La technique d’ablation laser

La technique d’ablation laser 

Principe de l’ablation laser

L’acronyme LASER signifie Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation (Amplification de la Lumière par Émission Stimulée du Rayonnement). Comme l’indique son nom, le laser est un dispositif qui consiste à créer et amplifier un faisceau de lumière et produit une lumière hautement directionnelle. Il émet de la lumière par un processus appelé émission stimulée (ou émission induite) différent de l’émission spontanée classique. Le principe de fonctionnement du laser a été décrit en 1917 par Albert Einstein, mais il faut attendre les années soixante pour voir les premiers appareils. Il repose sur des phénomènes d’origine purement quantique qui décrivent l’interaction d’un atome avec la lumière et est brièvement résumé ci-dessous (Fig. I-2).

-L’absorption : dans ce processus, les atomes sont excités par l’absorption d’un photon. Les électrons à l’état fondamental absorbent l’énergie du photon (ce dernier disparaît) et passent du niveau E1 à E2.

-L’émission spontanée : généralement un électron reste dans un état excité pendant une période d’environ 10-6 s puis il retourne spontanément à l’état inférieur (niveau E1). La perte d’énergie potentielle donne lieu à l’émission spontanée. La direction, la phase et la polarisation du photon émis sont aléatoires (Rullière, 2005). C’est un phénomène naturel de retour à l’état fondamental de plus basse énergie qui se produit dans de nombreuses sources lumineuses.

-L’émission stimulée : c’est le processus par lequel un photon incident de bonne énergie hν = E2 – E1 interagit avec un électron excité. Ceci produit l’émission d’un deuxième photon qui a la même énergie, la même direction de propagation, le même état de polarisation et une phase identique que le photon incident. Le processus d’émission stimulée est très rapide par rapport au processus d’émission spontanée.

Cependant, la seule découverte d’émission stimulée n’est pas suffisante pour créer le laser. En effet pour avoir une amplification de la lumière dans un laser, il est nécessaire que le nombre d’atomes dans l’état excité soit plus conséquent que celui dans l’état fondamental. Or dans les conditions normales (à l’équilibre thermodynamique) plus un niveau d’énergie est élevé moins il est peuplé. Pour amplifier la lumière, il faut donc inverser la population, c’est-à-dire peupler sélectivement un état excité jusqu’à rendre la population dans cet état plus grande que celui de l’état fondamental. Cette inversion de population est induite par un dispositif de pompage externe, généralement optique ou électrique, de sorte que quelques photons d’énergie propre déclenchent la formation d’une cascade de photons de la même énergie. Cette dernière est focalisée à la surface de l’échantillon et il en résulte la création d’un aérosol qui est ensuite transporté vers l’ICP-MS. Le faisceau laser est différent des autres sources de lumière, du fait que celui-ci ne possède pas les mêmes caractéristiques que ces dernières. Il se caractérise par un degré extrêmement élevé de monochromaticité (longueur d’onde très précise), de cohérence (spatiale et temporelle à la fois) et de directivité (très peu divergent). À ces propriétés s’ajoute une autre, il s’agit de la capacité de produire de très courtes impulsions lumineuses. Celle-ci, bien que peut-être moins fondamentale, est néanmoins très importante (Vogt and Latkoczy, 2005). L’ensemble de toutes ces caractéristiques constitue la base de l’utilisation du laser et le rend particulièrement intéressant. L’ablation laser devient alors la technique de couplage la plus fréquemment utilisée avec la spectrométrie de masse à source ICP. La bibliographie sur l’ablation laser couplée à l’ICP-MS a connu une croissance « quasi exponentielle» au cours de ces dernières années avec l’utilisation des lasers nanosecondes, picosecondes et le développement des lasers femtosecondes (Miller, 2003). Il existe actuellement une grande diversité de laser ayant des caractéristiques différentes telles que la durée d’impulsion, la longueur d’onde, la cadence de  etc. Le choix ou l’orientation vers un type de laser s’effectue en fonction des besoins analytiques et/ou du moyen financier .

Les différents types de laser utilisés 

Les lasers nanosecondes

Dans la famille des lasers nanosecondes (durée de l’impulsion laser 10-9 s) les plus communément utilisés sont les lasers solides du type Nd:YAG (pour Neodymium-Doped Yttrium Aluminium Garnet ou Grenat d’Yttrium-Aluminium dopé en Néodyme) et les lasers à gaz de type laser excimer (acronyme pour EXCIted diMER).

Les lasers Nd:YAG
Le laser Nd:YAG est un laser dont le milieu amplificateur est un solide (un cristal, le YAG) dopé par les ions Nd3+. Les premiers lasers Nd:YAG développés fonctionnaient à la longueur d’onde fondamentale qui est de 1064 nm (dans l’infrarouge). Ceux-ci ont la capacité de rendre possible l’application d’une grande quantité d’énergie, et donc l’obtention d’une forte puissance. Cependant dans certains cas, l’utilisation de cette longueur d’onde fondamentale peut poser des problèmes lors de l’analyse (ablation hétérogène, taille des particules ablatées trop grandes…). Pour certaines matrices (verre, quartz…), les radiations infrarouges sont très peu absorbées et ceci met en évidence les limites d’application de celles-ci. C’est pourquoi de nos jours l’écrasante majorité des lasers Nd:YAG utilisés ont une longueur d’onde de 266 nm ou 213 nm (4ème et 5ème harmonique respectivement). Cette réduction de longueur d’onde dans l’ultra-violet (UV) s’effectue au moyen des générateurs d’harmonique mais celle-ci est suivie d’une forte réduction d’énergie (on passe de 2000 mJ à 1064 nm à 20 mJ maximum à 213 nm). Toutefois, Guillong and Günther, (2002); Gunther et al., (1997) ont pu montrer que la distribution granulométrique dépend de la longueur d’onde du laser et du comportement d’absorption de l’échantillon. En effet, plus la longueur d’onde des radiations lasers est courte, plus les particules produites sont fines. Ceci permet d’avoir une meilleure stabilité du signal ICP-MS et donc une faible variation de l’intensité du signal.

Les lasers à excimère
Les lasers à excimère (ou encore appelés les lasers à exciplexe) sont des lasers qui émettent dans l’ultra-violet et peuvent opérer à des cadences (fréquences de tirs) élevées. Le milieu amplificateur n’est plus un solide comme dans le cas des lasers à Nd:YAG mais une association à très courte durée de vie d’un atome de gaz rare (Ar, Kr ou Xe) et d’un atome d’halogène (Cl ou F) dans un état excité, et créé par une décharge électrique (Subran, Sagaut and Lapointe, 2009). Ce sont les lasers les plus puissants dans l’ultra-violet et ils permettent d’obtenir des longueurs d’onde de plus en plus courtes en fonction du type de gaz utilisé et ce, sans perte d’énergie. Bien que ce type de laser existe avec différentes longueurs d’onde (157, 193, 222, 248, 308, 351 nm…), ceux qui sont les plus couramment utilisés sont les lasers ArF (λ = 193 nm) et les lasers KrF (λ = 248 nm). Ils sont utilisés dans une variété d’applications industrielles dont les plus courantes sont la photolithographie et la chirurgie oculaire.

Les lasers femtosecondes 

Développés depuis les années 90, les lasers femtosecondes (fs LA) appelés encore, ultrarapides ou ultra-brefs, sont un type de laser qui produit des impulsions ultracourtes (en quelque 10-15 s). La durée de ces impulsions est un million de fois plus courte que celle des lasers nanosecondes. Pour produire les impulsions femtosecondes, ces lasers font appel à la technique dite de « blocage de mode » (mode-locking) en utilisant des colorants comme milieu amplificateur (Lazare and Mottay, 2007). On distingue le blocage de mode actif obtenu par exemple en utilisant un dispositif électro ou acousto-optique, du mode passif obtenu en utilisant un absorbant saturable dans la cavité (Keller, 2003). Mais en pratique c’est la méthode du blocage en mode passif qui est utilisé en grande majorité (Keller, 2003).

Ces lasers permettent de diminuer fortement les effets thermiques lors de l’ablation et de réaliser des analyses sur une large gamme des échantillons. De nombreuses publications (Liu et al., 2003; Poitrasson et al., 2003; Mozná et al., 2006; Gonzalez, Liu, S. B. Wen, et al., 2007; Gonzalez, Liu, S.-B. Wen, et al., 2007; Shaheen, Gagnon and Fryer, 2012; Poitrasson and D’Abzac, 2017) ont comparé les performances analytiques d’un laser nanoseconde par rapport un laser femtoseconde (couplé à l’ICP-MS) sur différents types d’échantillons. Les analyses avec ce dernier se sont révélées supérieures à celles d’un laser nanoseconde en terme de précision, de sensibilité, de reproductibilité, de résolution spatiale et de justesse. En effet, l’utilisation d’un laser femtoseconde permet d’éliminer « presque » tous les inconvénients rencontrés avec l’utilisation d’un laser nanoseconde. Par exemple, l’effet délétère de fusion observé lors d’une ablation nanoseconde est limité essentiellement à une très petite couche audelà des parois du cratère lorsqu’une ablation femtoseconde est utilisée (Poitrasson and D’Abzac, 2017). Par conséquent, à des fluences appropriées, l’ablation laser femtoseconde est presque athermique. Aussi, les particules produites lors d’une ablation laser femtoseconde sont très fines (granulométrie proche de 0,1 à 0,2 µm), celles-ci sont facilement transportées et ionisées dans la torche ICP (Liu et al., 2003; Mozná et al., 2006; Gonzalez, Liu, S.-B. Wen, et al., 2007; Shaheen, Gagnon and Fryer, 2012). Mais il faut cependant noter que la taille des particules dépend aussi de la longueur d’onde du laser utilisée (Guillong and Günther, 2002). L’utilisation des lasers femtosecondes permet aussi d’améliorer la sensibilité et de limiter le fractionnement chimique (ablation non stœchiométrique, voir § II.4) (Poitrasson and D’Abzac, 2017). Gonzalez et al., (2007b) ont par exemple observé un gain en sensibilité du Zn d’un facteur environ 23 à 50 dans le standard certifié de zinc NIST 627 et une poudre de Zn pure respectivement (Fig. I-3). De plus, le signal obtenu avec l’ablation femtoseconde est beaucoup moins bruité que celui obtenu avec l’ablation nanoseconde. Les effets de matrices sont quasi inexistants (voire, totalement supprimés) avec l’utilisation des impulsions femtosecondes, ce qui permet d’effectuer des étalonnages plus précis à partir d’étalons de matrice différente de celle de l’échantillon (Poitrasson et al., 2003; Gonzalez et al., 2004; Bian et al., 2005).

Ainsi, l’ablation femtoseconde conduit à l’amélioration des performances analytiques. Cependant, les applications du fs-LA-ICP-MS sont limitées en raison du coût élevé et la maintenance des lasers femtosecondes. Aussi, l’utilisation de ce type de laser reste complexe malgré les efforts de simplification accomplis. De plus, les lasers nanosecondes ont bénéficié entre temps d’un développement technologique considérable (réduction de la longueur d’onde, limitation des effets thermiques…). Des stratégies ont été élaborées pour obtenir des données plus fiables, ce qui rend dans certains cas, l’utilisation de laser femtoseconde moins intéressante (Poitrasson and D’Abzac, 2017).

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Table des matières

Introduction Générale
Chapitre 1 : (Ablation Laser) couplée, à l’ICP-MS-HR : outil analytique pour l’analyse élémentaire d’échantillons solides
I. Généralités
II. La technique d’ablation laser
II.1 Principe de l’ablation laser
II.2 Les différents types de laser utilisés
II.2.1 Les lasers nanosecondes
II.2.2 Les lasers femtosecondes
II.3 Interaction laser-matière
II.4 Fractionnement élémentaire
III. La spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif
III.1 Système d’introduction des échantillons
III.2 Torche à plasma
III.3 Les différents types d’ICP-MS pour l’analyse élémentaire
III.3.1 ICP-MS quadripôlaire
III.3.2 ICP-MS-HR
III.4 Les interférences en ICP- Z
III.4.1 Les interférences non spectrales
III.4.2 Les interférences spectrales
IV. Comparaison des deux modes de fonctionnement de l’ICP-MS-HR : AL-ICP-MS vs ICP-MS solution
V. Conclusion, objectifs et démarches de ce travail
Références bibliographiques
Chapitre 2 : (AL)-ICP-MS-HR, outil de cartographie élémentaire 2D et d’enregistrement temporel de la teneur d’uranium dans les cernes de chênes (Quercus petraea) d’un ancien site minier uranifère
I. Contexte scientifique et objectifs
I.1 Généralités sur les mines d’uranium en France
I.2 Cernes d’arbre : témoin du passé d’un site
I.3 Objectifs de cette étude
II. Description du site de Rophin
III. Matériels et Méthodes
III.1 Stratégie d’échantillonnage
III.2 Caractérisation des échantillons
III.3 Préparation des étalons et des échantillons pour les deux techniques d’analyse
III.3.1 Analyse par AL-ICP-MS-HR
III.3.2 Analyse par ICP-MS-HR solution
III.4 Optimisation des paramètres de (AL)-ICP-MS-HR
III.5 Méthodologie pour la cartographie élémentaire quantitative à deux dimensions (2D)
III.6 Traitement des données
III.6.1 Calcul des concentrations et les erreurs associées
III.6.2 Limites de détection
IV. Résultats et discussion
IV.1 Distribution de l’uranium dans les cernes d’arbre
IV.2 Quantification de l’uranium des échantillons par AL-ICP-MS-HR
IV.3 Comparaison Laser vs Solution
IV.4 Enregistrement temporel de la teneur d’uranium
V. Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre 3 : (AL)-ICP-MS-HR comme outil de quantification d’éléments dans l’argilite du Callovo-Oxfordien (COx) : application pour la détermination des Kd
I. Contexte de l’étude
I.1 L’argilite du Callovo-Oxfordien
I.1.1 Composition minéralogique
I.1.2 Composition de l’eau synthétique du COx
II. Objectifs de cette étude
Partie A : Étude du comportement des éléments naturellement présents dans les argilites du COx
I. Introduction
II. Matériels et méthodes
II.1 Protocole des expériences de désorption en batch
II.1.1 Préparation de l’eau synthétique du COx
II.1.2 Protocole d’étude de désorption en batch
II.1.3 Étude de la cinétique de désorption
II.1.4 Mesure du pH
II.2 Protocole de préparation des échantillons destinés aux analyses de distribution des éléments dans les différentes phases
II.2.1 Préparation des lames minces
II.2.2 Caractérisation des différentes phases
II.3 Paramètres opératoires (AL)-ICP-MS-HR
II.3.1 Paramètres d’AL-ICP-MS-HR pour la méthode « Sum normalization »
II.3.2 Paramètres AL-ICP-MS-HR pour évaluer la distribution des éléments dans les différentes phases minérales du COx
II.3.2 Conditions opératoires pour les analyses en ICP-MS-HR solution
II.4 Traitement des données
III. Résultats et discussions
III.1 Application de la méthode « Sum-normalization » à l’argilite du COx
III.1.1 Validation de la méthode
III.1.2 Quantification des éléments dans le COx
III.2 Distribution des éléments d’intérêt dans les différentes phases minérales de l’argilite du COx
III.3 Détermination de la part labile et des Kd « in situ »
III.3.1 Présentation de la méthode
III.3.2 Analyse élémentaire par ICP-MS-HR
III.3.3 Interprétation des données
IV. Conclusion
Références bibliographiques
Partie B : Expérimentations in situ sur des échantillons intacts : focus sur l’europium
I. Introduction
II. Conditions expérimentales
II.1 Méthodologie
II.2 Préparation des pastilles de COx à doper
II.3 Caractérisation des pastilles
II.4 Système de percolation
II.4.1 Dispositif expérimental
II.4.2 Hydratation des échantillons
II.4.3 Dopage des échantillons par la solution d’europium
II.4.4 Micro-analyse de l’europium par AL-ICP-MS-HR
III. Résultats et discussions
III.1 Suivi des eaux de sortie
III.2 Quantification de l’europium à la surface des échantillons dopés
III.3 Profil de concentration l’europium en fonction de l’épaisseur
IV. Conclusion
Références bibliographiques
Conclusion générale

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