La technologie Lithium-ion
Historique et principe général de fonctionnement
Un accumulateur (ou batterie secondaire) est une cellule électrochimique composée de deux électrodes positive et négative, chacune étant le siège de réactions d’oxydo-réductions réversibles. Il permet la conversion de l’énergie chimique en énergie électrique pendant la décharge et de l’énergie électrique en énergie chimique pendant la charge. Ces réactions mettent en jeu le lithium comme porteur de charge. Les ions lithium se déplacent de l’électrode positive vers l’électrode négative au cours de la charge et de l’électrode négative vers l’électrode positive au cours de la décharge. Ces deux électrodes sont immergées dans un électrolyte, qui permet le transport des ions lithium.
La densité d’énergie est un bon indicateur de la performance d’un accumulateur. Cette dernière, ainsi que la densité de puissance, dépendent de nombreux facteurs tels que : le type de matériaux d’électrode, les caractéristiques des électrodes (composition, épaisseur…), la composition de l’électrolyte, ou encore l’architecture de l’accumulateur. De manière à maximiser la densité d’énergie, les deux principales stratégies consistent à augmenter la capacité spécifique de matériaux actifs et augmenter le potentiel à circuit ouvert de la cellule. Très tôt, l’intérêt s’est porté vers le lithium, le métal le plus électropositif (-3,04 V vs. ESH), et le plus léger (0,534 g.cm-3 ). Le rayon ionique de l’ion Li+ (76 pm) est également suffisamment petit pour s’insérer dans les structures solides.
La première réalisation d’un accumulateur rechargeable fonctionnant avec du lithium était de type TiS2/Li. Il est le fruit du travail de l’équipe de Whittingham en 1976 . Néanmoins, la réduction de l’électrolyte entrainait la formation d’une SEI perméable aux ions lithium, empêchant le dépôt de Li métallique. Ceci favorisait la formation de dendrites lors de la charge, responsables de court-circuit . Un nouvel essor des systèmes rechargeables a été permis par le développement de l’anode en graphite par l’équipe de Yazami, sur laquelle la formation de dendrites est fortement réduite par le potentiel de l’électrode de graphite légèrement supérieur.
Les applications des batteries au lithium
Les accumulateurs de technologie lithium-ion présentent donc pour avantage principal une forte densité d’énergie. De nombreux dispositifs nécessitant une quantité importante d’énergie dans un espace restreint ont pu être très rapidement développés grâce à cette technologie. Les batteries au lithium représentent donc aujourd’hui une technologie majeure de stockage électrochimique qui se retrouve dans tous les domaines du stockage d’électricité.
Le stockage stationnaire
Le développement inévitable d’énergies propres pour la production d’électricité verra la montée en puissance progressive des énergies solaires et éoliennes en remplacement des énergies fossiles. Néanmoins, le défaut majeur de ces sources d’énergie réside dans leur intermittence. Les énergies solaires d’autre part, le 15 novembre 2018 . Au-delà de l’alternance jour – nuit pour le soleil, le vent reste localement imprévisible. De tels systèmes doivent être couplés avec des installations de stockage de manière à être capable de restituer les excédents de production lors des pics de consommation.
Aujourd’hui, les excédents de production d’électricité sont très majoritairement stockés dans des STEP (Station de Transfert d’Electricité par Pompage). La technologie lithium-ion, par son prix, est très peu utilisée dans les systèmes de stockage stationnaire, pour lesquels l’espace n’est pas restreint. Cependant, le déploiement de systèmes locaux de production d’énergie, tels que des panneaux solaires sur le toit des maisons, espaces à l’environnement contraint, entraine le besoin en systèmes de stockage denses, ce qui rend pertinent l’utilisation de systèmes Li-ion. La firme Tesla commercialise par exemple Powerwall, une batterie stationnaire qui peut être couplée à une installation photovoltaïque domestique.
Le véhicule électrique
Le remplacement des carburants fossiles pour la mobilité est un enjeu important, dans la mesure où les émissions des véhicules thermiques représentent 22 % des rejets de CO2 de l’Union européenne . De plus, en 2016, le nombre de décès prématurés lié aux particules fines émises par les moteurs diesel était estimé à 48000 en France .
Les limites des batteries au lithium
Bien que les technologies Li-ion possèdent de nombreux avantages, elles souffrent de plusieurs limitations. En plus d’un prix élevé, l’utilisation d’électrolytes liquides entraine des problèmes d’inflammabilité et de sécurité. Un mauvais fonctionnement de la batterie engendre la formation de dendrites de Li puis un court-circuit. L’échauffement qui en résulte peut entrainer l’inflammation de l’électrolyte. Ces électrolytes, à base de solvants carbonates et de sels de fluor, ne sont pas également sans impact sur l’environnement lors de leur fabrication. Les métaux utilisés dans les batteries posent également problème et il n’existe encore que très peu de filières industrielles pour le recyclage des batteries.
En plus du lithium, les systèmes commerciaux actuels sont composés en grande majorité de cathodes de type NMC. Parmi ces quatre éléments, la question de la disponibilité du cobalt et du lithium se pose, d’autant plus que la production du cobalt pour les batteries a augmenté de 14 % en 2014 par exemple. En 2016, environ 40 % de la production mondiale de cobalt et de lithium servait à la fabrication de batteries . Ces éléments ainsi que le graphite sont sur la liste de la Commission Européenne des éléments dits « en tension » (Critical raw materials) qui répertorie les éléments dont la demande et la répartition très localisée sur la planète engendre des risques de tensions géopolitiques . Par exemple, le lithium est produit principalement en Amérique du sud, tandis que le plus grand producteur de cobalt est la République démocratique du Congo. Les mines de cobalt y sont principalement situées dans la région du Kivu, en guerre depuis plus de 20 ans .
En plus de la rareté de ces ressources, l’extraction et le raffinement de ces métaux font souvent appel à des procédés polluants et consommateurs d’énergie tels que la pyrométallurgie. Un rapport de l’ADEME sur le cycle de vie du véhicule électrique montre que la production de CO2 lors de la fabrication de la batterie est supérieure à la quantité émise pour la fabrication du reste du véhicule .
Le recyclage des matériaux constituant la batterie est une solution pour éviter l’épuisement des ressources et diminuer l’impact sur l’environnement du cycle de vie de la batterie. Néanmoins, il est difficile d’obtenir un procédé qui soit à la fois neutre d’un point de vue environnemental et rentable. Ces procédés sont également rendus complexes à cause de la pureté qui doit être obtenue pour l’utilisation en batteries. Aujourd’hui le recyclage fait majoritairement appel à des procédés de pyrométallurgie et seuls le cobalt et le nickel sont récupérés. Des procédés plus propres voient cependant progressivement le jour et sont appelés à se développer, poussés par la quantité toujours plus importante de batteries à démanteler .
Aujourd’hui, les véhicules électriques sont uniquement des consommateurs d’électricité. Aussi, le passage d’une flotte de véhicules thermiques à une flotte de véhicules électriques ne semble pas changer le comportement des conducteurs dans la mesure où la voiture est stationnée la majorité du temps au domicile. En modifiant les systèmes de commandes des batteries et de recharge, la batterie du véhicule électrique pourrait être utilisée comme un soutien au réseau pour écrêter la pointe de consommation du soir ou emmagasiner les surplus de production des énergies renouvelables. Dans une étude de 2005, Kempton et Tomic montrent que dans une flotte électrique, 3 % des véhicules pourraient suffire à stabiliser un réseau électrique américain dans lequel la production d’électrique serait réalisée pour moitié par des éoliennes . Cette complémentarité entre les véhicules et le réseau est appelé Vehicle to Grid (V2G) .
La seconde vie des batteries de véhicules électriques est également un moyen de prolonger la durabilité des systèmes Li-ion et donc d’amortir un peu plus le coût énergétique de leur fabrication . Ce procédé consiste à réutiliser des batteries automobiles, dont la capacité ne serait plus assez importante, comme élément de stockage stationnaire. Afin d’être pleinement opérationnels, ces deux solutions nécessitent la production et l’utilisation d’une masse critique de batteries et de véhicules électriques .
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I. Contexte et Etat de l’art
1. La technologie Lithium-ion
A. Historique et principe général de fonctionnement
B. Les applications des batteries au lithium
i. Le stockage stationnaire
ii. Le véhicule électrique
iii. Les dispositifs portables
C. Les limites des batteries au lithium
D. Electrode négative : remplacement du graphite
i. Matériaux d’intercalation
ii. Matériaux de conversion
iii. Les alliages
2. L’anode de silicium
A. Les alliages Li-Si
B. Mécanismes de lithiation du silicium
i. Première lithiation/délithiation du silicium
ii. Lithiations et délithiations suivantes
C. Mécanismes de dégradation du silicium
i. Instabilité de la SEI
ii. Pulvérisation du silicium
D. Optimisation du silicium et de l’électrolyte
i. Nanostructuration du silicium
ii. Modification de l’électrolyte
iii. Recouvrement par une coquille de carbone
iv. Les alliages silicium-germanium
E. Conclusion intermédiaire
3. Evolution et stabilité de l’interface anode/électrolyte
A. Interface graphite/électrolyte
i. Modèle de la SEI sur le graphite
ii. Composition chimique de la SEI
iii. Mécanisme de croissance de la SEI
iv. Effet de la surface de carbone sur la SEI
v. Formation et évolution de la SEI en cyclage
B. Interface silicium/électrolyte
i. Evolution de la composition chimique en fonction de l’état de charge
ii. Influence de la variation volumique du silicium sur sa SEI
iii. Couche d’oxyde
iv. Epaisseur de la SEI
C. Interface nanoparticules Si@C/électrolyte
D. Conclusion intermédiaire
4. Nanocomposites silicium-carbone pour les anodes de batteries Li-ion
A. Synthèse par voie solide
i. Mécano-synthèse
ii. Electro-filage
B. Synthèse par voie liquide
i. Pyrolyse de précurseurs carbonés
ii. Composites multi-échelle
iii. Pyrolyse d’aérosol
C. Synthèse phase-gaz
i. Chemical Vapor Deposition (CVD)
ii. Plasma Enhanced Chemical Vapor Deposition (PECVD)
D. Pyrolyse laser
i. Particules à base de silicium
ii. Particules à base de carbone
iii. Pyrolyse laser à double étage
E. Conclusion intermédiaire
5. Objectifs de la thèse
Chapitre II. Méthodes : synthèse par pyrolyse laser et caractérisation par spectroscopie d’impédance électrochimique
1. La pyrolyse laser double étage, une méthode adaptée à la synthèse de nanoparticules cœur-coquille
A. Mécanismes réactionnels
i. Dissociation des précurseurs
ii. Nucléation
iii. Croissance des germes
iv. Coagulation
v. Conclusion intermédiaire
B. Mesure de la température de flamme
C. Montage expérimental de pyrolyse laser en simple et double étage
i. Systèmes optiques – laser et lentille de focalisation
ii. Gestion des flux de gaz
iii. Réacteur en configuration simple étage
iv. Réacteur en configuration double étage
v. Déroulement d’une synthèse par pyrolyse laser
D. Conclusion intermédiaire
2. La spectroscopie d’impédance, caractérisation operando de l’évolution des interfaces dans un système Li-ion
A. Généralités – Principe de mesure
i. L’impédance, généralisation de la loi d’Ohm
ii. Condition de pseudo-linéarité du système
iii. Expression mathématique et représentation du signal d’impédance
iv. Gamme de fréquence
B. Traitement du signal électrique – Affinement des données
i. Modélisation de l’électrolyte
ii. Modélisation des phénomènes de transfert de charge
iii. Modélisation de la SEI
iv. Modélisation de la diffusion
B. Spectroscopie d’impédance résolue en potentiel
C. Montage expérimental
i. Montage à deux électrodes
ii. Montage à trois électrodes
D. Conclusion intermédiaire
Chapitre III. Optimisation des caractéristiques des nanoparticules Si et Si@C par la synthèse
1. Taille du cœur de silicium – Etude paramétrique
A. Paramètres constants
i. Pression interne
ii. Débits de gaz d’entrainement
B. Effet des débits de gaz sur la température de flamme
i. Mesure de la température
ii. Dilution constante
iii. Effet du débit de silane
iv. Effet du débit d’hélium
v. Stratégie de synthèse
C. Résumé de la gamme de taille des matériaux
D. Conclusion intermédiaire
2. Cœur de silicium de 30 nm – Variation de l’épaisseur de la coquille de carbone
A. Optimisation des conditions expérimentales par modélisation
i. Situation antérieure et injection radiale
ii. Confinement du flux de particules au deuxième étage
iii. Conclusion sur la synthèse de nanoparticules Si30@C
B. Caractérisation des nanoparticules Si30@C
i. Taille et morphologie des particules
ii. Diffraction des rayons X
iii. Analyse Raman sur les nanoparticules Si30 et Si30@C
iv. Comparaison des états de surface des nanoparticules Si et Si@C
v. Conclusion intermédiaire
C. Evolution des caractéristiques de la couche de carbone
i. Images MET à Haute Résolution (METHR) et STEM-EELS
ii. Etude par spectroscopie Raman
iii. Etude de la porosité de la couche de carbone par BET
D. Conclusion intermédiaire
3. Dépôt de la coquille de carbone sur les cœurs de diamètres supérieurs à 30 nm
A. Nanoparticules Si80@C : synthèse et caractérisations
i. Synthèse par pyrolyse laser de particules Si80@C
ii. Caractérisations physico-chimiques
iii. Caractérisation de la nature du carbone formé
iv. Conclusion intermédiaire
B. Nanoparticules Si40@C : synthèse et caractérisations
i. Synthèse des nanoparticules Si40@C
ii. Caractérisations physico-chimiques des nanoparticules Si40@C
4. Insertion d’azote dans la coquille de carbone
A. Synthèse des matériaux étudiés
B. Caractérisations des nanoparticules et du dopage à l’azote
C. Conclusion intermédiaire
5. Conclusions du chapitre
Conclusion générale