’INTERFACE TEMPÉRÉE-BORÉALE DE L’EST CANADIEN
1.1. RÉSUMÉ
COMPARING THE EFFECTS OF PRIVATE AND PUBLIC LAND TENURES ON TH E STRUCTURE AND HETEROGENEITY OF MIXED FORESTS, EASTERN CANADA
1.2 . ABSTRACT
1.3. KEYWORDS
1.4. ACKNOWLEDGMENTS
1.5 . INTRODUCTION
1.5.1. Forest tenure
1.5.2. Forest govemance and sustainability
1.5.3. Biodiversity and tenure
1.5.4. The case of Bas-Saint-Laurent
1.6. METHODS
1.6.1. Studyarea
1.6.2. Spatial analysis
1.6.3. Scale offorestry interventions
1.6.4. Statistical analyses
1.7. RESULTS
1.7.1. Landcover
1.7.2. Permanent variables
1.7.3. Habitat loss and fragmentation
1.7.4. Forest structure and composition
1.7.5 . Heterogeneity
1.7.6. Scale of forestry interventions
1.8. DISCUSSION
1.8.1. Habitat loss and fragmentation
1.8.2. Heterogeneity and forestry
1.8.3 . Forest structure and composition
1.8.4. Summary
1.8.5. Solutions
1.9. CONCLUSION
1.10. REFERENCES
CHAPITRE 2 COMPARAISON DES RETOMBÉES SOCIO ÉCONOMIQUES DES PETITS LOTS DE FORÊT PRIVÉE ET DE LA FORÊT PUBLIQUE: UNE ÉTUDE DE CAS DANS L’EST DU QUÉBEC
2.1 RÉSUMÉ
2.2 INTRODUCTION
2.3 MÉTHODES
2.3.1 Aire d’étude
2.3.2 Source des données
2.3.3 Analyse des données
2.4 RÉSULTATS
2.4.1 Aménagement sylvicole réalisé
2.4.2 Emplois
2.4.3 Incitatifs financiers publics
2.5 DISCUSSION
2.5.1 Paniers d’ interventions sylvicoles
2.5.2 Emplois
2.5.3 Production de biens et services
2.6 CONCLUSION
2.7 REMERCIEMENTS
2.8 REFÉRENCES
CHAPITRE 3 MODÉLISATION DE L’EFFET DES RECETTES D’AMÉNAGEMENT FORESTIER PRIVÉE ET PUBLIQUE SUR LE SYSTÈME SOCIO-ÉCOLOGIQUE D’UNE FORÊT SUD-BORÉALE
3.1 RÉSUMÉ
MODELING THE EFFECT OF PRIVATE AND PUBLIC FOREST MANAGEMENT RECIPES ON THE SOCIAL- ECOLOGICAL SYSTEM OF A SOUTHERN BOREAL FOREST
3.2 ABSTRACT
3.3 INTRODUCTION
3.4 FOREST TENURE AND PRIVATIZATION
3.4.1 The Case of Bas-Saint-Laurent forests
3.5 A MODEL TO APPREHEND FOREST GOVERNANCE US ING STELLA
3.5.1 Model objectives
3.5.2 Model extent (study area)
3.5.3 Modellimitations
3.5.4 Model description
3.5.5 Model sections
3.6 SIMULATION SCENARIOS
3.6.1 Status quo (SQ)
3.6.2 No sylviculture (NS)
3.6.3 Ecosystem Management (EM)
3.6.4 Privatization (PR)
3.7 SIMULATION RESULTS AND DISCUSSION
3.7.1 Status quo
3.7.2 No sylviculture
3.7.3 Ecosystem management
3.7.4 Privatization
3.8 CONCLUSION
3.9 ACKNOWLEDGEMENTS
3.10 REFERENCES
3.11 APPENDIX1
CONCLUSION GÉNÉRALE
C.I PRINCIPAUX RÉSULTATS
C.1 .1 Potentiel de conservation de la biodiversité
C.1.2 Retombées socio-économiques
C.1.3 Perspectives futures pour les arrangements institutionnels étudiés
C.2 PORTÉE DE LA THÈSE
C.2.1 Récapitulation du débat
C.2.2 Réconcilier le privé et le public
C.3 LIMITES DE CETTE RECHERCHE
C.4 PERSPECTIVES DE RECHERCHES FUTURES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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