Le cancer du nasopharynx reste sans doute le plus grand défi des traitements en radiothérapie malgré les grandes avancées technologiques réalisées dans ce domaine d’une part du fait de la complexité de son anatomie et d’autre part du fait des rapports étroits avec les organes qui l’entourent. Pour mieux répondre aux difficultés liées à son irradiation, des techniques de radiothérapie plus sophistiquées comme la radiothérapie conformationnelle par modulation d’intensité (RCMI ou IMRT: Intensity-Modulated Radiotherapy) et plus récemment l’arcthérapie ou VMAT (Volumetric Modulated Arc Therapy : modulation volumétrique par arcthérapie) ont vu le jour et sont d’ailleurs actuellement reconnues comme étant le traitement standard dans les cancers de la sphère ORL. Mais, il est à souligner que ces techniques restent encore inaccessibles dans certaines régions notamment dans notre contexte, faisant de la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle (ou RC3D) la seule arme thérapeutique dont on dispose dans le secteur public malgré son infériorité prouvée en termes d’efficacité et surtout de toxicité. La planification classique de RC3D consiste en une irradiation par deux faisceaux latéraux de photons jusqu’à la dose maximale permise sur la moelle épinière puis une réduction de ces faisceaux en postérieur pour la protéger. La dose est ensuite complétée au volume tumoral par l’adjonction de faisceaux d’électrons. [27,44] Cette technique de planification requiert une très grande logistique par la réalisation de blocs personnalisés pour les faisceaux d’électrons entre autres ce qui constitue une énorme charge de travail. L’inconvénient majeur reste dosimétrique ; d’une part, mixer un faisceau d’électrons à un faisceau de photons crée des points chauds dans le champ des photons pouvant aller jusqu’à 125% de la dose prescrite pour une norme de 107%, entraînant ainsi une mauvaise couverture du volume à traiter et un surdosage aux organes avoisinants notamment les glandes parotides. Et d’autre part, l’utilisation de caches personnalisées augmente les incertitudes dosimétriques en créant pendant le traitement des points chauds supplémentaires voire des points froids. [44] Ceci a motivé, dès le début des années 90, plusieurs auteurs parmi lesquels Kutcher et al. à étudier de nouvelles techniques de planification de RC3D basées sur l’utilisation de champs supplémentaires et/ou de leur segmentation permettant de « court-circuiter » au maximum la moelle et les autres organes à risque et de se départir de l’utilisation des électrons ; ce sont les techniques des multi-champs et plus récemment celles des multifaisceaux qui commencent à voir le jour avec comme objectif premier d’avoir une meilleure distribution de la dose aux volumes cibles mais actuellement de plus en plus centré sur une meilleure protection des organes à risques notamment les glandes parotides. Ainsi, on parvient de mieux en mieux à améliorer les objectifs de traitement en RC3D en se rapprochant de plus en plus des résultats obtenus avec les techniques standards actuels.
Epidémiologie
Incidence
Les carcinomes du nasopharynx sont relativement rares comparés aux autres types de cancer ; en 2012, on rapportait 86 500 cas dans le monde soit 0,6% des cancers diagnostiqués sur la même période. [18] Sa répartition géographique est une de ses particularités la plus caractéristique ; trois zones ont été identifiées selon l’incidence :
– Une zone endémique à haute incidence représentée par l’Asie du Sud- Est (en particulier la Chine du Sud) avec 25 à 50 cas/100 000/an et jusqu’à 80/100 000 au sein de la population d’origine cantonaise habitant la région Sud-Est de la Chine et HongKong. Il représente le cancer le plus fréquent de la tête et du cou et la 6ème cause de décès par cancer.
– Incidence intermédiaire (3 à 15/100 000/an) dans le bassin méditerranéen (nord de l’Afrique et Moyen-Orient) et parmi les Esquimaux d’Alaska et du Groenland.
– Incidence faible en Europe de l’Est et aux Etats-Unis (<1/100 000 habitants/an).
Au Sénégal, une étude de 2017 enregistrait 91 cas de cancers nasopharyngés entre 2007 et 2016 dont 89% de carcinomes et observait à partir de 2013 une augmentation annuelle de l’incidence avec près de trois (3) fois plus de cas que les années précédentes.
Age et sexe :
Il s’agit d’un cancer à prédominance masculine avec un ratio de 2 à 3. Il survient à tous les âges mais décrit globalement des pics d’incidence entre 40 et 50 ans variables en fonction des zones à risque.
Étiopathogénie :
Des facteurs différents interviennent dans la genèse des cancers du cavum et les différentes études suggèrent une origine multifactorielle entre des facteurs viraux notamment l’infection au virus Epstein-Barr (EBV), des facteurs génétiques et environnementaux. L’infection à EBV qui touche près de 90% de la population est responsable d’un certain nombre de cancers notamment certains lymphomes et cancers gastriques mais est aussi impliquée dans la plupart des cancers du nasopharynx. La présence de marqueurs viraux dans les cellules tumorales épithéliales et un taux élevé d’anticorps anti-EBV sont d’un grand intérêt pour le diagnostic, particulièrement dans les cancers ORL à primitif inconnu. L’essai de phase II-III NRG-HN001 est en cours pour tenter de voir si l’utilisation de cette quantification de l’ADN viral pourrait permettre la personnalisation du traitement adjuvant des cancers du nasopharynx. Est aussi incriminé le human papillomavirus (HPV) qui serait plutôt associé à la forme non-endémique. Du fait de la faible prévalence de cette forme non-endémique, les preuves restent limitées. Le HPV serait associé à une survie et un contrôle local plus pauvres tandis qu’avec l’EBV, les métastases à distances seraient plus fréquentes. [8,18,26,55] La notion de prédisposition génétique est suggérée par l’existence de cas familiaux d’UCNT (undifferenciated carcinoma nasopharyngeal type) du cavum dans les zones de forte incidence. Des études chromosomiques ont retrouvé des susceptibilités génétiques mais il est à noter qu’elles étaient davantage basées sur l’étude de groupes familiaux que sur une population à large spectre. [26,55] Les facteurs environnementaux sont surtout alimentaires, associés à la consommation de produit de conservation traditionnel contenant des nitrosamines. L’exposition dans l’enfance semble être un facteur aggravant. Selon les régions, il s’agit de la consommation de poissons, de viande ou graisse salés ou séchés, de piment rouge (harissa) ou de saumures de fruits et légumes. L’exposition professionnelle à la poussière de bois ou aux chlorophénols augmenteraient aussi le risque de cancer du nasopharynx. [10,18,26,55] Le tabac multiplierait par 2 à 6 fois le risque de survenue de ce cancer. Par contre, le rôle de l’association avec l’alcool n’est pas retrouvé comme dans les autres cancers du pharynx et du larynx.
Anatomie
Situation et description
Partie supérieure du pharynx, le nasopharynx est un organe impair et médian, situé au contact de la base du crâne, en arrière des choanes, au-dessus de l’oropharynx dont il est séparé par le palais mou ; et en avant des deux premières vertèbres cervicales.
Paroi supérieure (ou postéro-supérieure) :
C’est un plan osseux incliné en bas et en arrière et correspond aux deux tiers postérieurs de la face inférieure du corps de l’os sphénoïde et de la partie basilaire de l’os occipital. Elle se poursuit en légère pente par la paroi postérieure.
Paroi postérieure :
Elle fait suite à la paroi supérieure en arrière. Elle est constituée en haut par la partie basilaire de l’os occipital et en bas par la membrane atlanto-occipitale.
Paroi antérieure :
En avant le cavum communique directement avec les fosses nasales par les choanes qui sont séparées par la cloison médiane ou septum. Entre le nasopharynx et les fosses nasales, il n’existe pas de barrières physiques.
Paroi inférieure :
Elle est formée par la face dorsale du voile du palais oblique en bas, presque verticale au repos, qui prolonge le plancher des cavités nasales. En arrière du voile du palais, l’ostium intrapharyngien fait communiquer le nasopharynx et l’oropharynx.
Parois latérales :
Elles sont musculo-aponévrotiques sauf en avant où elles s’appliquent sur les processus ptérygoïdes. Elles séparent le nasopharynx des espaces parapharyngés rétro-styliens et préstyliens et de leur contenu vasculaire et nerveux. La paroi latérale est en grande partie constituée par l’aile interne de l’apophyse ptérygoïde et la trompe d‘Eustache. Entre l’éminence tubaire ou pli salpingo-pharyngien et la paroi postérieure du nasopharynx se trouve une dépression profonde, c’est la fossette de Rosenmüller. Cette excavation a deux versants : l’un postérieur formé par la paroi postérieure du rhinopharynx ; l’autre antérieur constitué par la paroi postéro interne saillante de la trompe fibro-cartilagineuse. Les parois latérales sont le siège de plusieurs reliefs muqueux que sont :
– L’ostium pharyngien ou orifice tubaire de la trompe auditive situé au centre de la paroi latérale
– Le torus tubaire : repli musculo-aponévrotique saillant au-dessus et en arrière de l’ostium pharyngien
– Le récessus pharyngien latéral (ou fossette de Rosenmüller) : situé entre le torus tubaire et la paroi postérieure (siège d’environ 50% des carcinomes du nasopharynx) récessus sus pharyngien : situé entre le torus tubaire et la paroi supérieure.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Epidémiologie
1. Incidence
2. Age et sexe
3. Étiopathogénie
II. Anatomie
1. Situation et description
2. Rapports
3. Vascularisation et innervation
III. Anatomo-pathologie
IV. Histoire naturelle et modalités d’extension
V. Diagnostic positif
1. Circonstances de découverte
2. Bilan clinique
3. Examens complémentaires
VI. Classification
VII. Facteurs pronostiques
VIII. Traitement
1. Chirurgie
2. Chimiothérapie
3. Radiothérapie
IX. Toxicité et surveillance
X. Suivi
DEUXIEME PARTIE
I. Objectif
II. Matériels et méthodes
1. Système de planification et machines de traitement
2. Population de l’étude
3. Scanner de repérage et volumes d’intérêt
4. Prescription des doses
5. Planification du traitement
6. Evaluation des plans de traitement
III. Résultats
1. Caractéristiques de la population
2. Analyse des doses aux organes à risque
3. Analyse des doses aux volumes cibles
IV. Discussion
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
RESUME