Les sols sont soumis à de multiples pressions naturelles et anthropiques (machinisme agricole, par exemple) qui perturbent le fonctionnement du biotope. Il en résulte une très forte érosion des sols, ce phénomène peut être modulé en fonction de nombreux paramètres (occupation du sol, climat, composition du sol, etc…). L’Asie du Sud-Est est de plus en plus vulnérable à ce dernier. Et pour cause, l’évolution rapide de la pratique agricole est l’un des facteurs prédominant (Valentin et al., 2008). Cela se répercute sur l’hydrologie des bassins versants. C’est un problème d’autant plus important puisque les provinces du nord de la Thaïlande alimentent « non seulement les rizières, les jardins et les vergers de la Plaine centrale (le « bol de riz » du royaume), mais également les industries et les six millions d’habitants de Bangkok » (Barnaud, 2004).
Tout ceci est accru par un système devant répondre à une croissance de la population et donc de la demande impliquant la recherche de techniques avec un fort rendement dans un temps restreint (Valentin et al., 2008). Outre le changement de la pratique agricole, on constate une évolution dans le mode de vie qui se reflète au travers du système agricole. Or « les facteurs socio économiques […] sont des indicateurs de poids de l’activité humaine dans la favorisation ou la limitation du risque érosif » (El Hage Hassan et al., 2013). La conjugaison de ces variables impactent l’état des sols. Afin de limiter les effets néfastes de ces pratiques, diverses techniques sont réfléchies et mises en place. Une de ces solutions serait la construction de terrasses antiérosives. Leur fonction est de ralentir le ruissellement et retenir la terre sur le haut des versants, selon Roose (2006). Bien que leur efficience soit mal connue, mes observations sur le terrain me permettent de juger de leur résistance dans le temps ainsi que de leur fonctionnalité (Fig. 3).
Parallèlement à cette étude de l’état de conservation de ces terrasses, une évaluation de la dynamique agricole (occupation du sol) permettrait par la suite de corréler le bilan hydrique du bassin versant avec d’une part, la période avant construction des terrasses et celle après la construction de ces dernières et d’une autre part, avec l’observation des changements de l’occupation de sol. En outre, un examen de l’évolution des pratiques agricoles et de l’occupation des sols conduirait notre regard sur les mutations de la société. L’agriculture est le reflet des mouvances de cette dernière. Elle s’y est adaptée, notamment par la « pluriactivité » (Bouchet, 2003), afin de répondre sans cesse aux demandes des populations. L’Asie du Sud Est va voir sa démographie atteindre les 600 millions de consommateurs de riz. Face à cela, elle devra « accroître d’environ 30 % sa production rizicole durant le prochain quart de siècle » (Trébuil et Hossain, 2000). La Thaïlande devra elle aussi s’adapter. L’objectif de ce stage est de mettre en place une méthodologie permettant de suivre l’évolution de l’occupation du sol en utilisant les données d’observation de la Terre. Cette technique est ce que l’on appelle la télédétection. Une fois cette base de données acquise, une étude comparative du comportement hydrologique du bassin versant de Huay Ma Nai, avant et après construction des terrasses, sera réalisée par les chercheurs de l’IRD.
Matériels et Méthodes
Contexte
Ce stage s’inscrit dans un cadre méthodologique. En effet, ma mission est d’apporter les éléments nécessaires, pour contribuer à la problématique scientifique de l’équipe « Biophys », en utilisant les techniques spatiales et le Système d’Information Géographique (SIG – logiciel QGIS). Après avoir présenté l’institut dans lequel j’ai travaillé, je présenterai les données exploitées et les outils qui m’ont permis de les traiter.
Organisme d’accueil, l’IRD
Mon stage se déroule au sein de l’unité de recherche de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement de Paris (iEES – UMR 242), dans l’équipe « Biophys » spécialisée en sciences des sols et localisée dans les locaux de l’IRD. Ce département est un composé de multiples équipes d’organismes différents (Institut de recherche pour le développement – IRD, Université Pierre et Marie Curie – Paris 6, Institut national de la recherche agronomique – INRA, Université Paris Est Créteil Val de Marne – Paris 12 et enfin le Centre national de la recherche scientifique – CNRS). La mission de cette équipe est de « contribuer à l’innovation en gestion durable de la biodiversité, des écosystèmes et des ressources biologiques et à l’élaboration des stratégies d’adaptation aux changements planétaires ». Par ailleurs, la particularité de l’IRD est la volonté de « former aux avancées de l’écologie, des sciences de l’environnement et de l’ingénierie écologique » (IRD) les chercheurs et employés de multiples organismes à l’étranger. En effet, l’IRD travail en équipe avec des centres de recherche étrangers (Thaïlande, Laos, Vietnam, etc…).
Le bassin versant de Huay Ma Nai
À 550 km au nord de Bangkok, en Thaïlande, la province de Phrae possède un des 3 bassins versants d’étude de l’IRD en Asie .
Avec une surface de 93 hectares, le bassin versant de Huay Ma Nai est subdivisé en 5 sous bassins (Annexe 2). Ce dernier s’inscrit dans un contexte de climat tropical avec une pluviométrie annuelle de 1100 mm (MSEC). L’annexe 3 présente la part de sédiments en suspension en fonction de la pluviométrie. On constate une importante quantité de sédiments après chaque épisode pluvieux. Entre le 1er Mai 2014 et le 1er septembre 2014, j’ai pu calculer, grâce au logiciel HYDRAS, une quantité de sédiment à l’exutoire du bassin versant de 4238 g/L.Ce type de climat est caractérisé par deux saisons, la saison sèche (de novembre à mai) et une saison des pluies (de juin à octobre). L’élévation moyenne est de 440 mètres d’altitude avec des pentes allant de jusqu’à 15° (Figure 5), voir plus dans certaines zones. Quant à la géologie du terrain, celle-ci est de type grès et silice (Maglinao et Valentin, 2003).
Concernant la pédologie, le sol est quant à lui de type Alfisol sur la majeure partie du bassin versant. C’est-à-dire un sol ferrugineux (MSEC). Le bassin versant de Huay Ma Nai est composé d’une multitude de parcelles appartenant à divers agriculteurs. Leur revenu dépend essentiellement du riz. Cependant, les champs qu’ils cultivent sur ce bassin versant sont en quelques sortes un revenu complémentaire. De ce fait, les cultures, qui y sont mises, sont fonction de la loi du marché. Depuis quelques années, le maïs se revend bien. En 2015, j’ai eu en charge de réaliser quatre missions sur le bassin versant de Huay Ma Nai. La première consista à réaliser une cartographie de l’occupation du sol de ce dernier. Pour cela j’avais à disposition un GPS Garmin ainsi que des logiciels (GPS Track Maker et Surfer) permettant d’introduire la donnée au sein d’une cartographie. Le premier a pour but de lire les données GPS. Une fois lues, nous pouvons les convertir de telle façon à ce qu’elles soient utilisables, sous format Excel, par le logiciel de cartographie Surfer. Sur le terrain, le protocole d’acquisition des données était le suivant : Il fallait que je fasse le pourtour des différentes cultures présentes dans le bassin versant. Dans le cas du maïs, il fallait que je détermine le sens d’implantation des cultures (dans le sens de la pente ou bien le long des courbes de niveau). Cependant, cette partie du travail fût parfois complexe suite à la vitesse de croissance des plants. Il était difficile, par moment, de bien délimiter et d’évaluer le sens des cultures. Par ailleurs, la morphologie du terrain est particulière. Le relief est tel que nous avons des collines en forme de demiorange. Par conséquent, une culture de maïs peut être dans le sens de la pente sur un flanc mais peut par la suite, suivre les courbes de niveau.
La deuxième problématique porte sur les terrasses. Ces dernières ont été construites par le LDD en 2014. Elles sont présentes sur certains sous bassins. L’objectif de mon travail fût d’analyser l’état de conservation de ces structures et donc leur efficience (Annexe 4). Le protocole était le suivant : Avec un GPS, je marchais le long des terrasses dans un sens pour enregistrer l’ensemble du tracé. Puis, je retournais sur mes pas pour noter à chaque dégradation diverses informations. Les dégradations étaient soit des effondrements, des éboulements ou bien la présence de ravines. Pour chacune de ces perturbations, il a fallu mesurer avec un décimètre la profondeur et la largeur de ces dernières. Ainsi, j’ai pu créer un dossier Excel contenant l’ensemble des altérations répertoriées. Une fois ces terrasses étudiées, j’ai eu à réaliser la coupe de certains versants. Grâce à un théodolite, j’ai pu constituer le profil (Figure 6). Les mesures partaient du bas de la colline pour remonter au fur et à mesure. Tous les mètres, j’effectuais une mesure. Une fois arrivé à une terrasse, il y avait quatre mesures à faire. La première était localisée au bord de la terrasse (1), puis une au milieu de la terrasse (2). La troisième était au pied du talus de la terrasse (3) et enfin la dernière (4) était au sommet du talus .
La télédétection
Grâce à la télédétection, il est possible d’acquérir des informations sur une surface donnée. Pour cela, des images satellites sont collectées puis interprétées. Ces dernières sont obtenues à partir de satellites équipés de capteurs optiques ou radar, qui vont recevoir les rayonnements électromagnétiques émis par les surfaces étudiées. Cette énergie électromagnétique peut être transmise, absorbée et réfléchie par ces mêmes surfaces (Lillesand et al., 2004). Chaque objet a une capacité à réfléchir la lumière ainsi qu’à l’absorber (Kamel, 2005) dans différentes zones du spectre électromagnétique. Selon le Département de la Politique Scientifique fédérale belge , on appelle cela la signature spectrale d’un objet (Figure 7). La télédétection exploite cette dernière. Paul et al. (1984) définissent cette technique de la façon suivante : « Ensemble des connaissances et techniques utilisées pour déterminer des caractéristiques physiques ou biologiques d’objets par des mesures effectuées à distance ». Les capteurs à bord des satellites vont étudier ces signatures spectrales en plusieurs endroits du spectre. Ils sont donc munis de bandes spectrales de mesure (nommés « canaux »), 4 pour les premiers satellites lancés en 1973, 6 ou 8 aujourd’hui en moyenne.
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Table des matières
1. Introduction
2. Matériels et Méthodes
2.1. Contexte
2.1.1. Organisme d’accueil, l’IRD
2.1.2. Le bassin versant de Huay Ma Nai
2.2. La télédétection
2.3. Les données satellites
2.3.1. Les satellites : Landsat 7 et Landsat 8
2.3.2. Protocole de sélection des images satellites
2.4. Traitements effectués : Vectorisation et classification supervisée
2.4.1. Vectorisation des données d’occupation du sol
2.4.2. Le recalibrage des images satellites : Fusion P + XS
2.4.3. La classification supervisée
3. Discussion et résultats
3.1. Les classifications obtenues
3.1.1. Année 2015
3.1.2. Année 2002
3.1.3. Année 2016
3.1.4. De 2001 à 2016 : une pratique culturale qui évolue dans le temps
3.2. La fabrication de la P + XS
3.3. La classification supervisée, un outil performant ?
4. Conclusion
Lexique
Références
Tableaux et figures
Annexes
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