La synthèse des ribosomes entraîne la formation du nucléole

Les ribosomes sont des complexes ribonucléoprotéiques (RNP), constitués d’ARN ribosomiques (ARNr) et de protéines ribosomiques (PRs). Deux sous-unités (une grande et une petite) forment ce complexe, dont le rôle est de traduire les ARN messagers (ARNm) en enchaînement d’acides aminés dans les cellules de tous les organismes vivants. La traduction étant un processus vital pour la cellule, les séquences des ARNr comme des PRs ont été extrêmement conservées au cours de l’évolution.

Chez les procaryotes, la grande sous-unité 50S est composée d’ARNr 23S, ARNr 5S et de 34 PRs et la petite sous-unité 30S est constituée d’ARNr 16S et de 21 PRs. Chez les eucaryotes, la petite sous-unité 40S est constituée d’un ARNr 18S associé à 33 protéines ribosomiques. La grande 60S elle est constituée des ARNr 5S, 5.8S et 25S (chez la levure et les végétaux) ou 28S (chez les métazoaires), associés à environ 47 PRs (Weis et al. 2015). La petite sous-unité (30S ou 40S) contient les sites où les ARN de transfert se ixent sur l’ARNm. La grande sous-unité contient le centre peptidyl-transférase, qui catalyse la synthèse de la liaison peptidique entre les acides aminés consécutifs de la protéine (Weis et al. 2015).

Les ARNr constituent le squelete des ribosomes et sont également responsables de leur activité catalytique. En efet, ces ribozymes se replient dans l’espace pour former les sites actifs responsables de la synthèse de protéines, comme le centre peptidyltransférase (Anderson et al. 2007). Les organismes procaryotes possèdent un ou plusieurs opérons codant pour les ARN ribosomiques 16S, 23S et 5S (Klappenbach, 2001). Chez les eucaryotes, les gènes codant pour le précurseur d’ARNr 35S (chez la levure), 45S (chez les végétaux et une grande partie des métazoaires) ou 47S (chez les mammifères), sont répétés en tandem (des centaines voire des milliers de fois en fonction de l’organisme) dans une ou plusieurs régions spéciiques du génome (Garcia et al. 2014 ; Sochorová, 2018). Ces régions s’appellent NORs pour «Nucleolus Organizer Regions» (McClintock, 1934).

Au sein des NORs, les gènes d’ARNr 35S/45S/47S sont séparés entre eux par un espaceur intergénique non transcrit (IGS) et possèdent la séquence codant pour les ARNr 18S, 5,8S et 25S/28S (Figure 1.1). Ces ARNr sont transcrits par l’ARN Polymérase I (ARN Pol I) en un seul précurseur polycistronique dans le nucléole (Saez-Vasqez et Delseny, 2019 ; Weis et al. 2015).

Au microscope électronique, les gènes d’ARNr 35S/45S/47S en cours de transcription peuvent être visualisés grâce à la présence de structures en «arbre de Noël» (Miller et Beatty, 1969). Le tronc de chaque arbre représente l’ADNr et les branches désignent les pré-ARNr en cours de transcription. Les sphères localisées à l’extrémité de chaque branche correspondent aux complexes de maturation et d’assemblage des sous unités ribosomiques. Les gènes d’ARNr 5S sont également organisés en séquences répétées et leur localisation au sein du génome est variable en fonction de l’espèce (Garcia et al. 2014 ; Sochorová, 2018). Ils sont transcrits par l’ARN polymérase III (ARN Pol III). Chez les eucaryotes, les PRs sont produites dans le cytoplasme puis relocalisées dans le nucléole (Weis et al. 2015).

Les précurseurs d’ARNr 35S/45S/47S et 5S subissent des événements de clivage, des repliements et des modiications épitranscriptomiques (modiications chimiques posttranscriptionnelles des riboses, comme la méthylation ou la pseudourydilation). Ces modiications sont réalisées au niveau de sites spéciiques, très conservés au cours de l’évolution, par des petits complexes ribonucléoprotéiques nucléolaires spécialisés (snoRNPs pour small nucleolar RNPs) (revu dans : Saez-Vasqez et Delseny, 2019 ; Watkins et Bohnsack, 2012). La spéciicité des modiications épitranscriptomiques est rendue possible par l’action de petits ARNs nucléolaires (snoARNs) qui s’hybrident au niveau des sites à modiier. Grâce à cete ixation, ils guident le complexe enzymatique sur sa cible (Bachellerie et Cavaillé, 1997 ; Filipowicz et al. 1999). Par exemple, la Fibrillarine (FIB) possède l’activité catalytique responsable de la 2’-o-méthylation des riboses au sein du complexe snoRNP de type C/D du même nom (Galardi et al. 2002). Ces diférentes étapes de maturation se déroulent dans un ordre précis, en parallèle avec les événements de transcription et d’assemblage avec les PRs (Granneman et Baserga, 2005 ; Turowski et Tollervey, 2015 ; Weis et al. 2015). Parmi les protéines importantes impliquées dans la biogenèse des ribosomes se trouve également la Nucléoline, une des protéines les plus abondantes du nucléole (Andersen et al. 2005). Cete protéine joue un rôle majeur dans les processus de transcription et de maturation des précurseurs d’ARNr 35/45/47S, ainsi que dans l’assemblage des ARNr et des PRs en pré-sous unités ribosomiques (Ginisty et al. 1999). Finalement, les pré sous-unités ribosomiques (40S et 60S) sont exportées vers le cytoplasme où, après avoir subi d’ultimes modiications, elles s’assembleront autour d’un ARNm pour former un ribosome fonctionnel 80S et éventuellement initier la traduction.

La biogenèse des ribosomes est un processus très énergivore, conservé au cours de l’évolution et nécessaire à la croissance, à la prolifération et à l’homéostasie des cellules. Ce processus requiert l’intervention de plusieurs centaines de facteurs protéiques et snoRNPs, qui œuvrent ensemble autour des gènes codant pour les pré-ARNr 35/45/47S activement transcrits (Mélèse et Xue, 1995). Le résultat de cete agglomération est la formation du plus grand compartiment du noyau, le nucléole. Le nucléole est un organelle dépourvu de membrane mais qui possède des propriétés physiques et chimiques qui le séparent du reste du nucléoplasme. En efet, le nucléole fait partie des organelles cellulaires sans membrane qui sont «phase séparés» (Brangwynne et al. 2011), c’est à dire qui se comportent in vivo comme un luide très dense et non miscible avec le reste du milieu (Mitrea et Kriwacki, 2016). La séparation de phase liquide-liquide des organelles sans membrane dépend des caractéristiques physico-chimiques des ARNs et des protéines présentes (la composition en acides aminés et le type de domaines de ces dernières). Ainsi que de la concentration totale de l’ensemble de ces facteurs (Mitrea et Kriwacki, 2016).

Dans le cas du nucléole, la machinerie de transcription des ARNr et les facteurs associés sont les composants plus importants pour son assemblage (Brangwynne et al. 2011). En efet, la formation du nucléole est initiée par l’activation transcriptionnelle de l’ARN Pol I et l’arrêt de la transcription dissout le nucléole (Brangwynne et al. 2011 ; Mitrea et Kriwacki, 2016). La Fibrillarine et la Nucléoline sont aussi importantes pour cete séparation de phase liquide-liquide (Mitrea et Kriwacki, 2016). Ainsi, l’intégrité structurelle du nucléole dépend des intéractions entre l’ensemble de protéines et d’acides nucléiques impliqués dans la biogenèse des ribosomes et de leurs concentrations. Par conséquent, la taille du ou des nucléoles dans le noyau est étroitement liée aux besoins cellulaires en traduction (Mitrea et Kriwacki, 2016).

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Table des matières

Introduction générale
1 Le Nucléole
1.1 La synthèse des ribosomes entraîne la formation du nucléole
1.1.1 La stucture du nucléole
1.2 Le nucléole, un organelle multifonctionnel
1.2.1 Le nucléole et le métabolisme d’ARNs non ribosomiques
1.2.2 Le nucléole et la maturation de complexes snRNP et snoRNP
1.2.3 Le nucléole en tant que senseur de stress et dans la réponse au stress
1.2.4 Le nucléole dans la régulation du cycle cellulaire
1.3 Le Nucléole et l’architecture de la chromatine
1.3.1 Diférents niveaux d’organisation chromatinienne
1.3.1.1 Nucléosome, modiications épigénétiques et la compaction de l’ADN
1.3.1.2 L’architecture tridimensionnelle de la chromatine
Les interactions intra- et inter- chromosomiques
Les Compartiments A et B du Génome et Les Domaines Chromatiniens
1.3.1.3 La localisation spatiale
1.3.2 Les Domaines chromatiniens associés au nucléole
1.3.2.1 La périphérie nucléaire et nucléolaire comme lieu d’ancrage de l’hétérochromatine
2 L’ADN ribosomique
2.1 Structure et localisation de l’ADNr
2.2 La variabilité du nombre de copies de gènes d’ARNr
2.3 L’instabilité de l’ADNr
2.4 L’ADNr et la stabilité génomique
2.4.1 Le nombre de copies de gènes d’ARN ribosomique n’est pas lié au besoin transcriptionnel
2.4.2 Importance de l’ADN ribosomique hétérochromatique dans la stabilité du génome
Conclusion générale

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